Oublier Long Couteau

Leekens revient au Canonnier mais va s’asseoir sur le banc de Lokeren. L’Excel a-t-il perdu au change en enrôlant Brys ?

Lundi 28 mai : l’Excelsior Mouscron envoie un communiqué à toutes les rédactions du pays, annonçant qu’un accord avait été trouvé avec Georges Leekens pour un troisième bail au Canonnier. Quelques heures plus tard, l’entraîneur – toujours lié pour une saison à La Gantoise – apporte un démenti formel par l’intermédiaire de l’avocat Me Laurent Denis. On reproche à la nouvelle direction mouscronnoise d’avoir commis une grave erreur, liée à l’inexpérience, en faisant cette annonce avant la signature du contrat. Toujours est-il que le mardi, Leekens pose – face aux objectifs des photographes – avec Michel Louwagie, le manager de Gand. Les deux hommes sont tout sourire : l’entraîneur a, semble-t-il, accepté de prolonger son bail au stade Otten où il officie déjà depuis trois saisons.

Mais alors que la photo paraît dans les journaux du mercredi, Leekens organise une conférence de presse à Torhout pour annoncer que sa future destination sera… Lokeren ! Tout le monde est pris à contre-pied. Le vendredi, Mouscron organise à son tour une conférence de presse pour présenter son nouvel entraîneur. A la surprise générale, c’est Marc Brys qui se présente sur le podium. Il est accueilli, il faut bien l’avouer, avec un certain scepticisme. Brys n’est pas très connu en Wallonie et ne répond pas au profil de l’entraîneur de renom qui avait été annoncé. On reproche à la direction technique du club d’avoir agi dans la précipitation. C’est vrai que tout est allé très vite, mais le président Philippe Dufermont se défend en répondant que le feeling fut bon dès le départ et que le profil de Brys répondait à 100 % à celui qui était recherché. Quatre mois plus tard, un premier bilan peut être tiré. Mouscron a-t-il réellement perdu au change en engageant l’Anversois plutôt que Leekens ?

Dufermont :  » Brys n’est pas capricieux « 

Pour le président, la réponse est non.  » Je n’ai ni remord, ni regret « , assure-t-il.  » Pour la bonne et simple raison que je suis très content de Brys. Leekens aurait sans doute été un bon choix aussi, mais c’était un choix dicté par la nostalgie. C’est le problème des Mouscronnois : ils sont nostalgiques du temps passé, des bons moments passés avec Long Couteau. Mais il faut pouvoir regarder devant soi. Depuis ma prise de pouvoir à l’Excelsior, mon regard a évolué. A l’époque, je n’avais aucune expérience du milieu du football. J’étais entré à l’Excelsior comme un chien dans un jeu de quilles. Depuis, j’ai vu beaucoup de choses. En football, il y a beaucoup d’entraîneurs compétents. Brys en est un « .

Comment Leekens sera-t-il accueilli, samedi ?  » Mais… très bien « , assure Dufermont.  » C’est un moment que j’attends. Pour tout dire, j’ai même retardé mon départ pour la Chine afin d’être présent au match. Leekens me doit encore un repas ! Je ne me sens en aucune manière cocufié. Vous savez, c’est comme en amour : on peut se fiancer avec une fille et finalement se marier avec une autre. Ce n’est pas pour cela qu’il faut haïr la première. Leekens et moi, on s’est quitté en très bons termes, à la fin mai. Le lendemain, il m’a encore téléphoné pour demander si je ne pouvais pas lui donner un peu plus. Je ne le pouvais pas et il a choisi une autre voie. C’est la vie « .

Qu’a apporté Brys à l’Excelsior ?  » En premier lieu, ses connaissances « , estime Dufermont.  » C’est un entraîneur un peu particulier dans sa façon de procéder, mais ses méthodes me plaisent beaucoup. Il unit le groupe et cela se ressent. Beaucoup d’amitié se dégage, l’ambiance est très bonne et tout le monde est courtois avec tout le monde. Brys travaille énormément. Je pense qu’à un moment donné l’équipe était un peu fatiguée, car les entraînements furent longs et éprouvants, mais cela portera ses fruits à moyen terme. Je suis persuadé que le rendement ira crescendo. Brys est un homme qui a le contact facile. Il est exigeant dans son travail, mais pas dans ses revendications. Il n’est pas capricieux, il veut simplement travailler et faire progresser le club. C’est mon objectif également. Pourquoi ne pas organiser, un jour, une belle rencontre ? Lorsque j’ai dit à Brys que l’Excelsior pourrait peut-être affronter le Real Madrid, il m’a répondu : – Danscecas, jeveuxbientravaillertroisansgratuitements’illefaut !

Dugardein :  » Brys, c’est la nouvelle génération « 

Ils ne sont plus très nombreux, parmi les joueurs, à avoir vécu le premier passage de Leekens au Canonnier. Pour tout vous dire, il ne reste plus que Steve Dugardein.  » J’ai connu Leekens lors de ses deux passages au Canonnier « , se souvient le capitaine des Hurlus.  » Dans deux contextes différents. En 1996, j’étais encore un jeune joueur débutant et lui était encore très sévère. Il a souvent tapé sur le clou et j’en ai bavé, mais j’en suis ressorti plus fort. En 2003, je m’étais aguerri et j’avais des relations différentes avec lui. J’étais devenu l’un de ses relais sur le terrain. On avait une superbe équipe, avec Mbo Mpenza, Christophe Grégoire, Luigi Pieroni, Marcin Zewlakow… Leekens m’était apparu plus posé, même avec les jeunes « .

