© belgaimage

 » On voudrait changer La perception de Mouscron, c’est compliqué « 

Il y a un coin du Hainaut occidental où on en a un peu marre de l’étiquette de vilain petit canard. Le directeur général du Canonnier monte aux barricades.

En plein brol des scandales dans notre foot, dans les premières heures du grand déballage, ça part dans tous les sens. Infos confirmées, rumeurs, fake news, analyses à la va-vite, ça se bouscule. Et, forcément, on cite Mouscron. Sur les sites, on rappelle directement le match miraculeux du maintien à Courtrai, en mars 2017. Les Courtraisiens auraient levé le pied pour sauver leurs voisins. On rappelle le match fou à Eupen, en mars de cette année. Les Mouscronnois auraient levé le pied pour sauver les Pandas. On signale que Mogi Bayat a des joueurs à Mouscron. Aucun doute, ou presque, Mouscron est dans la tourmente. Et puis, au final, nada, rien. Mouscron est un des rares clubs de D1 à ne pas avoir été perquisitionné. Aucun employé de l’Excel n’a dû passer par les bureaux des enquêteurs.

Mouscron n’est pas le plus grand club, et donc, ce n’est pas ici qu’il est le plus facile de travailler. Mais c’est aussi passionnant qu’un job dans un club où tout est déjà en ordre.  » – Paul Allaerts

Mouscron au pilori, vieille habitude, un gimmick du football belge. Et dire que c’est Malines qui, cet été, est allé très loin dans les procédures pour tenter de faire invalider le maintien du club hennuyer. Quand la clinique se fout des malades.

Tout ça n’amuse pas Paul Allaerts, son directeur général.  » Je ne sais pas si la justice s’est intéressée à nos matches contre Courtrai et Eupen, c’est peut-être aux gens de Malines qu’il faudrait poser la question… « , lance-t-il.  » Mogi Bayat a quatre joueurs chez nous cette saison mais tout a évidemment été fait dans la plus parfaite légalité. Ce qu’il fait après avec ses commissions d’agent, ce n’est plus notre problème. Aucun contrat ne nous a été demandé par la justice.  »

Comment as-tu vécu, à l’époque, les rumeurs qui ont suivi vos matches à Courtrai et à Eupen ?

PAUL ALLAERTS : Ce qui me dérange, c’est la perception qu’on a de Mouscron. Quand Dennis Van Wijk, l’entraîneur de Malines, fait à l’avance des remarques déplacées sur le match qu’on va jouer à Eupen, ça me dérange. Son équipe a dû attendre la dernière journée pour jouer son maintien, avant ça elle a eu 29 matches pour se mettre à l’abri. Ce n’est pas le problème de Mouscron si Malines est menacé jusqu’au bout.

 » Mon bagage d’arbitre m’aide à garder mon calme  »

C’est la même chose pour votre licence. Chaque année, d’autres clubs la contestent. Mouscron est la cible facile, la cible idéale ?

ALLAERTS : Oui. Et ce n’est pas agréable. Mais il faut avancer. Je ne veux pas mettre d’énergie dans des choses qu’on ne peut pas maîtriser.

Les attaques viennent toujours de Flandre.

ALLAERTS : C’est vrai. Toujours à cause de cette perception dont je viens de te parler. Et c’est très difficile de changer une perception. On fait avec. Je te cite un autre exemple de la perception qu’on a de ce club. Je lis parfois des articles dans lesquels on compare le noyau de Mouscron à une légion étrangère. Mais la saison passée, on était dans le top 5 des clubs de D1A qui ont inscrit le plus de joueurs belges sur les feuilles de matches. Quand j’ai dit ça à un journaliste d’un grand quotidien flamand, il a failli tomber de sa chaise.

Tu étais au top comme arbitre, tu as sifflé plus de 80 matches européens, tu as dirigé des matches de Ligue des Champions. Tu avais des fonctions de cadre supérieur chez Dexia. Tu as été directeur sportif puis responsable des arbitres à l’Union Belge. Tous des postes à un très haut niveau. Qu’est-ce qui t’amuse dans un club comme Mouscron, qui est peu médiatisé et se bat pour ne pas chuter en D1B ?

ALLAERTS : Mouscron, pour moi, c’était un nouveau challenge. J’avais quitté la banque au moment de la grosse crise, j’estimais à ce moment-là que c’était un bon moment pour me lancer dans autre chose. Alors, j’avais postulé à la fédération, qui cherchait un nouveau secrétaire général. J’étais dans la short list de deux et c’est Steven Martens qui avait été choisi, et quelques mois après, il m’avait proposé la fonction de directeur sportif. Je suis resté trois ans là-bas, puis j’ai eu à nouveau envie d’une nouvelle aventure et je suis parti.

Je voulais découvrir le foot à un autre échelon, c’est comme ça que je suis arrivé à Mouscron. Ici, je profite de tout ce que j’ai vécu dans le passé. Par exemple, mon bagage d’arbitre m’aide à garder mon calme dans toutes les situations, ça m’aide à prendre les bonnes décisions aux bons moments, à ne pas me laisser envahir par l’émotionnel. Évidemment, Mouscron n’est pas le plus grand club belge, et donc, ce n’est pas ici qu’il est le plus facile de travailler. Mais c’est aussi passionnant qu’un job dans un club où tout est déjà à cent pour cent en ordre. Les moments chauds, ce n’est pas ce qui m’a manqué ! Il y a eu la revente par le neveu Zahavi à notre nouvel actionnaire thaïlandais, les attaques de clubs concurrents qui voulaient nous retirer notre licence, des changements d’entraîneur.

 » La D1B n’est pas une option  »

Chaque été, les pronostics condamnent Mouscron à la descente. On peut dire que cette saison, c’est justifié ?

ALLAERTS : On a le plus petit budget ! Je prends l’exemple de Bruges en Ligue des Champions. Qu’est-ce qu’ils disent là-bas ? Ils rappellent que leur budget n’a rien à voir avec ceux de l’Atlético Madrid, de Dortmund et de Monaco. Pour nous, c’est la même chose en championnat de Belgique. On se bat avec nos moyens. On n’a pas beaucoup de points mais on ne perd pas non plus nos matches sur trois ou quatre buts d’écart. L’équipe s’est très vite retrouvée dans une spirale négative, en perdant le premier match à Ostende après avoir mené. Puis il y a eu des défaites dans les dernières minutes. Le stress et le manque de confiance se sont installés. Si on voit notre parcours sur une plus longue période, on constate que Mouscron vient de se sauver quatre fois d’affilée et que ce sont des clubs avec plus de moyens qui sont descendus. Ici, on sait à l’avance qu’on va se battre pour ne pas basculer. Les autres équipes de bas de classement n’ont pas fait le trou et il reste près de vingt matches. La D1B n’est pas une option, ça c’est clair.

Quand Dennis Van Wijk, l’entraîneur de Malines, fait à l’avance des remarques déplacées sur le match qu’on va jouer à Eupen, ça me dérange.  » – Paul Allaerts

Tu n’as pas l’impression que ça ferait plaisir à pas mal de monde si Mouscron basculait enfin…

ALLAERTS : Toujours cette perception… Et cette perception qu’on a de Mouscron est décidément bien difficile à changer.

Le manque de stabilité au niveau des actionnaires, ça joue aussi contre vous, non ?

ALLAERTS : Pour la continuité, pour le club, ce n’est pas facile. Mais Mouscron a toujours besoin d’un investisseur.

Il vous manque un investisseur qui s’engage sur du long terme, qui est connu du public, qui se montre, non ?

ALLAERTS : Je ne suis pas persuadé qu’il soit nécessaire que l’actionnaire majoritaire soit présent au stade. Est-ce qu’on voit régulièrement les actionnaires étrangers qui investissent dans d’autres clubs belges ?

Le vôtre, Pairoj Piempongsant, non seulement on ne le connaît pas, mais en plus il parle déjà de se désengager en partie pour concentrer ses billes sur le Panathinaikos !

ALLAERTS : Ses négociations là-bas sont bien engagées mais il n’y a pas encore de signature officielle. Il s’est exprimé au dernier conseil d’administration, il nous a expliqué qu’il cherchait des moyens financiers supplémentaires pour Mouscron. Il restera de toute façon actionnaire. Il est occupé à voir comment il peut encore mieux financer ce club.

Il vous a clairement dit qu’il souhaitait vendre une partie de ses parts ?

ALLAERTS : Il a 90 % de l’actionnariat et il a dit qu’il allait faire le maximum pour améliorer la structure financière de l’Excel. Il cherche plus de moyens, ça passera peut-être par une revente d’une partie de ses actions.

Il n’est pas question qu’il vende tout ?

ALLAERTS : Jusqu’à présent, on n’a pas eu ce message-là.

Le président l’a déjà taclé dans la presse en disant qu’il n’avait pas respecté ses promesses d’investissement pour renforcer le noyau.

ALLAERTS : Il nous a quand même donné des moyens supplémentaires en juillet parce qu’on lui avait dit qu’on avait besoin de nouveaux joueurs. On espère que dans les prochains mois, il nous donnera une aide supplémentaire.

 » Tu ne peux pas rester inactif quand ton équipe perd tous ses matches  »

Il y a aussi un souci de stabilité au niveau des entraîneurs, ce n’est pas nouveau et ça s’est confirmé depuis que tu es ici : Glen De Boeck, Mircea Rednic, Frank Defays, Bernd Storck, ils ne sont pas restés très longtemps.

ALLAERTS : C’est vrai, mais ici comme ailleurs, quand on engage un entraîneur, le but est de continuer un long moment avec lui. Mais il y a des situations qui font que ce n’est plus réaliste de poursuivre avec le coach en place.

Rednic a quand même marqué les esprits ici. Un sauvetage alors qu’il avait repris une équipe qui semblait condamnée, un super début de saison pour suivre, une bonne cote dans le noyau et dans le public. On continue à s’interroger sur les vraies raisons de son limogeage.

ALLAERTS : Simplement, il nous réclamait quatre ou cinq joueurs en janvier, il voulait que Mouscron se qualifie pour les play-offs 1. Mais avec les moyens qu’on avait, ce n’était pas possible. Un entraîneur doit aussi pouvoir s’inscrire dans la vision du club qui l’emploie. Pour les supporters, pour les sponsors, tu peux participer une fois aux play-offs, ce serait magnifique pour un club comme Mouscron. Mais ça doit toujours cadrer avec les moyens financiers disponibles. Évidemment, je ne connais aucun coach qui ne souhaite pas attirer des renforts, mais on ne pouvait tout simplement pas le faire. La communication de Rednic n’était plus en phase avec la nôtre, alors on a mis fin à la collaboration. De commun accord. Il n’y a pas eu d’attaque frontale. Ou aurait pu le maintenir jusqu’à la fin de la saison mais on a préféré donner un temps d’acclimatation à Frank Defays. Parce qu’entraîner Virton et travailler à Mouscron, ce n’est pas la même chose. Et puis, quand on a enchaîné six défaites avec lui cette saison, on devait à nouveau intervenir. Tu ne peux pas rester inactif quand ton équipe perd tous ses matches.

On a vite compris la méthode et la philosophie de Bernd Storck : travail, sérieux, discipline, on ne lâche rien. Les joueurs étaient prêts pour cette méthode forte ?

ALLAERTS : Il a provoqué un changement nécessaire, c’est sûr. Mais je n’ai eu aucun commentaire négatif en provenance du vestiaire. Aucun joueur ne m’a dit qu’il se sentait incapable de gérer ça. Bernd Storck a un plan et il l’applique. Il communique bien et beaucoup, avant, pendant, après les entraînements. C’est une communication transparente. Et il demande une concentration maximale, tout le temps. Tout le monde n’est pas habitué à ça mais je pense que c’est une bonne façon de faire. Je vois aussi que Storck est un workaholic. Quand il est arrivé, il avait déjà visionné tous nos matches de cette saison. Il analyse tout, il veut tout savoir sur ses joueurs et les adversaires. Et puis il a modifié le style de jeu de l’équipe. Defays misait d’abord sur une bonne organisation défensive, Storck veut avoir le plus possible le ballon, avec beaucoup de petites passes, du jeu au sol. Jusqu’ici, tous nos adversaires nous ont dit que le Mouscron version Storck jouait bien au foot et que les points allaient suivre. On est sur le bon chemin, j’en suis persuadé. Le jeu qu’on produit me donne confiance.

Allaerts :
Allaerts :  » Quand on convoque Frank Defays pour lui dire que nos chemins se séparent, ce n’est agréable ni pour lui, ni pour nous. « © belgaimage

 » Aucun entraîneur n’a été maltraité à Mouscron ! « 

Quand un club licencie un entraîneur, il y a l’aspect sportif, l’aspect financier, mais aussi l’aspect humain. Comment tu vis ça ?

PAUL ALLAERTS : : Aucun entraîneur ne peut dire qu’il a été maltraité à Mouscron ! J’ai encore revu Glen De Boeck récemment, on a gardé une bonne relation. Il sait qu’il n’y avait rien de personnel dans notre décision de le licencier, c’était une question purement sportive. Évidemment, ce ne sont pas les moments les plus gais pour une direction. Quand je suis avec Jürgen Röber et qu’on convoque Frank Defays pour lui dire que nos chemins se séparent, ce n’est agréable ni pour lui, ni pour nous. Mais ce sont des décisions qu’il faut prendre. Et on les prend dans une atmosphère de respect mutuel. N’importe quel entraîneur sait que ça peut lui arriver. Je ne peux pas parler à la place de Frank Defays mais il disait lui-même qu’avec des résultats aussi catastrophiques, il pouvait s’attendre à être licencié. De notre côté, on s’est posé une question essentielle : comment le coach peut-il encore motiver ses troupes après une série de six défaites pour commencer le championnat ?

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire