OÙ VA ANDERLECHT ?

Les Mauves veulent conserver l’essentiel de leurs forces vives pour conquérir un 31e titre synonyme de poules de la Ligue des Champions 2012-13. Un rendez-vous de prestige auquel ils n’ont plus été conviés depuis la campagne 2006-2007.

Anderlecht vire donc en tête d’une année à l’autre. On n’en attendait pas moins du Sporting, donné grand favori du championnat 2011-12. Ce qui étonne peut-être au stade actuel de la compétition, c’est le mièvre écart avec la concurrence. Au Parc Astrid, on a manifestement retenu la leçon de la défunte campagne, quand les Mauves avaient perdu complètement pied pendant les play-offs, après avoir fait la course en tête.

Le transfert de Mbark Boussoufa à Anzhi Makhatchkala, au c£ur de l’hiver passé, s’était à l’époque révélé suicidaire, l’équipe s’écroulant d’une pièce sans son maître à jouer. Aussi, à l’entame de l’exercice actuel, la direction avait-elle d’emblée donné le ton en s’opposant avec véhémence au passage de Roland Juhasz, aux Glasgow Rangers. Et il ne devrait pas en aller autrement, sous peu, avec ses stars argentines, Lucas Biglia et MatiasSuarez.

Les seuls départs autorisés cet hiver concernent des joueurs dont Ariel Jacobs n’a plus guère d’utilité. Il s’agit tantôt de garçons que le club veut prêter, histoire qu’ils accumulent du temps de jeu comme Reynaldo, Ziguy Badibanga ou Nathan Kabasele ; tantôt de footballeurs qui n’ont carrément plus d’avenir dans la maison, à l’image d’un Thomas Chatelle ou d’un Kanu.

Ces cessions, temporaires ou définitives, ne devraient toutefois pas démunir un noyau qui saluera le retour de Biglia et de Guillermo Molins dès le stage prévu du 4 au 10 janvier à Belek, en Turquie. Une préparation à laquelle participeront aussi les deux recrues du Tout-Puissant Mazembé, Patou Kabangu et Bedi Mbenza. Et, peut-être aussi, le Polonais Rafal Murawski de Lech Poznan, en qui certains voient le successeur de Biglia en attendant l’avènement du jeune Lukas Marecek.

Au Sporting, l’optimisme est réel de voir les joueurs conquérir un nouveau sacre au printemps. C’est d’ailleurs un must pour le coach s’il veut s’inscrire un peu plus dans la durée au Parc Astrid. Reste que le tableau mauve comprend quand même deux zones d’ombre : l’affaire Ivica Mornar et le plan de mobilité de la commune, qui explique une certaine désaffection du public. Revue par le détail.

Prêts : Reynaldo premier de cordée

Un premier prêt a été entériné la semaine passée avec le passage de Reynaldo à Westerlo pour une période de six mois. Le médian brésilien, qui avait déjà fait l’objet d’un prêt au Cercle Bruges lors du mercato d’hiver 2011, ne sera peut-être pas le seul à rejoindre le club campinois. Les Jaune et Bleu ont gardé un excellent souvenir du passage d’un autre Mauve, Sasha Iakovenko, la saison passée, et ne seraient pas réfractaires à une nouvelle location. Mais l’Ukrainien figure aussi sur les tablettes de Lokeren et OHL.

Chatelle avait déjà fait l’objet d’un appel du pied, au Kuipje, en été. Mais le Bruxellois avait préféré jurer fidélité au Sporting. Comme son contrat arrive à échéance en fin de saison, Anderlecht aimerait le vendre. Au même titre que Westerlo, d’autres clubs en mauvaise posture comme le Lierse ou Saint-Trond sont davantage intéressés par une location que par une acquisition. Dans ce cadre, ils peuvent se rabattre sur deux autres Sportingmen susceptibles de s’aguerrir ailleurs : Kabasele et Badibanga. Ce dernier figure d’ailleurs sur les tablettes de De Graafschap.

Retours : Diogo en attendant Samuel

Hormis Fernando Canesin, qui confirme tout le bien qu’il avait montré lors du match de clôture contre Lokeren en 2010-2011, Anderlecht n’a jamais eu vraiment de chance avec ses Brésiliens. Reynaldo n’a pas été en mesure de rééditer les bonnes performances signées tout au long du 2e tour, la saison passée, avec le Cercle Bruges. Au point de faire à nouveau l’objet d’une séparation de six mois.

Pour les deux autres recrues sud-américaines de l’été, Diogo et Samuel, le bide aura été plus retentissant encore. Au point que le premier, engagé pour une année avec option d’achat, a d’ores et déjà été renvoyé à l’expéditeur, le FC Sao Paulo. Un sort qui devrait être réservé également à son compère Samuel, qui n’a jamais trouvé ses marques non plus.

Transferts sortants : la peur de l’erreur

Au Sporting, on a désormais peur de se planter en matière de ventes. Il est vrai qu’on s’y est mordu les doigts quelquefois dans un passé récent. D’abord avec le transfert de Jelle Van Damme à Wolverhampton durant l’été 2010. Un départ qui avait laissé le club complètement exsangue à gauche, avec comme corollaire une élimination au 3e et dernier tour préliminaire de la Ligue des Champions face au Partizan Belgrade. Il y a quelques mois, rebelote, mais avec Boussoufa ce coup-ci. Le passage du petit Marocain à Anzhi Makhatchkala avait certes renfloué les caisses de 8 millions d’euros. Mais il avait également privé les Mauves d’un succès final en championnat. Avec nouveaux adieux à la Ligue des Champions au passage, compétition autrement plus lucrative que l’Europa League.

Pour l’heure, un Anderlechtois surnuméraire a tout particulièrement la cote : Tom De Sutter, à qui La Gantoise fait les yeux doux depuis un bon bout de temps. Au Parc, la hantise est toutefois grande de céder l’intéressé à un concurrent direct dans la course au titre. Même si, à Gentbrugge, on semble disposé à mettre le paquet pour attirer l’avant. De quoi permettre aux Mauves de récupérer une partie de leurs billes pour un garçon qui avait quand même coûté la bagatelle de 3 millions d’euros.

Si Anderlecht récupère une partie de sa mise, ce sera en fin de saison mais pas avant. Idem pour Juhasz ainsi que pour d’autres Mauves qui ont la cote, tels Biglia (voir plus loin) ou Matias Suarez. Celui-ci pouvait déjà compter il y a quelques mois sur l’intérêt de clubs comme Wolfsburg ou Rennes. Les Allemands étaient même disposés à déposer 10 millions d’euros sur la table des négociations en échange de ses services. D’autres clubs, peut-être plus huppés encore, devraient s’intéresser à celui qui a terminé la phase des poules de la CE2 avec le statut de meilleur buteur. Une distinction qui représente à coup sûr beaucoup plus qu’un titre de puncheur n°1 de la Jupiler Pro League voire d’un éventuel Soulier d’Or.

Enfin, il y a aussi le cas Guillaume Gillet, très en verve depuis le début de la saison et qui, à l’approche de ses 28 ans, voudra peut-être frapper un grand coup en direction de l’Allemagne.

Transferts entrants : la filière congolaise

Marecek constitue-t-il une solution de rechange suffisante en l’absence de Biglia ? La question n’a eu de cesse d’être posée depuis que le jeune Tchèque a pris la place de l’Argentin, blessé. Au départ, il est clair que la réponse était négative. Les stats du Sporting avec ou sans El Principito sont édifiantes à ce sujet (voir cadre). Chemin faisant, l’ex-joueur de Brno s’est toutefois aguerri.

A ses débuts, le garçon se plaisait à jouer de manière la plus dépouillée possible, abusant notamment de passes latérales. Un peu comme Biglia lors de ses premiers mois au RSCA. Ses derniers matches ont cependant révélé un autre joueur, plus conquérant. Face au Lokomotiv Moscou, le gamin a sans doute livré son match le plus abouti depuis son arrivée au Parc Astrid. Seul bémol : une remise trop courte dans l’axe en fin de partie, qui aura valu aux Russes de ramener le score à 5-3.

Quelques jours plus tard, devant Lokeren, Marecek fut à nouveau l’un des meilleurs Anderlechtois sur le terrain. Aussi se tâte-t-on chez les Mauves : faut-il continuer à lui faire confiance, en attendant le retour de Biglia ou bien se donne-t-on le temps de chercher un gars plus expérimenté qui se profilerait comme un véritable successeur du Sud-Américain ? Du style du médian hongrois de Genk, Daniel Tözser (26 ans), dont le nom est déjà tombé à l’une ou l’autre reprise au Parc Astrid. Ou encore de l’international polonais Murawski (30 ans) de Lech Poznan ?

La vérité se situe peut-être à mi-chemin avec l’engagement du milieu Mbenza du Tout-Puissant Mazembé. A l’image de son compatriote Kabangu, l’homme avait laissé une bonne impression lors du stage effectué par les Corbeaux à Anderlecht à l’automne. Agé de 27 ans, et avec deux finales de Ligue des Champions d’Afrique à son compteur, il possède un beau vécu. Reste à voir si, pour lui, il n’est pas déjà trop tard pour effectuer le grand saut vers l’Europe. Avec deux années de moins, la situation paraît déjà limite aussi pour Kabangu, en qui les Mauves voient une copie de Jonathan Legear.

Coaching : Ariel Jacobs doit être champion

Le Diegemois a fêté le 7 novembre dernier ses quatre années de présence à la tête de l’équipe première. Seuls les légendaires Bill Gormlie (dix saisons consécutives entre 1950 et 1959) et Pierre Sinibaldi (six campagnes de 1960 à 1965) peuvent se gausser d’avoir fait mieux. Mais les temps n’étaient évidemment pas les mêmes. Curieusement peut-être, le coach est toujours en place malgré un palmarès famélique, puisque seuls un titre (2010) et une Coupe (2008) figurent à son palmarès.

A sa décharge, on notera que ses joueurs avaient échoué d’un fifrelin, face au Standard, lors des test-matches en 2009. Et que c’est un ex-Anderlechtois, Dieumerci Mbokani, qui avait été le grand tourmenteur des Mauves non seulement cette fois-là, mais aussi un an plus tôt, offrant finalement deux titres aux Liégeois. Avec le Congolais, Jacobs aurait sans doute eu un palmarès plus fourni. Mais de là à dire qu’il n’a jamais failli, il y a une marge.

Sur sa carte de visite, des éliminations au dernier tour préliminaire de la Ligue des Champions contre BATE Borisov (2008) ou le Partizan Belgrade (2010) font assurément désordre. Si la direction admet ses erreurs, pour avoir minimisé les impacts des départs de Van Damme (2010) et Mbark Boussoufa (2011), elle estime cette fois que c’est à son T1 de jouer. Celui-ci ayant obtenu un groupe des plus compétitifs, elle ne comprendrait pas qu’il ne décroche pas la timbale.

Jusqu’ici, malgré un fléchissement ces dernières semaines, Jacobs n’a pas vraiment démérité, loin s’en faut. Avec 18 sur 18 en Europa League, il a même réussi au-delà des espérances. Rayon individualités, il a eu le nez creux aussi en faisant avancer Gillet d’un cran et en positionnant Cheikhou Kouyatéen défense centrale. Sans compter qu’il a contribué à l’épanouissement d’autres joueurs, comme Sacha Kljestan, Suarez ou Canesin.

Pas mal, évidemment, mais on n’en attend pas moins du T1 qu’il enlève la palme avec ses ouailles en fin de saison. Car, avec sa passerelle vers la phase des poules de la Ligue des Champions, elle est garante de rentrées financières de 15 millions d’euros au bas mot. Et pour un club qui a été dans le rouge ces dernières années, ce pactole est le bienvenu. Si d’aventure le club échoue dans sa conquête, Jacobs, aux dires de certains insiders, devrait céder sa place. Et, pour le remplacer, le nom de Michel Preud’homme tient la corde.

Ivica Mornar, seul transfert problématique ?

Pour avoir payé un complément de salaire en noir de l’ordre de 154.629 euros à Ivica Mornar dans le cadre du passage de l’attaquant croate du Standard à Anderlecht en 2001, le Sporting se retrouve aujourd’hui dans le viseur de la justice. Cette somme correspond en fait à un peu plus de 60 % des 250.000 euros que les Mauves avaient versé à l’époque, pour frais d’honoraires et d’assistance, à l’agent officieux du joueur, Djuro Sorgic, via Concordia Investments, une société-écran sise au Luxembourg. En principe, le manager aurait dû percevoir une commission de 7 %, à savoir le tarif normal pour ce genre d’opération, sur le montant du transfert, qui était de l’ordre de 1,25 million d’euros. Dans la pratique, ce pourcentage avait donc été gonflé à 20 %, de quoi permettre à l’homme de confiance du joueur de lui rétrocéder le surplus.

Puisque la convention entre Anderlecht et Concordia Investments est un faux, l’ancien manager du club, Michel Verschueren, qui avait alors mené les négociations, pourrait être poursuivi pour faux et usage de faux. Et, pour avoir éludé l’impôt, le RSCA pourrait subir aussi un redressement fiscal. Reste à voir maintenant si le cas Mornar est unique ou si sa pratique est plus répandue, à Anderlecht ou ailleurs. Il ne faut pas se leurrer : les combines pas très catholiques subsistent sans doute toujours aujourd’hui dans le landerneau du football belge. L’omertà est certes de mise en la matière mais quand on tend l’oreille, il est parfois question de primes à la signature obtenues via des comptes au Liechtenstein ou à Monaco, ou encore de montages financiers via des plates-formes dans les îles anglo-normandes ou les Caraïbes. Il y a près de 30 ans, des primes versées par les Standardmen aux joueurs de Waterschei avaient marqué le début de la fameuse affaire- Bellemans, qui avait secoué tout le football belge, Anderlecht compris. Faut-il craindre une nouvelle secousse au départ de Liège ? La question mérite d’être posée…

PAR BRUNO GOVERS

Hormis Canesin, Anderlecht n’a jamais eu vraiment de chance avec ses Brésiliens. Jacobs a eu le nez creux en faisant avancer Gillet d’un cran et en positionnant Kouyaté en défense centrale.

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