Où est passé Jova?

Comme d’habitude, Anderlecht a mal entamé les play-offs. Avec un attaquant serbe aux abonnés absents de surcroît. Le Milan n’a plus de royal que le nom.

Où est passé Jova ?

Le scénario-catastrophe est-il en train de se répéter ? Il y a un an, Anderlecht avait abordé les play-offs avec 33 points, soit 1 de plus que Genk, 5 par rapport à Gand et 6 et 7 sur Bruges et le Standard. Après une journée dans cette mini-compétition, il accusait déjà 2 points de retard sur les Limbourgeois, en raison de sa défaite contre le Standard (1-3) conjuguée à une victoire des gars de Frankie Vercauteren devant Lokeren (2-1). Et, au bout d’une deuxième journée marquée par un nouveau revers des Mauves, à Bruges (3-0), tout était à refaire puisque les 4 premiers (Genk 35, Anderlecht 33 et Standard et Bruges 31) se retrouvaient dans un mouchoir de poche.

Ce coup-ci, le Sporting comptabilise toujours une unité de plus que les Bleu et Noir après son entame en phase finale du championnat. Mais avec des déplacements en perspective chez les Rouches d’abord, puis à Gand, on n’oserait jurer qu’il occupe toujours la tête de la hiérarchie avant d’accueillir Genk. D’autant que ses joueurs traduisent manifestement des signes d’essoufflement. Il y avait déjà eu des signes avant-coureurs au terme du parcours classique, avec un nul vierge au Lierse (27e journée) et à Saint-Trond (2-2, 29e) ainsi qu’une victoire poussive face à Zulte Waregem (2-1, 30e).

Dimanche passé, contre Courtrai, ce fut plus pitoyable encore, avec une tenue d’ensemble indigne d’un candidat au titre. Hormis Silvio Proto, qui sauva les siens de la défaite sur un arrêt-réflexe dans le temps additionnel, tous les autres, sans exception, évoluèrent en deçà de leur niveau. La relance, à partir de l’arrière, était pathétique, surtout dans le chef de ses deux backs, l’entrejeu n’en touchait pas une non plus et, devant, personne ne faisait illusion. MatiasSuarez présentait évidemment l’excuse de revenir de blessure, mais les autres n’avaient pas la moindre circonstance atténuante à faire valoir. Si Dieumerci Mbokani sauva sa prestation pâlotte grâce à un but qui permit aux Sportingmen d’arracher un point de justesse, son ancien complice au Standard, Milan Jovanovic, lui, ne réussit rien de bon et fut même remplacé à 20 minutes du terme par Fernando Canesin.

Des prestations en dents de scie

L’attaquant serbe, censé être déterminant, éprouve manifestement des difficultés à afficher une constante dans ses prestations. Avec lui, c’était souvent tout ou rien ces derniers mois. Même si dans les grandes occasions, il était là.

Arrivé en fin de mercato, Milan Jovanovic avait dû attendre la 3e journée avant de faire sa première apparition en Première, à Lokeren. Ce jour-là, il avait relayé le Brésilien Canesin à la 82e minute. Le Sporting menait 0-1 à ce moment et, avec le concours de l’attaquant serbe, il n’eut plus vraiment de difficultés à gérer la fin de match. Le nouveau-venu s’était montré disponible pour ses coéquipiers, conservant adroitement le ballon sous la pression des joueurs de Daknam.

La semaine suivante contre Mons, pour ses grands débuts au Parc Astrid, les rôles furent inversés entre le n°55 des Mauves et lui. Cette fois, c’est l’ex-Standardman qui débuta la rencontre avant de céder sa place au jeune Sud-Américain à un quart d’heure du terme. Malgré le 2-2, c’est sous les vivats du public que Jova quitta le terrain. Après coup, il monta encore en puissance jusqu’à la fin du premier tour. Signant, au passage, quelques prestations de la meilleure veine au Club Bruges et face au Standard notamment. Et puis, rideau. La mécanique se grippa soudain. La preuve : le joueur fut crédité d’un 5 face à l’OHL, Malines et Mons.

A l’issue du déplacement à l’Albert, il eut même un échange animé avec Herman Van Holsbeeck, arguant que ce n’était pas en jouant de la sorte qu’Anderlecht serait champion. Il est vrai que face aux deux montants, les Sportingmen venaient de prendre à peine 2 sur 6 : 0-0 contre les Louvanistes et 2-2 face aux Dragons. Durant cette période, le joueur dut composer avec deux éléments extra-sportifs non négligeables : la naissance de son troisième fils et, nettement moins réjouissant, le comportement de pseudo-supporters adverses qui, en fin d’année 2011, s’étaient rendus à plusieurs reprises à son domicile afin de le chahuter et même de l’intimider. Un beau jour, Jova dut même faire appel à la police pour apaiser les tensions.

Médian offensif au lieu d’attaquant

Sa rentrée dans le rang, l’international l’imputa aussi, sur le terrain, à deux facteurs : son manque de répondant physique après avoir joué une douzaine de matches sur le mental et l’adrénaline, mais aussi sa place. Au Standard, il évoluait encore comme attaquant aux côtés de Dieu et de Wilfried Dalmat, dans un véritable 4-3-3. Chez les Mauves, en revanche, le 4-2-3-1 était en vigueur, avec le seul Congolais en pointe, soutenu par une deuxième ligne avec Suarez, Guillaume Gillet et lui. Par rapport aux Rouches, où sa tâche était surtout offensive et son terrain d’action les 30 derniers mètres (sauf en Coupe d’Europe où il faisait toute la ligne), sa contribution est plus défensive au Sporting.

De fait, le schéma tactique d’ Ariel Jacobs ne lui permet plus vraiment de réaliser les actions dont il était coutumier à Sclessin. Surtout en déplacement, où le T1 l’exhorte à jouer plus bas encore, afin d’être davantage présent dans le jeu collectif. D’où à la fois une plus grande activité entre les lignes mais aussi une moindre production. Un total de 9 buts et 4 assists, ce n’est pas la mer à boire (v.cadre). Et Jova, qui sait qu’il est taxé par une frange des fans sur le nombre de goals paraphés, aimerait dès lors jouer un cran plus haut, au lieu d’être loué par son coach pour son bon repositionnement en cas de perte de balle.

Entre le coach et lui, c’est Jacobs qui a toujours eu le mot de la fin jusqu’ici. Comme il en avait déjà été au préalable avec Mbark Boussoufa, aligné à gauche alors qu’il préférait une place comme soutien d’attaque. Dans ce cas-ci, on peut se demander si le Serbe a encore les qualités pour jouer un cran plus haut. Durant ses années de gloire à Sclessin, celui-ci faisait encore pleinement honneur à son surnom de Serpent, tant il se plaisait à ondoyer à travers les lignes adverses.

A 31 ans bien sonnés, Jova n’a sans doute plus cette même capacité de nos jours. On ne le voit plus guère prendre un opposant de vitesse par l’extérieur, en tout cas. Au contraire, il a plutôt tendance à rentrer dans le jeu et à chercher le relais au lieu de déborder. Dans ces conditions, une redistribution de son rôle était sans doute indiquée. Même si Jova lui-même n’a pas lésiné sur les moyens pour retrouver ses vieilles jambes. En accord avec le Sporting, il a régulièrement fait appel, en cours de saison, à un préparateur physique, Vladan Cebesanovic. Après avoir joué sur son expérience, il a pu jouer sur son physique après coup. Mais sans parvenir à retrouver le coup de rein et le dash qui étaient sa marque de fabrique à Sclessin.

Chouchou d’Ariel Jacobs

Dans un autre registre encore, la comparaison avec Bous n’est pas hasardeuse. Le Marocain a toujours fait figure de protégé de l’entraîneur. Au grand dam de certains éléments, le plus souvent les mêmes, qui ne comprenaient pas pourquoi le T1 se tournait toujours vers eux, en priorité, dans le cadre d’un remplacement, alors que Boussoufa n’en touchait pas une non plus, par moments. Un traitement de faveur à mettre en rapport, très certainement, avec les statistiques du joueur : le petit Lion de l’Atlas, c’était quand même plus de 50 % de la production offensive des Mauves. Et même quand il n’était pas dans son meilleur jour, il était toujours capable d’un truc. Comme lors d’un 3-2 face à Bruges, quand à une poignée de secondes du terme, il avait offert la victoire à Anderlecht d’un tir impossible qui avait laissé le gardien du Club, StijnStijnen, complètement pantois.

Avec Jova, c’est un peu la même rengaine, quoique ses stats ne soient pas comparables à celles de Bous. Celui-ci cartonnait au niveau des buts marqués et des assists, tandis qu’aujourd’hui, au Parc Astrid, l’efficacité est répartie sur un certain nombre de têtes, puisqu’au classement des artificiers, le Serbe est précédé de Suarez et Gillet. Il n’empêche que l’entraîneur des Mauves est plutôt du genre réfractaire lorsqu’il doit se priver de Jova. Quand il le fait descendre, c’est pour le faire bénéficier le plus souvent d’une ovation du public en fin de match. Comme contre le Standard ou le Club Bruges à domicile, deux rencontres marquées de sa griffe. Ou encore lors du dernier match précédant les play-offs, quand il avait inscrit le but du 2-1 final et qu’il avait laissé à Denis Praet le soin de boucler les 90 minutes.

