Ondes de CHOC

L’attaquant se remet du tacle destructeur de Stephen Laybutt et envisage des mesures pour éviter de nouveaux drames.

Il y a encore des footballeurs belges qui travaillent en cette période de l’année. Thomas Chatelle est de ceux-là, et il s’en serait bien passé. Pourtant, il affirme que le plus dur est derrière lui. Il regarde les radios qu’il vient de recevoir.  » On y distingue clairement la fracture du péroné et la déchirure des ligaments internes de la cheville gauche. Mais on aperçoit aussi une nette progression dans la calcification. Et cela, c’est plutôt rassurant et de bon augure pour mon rétablissement « .

Le 23 avril, le championnat 2004-2005 s’était brusquement terminé pour l’attaquant bruxellois du RC Genk. Un tacle appuyé de StephenLaybutt, le défenseur australien de La Gantoise, l’a coupé net dans son élan. Les images télévisées, impressionnantes, de la jambe brisée de Thomas Chatelle sont entrées dans tous les foyers par le biais du petit écran et ont sans doute marqué beaucoup d’esprits.

 » Personnellement, je me souviens surtout de la douleur, intense, que j’ai ressentie sur le coup « , relate l’intéressé.  » Et aussi du choc émotionnel qui m’a emporté lorsque j’ai constaté que ma jambe n’était plus droite. Les minutes passées à attendre l’ambulance m’ont parues des heures. Je pense être resté dix minutes ou un quart d’heure sur le terrain. Il fallait être prudent en me déplaçant. On m’a posé une sorte d’attelle gonflable, pour que le pied reste droit. Le film de ma rééducation précédente, de tous les efforts accomplis pour revenir après mon opération aux adducteurs, m’est revenu en mémoire. J’ai pleuré. Je voyais, à la tête des gens qui m’entouraient, qu’ils étaient préoccupés. Je savais que ma blessure était grave, mais sans connaître exactement le degré de gravité. Cette incertitude a encore aggravé les doutes. Jusqu’à l’instant où je suis arrivé à l’hôpital et où l’on effectue des radios. Là, on a découvert exactement de quoi je souffrais. Heureusement, seul le péroné était touché. Pas le tibia. Mais le fait qu’il y avait eu une torsion a tout de même rendu la fracture plus délicate. J’ai été opéré dans la nuit, à l’hôpital universitaire de Gand. Un très bon hôpital. Dans mon malheur, j’ai eu la chance d’avoir été taclé dans un stade très proche d’une clinique bien équipée. L’opération, c’est le départ de tout. Si elle se passe mal, on peut perdre des mois. Tout s’est très bien passé. Mon beau-frère, qui est lui-même kiné, m’a d’emblée rassuré. J’ai alors retrouvé la sérénité. Je savais qu’au prix d’une bonne rééducation, je parviendrais à revenir dans le coup. Le fait d’être déjà passé précédemment par tous les caps de cette rééducation constituait, d’une certaine manière, un avantage. Je ne partais pas dans l’inconnu. Je me suis souvenu qu’il y a six mois, j’étais revenu plus fort. Cela aussi, c’était rassurant « .

Pas de carton puisque pas de faute !

Aujourd’hui, près de deux mois plus tard, Thomas Chatelle ne pense plus guère au choc. Il ne voit plus les images défiler dans sa tête.  » Je les ai revues, à la demande d’une chaîne de télévision qui m’avait demandé de les regarder en studio, mais je préfère éviter de tout ressasser. C’est une perte de temps, d’énergie et d’influx nerveux, dont j’aurai davantage besoin pour mon travail de rééducation. Le souvenir d’autres joueurs qui ont été victimes de graves accidents, comme l’Ivoirien de Beveren Diabis Abdoulaye Diawara cette saison, ne me hante pas davantage l’esprit. L’image qui m’est restée le plus longtemps en tête est celle de LucNilis, autrefois arrêté net face au gardien alors qu’il jouait en Angleterre. Mais voilà : cela arrive, je ne suis pas un cas isolé « .

Chatelle n’en veut pas spécialement à Laybutt.  » Ce qui m’a plus dérangé, c’est la façon dont l’action a été jugée. Il n’y a eu ni carton rouge ni carton jaune, pour la bonne et simple raison que l’arbitre a estimé qu’il n’y avait pas de… faute ! Il a sifflé le fait qu’un autre joueur m’avait tiré le maillot, ce qui m’avait ralenti dans ma course, mais en aucun cas le tacle du défenseur australien. Ce qui m’irrite, c’est que ce n’était pas la première faute que l’on commettait sur moi pendant le match. J’étais, à ce moment de la partie, l’attaquant le plus dangereux. A la mi-temps, l’entraîneur avait encore insisté pour que mes partenaires jouent un maximum par le flanc droit, étant donné que je parvenais régulièrement à déborder. Petit à petit, des actes d’antijeu ont été commis sur moi. Je reproche à l’arbitre de ne pas avoir senti que le match risquait de dégénérer. Il aurait pu intervenir plus tôt, et tout cela ne serait probablement pas arrivé. Qui était cet arbitre ? Je n’ai jamais cherché à le savoir. Je ne fais pas une fixation sur l’homme. Ce jour, c’était celui-là mais cela aurait pu être quelqu’un d’autre. J’ai aussi été fort irrité par les commentaires. J’ai entendu que le tacle n’était pas méchant, que Stephen Laybutt avait joué le ballon. C’est possible. Mais, d’une part, il est arrivé par l’arrière, légèrement en diagonale ; et d’autre part, s’il a effectivement effleuré le ballon, il m’a cassé le péroné avec le genou de son autre jambe. Je crois que ce joueur ne se rend tout simplement pas compte de sa puissance. Lorsqu’une masse de 90 kilos fonce sur vous avec une telle détermination, sur un sol mouillé, cela provoque forcément des dégâts. J’ai lu la chronique de BernardJeunejean, qui préconisait un football qui se jouerait debout. Je n’irai pas jusque-là. Un défenseur doit être autorisé à tacler. D’ailleurs, un tacle bien fait, lorsque le pied reste au sol et vient par l’avant, ne comporte pas de danger. Mais lorsque le joueur est en retard et tacle par l’arrière, il doit être sanctionné. Ce que je préconise, pour que cela n’arrive plus ? Le recours à la vidéo, pardi ! Après coup, on devrait pouvoir sanctionner les coupables sur base des images, si l’arbitre ne l’a pas fait. Cela freinera l’ardeur des joueurs. C’est de la prévention. La vidéo devrait être utilisée dans d’autres cas que les tacles. Lors de simulations, par exemple. Cela facilitera aussi la tâche des arbitres qui, aujourd’hui, ne sont pas sûrs d’eux au moment de siffler car ils craignent toujours d’avoir été floués par l’attaquant ou le défenseur « .

Enormément de messages de sympathie

Thomas Chatelle veut tourner la page de l’accident pour se re-concentrer sur l’avenir.  » Un petit mois après l’accident, c’est-à-dire vers la mi-mai, j’ai pu commencer à effectuer des exercices en piscine. Après, j’ai pu travailler la force de la cheville avec un élastique. Aujourd’hui, on ne pose plus des plâtres fermés, mais des plâtres ouverts : on perd donc moins en mobilité. Depuis deux semaines, j’ai commencé le vélo. Et depuis une bonne semaine, je peux marcher et effectuer des exercices sur une jambe. Plus tard, je passerai à la course. C’est progressif, mais les étapes se succèdent rapidement malgré tout. Je ne me suis pas fixé de délai pour revenir. On m’a dit, dès le départ, qu’il me faudrait trois mois au minimum. Cela m’amène fin juillet. L’important n’est pas de revenir vite, mais bien. Si je peux rejouer dans le courant du mois d’août, ce sera déjà un miracle. Après, il faudra encore retrouver le rythme ? Oui et non. Lorsqu’on a fait de la course et du vélo, on est en bonne condition physique : cela fait aussi partie de la rééducation. Après mon opération aux adducteurs, beaucoup s’étaient étonnés que mes tests physiques étaient parmi les meilleurs du groupe. Je ne crains pas d’avoir, à l’avenir, une appréhension lorsque je verrai un défenseur foncer sur moi. Le travail mental est également inclus dans la rééducation. Il faut réapprendre à faire confiance au corps, à l’endroit qui a été touché. On passe, certes, par une période de réadaptation, mais en principe, on revient retapé dans tous les sens du terme « .

Chatelle n’aura donc pas de vacances cet été :  » Je m’autoriserai tout de même cinq jours dans le midi de la France, à la fin du mois. Histoire d’un peu décompresser. C’est peu, mais tant pis. Lorsque j’étais encore étudiant, je ne pouvais pas partir non plus, en juin. En tout cas, j’ai apprécié le soutien que l’on m’a apporté. Des membres de La Gantoise, comme Georges Leekens, Frédéric Herpoel et Nordin Jbari, sont directement venus me voir à l’hôpital. Laybutt n’est pas venu. Il devait, paraît-il, aller chercher un proche à l’aéroport. Peu importe. Il m’a laissé un message, expliquant qu’il regrettait son geste et qu’il avait, lui aussi, été victime d’une grave blessure qui l’avait longtemps tenu éloigné des terrains. J’accepte ses excuses. J’espère simplement que, la prochaine fois, il réfléchira avant de se jeter de la sorte. Des joueurs d’autres clubs, comme VincentKompany ou OlivierDeschacht, m’ont également apporté leur soutien. AiméAnthuenis m’a téléphoné. Le staff de Genk, emmené par RenéVandereycken, m’a énormément soutenu. Le président JosVaessen est venu à la maison. J’ai reçu énormément de messages de sympathie. Un supporter de Genk a créé un site à cet effet et il a enregistré 380 messages. Un millier d’autres messages est parvenu au club. On me les a transmis lorsque je suis retourné pour la première fois au Fenixstadion, lors du match contre Charleroi. Lors du test-match contre le Standard, j’ai été acclamé. Recevoir un tel accueil de la part de Limbourgeois, pour le Bruxellois que je suis, cela m’a fait chaud au c£ur « .

C’est donc à distance que Chatelle a vécu la fin de saison de Genk.  » C’était très frustrant. C’est chez moi, en écoutant la radio et en regardant le télétexte, que j’ai vécu la dernière journée de championnat, qui comportait les duels Cercle-Genk et Ostende-Standard. Face à ce sentiment d’impuissance, j’ai vécu l’une des soirées les plus difficiles de ma carrière. Heureusement, cela s’est bien terminé pour nous. Peu de gens, à Genk, croyaient encore à une possible qualification européenne. Que ce soit avant la dernière journée de championnat, ou après le 3-1 qui a sanctionné le test-match aller à Sclessin. On savait que c’était possible, mais on ne baignait tout de même pas dans un optimisme béat. On a réussi à marquer deux buts très rapidement. J’ai eu l’impression que, quoi qu’on en dise, le Standard avait tout de même pris un gros coup sur la tête après son partage à Ostende « .

Daniel Devos

 » Je plaide pour le recours à la vidéo afin de SANCTIONNER CE GENRE D’AGRESSION « 

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