Option communication

Certains clubs belges ont compris toute l’importance d’une présence hyperactive sur les réseaux sociaux. Et ainsi pris une belle avance sur la concurrence.

Le 7 septembre 2020, le compte Twitter du Club Bruges fait tilt après la publication d’un petit film dans lequel Clinton Mata, chouchou du public, tient le premier rôle. Cette séquence annonçant la prolongation de contrat de Mata est un exemple de contenu digital délivré par les clubs belges à leurs supporters ces derniers mois. Il y a longtemps qu’on ne se contente plus d’annoncer un transfert au moyen d’une simple photo de l’intéressé tenant son nouveau maillot. Aujourd’hui, c’est l’affaire des conversation managers, des content managers, des stratèges en réseaux sociaux. Calés derrière leur écran, ils livrent une véritable guerre digitale à la concurrence. Même si personne ne l’admet en ces termes, les grands clubs s’affrontent sans se côtoyer.

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 » À Bruges et à Anderlecht, il y a plusieurs personnes full time pour fournir du contenu « , explique Sam Kerkhofs, dont la société Sporthouse Group travaille pour des stars du sport comme Kevin De Bruyne, Dries Mertens, Youri Tielemans, Philippe Gilbert et Arthur Van Dooren.  » Ce n’est donc pas illogique qu’ils s’espionnent mutuellement et cherchent à fabriquer les films les plus sympas et créatifs. Ils mettent la barre toujours un peu plus haut parce que dans le domaine des médias sociaux, on ne peut pas se contenter de copier la concurrence. Chacun essaie donc d’être innovant.  »

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La brand activation, qu’est-ce que c’est ?

Avec vingt millions de followers cumulés sur ses comptes Instagram, Facebook et Twitter, De Bruyne n’est même pas obligé de poster un contenu révolutionnaire pour captiver ses fans numériques. Mais il sait que le film dans lequel on le voit récompensé du titre de Joueur de l’année en Angleterre va rester longtemps dans les têtes. À Naples, on n’a pas oublié toute l’émotion suscitée par l’annonce de la prolongation de contrat de Mertens.

Quelques grands clubs belges ont fait de la brand activation la nouvelle priorité de leur département marketing. Ils veulent informer, activer, lier leur communauté. Ils cherchent à impressionner les gens et à construire tout un concept autour de leur marque, histoire d’attirer un maximum de personnes dans leur sillage. Le contenu audiovisuel est un aspect de cette démarche. Mais le contenu proposé dépend de nombreux facteurs. Par exemple, dans quelle mesure l’entraîneur principal est-il ouvert aux nouvelles tendances technologiques ? À Charleroi, les supporters deviennent à la limite déjà dingues quand ils découvrent un film dans lequel on voit les Zèbres taper dans le ballon à l’entraînement. Mais Karim Belhocine est tellement peu attiré par les médias sociaux que rien ne peut être filmé dans le vestiaire et que les caméras sont rarement bienvenues aux entraînements.

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Le talent d’acteur des joueurs est un autre facteur qui peut provoquer la réussite d’un contenu audiovisuel. À Bruges, Kirsten Willem, Head of Communications, demande aux joueurs de sortir de leur zone de confort.  » Nous ne les traitons pas comme des acteurs et nous ne leur donnons pas un script. On ne leur dira jamais qu’ils doivent dire ceci ou réagir comme cela. Mais il est important de voir quel joueur colle le mieux à tel ou tel concept.  »

Mais qu’est-ce qu’un bon contenu ? Il doit d’abord correspondre à l’identité du club. Un film qui prend l’abonné à la gorge et joue sur sa corde sensible obtient toujours de bons résultats.  » Ça doit aller droit au coeur du groupe cible, il faut que les gens soient directement prêts à le partager avec un frère, une soeur ou un pote étudiant qui est parti à l’étranger « , détaille Wim Lagae, économiste du sport à l’Université de Louvain.  » Un contenu ne doit pas être simplement liké, il doit aussi être partagé.  »

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Bruges et l’Antwerp sont loin devant

Dans le sillage de quelques clubs anglais, le Club Bruges a nommé en 2011 un conversation manager, histoire de professionnaliser complètement le fonctionnement de ses réseaux sociaux. Le but était de communiquer activement avec les supporters et de les écouter via Twitter et Facebook. L’Antwerp a emboîté le pas en 2017, après son retour en D1, et le club du Bosuil renseigne depuis lors un chiffre d’affaires digital proche du million d’euros.  » Celui qui ne suit pas la tendance marketing actuelle manque complètement de vision « , lance Dimitri Huygen, Business & Communication Manager de l’Antwerp.  » Anderlecht a entre-temps recruté des gens compétents et sera là dans six mois. Les médias sociaux sont devenus incontournables dans la stratégie des clubs de foot. Si vous n’avez pas une communication en ligne directe avec les supporters, si vous ne savez pas qui ils sont, où ils habitent, où ils font leur shopping, je ne sais pas comment vous allez pouvoir mener une politique commerciale efficace dans le futur.  »

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Dans d’autres clubs, on signale que la stratégie marketing dépend des moyens disponibles. À Mouscron, ça reste très basique. Le but est surtout d’informer les supporters à propos de la vie quotidienne au club.  » Actuellement, nous n’avons pas assez de moyens humains pour faire des vidéos chaque semaine « , explique Céline Mawet, Communication Manager.  » Notre contenu n’est pas différent de celui d’autres clubs de bas de classement. À moyen terme, on voudrait offrir une web TV, comme ça se faisait avant.  »

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Dans plusieurs clubs, les responsables du marketing ont beaucoup de mal à convaincre le management que le recours à une communication de marketing est une façon de faire entrer de l’argent. Les dirigeants de l’ancienne génération ne comprennent pas pourquoi les 25.000 followers de leur club sur Facebook ne vont pas au stade. À Anderlecht, on a depuis lors saisi le message. En quelques mois, une toute nouvelle équipe a été mise en place.  » Anderlecht est toujours le club qui compte le plus de supporters dans les deux parties du pays « , dit Brecht Vaes, transféré de Studio Brussel l’été dernier.  » Des milliers de gens ont un abonnement au Sporting et beaucoup plus encore suivent nos résultats. Aussi via les médias sociaux. Et nous remarquons qu’un nombre très élevé de fans attendent qu’on leur donne des nouvelles de la vie du club. Nous réfléchissons à la meilleure façon de la raconter, dans le but de rapprocher encore plus les gens du Sporting.  »

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© Supplied by WENN

Suivre l’exemple Red Bull

Le monde du football est à un tournant. Dans quelques années, les partenaires commerciaux achèteront essentiellement des packages liés aux réseaux sociaux et les accords de sponsoring dépendront du nombre de posts qu’on leur proposera sur ces plateformes. Lagae cite l’exemple du saut dans le vide de Felix Baumgartner, parti de 38 kilomètres de hauteur en octobre 2012.  » Sur le plan du marketing, c’était un événement intéressant parce que Red Bull ne l’a partagé que sur ses propres canaux. L’avantage, c’est qu’on peut alors décider seul du contenu. Ce qu’un journaliste écrit, on ne peut pas le contrôler. Et heureusement, d’ailleurs ! Par contre, on est maître de ses propres canaux. Et cette tendance s’observe clairement dans le domaine du sponsoring sportif.  »

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Histoire de suivre la dernière tendance internationale, Bruges et d’autres clubs belges se sont transformés en véritables sociétés médias cherchant à fournir un contenu intéressant à leur public cible, H24. Le credo consiste à exploiter et maximaliser ses propres droits médias. Mais ils nagent alors dans les mêmes eaux que les entreprises de marketing classiques.  » Les clubs belges les plus riches savent qu’il y a de l’argent à gagner en développant leurs propres médias « , affirme Thierry De Ridder, responsable de la communication de la société de marketing et d’événements Sportizon.  » Je prends l’exemple du Club Bruges. Ils pensent probablement que s’ils ont le contrôle et filtrent les messages, ils peuvent donner un accès intégral à leurs supporters. En agissant comme ça, ils construisent la marque Club Bruges, et ils ont aussi la possibilité d’offrir de la visibilité à leurs sponsors. Pour nous, c’est une moins bonne nouvelle parce que les clubs de foot sont devenus des concurrents directs.  »

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Une tendance initiée par les Diables

Les Diables rouges ont été des précurseurs sur le terrain de la brand activation. En 2012, ils ont lancé les fameux défis. Avant chaque match éliminatoire pour la Coupe du monde, les supporters étaient invités à relever un défi particulier. Même si la page Facebook officielle et le compte Twitter des Diables comptaient alors à peine 55.000 followers, la réponse du public fut un vrai succès. Les low-effort fans, lisez les supporters qui en temps normal se contentent de liker des publications, d’aller sur le site ou de consulter occasionnellement Twitter, se sont sentis stimulés et se sont engagés pour l’équipe nationale.  » L’objectif était de construire une marque forte et de créer un lien émotionnel avec les supporters « , détaille Thierry De Ridder (Sportizon).  » Cette connexion devait être indépendante des résultats. Il faut arriver à un stade où le supporter accepte une défaite et n’abandonne pas son soutien. Si vous avez un lien émotionnel avec une équipe, vous ne considérerez pas ses joueurs comme des losers à la première défaite, vous n’arrêterez pas pour autant de la suivre.  »

La fédération a stoppé les défis des Diables entre-temps, pour des raisons financières. De Ridder :  » Heureusement, on a une génération dorée qui fait des résultats. C’est grâce à ça qu’on a des supporters qui continueront à soutenir l’équipe nationale, peu importe son parcours futur.  »

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