ONZE ANS PLUS TARD

Le Club Bruges a décroché son 14e titre, le premier depuis 2005. Pourquoi a-t-il dû attendre aussi longtemps ?

Quinze mai 2016, 16h26 : Johan Verbist met un terme à un Club Bruges – Anderlecht historique. Onze ans plus tard et face au même adversaire, les Blauw en Zwart renouent avec le titre, inscrivant pour la quatorzième fois leur nom au palmarès du championnat de Belgique. Le Club a livré un championnat à deux vitesses. Imprévisible avant le Nouvel An – très fort à domicile (7-1 contre le Standard) mais beaucoup moins sûr de lui en déplacement (4-1 à Gand), il a dû faire face à la grogne de ses supporters tandis qu’on se posait des questions quant au système de rotation voulu par Michel Preud’homme.

Mais l’entraîneur n’en démordait pas : pour lui, c’est en avril et en mai qu’il fallait être fort. Et c’est ce qui s’est produit. Après le Nouvel An, le Club a montré un autre visage, remportant 8 matches sur les 9 derniers de la phase classique et prenant 18 points sur 24 lors des play-offs. Le système de rotation était rangé au placard et le football produit était de bien meilleure facture.

Dimanche, une heure après le coup de sifflet final, Michel Preud’homme tirait un bilan qui ressemblait fortement à celui d’une fin de cycle.  » Depuis que je suis à Bruges, nous avons chaque fois clôturé la saison avec la meilleure attaque, nous avons terminé deux fois en tête de la phase classique, nous avons gagné la coupe et disputé la finale l’année suivante et maintenant, nous sommes champions.  »

CHUTE

Entre 2007 et 2016, Bruges avait dû se contenter de deux Coupes de Belgique (2007 et 2015) et de quelques trophées individuels : des titres de meilleur buteur pour Ivan Perisic (2011) et Carlos Bacca (2013), de Joueur de l’Année pour les deux derniers cités ainsi que pour Víctor Vázquez (2015), de Gardien de l’Année pour Mathew Ryan (2014 et 2015) et d’Entraîneur de l’Année pour Michel Preud’homme (2015). Maigres consolations pour un club qui ne jouait jamais devant moins de 23.000 spectateurs de moyenne et qui, de 1987 à 2005, avait décroché sept titres de champion et cinq coupes de Belgique.

Alors, qu’est-ce qui clochait ? Pour faire l’analyse, il convient de distinguer deux périodes : l’avant et l’après Bart Verhaeghe, qui reprit le club en 2010. Au cours des cinq premières années de disette, le club manquait de talent et la direction, de stabilité. Des joueurs comme Timmy Simons, Peter Van der Heyden, Dany Verlinden et Gert Verheyen étaient partis tandis que leurs remplaçants manquaient de personnalité (Sven Vermant) ou étaient trop souvent blessés (Koen Daerden, Joos Valgaeren).

Marc Degryse, promu directeur sportif, voulait changer l’ADN du Club mais manquait d’expérience et les joueurs qu’il transféra (JavierPortillo, Elrio van Heerden) échouèrent tandis qu’Anderlecht achetait des joueurs comme Nicolas Frutos, Lucas Biglia ou MbarkBoussoufa. Bruges, qui n’avait plus limogé d’entraîneur depuis 24 ans, virait successivement Jan Ceulemans, Emilio Ferrera et Cedomir Janevski. Degryse ne tenait pas la distance non plus. Michel D’Hooghe tenta de voler au secours du Club sans plus de succès.

La solution ne venait pas des équipes d’âge non plus. De 2006 à 2010, Anderlecht était champion à trois reprises avec Vincent Kompany et Anthony Vanden Borre tandis que le Standard s’imposait deux fois avec Axel Witsel, Marouane Fellaini et Reginal Goreux ou des transferts réussis comme Steven Defour, Dieumerci Mbokani, Dante, Oguchi Onyewu… La taille et la puissance physique qui avaient fait la force de Bruges dans les années 90 avaient pris le chemin de Sclessin où un certain… Michel Preud’homme tirait les ficelles.

En 2007, Bruges comprenait qu’il devait revoir sa politique de formation et engageait Henk Mariman tandis que Luc Devroe, promu manager, tentait de découvrir des perles. Il dénichait de jeunes talents bon marché (AntolinAlcaraz, Maxime Lestienne, Ivan Perisic, ThomasMeunier) mais ses transferts plus onéreux échouaient (DoregeKouemaha, entreautres). Le décès de François Sterchele représentait également un coup très dur.

De 2008 à 2011, tandis qu’Anderlecht vendait des joueurs pour 12 millions, que le Standard réinvestissait, que Genk cédait KevinDe Bruyne et ThibautCourtois à bon prix, Bruges n’enregistrait que 4 millions de recettes transferts. Le noyau manquait de qualité et JeroenSimaeys, Alcaraz, WesleySonck ou JosephAkpala devaient sauver les meubles. Bruges faisait parfois illusion mais il devait lâcher prise dans le sprint final.

PROFESSIONNALISATION

Début 2011, le nouveau président remarquait que Bruges avait de l’argent en caisse et décidait d’investir mais également de revoir la structure, de confier le pouvoir à un manager et plus à des comitards. En un an et demi, il faisait le ménage et transformait l’ASBL en SA.

Aujourd’hui, il reconnaît avoir commis des erreurs, notamment celle d’engager lui-même des joueurs ou un entraîneur (Georges Leekens), ce qui allait à l’encontre de ses principes, lui qui aime tant déléguer. Il voulait faire du Club Bruges un des clubs les plus modernes d’Europe mais il n’imaginait pas que l’immobilier (cf. les problèmes de construction du nouveau stade) et le football puissent avoir un tel impact sur la vie des gens.

Au cours des deux premières années, il agissait donc dans la précipitation et ses investissements n’étaient pas suffisamment rentables. Il décidait donc d’en revenir aux valeurs d’antan (sweat and glory) en engageant quelques vikings (TomHögli, Niki Zimling, Michael Almeback) tout en soignant la beauté du geste. Mais des artistes comme VíctorVázquez ou LiorRefaelov manquaient de constance et craquaient lors des play-offs.

Bruges modernisait alors ses méthodes de travail en étoffant son staff mais les entraîneurs qu’il engageait étaient soit trop vieux (Christoph Daum, Leekens) soit trop renfermés pour déléguer (Juan Carlos Garrido). Des transferts onéreux (mais pas toujours réussis) permettaient tout de même à Bruges d’entamer chaque année les play-offs avec ambition. La pièce manquante du puzzle, MichelPreud’homme, débarquait en 2013. Il apportait à la fois de la stabilité, une méthode de travail et des résultats.

Chaque année, Bruges gagnait une place au classement. Il remportait la coupe de Belgique et atteignait les quarts de finale de l’Europa League. Cette saison, seul le titre comptait pour lui. Pour cela, il acceptait que son équipe manque de stabilité au premier tour et snobait l’Europa League. Tout ce qu’il voulait, c’était que son équipe soit fraîche au moment d’aborder les play-offs. Et il parvenait à ses fins : la saison prochaine, le Club jouera la Ligue des Champions, à laquelle il aspirait tant.

AVENIR

Et maintenant ? En janvier, Preud’homme affirmait avoir pris une décision quant à son avenir. Il voulait simplement se laisser le temps de la réflexion avant de l’annoncer. Après 40 ans de football sans relâchement au plus haut niveau, il semble fatigué. Quoi qu’il arrive, il ne reprendra pas l’équipe nationale, même si Marc Wilmots s’en va après l’Euro. Prendra-t-il une année sabbatique ? La perspective de disputer la Ligue des Champions le poussera-t-elle à accepter un poste de directeur technique avec les pleins pouvoirs ? La réponse ne devrait plus tarder.

 » Nous devons pouvoir faire sans Preud’homme comme sans Verhaeghe « , disait voici peu le président.  » Nous devons pouvoir assurer la relève.  » Il est peut-être temps d’examiner les candidatures car si Preud’homme s’en va et qu’il n’est pas désigné pour lui succéder, Philippe Clement s’en ira aussi. La relève, Bruges doit aussi veiller à l’assurer sur le terrain. Cette année, Bjorn Engels s’est révélé avant de se blesser, Brandon Mechele a connu une deuxième saison difficile et ce fut pire encore pour NikolaStorm, Tuur Dierckx, Boli Bolingoli et SanderCoopman. Peut-être la solution viendra-t-elle de la construction d’une nouvelle académie à Westkapelle.

PAR PETER T’KINT – PHOTOS BELGAIMAGE

Une heure après le coup de sifflet final, Preud’homme tirait un bilan qui ressemblait à celui d’une fin de cycle.

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