Oublier Laurent Blanc

L’équipe de José Luis Chilavert essayera de faire mieux qu’en France.

La fédération paraguayenne est établie sous l’une des tribunes du stade Defensores del Chaco, baptisé en l’honneur des soldats qui, en 1936, étaient partis de cet endroit pour combattre les troupes boliviennes qui voulaient annexer le Chaco, une zone désertique du nord du Paraguay. C’est devant 35.000 spectateurs qu’évolue le plus souvent l’équipe nationale et qu’ont lieu les grands matches du championnat. Car les enceintes dotées d’un certain confort ne foisonnent pas au Paraguay.

« La fédération a été fondée en 1901 », explique Rogelio. « Un an plus tard, elle enregistra l’affiliation de son premier club, Olimpia. C’est le club le plus ancien et le plus prestigieux du pays. Il fut le premier club paraguayen à remporter la Copa Libertadores, en 1979 avec Enrique Villalba, qui fit une furtive apparition à Anderlecht. J’ignore ce qu’il est devenu ».

Le championnat de D1 compte dix équipes, la plupart établies à Asuncion ou dans les environs. Le club le plus éloigné de la capitale est établi à Itagua, à… 40 kilomètres. Le championnat du Paraguay n’est pas d’un niveau très élevé.

Rogelio: « Le jeu est assez lent et les approximations techniques sont légion. Les pelouses sont souvent en piteux état. Les stades sont peu confortables. De nombreux clubs sont en proie à des difficultés financières. Les entraîneurs ne sont pas de première catégorie. Et les notions de diététique sont pratiquement absentes. Pourtant, la matière brute existe à profusion au Paraguay. Les managers, d’ailleurs, ne s’y trompent pas. Depuis quelques années, ils sont de plus en plus nombreux à sillonner le pays à la recherche de talents. C’est un phénomène nouveau au Paraguay. Lorsqu’ils émigrent, les joueurs éclatent alors au grand jour et deviennent des figures de proue dans leur club. Si l’équipe nationale a atteint un certain niveau aujourd’hui, passant de la 109e à la 80e place du classement FIFA, c’est grâce à ses footballeurs émigrés ».

L’incontournable Chilavert

Le plus connu demeure José Luis Chilavert qui a déjà contribué davantage à la connaissance de son pays à l’étranger que n’importe quel chef d’Etat. « Un gardien-buteur, ce n’est évidemment pas fréquent », explique Rogelio. « Chilavert ne se contente pas d’être le gardien de but et le capitaine de l’équipe nationale. C’est un véritable leader. Sans lui, le Paraguay n’a pas d’âme. Il motive sans cesse ses coéquipiers. Il avait déjà une forte personnalité naturelle au Paraguay et il l’a encore développée lorsqu’il est parti jouer en Argentine, dans un championnat très viril. Beaucoup de Paraguayens l’adorent. Certains ne l’aiment pas, mais la plupart le respectent. Ses déclarations sont bues comme du petit lait. Même si elles n’épargnent personne. Lors d’une conférence de presse, récemment, il avait accusé certains journalistes d’être corrompus par les managers. Vous imaginez la polémique ».

Sur le terrain aussi, Chilavert commet des excès. C’est ainsi qu’il sera suspendu pour le premier match de Coupe du Monde, contre l’Afrique du Sud, pour avoir craché au visage de Roberto Carlos à l’issue du match Brésil-Paraguay comptant pour les éliminatoires.

« Tout le monde espère qu’il deviendra directeur technique de l’équipe nationale au terme de sa carrière », confie Rogelio Cattebeke. « Certains pensent qu’il ferait aussi un très bon président de la fédération. Sa place est en tout cas dans le monde du football.

Il y a d’autres footballeurs de talent au Paraguay, comme Carlos Gamarra (AEK Athènes), Celso Ayala (River Plate), Roberto Acuña (Saragosse), José Cardozo (Toluca) ou encore le tout jeune Roque Santa Cruz (Bayern Munich), qui débuta en D1 dès l’âge de 15 ans avec Olimpia. Ils sont tous considérés comme des piliers de l’équipe nationale, mais ils n’ont pas la même personnalité que José Luis Chilavert ».

Fier du parcours français

L’équipe nationale est la fierté du pays. Dans un pays aussi pauvre, le peuple a besoin de trouver des satisfactions dans le sport et les résultats récents de la sélection lui rendent un peu de son orgueil perdu.  » Oscar Harrison, le nouveau président de la fédération, a véritablement reconstruit notre football », explique l’attaché de presse. « Grâce à lui, il a énormément progressé, tant au niveau national qu’international. Il a notamment conclu un contrat avec la télévision qui confère aux clubs des rentrées bienvenues afin de moderniser leurs infrastructures. Précédemment, l’équipe nationale ne jouissait d’aucun prestige. Il était très rare qu’elle était invitée pour un match amical à l’étranger. Aujourd’hui, nous recevons même des invitations pour les sélections de jeunes ».

Les bons résultats n’y sont évidemment pas étrangers, comme une quatrième place au Championnat du Monde des moins de 20 ans en Argentine, l’an passé. Et le huitième de finale de la Coupe du Monde 1998. Qui a oublié le but en or inscrit à la 108e minute par Laurent Blanc au stade Félix Bollaert de Lens? Les futurs champions du monde tremblaient déjà à l’idée de devoir se frotter à José Luis Chilavert lors de l’épreuve des tirs au but.

« Avec le temps, la fierté a pris le pas sur la déception », affirme Rogelio Cattebeke. « Nous sommes très satisfaits du déroulement de la Coupe du Monde 1998 et nous espérons faire encore mieux cette année en Asie. Aller au moins en quarts. Cela me semble raisonnable, car la base de l’équipe est demeurée la même. Les joueurs ont donc l’expérience d’une Coupe du Monde. D’ailleurs, en éliminatoires nous étions déjà qualifiés à trois journées de la fin ».

Exit Markarian

Malgré ce parcours jugé remarquable, le sélectionneur Sergio Markarian, de nationalité uruguayenne, n’est pas allé au bout de son contrat. Il a été limogé après une défaite 0-4 face à la Colombie lors du dernier match des éliminatoires, qui comptait pour du beurre.

Rogelio Cattebeke: « Son cas est compliqué. Il apparaissait très nerveux et un peu fatigué mentalement. Il commençait à avoir des problèmes, pas tellement sur le plan footballistique mais surtout avec certains dirigeants et journalistes. Le Comité exécutif a préféré anticiper et mettre fin à la collaboration avant que la situation ne devienne intenable. Ce fut une décision difficile à prendre, car nous ne pouvons oublier tout ce qu’il a apporté au football paraguayen ».

L’Italien Cesare Maldini a pris la relève: « Oscar Harrison, le président de la fédération, a estimé que si l’on se séparait d’un bon entraîneur comme Sergio Markarian, il fallait quelqu’un d’au moins aussi compétent pour le remplacer. Carlos Bianchi, qui arrivait en fin de contrat à Boca Juniors, était l’un des candidats les plus sérieux mais il a signé un contrat avec un sponsor et fera des RP à la Coupe du Monde. Pacho Maturana, l’ancien sélectionneur colombien, figurait aussi en bonne place sur la liste. Finalement, le choix s’est porté sur Maldini, un entraîneur de première catégorie. Il vient forcément au Paraguay pour les stages et les matches, mais la plupart du temps, il travaille depuis l’Europe. Logique, puisque la plupart des internationaux évoluent à l’étranger. Son adjoint, Giuseppe Dossena, est italien lui aussi. Il a longtemps travaillé en Afrique et a notamment été chargé de visionner l’Afrique du Sud, notre premier adversaire en juin ».

Daniel Devos, envoyé spécial au Paraguay, ,

Avec Cesare Maldini en quarts de finale?

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire