» Où est L’UNITÉ DE JEU et de pensée ? »

Bruno Govers

Le Suédois plaide en faveur d’un système qui ne recueille pas vraiment l’adhésion de son coach.

Ce soir, Anderlecht luttera ni plus ni moins pour sa pérennité européenne face au FC Valence. Si le Sporting réalise au Parc Astrid un meilleur résultat que son adversaire lors du match aller à Mestalla, (2-0 pour les Espagnols) il lui suffirait d’obtenir un petit point de plus que les Espagnols à la faveur de la journée de clôture afin de poursuivre sa route en Coupe de l’UEFA. Plus facile à dire qu’à faire, évidemment, dans la mesure où les Mauve et Blanc clôtureront leurs rencontres de poule en Ligue des Champions à l’Inter Milan dans le même temps que les hommes de Claudio Ranieri accueilleront le Werder Brême. Mais face à des Nerazzurri démobilisés et sans Adriano suspendu pour deux matches, on peut toujours rêver à l’ombre de Saint-Guidon. Pour ce faire, une victoire éclatante dans les chiffres est toutefois impérative face à l’opposant du jour. Et malgré la difficulté de la tâche, Pär Zetterberg veut y croire jusqu’au bout.

Pär Zetterberg : Dans l’état actuel des choses, on n’a plus rien à perdre mais tout à gagner. Cette situation va peut-être nous permettre de jouer enfin libérés. Jusqu’ici, à l’exception d’une bonne entrée en matière chez nous contre le Werder Brême, l’équipe ne s’est jamais réellement lâchée. Je reste persuadé que si on joue sans arrière-pensées, avec le seul souci de gâter notre public, nous sommes sûrement capables d’un coup d’éclat. Et pour peu que ça rigole pour nous, nous pourrions alors nous replacer dans cette compétition. Au-delà des calculs, il me semble avant tout primordial que nous effacions le zéro dans la colonne des unités acquises. Anderlecht n’a sans doute pas rang de ténor actuellement, sur la scène continentale. Mais il n’est pas dernier de sa classe non plus. On n’est pas nuls, contrairement à ce que notre classement tend à prouver. A nous de le démontrer à présent.

Valence, c’est une vieille connaissance pour vous. Avec des souvenirs mitigés…

Exact. Au cours de ma première année à l’Olympiakos, en 2000-01, nous avions été versés au premier tour dans le même groupe que les Espagnols, avec Lyon et Heerenveen. Au total des matches, nous avions obtenu la parité : défaite 2-1 à Mestalla et victoire 1-0 au Pirée. Sur l’ensemble des deux matches, notre but inscrit à l’extérieur était donc prépondérant. Malheureusement, les Français nous avaient imités en la matière : battus 2-1 chez nous, ils s’étaient imposés 1-0 à Gerland. A cause d’un revers stupide en Frise, Valence et Lyon nous avaient finalement supplantés aux deux premières places. C’est à la différence de buts que tout s’était joué entre les Rhodaniens et nous. A cause d’un tout petit goal, nous avions finalement terminé à la troisième place au lieu et de la deuxième du groupe. Petite cause mais grand effet !

Contrairement à Anderlecht, qui a eu le bonheur d’accéder au deuxième tour de la Ligue des Champions en 2000-01, vous n’avez jamais eu cette chance.

C’est vrai. Après avoir échoué de peu l’année même où le Sporting faisait des flammes dans cette épreuve, je n’avais guère été plus heureux la saison suivante puisque mes partenaires et moi-même avions fini en quatrième position derrière Lille, Manchester United et le Deportivo La Corogne. Mais le pire était encore à venir puisqu’en 2002-03, nous avions échoué derrière ces mêmes Anglais, le Bayer Leverkusen mais, surtout, le Maccabi Haïfa. Il n’y a évidemment pas de honte à être battu par les joueurs d’Alex Ferguson ou par les Allemands, futurs finalistes de la compétition. Mais ne pas émerger devant les Israéliens, voilà qui faisait quand même désordre. D’autant que les chiffres étaient éloquents : 3-0 chez eux et 3-3 dans la capitale grecque.

Aux dires du président Roger Vanden Stock, le Sporting aurait été davantage à son affaire contre le Maccabi Haïfa, l’Ajax Amsterdam ou le Sparta Prague plutôt que face à l’Inter Milan, le Werder Brême et Valence. Vous corroborez cet avis ?

Oui. Les Amstellodamois ont joué contre le Club Bruges la saison passée et le niveau était kif-kif. Nous aurions donc eu des possibilités aussi contre eux, ainsi que contre les Tchèques qui, à l’échelon de leurs formations de clubs, ne font pas partie de la crème des crèmes européenne. Quant au Maccabi Haïfa, je me demande quelle eût été sa réplique en d’autres circonstances. Les Israéliens ont eu le bonheur de nous rencontrer au moment où le championnat n’avait pas encore débuté en Grèce. Dans ces conditions, il va sans dire que nous manquions de rythme. Au retour, tout était joué concernant la hiérarchie définitive dans la poule. C’est dans ce cadre-là qu’il faut donc resituer le 3-3. A mes yeux, il est clair que face à des oppositions de ce calibre, Anderlecht aurait eu sa chance. Mais cette année-ci, la tâche était vraiment corsée. Sur le terrain, les équipes étaient encore plus fortes que sur le papier, c’est tout dire.

Jamais à la hauteur

De là à ne pas prendre le moindre point, il y a une marge.

Tout à fait d’accord. Hormis une demi-heure valable chez nous contre le Werder Brême, on n’a jamais été à la hauteur. Et particulièrement en déplacement où il n’y a guère eu d’unité de pensée entre les joueurs. Ce constat est même une constante en championnat. A l’extérieur, l’équipe ressemble souvent à s’y méprendre à un accordéon avec, d’un côté, ceux qui songent à défendre et, de l’autre, ceux qui ont le souci d’attaquer. Entre eux, malheureusement, il y a fréquemment un gouffre de trente mètres ou plus. Pour bien faire, Anderlecht devrait à nouveau jouer de manière plus compacte. Personnellement, j’estime que nous y parvenons lorsque nous évoluons en 3-5-2. Dans cette configuration, avec Walter Baseggio à mes côtés, nous combinons davantage qu’en 4-4-2 où je note toujours une tendance à expédier de longs ballons à l’aveuglette vers l’avant. Ce jeu-là avait probablement sa raison d’être à l’époque où le Sporting s’appuyait à l’attaque sur ce géant qu’est Jan Koller. Mais il me paraît nettement moins indiqué aujourd’hui.

Si Anderlecht est capable de dispenser du bon football en 3-5-2, à domicile, contre le Werder Brême, pourquoi ce même schéma n’est-il pas d’application face à un adversaire moins coté en Belgique ?

C’est la question à laquelle j’ai déjà confronté l’entraîneur, à l’une ou l’autre reprise, car je partage bel et bien cette opinion. Mais Hugo Broos me rétorque alors qu’avec une double occupation des flancs, l’équipe est, selon lui, plus équilibrée et portée vers l’avant. J’ai mes doutes à ce sujet car je ne pense pas que la contribution offensive de garçons comme Olivier Deschacht, Michal Zewlakow ou Anthony Vanden Borre soit réellement plus pointue selon qu’ils évoluent dans une arrière-garde à trois ou à quatre. Ceci dit, qui suis-je pour contester les choix du coach ? Au départ d’un 4-4-2 instauré après l’élimination face au Panathinaïkos, l’équipe était quand même parvenue à réaliser des résultats probants, au point de glaner un 27e titre au printemps passé.

Il n’empêche que, sur le plan du jeu, les supporters anderlechtois n’ont plus été gâtés depuis longtemps. On parle parfois de  » jour sans  » mais dans le cas du Sporting, il faut quasiment évoquer une  » année sans  » tant 2004 aura été mièvre.

L’équipe a souvent bafouillé son football, j’en suis conscient. Le contexte y a sans nul doute contribué. N’oublions pas qu’à la trêve, il y a tout juste un an, nous comptions 18 points d’avance sur Bruges. Et le Standard, qui était à huit longueurs de nous à ce moment-là, perdit soudain de sa superbe au fil des semaines. Quand on n’est plus poussés dans ses derniers retranchements, il n’est pas surprenant que l’on relâche l’étreinte. Et c’est ce qui s’est produit. Nous avons pris 35 points au deuxième tour, pour 46 au premier, alors que le Club, qui se devait de réagir, a fait l’inverse : 28 points au cours du premier volet de la compétition et 44 durant le second. Aujourd’hui, on fait tout un foin autour d’Anderlecht alors que sept points nous séparent du leader. L’année passée, malgré un écart beaucoup plus important, Bruges n’a jamais eu à subir les mêmes critiques que nous.

Les Bleu et Noir se sont ressaisis après quelques mois. A Anderlecht, cela fait un an que les supporters restent sur leur faim. Et les prix des places ont augmenté à l’intersaison.

Pour le moment, ils n’en ont pas eu pour leur argent, c’est le moins qu’on puisse dire. Mais il suffit quelquefois d’un petit déclic pour tout changer. La saison passée, nos bonnes performances à domicile en Ligue des Champions, surtout face au Celtic et Lyon, avaient eu leur prolongement sur la scène domestique aussi. Cette fois, en revanche, notre manque de répondant européen semble déteindre sur notre niveau en Belgique. Qui sait, une toute bonne perf contre Valence, aujourd’hui, est susceptible de nous remettre complètement en selle. Si nous battons Bruges chez nous à la mi-décembre, tout en ne gaspillant plus le moindre point, nous nous retrouverons à quatre points. Dans ce cas, tout resterait possible. Sans compter qu’au mental, on marquerait des points. Et c’est précisément ce dont certains ont besoin, ici. Car notre plus gros problème, cette saison, est d’ordre psychologique.

Davantage que footballistique ?

Je ne dis pas que tout serait résolu mais nous ferions un grand pas dans la bonne direction si chacun était déjà mieux dans sa tête. Voilà plus de 15 ans que je suis joueur professionnel mais je n’avais encore jamais vu un groupe aussi miné par le doute que le Sporting actuel. A tous les niveaux, il y a un manque flagrant de confiance. C’est déjà perceptible au but, mais les autres secteurs n’échappent pas à ce mal-être non plus. En général, un, voire deux joueurs sont parfois sujets à de telles mauvaises passes dans une équipe. Mais chez nous, c’est tout le monde, à peu de choses près. C’est invraisemblable. Personnellement, j’avais connu cette situation à l’époque de mes débuts à l’Olympiakos. Conspué comme jamais, je n’osais plus rien faire. Même une passe à cinq mètres ne parvenait plus dans les bons pieds. Jusqu’au jour où comme par enchantement, j’ai livré un bon match, agrémenté d’un but. Du coup, tout était oublié et je suis reparti sur de meilleures bases. Mais là j’étais seul. Ici, le mal est plus généralisé.

Pour un système immuable

A la limite, vous êtes même le seul à échapper au naufrage. Car vous continuez à vous montrer et à solliciter le ballon ?

J’ai le bonheur d’avoir la cote auprès du public. A 34 ans, je ne dois plus m’exposer non plus dans l’optique d’un transfert. L’essentiel de ma carrière est fait et ce qui compte pour moi, à présent, c’est à la fois de prendre plaisir et de donner satisfaction aux gens. Je ne vois pas pourquoi je devrais me cacher dans ces conditions et c’est pourquoi je me fais fort d’être toujours disponible sur le terrain. Mais ma tâche n’est pas toujours simple. Régulièrement, je dois porter le ballon plus que je ne le désire, faute de points d’appui nécessaires. Car beaucoup de joueurs, par peur de mal faire, rechignent à le demander. Une seule fois, cette saison, j’ai eu l’embarras du choix dans la cession du cuir : contre le Lierse, à domicile. Ce soir-là, chaque fois que j’étais en possession de la balle, deux ou trois possibilités s’offraient à moi. Mais ce match-là aura été l’exception qui confirme la règle. La plupart du temps, personne ne se démarque ou demande un service en profondeur. Pour le porteur du ballon, il n’y a jamais beaucoup de solutions.

Contrairement à ce qui se passe à Bruges, où il y a beaucoup plus de mouvements par rapport au jeu anderlechtois, très statique.

Le Club a l’avantage de rester fidèle au même système alors que la tactique n’a pas toujours été uniforme chez nous, ces derniers mois. Je ne suis pas surpris que les Bleu et Noir se trouvent les yeux fermés sur la pelouse alors que chez nous le contexte est souvent changeant. Pour bien faire, je crois que le Sporting devrait en revenir à un système vraiment immuable, sans revoir sa copie au gré des circonstances. A Bruges, chacun sait ce qu’il doit faire à tout moment, car rien ne change sur le terrain et tout y est toujours incessamment répété. Chez nous, il y a sans doute trop de fluctuations en la matière. A mon âge, il est parfois déjà difficile de faire la part des choses quand on est confronté à une nouvelle donne. Le problème est plus épineux encore lorsqu’on est jeune. Or, Anderlecht a précisément une équipe où le blé en herbe ne manque pas. Assimiler du neuf n’est pas toujours évident dans ce contexte.

Bruges a à la fois la meilleure attaque et la meilleure défense du championnat. C’est la référence ?

Ce sont des statistiques qui en disent long, en tout cas, sur la notion de bloc dans cette équipe. Et elles se vérifient sur le terrain : aucune équipe belge, pour le moment, ne se crée autant de possibilités que le Club dans la surface de réparation adverse et aucune, non plus, ne se révèle aussi intransigeante en défense. Mais le plus important, sans doute, c’est qu’il n’y a jamais de différence vraiment fondamentale entre un Bruges dans un jour favorable et un Bruges qui n’est pas au mieux de sa forme. Dans ce cas, l’équipe possède toujours une marge suffisante pour mener son match à bonne fin. Au Sporting, ce décalage-là est beaucoup plus important. Chez nous, quand les individualités les plus marquantes sont en forme, c’est le festival. Comme contre le Lierse. Mais quand les sensations ne sont pas au rendez-vous chez ces joueurs-là, on ne retombe pas sur un fonds de jeu suffisant pour plier une rencontre en notre faveur. Cet écart-là, dû peut-être à toutes les variantes qui ont été utilisées, doit être réduit à de plus sages proportions si on veut tenir la route en toutes circonstances. Maintenant, ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit : j’admire les qualités brugeoises mais, pour moi, le nec plus ultra restera à tout jamais Anderlecht. En réalité, je retrouve transposée de nos jours, en Belgique, une réalité que j’ai connue pendant trois ans en Grèce. Avec, d’une part, un Olympiakos qui regorgeait des meilleures individualités mais qui prenait quelquefois des claques quand Geovanni ou Predrag Djordjevic n’étaient pas dans un bon jour et, d’autre part, un Panathinaïkos, qui ne s’appuyait pas sur des noms, mais qui avait l’avantage de présenter un collectif huilé. Chaque année, le Pana nous a mené la vie dure en championnat. Mais cela ne nous a pas empêchés d’émerger en bout de course. Il ne faut donc pas désespérer. Bruges n’a qu’à bien se tenir.

Bruno Govers

 » A l’extérieur, l’équipe ressemble à UN ACCORDéON  »

 » Je n’ai jamais vu un groupe AUSSI MINé PAR LE DOUTE  »

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