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OÙ VA LE STANDARD ?

Ils ont tous un passé rouche, commentent le Standard d’aujourd’hui et anticipent sur celui de demain. Les Experts viennent au crachoir, et parfois ça dézingue. Questions clés.

LE STANDARD SE QUALIFIERA-T-IL POUR LES PLAY-OFFS ?

MICHEL RENQUIN :  » Oui. En tout cas, le potentiel est là. Une seule équipe est au-dessus du lot : Bruges. Derrière, il y en a plein d’autres qui se valent. Le Standard n’a rien à envier à Malines, à Charleroi, à Ostende, à Zulte Waregem, à Genk, à Gand. Même à Anderlecht. Si tu leur enlèves Lukasz Teodorczyk, ils ont peut-être les mêmes soucis que le Standard, ils ne sont peut-être pas mieux classés. Désolé, mais si le Standard a moins de qualités que Malines ou Charleroi, il faut me réexpliquer le football… Je ne serais pas choqué s’il terminait à la deuxième place.

Si le Standard avait été mauvais ou moyen dans tous ses matches, je me poserais des questions. Mais à partir du moment où tu sors une prestation collective comme sur la pelouse du Celta Vigo, ça veut dire que tu as plein de qualités. Pendant une heure quart, tu arrives à bousculer une équipe du championnat d’Espagne. Pourquoi ils ne l’ont pas fait plus souvent ? Le problème doit être dans les têtes, alors. On fait beaucoup de foin autour d’AdrienTrebel et Ishak Belfodil. Moi, je n’en rajouterais pas. Un club qui travaille bien est préparé à n’importe quel départ. Si la direction a bien bossé, elle peut perdre subitement X, Y ou Z, il y a des solutions déjà réfléchies derrière. Et puis, il suffit de te dire que tu aurais eu les mêmes problèmes si tu avais toujours eu ces deux joueurs mais s’ils avaient été blessés pour un moment. Ça passe plus facilement… Trebel n’est plus là ? Et alors ? Tant pis, tu fais avec, tu avances avec les vivants et basta !

C’est malheureux quand même de devoir se dire qu’il risque de manquer un tout petit quelque chose pour aller aux play-offs. A ce moment-là, on repensera aux trois points du match à Charleroi, que le Standard n’est pas sûr du tout de récupérer. Mais quand tu as des gars qui manquent tellement de neurones qu’ils commencent à balancer des pétards sur la pelouse à un moment où leur équipe mène… que faire ?  »

COMMENT LES SUPPORTERS RÉAGIRAIENT-ILS À UNE DEUXIÈME SAISON CONSÉCUTIVE SANS PLAY-OFFS ?

IVAN VUKOMANOVIC :  » Les Ultras seraient vraiment fâchés, les autres feraient avec. Mais ils reprendront tous un abonnement pour la saison prochaine parce qu’ils ont besoin de ça. Pour le club lui-même, par contre, ce serait la catastrophe complète, la galère intégrale. Déjà, il y aurait cette ambiance typique des play-offs 2, cette atmosphère de mortuaire. Francky Dury, qui est un de mes entraîneurs préférés en Belgique, a tout à fait raison quand il dit que les PO2, c’est une punition totale pour les équipes qui doivent y participer. Les joueurs n’en ont rien à foutre. Crois-moi, pendant les play-offs 2, ils passent plus de temps à feuilleter les catalogues des agences de voyages qu’à penser à l’adversaire du week-end !

Rater deux fois de suite les PO1 pourrait remettre en question tout l’avenir à court et moyen terme du Standard. Les meilleurs joueurs essayeraient de partir parce qu’une saison sans Coupe d’Europe, c’est long. Et de toute façon, la direction serait peut-être obligée de vendre parce qu’il y aurait un déficit de grosses rentrées financières pendant deux ans, et ça peut être compliqué à tenir. Donc, le club devrait repartir dans un nouveau cycle. Avec quels moyens pour se renforcer vraiment ? Je ne suis pas sûr qu’il y aurait des moyens disponibles. Vraiment, le Standard est à un tournant. Il ne peut pas se permettre de rater ces play-offs. Il lui reste huit finales et ça risque de sentir très mauvais si elles sont mal négociées.

S’il ne se qualifie pas, c’est aussi toute la gestion de cette saison qu’il faudra remettre en question. Fallait-il vraiment liquider Yannick Ferrera après lui avoir fait subir ce qu’on lui a fait subir ? Est-ce que c’était tellement moins bon quand il était là ? Ce n’est pas lui qui a ramené un trophée dans la vitrine du club il y a un an ? On sait qu’au Standard, rien n’est jamais totalement visible et transparent, et la fin du règne de Ferrera l’a encore prouvé. Je devine que, rien que pour pouvoir se justifier de façon cohérente par rapport au C4 de Ferrera, la direction prie pour que l’équipe se qualifie pour les play-offs. Si Aleksandar Jankovic réussit, ses patrons pourront dire : -Vous voyez bien qu’on a pris une bonne décision en changeant l’entraîneur. Mais s’il ne réussit pas ? Ce sera un raisonnement du style : -Oh merde, on a changé de coach et on ne finit quand même qu’à la dixième place. Bref, ces gens-là jouent gros. Et est-ce que Jankovic pourrait rester en cas de non-qualification ? Quel serait encore son crédit ? Lui aussi, il est sous pression. Imagine que Malines joue les play-offs et que le Standard ne les joue pas. Le grand vainqueur, ce serait Yannick Ferrera.  »

LE DÉPART D’ADRIEN TREBEL À ANDERLECHT, C’EST ANECDOTIQUE OU CATASTROPHIQUE ?

KAREL GERAERTS :  » Gand voulait Trebel, Anderlecht a fait ce qu’il fallait pour l’avoir, ça prouve les qualités du joueur. De l’extérieur, j’ai l’impression que c’était un capitaine qui arrivait à motiver ses troupes. Il n’avait jamais peur de demander le ballon. Il s’engageait. Il a un pied gauche exceptionnel. Il savait être décisif. N’importe quel club peut avoir besoin d’un joueur pareil.

Pourtant, je ne suis pas du tout persuadé que Trebel va manquer au Standard. Apparemment, il avait quand même fini par avoir pas mal de problèmes avec ses coéquipiers. Capitaine ou pas, à partir du moment où tu es isolé du groupe, tu ne peux plus être toi-même. Et ça expliquerait la saison compliquée du joueur, ses sautes de forme depuis le début du championnat. Est-ce qu’il avait encore envie de faire des efforts par rapport à ses coéquipiers ? Le public le prenait parfois en grippe, ses coéquipiers avaient du mal avec lui, Aleksandar Jankovic lui a retiré le brassard en décembre, la direction ne le suivait plus : ça faisait beaucoup, et donc, je pense qu’il était préférable pour tout le monde de mettre fin à l’histoire. Son départ va peut-être libérer d’autres joueurs.  »

FAIRE LE STAGE ET PRÉPARER LE MATCH DE REPRISE CONTRE BRUGES SANS SAVOIR SI ISHAK BELFODIL, UN DES TROIS MEILLEURS JOUEURS DE L’ÉQUIPE, SERA TOUJOURS LÀ, ÇA NE FAIT PAS SÉRIEUX ?

ALEX CZERNIATYNSKI :  » Je comprends qu’un club qui n’a plus rien à gagner accepte de négocier pour vendre des joueurs aussi importants qu’Adrien Trebel et Ishak Belfodil. Mais pour un club qui sait qu’il va devoir batailler jusqu’au bout pour être dans les play-offs 1, c’est beaucoup plus étonnant. Dans cette équipe, il n’y a quand même pas tellement de gars capables de faire la différence sur un éclair. Trebel et Belfodil, ils savent le faire. Pour Trebel, au moins, on a su assez vite à quoi s’en tenir. Il avait décidé qu’il partirait. Pour Belfodil, c’est beaucoup plus délicat. Il était au stage mais Aleksandar Jankovic ne savait pas s’il devait continuer à travailler avec lui ou pas. Alors qu’un stage en janvier doit justement permettre de travailler les automatismes.

Et Belfodil est évidemment un pion hyper important de son système. Le Standard avec Belfodil et le Standard sans Belfodil, ce n’est plus la même chose. En Espagne, il participait aux entraînements mais on disait qu’il était déjà à Everton. Puis, ça a commencé à coincer dans les négociations. Mets-toi alors dans la tête du joueur. Il se voyait dans un grand championnat, il faisait un immense pas en avant, mais ça bloque subitement. C’est impossible d’être bien dans sa tête, dans des moments pareils. La motivation ne suit plus de la même manière, c’est inévitable. J’ai connu beaucoup de cas pareils dans ma carrière. Crois-moi, c’est difficile de s’en remettre. Tu es traumatisé. Moi-même, j’ai été confronté à cette situation. C’est terriblement énervant quand tu es entre deux eaux. Et, plus ça dure, plus c’est énervant. Tu perds aussi une partie de ton impact sur le groupe, l’ambiance change. L’affaire Belfodil n’a été une bonne affaire pour personne.  »

LE MANQUE DE RÉVOLTE DANS L’ÉQUIPE N’EST-IL PAS UN DES ÉVÉNEMENTS MARQUANTS DE LA SAISON DU STANDARD ?