Pour le reste, sauf contre Courtrai dimanche passé, le joueur a quasi toujours fait figure d’intouchable. Avec 2.021 minutes de jeu en 26 matches, personne n’a fait mieux que lui au sein de l’attaque. Il est vrai que même lorsqu’il n’est pas au mieux de sa forme, Jova est toujours capable d’un truc. Comme à Sclessin, où il sauva une prestation en tous points médiocre par deux services décisifs pour Roland Juhasz et Dieu. Du coup, mené 1-0, Anderlecht inversa complètement la tendance pour l’emporter 1-2.

Des querelles avec tout le monde

Incontournable sur le terrain, Jova l’est dans le vestiaire aussi. Les anciens, tels les adjoints Besnik Hasi et Filip De Wilde s’accordent à le dire : le Sporting actuel manque de grosses personnalités par rapport à l’époque où des gars comme Nenad Jestrovic ou Ivica Mornar y faisaient régner la loi. Aujourd’hui, seul le Serbe a repris ce rôle, talonné par Proto.

Depuis son arrivée, Jova a en tout cas donné le ton : puisque la direction compte sur lui pour mener le groupe à la conquête du titre, il n’a de cesse d’haranguer les autres tous les jours. – We must win the title and we will win the title, tel est son leitmotiv, journellement à Neerpede. Avec une autre variante, depuis lors, sur les écrans : – First we take Belgium and then we take Europe.

Cette fixation a ses répercussions sur la vie du groupe. Au point que Jova a déjà eu des querelles avec tout le monde. Lors du déplacement au Beerschot, c’est Sacha Kljestan qui avait subi ses foudres à cause d’un une-deux plus qu’approximatif. Lors du dernier match away à Saint-Trond, ce fut au tour de Lucas Biglia d’en prendre pour son grade. Auparavant, il y avait eu déjà aussi des échanges verbaux, par presse interposée, entre le Serbe et Proto.

Heureusement, avec Jova tout est vite oublié. Un bisou, une accolade et tout est réglé, car il n’a pas la rancune tenace. Les non-matches ne le tracassent pas trop non plus. Tout comme il n’est pas du genre à baisser les bras après un dribble raté. Au contraire, il a une telle confiance en lui qu’il n’hésite pas à remettre le couvert alors que d’autres, dans le même cas de figure, perdraient complètement le fil de leurs idées.

Quel avenir ?

Pas sûr non plus que Jova soit anéanti après la perte de deux points précieux face à Courtrai. Le Standard et Gand, qui se profilent à l’horizon, sont des rendez-vous qui l’interpellent sans doute davantage. Les Rouches, c’est le souvenir d’un but d’ouverture au Parc Astrid et de deux assists à Sclessin. Et les Buffalos sont synonymes de son seul doublé cette saison durant la phase classique. Sans compter que le Club Bruges lui a toujours réussi aussi.

 » Des cinq opposants, Courtrai est probablement l’équipe qui lui convenait le moins « , observe Paul Van Himst.  » Ses défenseurs sont de véritables sangsues, qui ne lâchent pas leurs victimes d’un bout à l’autre du match. Et Jova n’aime pas trop être exposé à des joueurs de ce calibre. Il devrait être plus à l’aise dans les autres rencontres, face à des gars moins teigneux. En principe, il devrait pouvoir faire la différence, à l’instar de son pote Mbokani. C’est eux qui avaient offert le titre au Standard au nez et à la barbe du Sporting autrefois et on attend d’eux qu’ils ristournent la pareille aux Mauves cette fois. Je crois que la motivation de Jova sera très grande. Il est reconnaissant à la direction de l’avoir délogé de Liverpool en lui offrant un plantureux contrat. En échange, j’ai l’impression que personne n’est plus désireux que lui d’offrir au club cette participation à la Ligue des Champions derrière laquelle Anderlecht court depuis cinq ans. Et malgré l’écart qui s’est réduit avec Bruges, je reste convaincu que l’équipe dispose des meilleures armes pour l’emporter. Il est cependant dommage que les Mauves n’aient pas débuté les play-offs avec une plus grande avance. Vu la qualité de leur effectif, ils auraient dû compter au moins 6 points de plus que les autres avant d’entrer dans le vif du sujet. C’est à Jova, entre autres, à remettre les choses au point à présent : un grand joueur répond toujours présent dans les grandes circonstances « .

PAR THOMAS BRICMONT ET BRUNO GOVERS – PHOTOS: IMAGEGLOBE

Jova aimerait jouer un cran plus haut. Mais en a-t-il encore les aptitudes ?

Même lorsqu’il n’est pas dans le match, Jova est capable de réaliser un truc. Comme ses deux assists au Standard.

Intouchable malgré ses sautes de forme, il a joué davantage que tous ses compères au sein de la division offensive mauve.

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