OUBLIER LA FRANCE

Deuxième retour en Belgique : à 29 ans, le buteur place son avenir entre les mains de MPH.

Pour ses débuts chez les Buffalos, Luigi Pieroni aura eu la satisfaction d’inscrire le seul goal de la partie, lors du quart de finale retour de la Coupe de Belgique contre le Club Bruges. Partout où il est passé, le Liégeois a souvent été coutumier d’entames tonitruantes. La suite, malheureusement, ne s’est pas toujours révélée aussi glorieuse. Surtout ces dernières années, où il n’a eu droit qu’à un temps de jeu anecdotique.

Depuis que vous avez quitté Mouscron pour Auxerre, en 2004, vous en êtes à votre deuxième retour en Belgique après six mois à Anderlecht, voici deux ans tout juste. Peut-on parler de similitudes ?

Luigi Pieroni : Il y a une différence essentielle : au Sporting, je faisais l’objet d’un prêt pour une demi-année alors qu’à La Gantoise, j’ai paraphé un engagement jusqu’en 2012. Je bénéficie ici d’une sécurité que je n’avais pas au Parc Astrid où je ne disposais que d’une quinzaine de matches pour convaincre. A Gand, je ne jouerai pas avec le couteau sur la gorge comme à Bruxelles.

Pourtant, vous aviez pris un départ sur les chapeaux de roues dans le derby contre le Brussels puis un premier but contre vos anciennes couleurs mouscronnoises ?

Je ne sais pas pourquoi mais j’ai toujours été performant dans mes premiers matches. C’est par la suite que les événements se sont souvent gâtés. A Anderlecht, après quelques rencontres de bon niveau, j’avais dû céder ma place à Nicolas Frutos, qui revenait de blessure. J’étais convaincu que l’Argentin et moi pouvions jouer ensemble mais ce n’est qu’en fin de saison, à domicile face à Saint-Trond, qu’Ariel Jacobs nous avait associés. Nous l’avions emporté 4-1 et je pensais que nous avions marqué les esprits mais j’ai à nouveau dû déchanter en n’étant pas retenu pour la finale de la Coupe contre La Gantoise. J’étais d’autant plus dégoûté que cette mésaventure me survenait pour la deuxième fois : à Auxerre, j’avais déjà été privé de l’apothéose, contre Sedan, pour cause de match avec les Diables Rouges en Serbie. Malgré les supplications du coach, Guy Roux, le sélectionneur, Aimé Anthuenis, s’était montré inflexible. Tout ça, finalement, pour jouer deux minutes au back droit ( il grimace).

 » A Auxerre, j’avais trouvé le cadre idéal « 

L’AJA aura été votre expérience la plus aboutie dans l’Hexagone avec 80 présences pour 21 buts. Pourquoi en êtes-vous resté là ?

A Auxerre, j’ai trouvé le cadre d’expression idéal. Tout d’abord, Guy Roux me désirait par-dessus tout. Il était d’avis qu’il pouvait transposer le modèle mouscronnois. Au Canonnier, je disposais d’un formidable pourvoyeur, sur le flanc gauche : Christophe Grégoire. Et, à mes côtés, je pouvais compter sur Mbo Mpenza. L’homme fort de l’AJA était persuadé qu’avec l’appui des deux flancs, Kanga Akalé et Yoann Lachuer, ainsi que la présence dans mon sillage de Salomon Kalou, son équipe était susceptible de faire des flammes. Et c’est ce qui s’est vérifié. Par après, quand Jacques Santini a repris le flambeau, Auxerre et moi avons continué sur la même lancée. A cette nuance près que c’est Peguy Luyindula qui était à mes côtés aux avant-postes. Il y avait là une certaine continuité que je n’ai plus jamais vécue ensuite.

D’après votre manager, Eric Depireux, Nantes, surtout, fut une erreur de casting.

En fait, je n’aurais jamais dû aboutir là-bas. Deux autres clubs tenaient la corde : Toulouse et Valenciennes déjà, où Antoine Kombouaré voulait m’associer à Steve Savidan en pointe. Pour des raisons financières, Auxerre m’a toutefois poussé en direction des Canaris. Dans un premier temps, je n’ai eu qu’à m’en féliciter avec deux buts en Coupe de France et un autre en championnat face à l’OGC Nice. Je croyais être lancé mais l’équipe a subi un coup d’arrêt qui a valu à lGeorges Eo, de se faire limoger. Ses remplaçants, les deux anciens du club, Michel Der Zakarian et Japhet N’Doram ont tout chamboulé. Au lieu de m’utiliser comme finisseur, j’ai soudain dû officier comme relayeur, mais je suis fait pour apporter la touche finale à une offensive, pas pour l’élaborer. Après six mois, j’en avais soupé. J’aurais dû rebondir à Lens, où Roux avait repris les commandes mais son aventure là-bas ne fut que de courte durée. Jean-Pierre Papin a assuré la relève et ce fut pire encore : en tant qu’ancien attaquant, il était quand même bien placé pour comprendre ce que je pouvais ressentir. Mais il s’est complètement trompé avec moi.

 » Je n’étais pas dans les grâces d’Ariel Jacobs « 

Il n’y a tout de même pas que les entraîneurs à mettre en cause. Si vous avez été nominé comme Ballon de Plomb des Cahiers du Football, c’est que vous portez une part de responsabilité…

J’assume. Vous ne m’entendrez jamais dire que je n’ai rien à me reprocher. Il y a eu des matches où, malgré la pertinence du système, je suis passé complètement à travers. Mais je suis un homme-but. Quand l’inspiration fait défaut, je ne suis pas du même apport qu’un autre à la construction. Reste que j’aurais mérité plus de crédit par moments, aussi bien à Nantes, Anderlecht ou Valenciennes. Au Sporting, quand tu ne marques pas pendant deux matches, c’est la cote d’alerte. Au Standard, Dieumerci Mbokani a été privé de buts l’espace de neuf matches cette saison mais ça n’a pas empêché Laszlo Bölöni de le maintenir. A raison d’après moi. Je dois toujours prouver plus qu’un autre afin d’avoir les faveurs… A Anderlecht, j’aurais pu être d’un apport plus précieux si on m’avait accordé un rabiot d’une saison au moins. C’était la volonté d’Herman Van Holsbeeck mais tout le monde ne l’entendait pas de la même oreille.

A commencer par Jacobs ? Interrogé sur la prestation de Dmitry Bulykin, auteur de deux buts lors de son entrée en matière face à Courtrai, il avait déclaré :  » Ne nous emballons pas trop vite car d’autres ont pété le feu à la même place à leurs débuts avant de s’éteindre complètement « . C’était une référence à vous.

C’est bien la preuve que je n’étais pas dans ses grâces. En tant que joueur, il faut pouvoir admettre qu’on ne plaît pas à tout le monde, sans qu’on sache toujours pourquoi.

 » Je ne suis pas Ibrahimovic « 

Vous vous étiez finalement retrouvé à Valenciennes où Kombouaré avait toujours les pleins pouvoirs. Et il vous a fallu déchanter une nouvelle fois…

Honnêtement, c’est à n’y rien comprendre. Un an plus tôt, il m’avait baratiné pour que je signe dans son club mais il s’était heurté au veto d’Auxerre. Là, il avait remis le couvert en prétendant que j’allais former un duo de feu avec Johan Audel. Mais dès les premiers entraînements, il a insisté pour que je décroche afin de servir de point d’appui à mes partenaires avant de replonger vers l’avant. Un peu comme Zlatan Ibrahimovic ( il rit). Sauf que je ne suis pas Ibra. J’avoue que j’ai pesté car pour le même prix, j’aurais pu être au Club Bruges. J’avais rencontré Luc Devroe et Jacky Mathijssen et nous étions parvenus à un terrain d’entente sur la durée du contrat mais pas sur le montant. Les Bleu et Noir devaient encore percevoir une somme des assurances suite à la mort de François Sterchele, mais l’affaire traînait et Valenciennes venait aux nouvelles quotidiennement. J’ai donc opté pour le club français. J’aurais mieux fait de choisir les Flandriens qui ont finalement engagé Joseph Akpala…

Avant de vous rabattre sur Gand, vous avez inscrit votre dernier but en France sous la houlette d’Antoine Kombouaré face au Havre,… le 25 octobre 2008 !

Lors des matches de préparation, j’avais claqué les buts mais j’avais patienté jusqu’à cette date-là avant d’être titulaire. Et à partir de là, j’ai dû me contenter de bribes de matches. La venue de Philippe Montanier, l’été passé, n’a rien changé car l’équipe est passée du 4-4-2, dans lequel je me sens bien, au 4-3-3. Le nouveau coach ne comptait pas sur moi et comme je ne devais pas espérer grand-chose, j’ai joué de manière libérée et les buts ont suivi. J’ai notamment fait mouche à deux reprises face aux Anglais de West Ham. Mais après que Grégory Pujol eut été opéré du ménisque, il a fait du Marseillais Mamadou Samassa sa priorité. Et c’est lui qui a joué. A dix journées de la fin du mercato de septembre, le coach m’a dit que la nouvelle recrue faisait l’affaire et que je pouvais partir. Sur le coup, j’étais prêt à lui mettre une droite. Il était trop tard pour nouer des contacts fructueux et j’ai attendu jusqu’au récent mercato pour rebondir. L’attitude du président, Francis Decourrière, a été sympa : au lieu de privilégier l’offre la plus lucrative, j’ai pu choisir.

 » J’ai foi en Michel Preud’homme « 

Bastia, Metz et Anorthosis Famagouste, entre autres, sont venus aux nouvelles. Qu’est-ce qui vous a incité à choisir Gand, à la politique de prix très sage, alors que le club chypriote vous offrait un salaire de 30.000 euros par mois ?

J’ai 29 ans et n’ai guère joué ces deux dernières années : l’aspect sportif primait. Comme je n’avais guère été chanceux sur la fin en France, j’ai préféré une autre orientation. Chypre était intéressant sur le plan financier mais je n’ai pas l’impression que je m’y serais exposé aux regards. La Gantoise constituait le point de chute idéal. Non seulement, j’y retrouvais un club du top belge mais aussi un contexte propice. Car depuis que j’ai quitté Mouscron, il ne s’est jamais passé une année sans que le manager, Michel Louwagie, ne vienne aux nouvelles. La discussion était toujours très brève car après avoir pris connaissance de mes exigences, il raccrochait ( il rit). Je gagnais plutôt bien ma vie en France et n’allait donc pas rebrousser chemin pour des cacahouètes. Cette fois, il est revenu à la charge et comme l’argent n’était pas ma priorité, nous avons rapidement trouvé un terrain d’entente. Pour être complet, la présence de Michel Preud’homme fut déterminante également. Il avait déjà voulu s’assurer de mes services au moment où il était encore au Standard. Notre premier contact remontait à un match de l’équipe nationale en Lituanie. Il faisait partie de la délégation et était venu aux nouvelles. Mais j’étais alors passé à Lens à l’instigation de Roux.

Qu’attendez-vous de ces deux années et demie à La Gantoise ?

A me remettre complètement en selle pour les playoffs car les Buffalos ont manifestement à c£ur d’accrocher la troisième ou la deuxième place. Voire même la première, car on peut toujours rêver. Ce qui me plairait également, c’est de remporter enfin une finale de Coupe sur le terrain… A plus ou moins long terme, j’espère revenir dans le noyau des Diables Rouges où je compte quand même 25 caps.

Vous avez une nouvelle fois débuté en fanfare à Gand en scorant dès votre premier match. Qu’est-ce qui vous incite à croire qu’il ne s’agira pas d’un feu de paille ?

J’ai foi en Preud’homme. Il a ses idées sur ma manière de fonctionner et elles correspondent aux miennes. J’en ai eu un premier aperçu lors de la préparation au match de Coupe : j’avais ordre de rester dans les 16 mètres et d’attendre qu’on m’approvisionne. Résultat des courses : j’ai assisté en touriste à l’élaboration des mouvements offensifs. J’ai peut-être touché 50 fois moins le ballon que la plupart de mes équipiers. Mais chaque fois que je mettais le pied, il terminait sa course au fond des filets. Je l’ai montré ensuite contre le Club Bruges. Il me reste à confirmer…

par bruno govers

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