ERIC VAN MEIR :  » Le profil type d’un joueur du Standard, c’est un gars qui manifeste un engagement extrême dans chaque match. Bon, normalement, ça devrait être le profil de n’importe quel footballeur, qu’il joue au Standard ou ailleurs… Dans l’équipe de cette saison, on ne peut pas dire que tout le monde soit insuffisamment motivé. Ça n’a pas été frappant dans tous les matches. Mais c’est clair qu’il y a des soirs où on a pu se poser des questions. Plus dans les matches en déplacement qu’à Sclessin.

Pour moi, les joueurs ne sont pas les seuls responsables. Il ne faut pas s’arrêter à l’équipe. Un club, ça doit être un bloc. On doit faire bloc entre coéquipiers. Les joueurs doivent se sentir solidaires de l’entraîneur. Et ils doivent sentir que la direction est avec eux. Bref, tout le monde doit avoir l’impression de tirer sur une même corde. Au Standard d’aujourd’hui, clairement, c’est compliqué. On a du mal à tout donner quand on sent qu’il y a continuellement des changements à plusieurs niveaux. On ne s’identifie plus de la même façon aux couleurs. Dès le début de cette saison, on a senti que ça risquait de mal se passer à tout moment. Quand l’entraîneur est isolé comme Yannick Ferrera l’était, c’est difficile d’avoir une équipe qui fait bloc. Comment veux-tu que les réservistes se sentent impliqués et donnent tout à chaque entraînement quand ils savent que le coach risque de voler dehors après le premier mauvais résultat ? Certains de ces gars ont toutes les chances de raisonner autrement : -Dès qu’il sera viré, je recevrai peut-être ma chance et je la prendrai. Ce n’est pas sain. En parlant d’engagement, on peut aussi revenir sur le cas Trebel. Il veut forcer son départ, alors il boycotte le stage et il arrive à ses fins. Pour lui, c’était peut-être la seule méthode possible pour être libéré, mais ce n’est pas correct. Un capitaine ne fait pas ça.

Quand on parle de bloc, on doit aussi inclure les supporters. Et ceux du Standard, ils en ont clairement marre que ça ne marche pas en championnat depuis un an et demi. Leur comportement à Charleroi, c’est peut-être une réaction face à tout ça.

Ce serait en tout cas incompréhensible et impardonnable qu’une équipe pareille ne finisse pas dans le top 6. Quand tu as Benito Raman, Ishak Belfodil, Edmilson, Orlando Sá… Tu ne peux pas passer à côté. Mais le problème, c’est qu’il se passe toujours quelque chose au Standard. Quand ce n’est pas sportif, c’est extra-sportif. Pendant longtemps, il y avait le malaise Roland Duchâtelet. Il est à peine parti, et on commence avec autre chose, on met le rôle de Daniel Van Buyten en doute, on l’oppose à Olivier Renard, on parle d’autres problèmes encore. Je suis sûr que tout cela a une incidence sur le comportement des joueurs qui, à nouveau, n’ont pas le sentiment de jouer dans un club uni et en font inconsciemment un peu moins sur le terrain. Quand Yannick Ferrera dit que c’était impossible de bien travailler au Standard en début de saison, c’est fort mais c’est peut-être un bon résumé. Un club de foot doit suivre une ligne, ne pas en dévier au premier contretemps. Mais là-bas, la ligne, elle change tout le temps. Et ça en empêche peut-être certains de devenir des guerriers. Même dans les compositions, je ne vois pas toujours une ligne directrice. Un joueur fait un bon match, son deuxième est moins bon et il retourne directement sur le banc. Un cas qui m’interpelle : Renaud Emond. On sait ce qu’il vaut et on voit dans ses yeux qu’il a faim. Il a le regard du gars qui pense : -Je vais me la faire, cette place. Mais qu’est-ce qu’il a comme temps de jeu ? OK, ça peut aussi s’expliquer : il a Sá et Belfodil devant lui, et c’est le meilleur duo d’attaque du championnat. C’est encore un des paradoxes du Standard : il y a trop de bons joueurs pour certains postes et pas assez pour d’autres. Le noyau n’est pas bien bâti, en tout cas ça ne saute pas aux yeux. Tout ça fait parler et ça ne dégage pas beaucoup de positivisme vers l’extérieur. Par exemple, j’ai l’impression que tout le monde souhaite que Malines joue les play-offs, et pas le Standard. Ça ne vient pas de gens qui sont anti-Standard à la base, c’est simplement une réaction au C4 de Yannick Ferrera, que le public continue à trouver injuste.  »

PAR PIERRE DANVOYE – PHOTOS BELGAIMAGE

 » Impossible que Belfodil soit aujourd’hui bien dans sa tête.  » ALEX CZERNIATYNSKI

 » Dès le début de cette saison, on a senti que ça risquait de mal se passer à tout moment.  » ERIC VAN MEIR

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