» On veut assumer notre rôle d’ambassadeur de la ville de Charleroi « 

Le président et son administrateur délégué reviennent sur leur première saison et préfacent l’actuelle.

Il aura fallu plusieurs semaines avant d’accorder les agendas. Finalement, la rencontre se fera au stade du Pays de Charleroi, deux heures avant la rencontre amicale se disputant à Couvin face à Virton à laquelle les deux hommes avaient prévu de se rendre. D’un côté, le caractère posé du président, Fabien Debecq. De l’autre celui plus volubile de celui qui gère le Sporting au quotidien, Mehdi Bayat.

Qu’est-ce qui vous a le plus marqué durant cette première année ?

Fabien Debecq : La reconnaissance des gens, que ce soit nos partenaires ou les supporters. Tout chef d’entreprise qui reprend une activité dans laquelle il n’a pas beaucoup de maîtrise, attend de la reconnaissance et du soutien. Et là, je suis comblé.

Appréhendiez-vous le côté irrationnel du football ?

Debecq : Pour moi, le côté émotionnel du football est fabuleux. Chaque week-end, il y a de l’émotion ! Et cela n’empêche pas d’avoir une vision à long terme, capitale pour construire.

Quel bilan tirez-vous de cette première saison ?

Mehdi Bayat : On a hérité d’une situation ! On devait d’abord analyser la situation complète, notamment au niveau financier avant de pouvoir prévoir et agir selon nos plans. Ce n’est que cette saison qu’on pourra être jugé véritablement sur notre travail.

Debecq : Moi, j’ai dû apprendre comment fonctionnait la gestion d’un club de D1 pour pouvoir prendre ensuite les bonnes décisions et rectifier certains départements du club. La plus grosse tâche, après la reprise, fut de redonner confiance à tout le personnel, qui n’avait pas reçu assez de remerciements sur la qualité de son travail.

Vous êtes arrivés avec un slogan très fort ( » Carolos are back « ). Est-ce que vous vous attendiez à ce que la greffe prenne davantage ?

Debecq : Ce fut peut-être plus compliqué que prévu. Quand il y a une blessure profonde, on ne peut pas la cicatriser en deux minutes. Mais je pense que le slogan a fonctionné de manière positive. Et puis, comme Mehdi l’a dit, ce n’est que maintenant qu’on va pouvoir montrer ce dont on est capable.

Bayat : Evidemment qu’il y avait des attentes puisqu’on entendait partout – Le jour où Abbas Bayat ne sera plus là, on reviendra ! Donc, c’est vrai que je m’attendais à plus d’engouement. Mais le malaise était très profond et les fantasmes qui ont circulé autour de la reprise n’ont pas aidé. Mais aujourd’hui, je pense qu’on a réussi au moins une chose : prouver aux gens qu’on a mis en place une stratégie basée sur le respect de nos engagements. Et on se tient à cette ligne de conduite. On veut assumer notre rôle d’ambassadeur de la ville de Charleroi.

 » Paul Magnette essaie aussi de reconstruire une ville abîmée par les affaires  »

Est-ce que cela fut également difficile de convaincre les sponsors ?

Bayat : Il ne faut pas oublier que la reprise a été entérinée en pleine crise économique. Forcément, même si la volonté existe chez certaines personnes, elles doivent pouvoir suivre financièrement. Les grandes boîtes nationales ont toujours voulu être présentes à Charleroi, ne fût-ce que parce que Charleroi constitue la première ville francophone de Belgique. Sur ce plan-là, on a reçu un bon return. Par contre, au niveau local, on a senti un nouvel engouement même si, comme je le disais, parfois ce n’étaient pas de gros montants. Mais, on a revu au Sporting des chefs d’entreprise locaux qu’on ne voyait plus. Ça, ça nous a fait plaisir. Cependant, cette saison, on doit encore passer une étape supplémentaire. On peut d’ailleurs établir une comparaison avec la ville : Paul Magnette essaie aussi de reconstruire une ville abîmée par les affaires.

Est-ce que le Sporting peut surfer sur la nouvelle image que Magnette veut donner à la ville ?

Debecq : Evidemment.

Bayat : On a d’ailleurs des réunions régulières avec les équipes de Magnette. Des deux côtés, il y a une volonté de refaire quelque chose. On a prouvé, en termes d’image, que le Sporting n’était plus le même club : on est beaucoup plus calme, serein, posé. Et quand il y a des scandales, on arrive à les gérer calmement. Mais on ne veut pas que notre politique ne se limite qu’à un slogan. Carolos are back ne doit pas devenir un frein à notre évolution. On veut aussi se faire respecter et si, à certains moments, on doit montrer les crocs, on sait le faire aussi. Notre but, c’est de faire grandir le Sporting. On n’est pas uniquement là pour dire – On est bon, on est gentil.

Quelle fut la plus grosse déception de la saison passée ?

Debecq : Le départ prématuré de Yannick Ferrera. On avait essayé d’être solidaire, de créer une équipe, d’aller dans la même direction et quand une des personnes du groupe s’écarte et prend une autre direction, ça fait mal. On se pose des questions et on se demande si notre façon d’agir est la bonne. Le deuxième moment pénible fut les insultes d’Aoulad vis-à-vis de la direction.

Qui a pris la décision de se séparer du joueur ?

Debecq : Ce n’est que de la logique. On ne pouvait plus le garder. C’est une question de respect. A partir du moment où il a dépassé une ligne interdite, il n’y avait pas d’autre solution.

 » Au départ, on pensait que les insultes d’Aoulad étaient adressées au coach  »

Avez-vous été gêné de l’image que cela pouvait donner de Charleroi ?

Debecq : Non, car on n’a rien à se reprocher.

Bayat : Au départ, on pensait que ces insultes étaient adressées à l’entraîneur mais Yannick l’a très vite défendu à 100 %. Ce n’est que quand Yannick est parti qu’on a appris ce qui s’était passé. A savoir que Yannick s’était couvert auprès de lui, comme auprès des autres, en leur disant que s’il ne l’alignait pas, c’était parce qu’il avait des obligations et des comptes à rendre à la direction. Or, notre ligne de conduite nous interdit d’aller, Fabien ou moi, imposer quoi que ce soit dans le vestiaire.

Ce n’est clairement pas ce que Yannick Ferrera a dit après son départ…

Bayat : C’est clair que mon rôle est de définir une ligne de conduite à chacun, que ce soit à Pierre-Yves Hendrickx, à mon comptable ou au coach. Après, je n’interviens plus. La seule fois où j’ai suggéré certains choix de joueurs, c’est lors des play-offs 2 car il fallait analyser la capacité des jeunes à évoluer en D1. Or, Yannick n’était déjà plus là ! Ce qu’il raconte est donc faux.

Est-ce que le ver n’était pas dans le fruit, à partir du moment où vous héritez d’un binôme que vous n’avez pas choisi ?

Debecq : Vous avez tout à fait compris.

Bayat : Au moment de la reprise du club, on s’est demandé ce qu’on allait faire avec eux. Tout le monde s’attendait à ce qu’on les liquide ! Fabien m’a dit – Si tu penses que pour le bien du club, il faut prendre une décision et s’en séparer, ne prends pas en considération le côté financier. Le message était clair : je ne devais pas être bloqué par le contrat de Peruzovic et Ferrera. Mais on a vite vu l’équipe évoluer : victoire à Courtrai, victoire contre Mons. On a réfléchi et on s’est dit que ce n’était pas parce que nous n’avions pas choisi ce binôme qu’on devait leur mettre la hache sur la tête.

L’image de coupeurs de tête ne cadrait pas trop avec la nouvelle image que vous vouliez donner…

Debecq : Cela n’est pas intervenu. On venait de reprendre un club, on avait le droit de choisir nos entraîneurs. C’était logique de modifier la structure. Et finalement, on a gardé tout le monde. Et même en cours de saison, après la défaite contre OHL, on les a gardés ! On aurait pu être influencé par les médias mais on a discuté avec eux et on leur a maintenu notre confiance. Et c’est pour cela que le départ de Yannick m’a touché. D’autant plus qu’il ne m’a pas prévenu. En tant que président du club, j’ai trouvé cela un peu… triste, pour rester poli.

Et puis, il y a les propos de Luka Peruzovic juste avant les PO2 ?

Debecq : Mais il est resté !

Bayat : Luka a beaucoup plus d’expérience et de respect que Yannick.

 » Certains ont cru que ce serait la braderie chez nous  »

Mais il est resté simplement parce qu’aucune des deux parties ne voulait rompre le contrat…

Bayat : Pendant un an, on a été respectueux des gens et des contrats. On n’est pas dans un système mafieux. Il y avait un engagement pris par notre prédécesseur et il fallait faire les choses correctement. Mais il y a une réalité de fonctionnement : on ne pouvait pas le garder sous contrat cette saison s’il n’y a pas de jobs adéquats qui lui conviennent. Cela n’aurait pas été sérieux de notre part.

Vous rentrez dans la deuxième saison, celle de la confirmation…

Debecq : On a remis l’équipe sur des rails. Sur le plan financier, on vient de loin également…

Vous confirmez un déficit de 700.000 euros pour la saison dernière ?

Bayat : On ne sera pas loin de ce chiffre-là.

Debecq : C’est un déficit mais on le voit comme quelque chose de positif. C’est nettement mieux que les saisons précédentes (NDLR : 4 millions en 2011-2012). On va dans la bonne direction et j’espère que le club pourra s’autofinancer très vite.

C’est pour cette raison que vous n’avez pas été obligés de vendre un de vos meilleurs éléments ?

Bayat : Cela résulte d’une volonté. On a eu des offres jugées trop faibles pour certains de nos joueurs (NDLR : Kaya et Pollet). Et c’est là qu’on peut voir l’état d’esprit dans lequel on évolue. Si on avait dit – On n’a pas le choix, il faut vendre pour renflouer les caisses, on aurait cédé à ces offres. Mais à un moment donné, on s’est dit que ce n’était pas nécessaire. On a annoncé il y a quelques mois qu’on réfléchissait à vendre un ou deux joueurs pour équilibrer les comptes. Et ce côté transparent a joué contre nous car certains clubs ont alors eu le sentiment que cela allait être la braderie au Sporting. On a donc décidé de ne brader personne car on a une vision à moyen et long terme. On va peut-être essuyer une légère perte lors de cet exercice mais je suis persuadé que cela sera pour mieux vendre en janvier ou en juin prochain.

N’êtes-vous pas déçus du peu d’attractivité de vos joueurs sur le marché des transferts ?

Bayat : Non car beaucoup de nos joueurs doivent confirmer leur bonne saison pour que les clubs acquéreurs puissent se dire que ces éléments ne sont pas des étoiles filantes mais des joueurs réguliers. Mais c’est là que cela devient intéressant pour nous : car si nos joueurs confirment, leur valeur va augmenter. On n’est donc pas pressé.

 » Renard nous procure 5 à 10 % de rentabilité supplémentaire  »

Parlons des renforts : N’avez-vous pas eu peur du physique d’Olivier Renard ?

Bayat : On a fait sa visite médicale, il a effectué tous les tests physiques, on a fait les radios de son dos car on évoque souvent à son propos des problèmes de dos et il ne présente aucune lacune médicale. Il a 34 ans et c’est clair qu’il ne va plus faire dix ans de carrière. Mais c’est un garçon extraordinaire avec une très bonne mentalité, de la région et, avec ce qu’il prouve à l’entraînement tous les jours, il est loin d’être un numéro deux. Rien que sa présence dans le vestiaire nous procure 5 à 10 % de rentabilité supplémentaire.

Beaucoup de vos transferts n’ont pas l’expérience de D1…

Bayat : Notre priorité consistait à éviter d’avoir un noyau de plus de 30 joueurs. Les seuls postes pour lesquels on a pris des jeunes comme Mrabet ou tenté un coup comme Kondogbia sont ceux occupés actuellement par des cadres confirmés. Mrabet ou Kondogbia sont là pour apprendre et constituent des paris pour l’avenir. Par contre, Willems sort de la réserve de Lille. Comme Junior Malanda la saison dernière. Dewaest est titulaire depuis trois ans à Roulers. Je pense à un moment donné que ce profil de joueur mérite sa chance en D1. Et si un club comme Charleroi ne le fait pas, qui le fera ? Daf a été courtisé par le Milan AC. On doit être largement content de le récupérer.

Pourquoi avez-vous aussi décidé de redonner une seconde chance à Bison Gnohéré ?

Bayat : On sera surpris par lui. Pourquoi l’avoir loué cet hiver ? Personne ne nous croirait si on dévoilait ce que Westerlo a payé pour le louer en janvier ! C’était une excellente opération financière mais cela ne signifiait pas qu’il n’avait pas le niveau de la D1. Je pensais que cette location allait le réveiller. Il avait été meilleur buteur de D3 et de D2 et il avait tout le poids sur ses épaules lors de ses débuts en D1. A l’époque, il n’avait pas compris la différence entre D2 et D1.

Comment avez-vous dirigé votre choix sur Felice Mazzu ?

Debecq : On en a discuté ensemble et le choix s’est rapidement porté sur lui. Je n’en pense que du bien, forcément. Tout le monde sait qu’il n’a pas d’expérience en D1 mais il a fait du bon travail en D2 et D3. Yannick Ferrera n’avait pas d’expérience quand il a débuté à Charleroi ! Mazzu est dans la lignée de notre politique puisqu’il est de la région. Sa façon de pouvoir gérer l’être humain m’a séduit énormément par rapport à notre précédent coach.

 » Oui, on a trouvé des cadavres dans les placards  »

Il y a un an vous déclariez vouloir un club stable. La première saison n’a pas vraiment répondu à ce concept puisque vous avez eu trois entraîneurs…

Debecq : Où comptez-vous trois entraîneurs ? Ferrera et Peruzovic formaient une seule association et Mario Notaro était issu du club.

Bayat : Les changements sont intervenus à des moments qui n’ont pas porté à préjudice. Et puis, cela ne relevait pas de notre volonté. Cependant, je maintiens que la stabilité est un élément important dans un club et nous allons tout faire pour y parvenir. Nous sommes les garants de cette stabilité.

Vous avez annoncé vouloir être un président discret. Vous avez tenu parole. Est-ce une ligne de conduite ou attendiez-vous de connaître la D1 avant d’intervenir davantage ?

Debecq : Cela restera de la sorte. Il n’y a pas de raison de changer. Mon partenaire et administrateur délégué (Il montre Mehdi Bayat du doigt) fait un travail remarquable. Et je ne pense pas que c’est le rôle du président d’intervenir sans cesse.

Même quand vous entendez certains médias dire que vous êtes un homme de paille ?

Debecq : Je n’ai pas envie de commencer à faire du tam-tam pour exister et prêter attention aux commérages. Cela ne sert à rien de répondre car on alimente la rumeur. Le temps jouera en notre faveur, j’en suis persuadé.

Bayat : Il y a un an, toute une série d’aboyeurs ont véhiculé des fantasmes sur la reprise disant que telle ou telle personne tirait les ficelles. Aujourd’hui, on ne les entend plus, ces gens-là !

Etes-vous toujours d’accord avec Mehdi Bayat ?

Debecq : Pratiquement oui. Nous sommes très complémentaires. Notre relation est basée sur un rapport de respect mutuel. C’est la première fois que cela m’arrive dans ma vie. En affaires, beaucoup de gens disent qu’il ne faut jamais s’associer avec son meilleur ami. Et c’est la réalité puisque je l’ai déjà vécu ! Mais avec Mehdi, je me félicite tous les jours de m’être lancé dans le bain.

Avez-vous découvert beaucoup de cadavres dans les placards ?

Debecq : Oui mais on s’y était préparé. Beaucoup de litiges sont réglés mais on est encore victime de certaines décisions de l’ancienne direction.

Abbas Bayat nie avoir laissé des cadavres dans le placard. Comment se passent les réunions de famille ?

Bayat : On se voit moins mais cela reste toujours le frère de mon père. C’est mon oncle ! On se parle au téléphone, il me demande comment se porte ma fille, je lui demande comment vont mes cousines.

Vous n’évoquez jamais Charleroi ?

Bayat : Il m’a demandé comment cela se passait mais de manière très amicale.

Debecq : S’il y a des problèmes financiers avec monsieur Bayat, c’est avec moi qu’Abbas Bayat discute. C’est à moi à gérer de cela. Pas à Mehdi.

PAR STÉPHANE VANDE VELDE – PHOTOS: IMAGEGLOBE

 » On ne veut pas que notre politique se limite au slogan Carolos are back.  » Mehdi Bayat

 » Quand Ferrera est parti, il ne m’a pas prévenu. En tant que président du club, j’ai trouvé ça un peu triste.  » Fabien Debecq

 » La seule fois où j’ai suggéré des choix, c’était en PO2, car il fallait analyser la capacité des jeunes à évoluer en D1.  » Mehdi Bayat

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