Vraiment ? Paco Sanchez avait débuté la saison précédente, à 16 ans à peine, sous la houlette de Lorenzo Staelens, mais a été remis à sa place par Leekens.  » Cela n’a pas été facile « , concède-t-il,  » mais malgré tout, je suis content de l’avoir connu. J’ai beaucoup appris mentalement « .

Ce qui aurait été différent si, aujourd’hui, Leekens était entraîneur de Mouscron à la place de Brys ?  » Difficile à dire « , estime Dugardein.  » D’après les échos que j’ai eus, Leekens se serait vachement calmé. Il serait aujourd’hui plus serein, mettrait moins la pression. Mais, avec Brys, je découvre à 33 ans une toute autre façon de travailler. Il fait partie de la nouvelle génération, alors que Leekens, avec tout le respect que je lui dois, fait partie de l’ancienne génération. Brys ne lâche rien, il est attentif aux moindres détails. Comme l’a dit Mickaël Niçoise : si quelqu’un fait 14 pompages au lieu de 15, il le remarque. Il a horreur des tricheurs, alors que Leekens aurait tendance à laisser faire. Avec Brys, plus personne n’arrive en retard, ni n’oublie quelque chose. En cas contraire, l’amende pend au nez. Mais il sait aussi offrir des récompenses. L’équipe qui a gagné le Team Building a été dispensée d’entraînement le samedi matin. C’est sa manière d’inculquer la rage de vaincre, même pour un petit jeu. Ce Team Building, c’est tout à fait nouveau pour moi. Je n’avais jamais connu cela, ni avec Leekens, ni Staelens, ni avec Hugo Broos. Avec Brys, chaque matin, il y a le petit déjeuner obligatoire au club. Et entre les deux entraînements, le midi, il y a énormément de vidéo. Pour moi qui avais l’habitude de piquer une petite sieste, c’est raté. Brys est très pointu sur l’observation de l’adversaire, nous décortique ses forces et ses faiblesses, sans pour autant adapter notre propre tactique. Mais on sait là où il faut frapper. Leekens a plus tendance à insister sur la motivation des troupes, à faire du 5 contre 5 à l’entraînement « .

A propos de tactique : tout le monde s’attendait à un 3-5-2 avec Brys. Or, c’est la seule tactique qu’il n’a… jamais utilisée.  » On l’a essayée en préparation, mais sans succès. Il n’a donc pas insisté. Il a toujours dit qu’il adapterait sa tactique aux joueurs qu’il avait à sa disposition, et c’est ce qu’il fait : il a repris le 4-3-3 qui nous avait si bien réussi avec GilVandenbrouck en début de saison dernière, avant le blessure de Demba Ba « .

Massin :  » Brys est à l’écoute « 

Parmi ceux qui ont côtoyé Leekens, il y a aussi l’encadrement. Vandenbrouck, aujourd’hui directeur technique, était son adjoint. L’un des kinés du club, Jean-Luc Massin, était déjà là en 1996 également.  » A l’époque, Leekens était un grand professionnel qui débarquait dans un club amateur « , se souvient-il.  » C’est lui qui a structuré l’Excelsior. Comme il a eu lui-même une formation de kiné, il avait parfois tendance à intervenir. Moi, je débutais, si pas dans la profession, du moins comme kiné du club. J’étais un peu aux ordres de Leekens. Lors de son deuxième passage, il a constaté que le club avait évolué et avait davantage tendance à faire confiance. Les rapports étaient plus faciles, mais il gardait malgré tout le dernier mot. Quand quelqu’un se plaignait d’une légère blessure, c’est lui qui décidait s’il devait s’entraîner ou pas. Avec Brys, les rapports sont un peu différents. Il nous laisse carte blanche dans notre travail. Avant le match contre Mons, Demba Ba s’était plaint d’une contracture. Brys a voulu attendre la dernière minute avant de prendre une décision à son sujet, mais s’est finalement rangé à l’avis du staff médical qui préconisait de le laisser au repos. Avec Leekens, cela se serait peut-être passé différemment. Je me souviens d’un match au Germinal Beerschot. Mbo Mpenza se plaignait d’une gêne musculaire et affirmait qu’il n’était pas en état de jouer. Après une discussion avec Leekens, il a finalement joué 60 minutes, a inscrit un but et provoqué un penalty. Brys est à l’écoute de tout le monde. Tous les 15 jours, après le dernier entraînement de la semaine, il nous invite à prendre un verre dans son bureau, simplement pour prendre la température et faire une évaluation. Il attend de nous qu’on lui fournisse des renseignements corrects, cela va de soi. Il est très attentif à l’esprit d’équipe. Il veut souder son staff, comme son groupe de joueurs. Il est très sociable, mais aussi très exigeant, envers les autres comme envers lui-même « .

par daniel devos

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