» ON TRAÎNE NOTRE DÉBUT DE SAISON COMME UN BOULET « 

Confessions sur fond de crise grecque, d’émotions rouges et de mercato tonitruant.

Matthieu Dossevi fixe le poster accroché à un mur de l’Académie, avec ce titre : Liège, nouvelle capitale du foot belge. Ça date de 2009… Un bon thème pour entamer la confession de l’un des gars les plus spectaculaires du championnat.

D’après ce que tu as vu ici depuis ton arrivée, Liège capitale de notre foot, ce n’est quand même pas frappant…

MATTHIEU DOSSEVI : Ouais mais c’est clair que le Standard reste un club emblématique en Belgique. Celui qui met les pieds ici sent tout de suite qu’il a des responsabilités. Ça dépasse le cadre d’un club de foot. Tu sens que tu es dans une institution. Il y a la ferveur des supporters, tu croises en rue des gars qui sont dingues du Standard, ça s’emballe sur les réseaux sociaux pour un oui pour un non.

Tu sais quoi de l’histoire du Standard ?

DOSSEVI : Sur ce poster, il y a Axel Witsel. Une illustration des grands noms qui sont passés. Comme je viens de Ligue 1, je pense aussi naturellement à Michy Batshuayi. J’ai des amis qui sont venus, Serge Gakpé et Frédéric Bulot. Je sais qu’ils n’ont pas marqué l’histoire mais bon. D’autres gars que j’ai connus en France ne m’ont dit que du bien en me parlant du Standard. Et puis on voit que c’est un championnat qui conditionne les mecs pour les amener au plus haut niveau.

Justement, tu viens de prolonger jusqu’en 2020 mais tu es typiquement le style de joueur qui ne reste jamais aussi longtemps chez nous. Un gars comme toi, il explose très vite puis il s’en va.

DOSSEVI : On sait que les contrats ne veulent plus dire grand-chose, les clubs les rachètent comme on change de chemise. Mais ce que je voulais avant tout, c’était la stabilité, et reprendre du plaisir. Je l’avais un peu perdu en Ligue 1 parce que j’y ai joué presque uniquement le maintien. J’ai retrouvé ce plaisir à l’Olympiacos. Et encore ici. C’est important d’être dans un club dominant, qui joue le haut du tableau, qui représente quelque chose. Quitte à partir de Grèce, je voulais retrouver quelque chose de bien et de stable. Le Standard m’offre cette stabilité, sportive et financière. Quand il a été question de lever l’option et de me faire signer un long contrat, j’ai à peine dû réfléchir.

Sans aucune envie de découvrir déjà un championnat plus fort ?

DOSSEVI : Je ne pensais pas quitter la Grèce aussi vite mais un malheur a ramené un bonheur derrière, c’était finalement un mal pour un bien puisque j’ai trouvé ici quelque chose d’encore mieux. Et quand je me sens bien quelque part, je n’essaie plus trop de me faire chier à stresser ou à me demander où je vais être l’année suivante. On peut toujours espérer mieux, on peut toujours avoir mieux mais il faut pouvoir apprécier ce qu’on a quand ça se passe bien. J’essaie de ne plus trop me poser de questions.

 » FACE À GAND, ON AVAIT LE CUL ENTRE DEUX CHAISES  »

Qu’est-ce qui t’étonne dans le foot belge ?

DOSSEVI : Ce qui me frappe le plus, c’est la qualité des stades.

C’est de l’ironie ?

DOSSEVI : Pas du tout. J’arrive de Grèce. Je jouais dans le meilleur stade avec l’Olympiacos, mais ailleurs, c’est vraiment petit, tu as des stades de 5.000 ou 6.000 places. Et en France, ça va mieux aujourd’hui parce qu’ils vont avoir l’EURO, ils ont maintenant plein de stades de folie mais j’ai joué à Auxerre, à Guingamp, à Bastia, dans l’ancien stade de Lille. Ce ne sont pas que des trucs de ouf ! Vraiment, j’ai une bonne surprise à ce niveau-là en Belgique. Et les terrains sont de très bonne qualité. Il y a aussi l’ambiance, plutôt sympa, et beaucoup d’effervescence.

Dans vos deux matches contre Gand, vous avez tenu une mi-temps puis vous vous êtes complètement effondré. C’est un problème mental ?

DOSSEVI : Ouais, mental plus qu’autre chose, c’est clair.

Dans les deux cas, le Standard a disparu du match dès qu’il a été mené.

DOSSEVI : Tu changes ton système de jeu habituel pour te calquer sur celui de Gand. Forcément, tu es un peu plus défensif que d’habitude. Tu essaies de rester bien en place, de les faire chier, de les empêcher de développer leur football. On le fait très bien mais on ne domine pas forcément, donc on ne se crée pas beaucoup d’occasions. On veut surtout ne pas prendre de but, on mise sur un coup pour en marquer un. Mais dès que tu encaisses, tu te demandes comment tu vas faire pour revenir. Et c’est encore plus compliqué quand tu n’es pas dans ton schéma tactique habituel. Il y a aussi du psychologique là-dedans.

Et l’adversaire déroule…

DOSSEVI : Tu as le cul entre deux chaises, entre tes préoccupations défensives de début de match et ce que tu fais en temps normal. En face, tu as un adversaire en pleine confiance. Ce n’est pas simple. Mais on peut arriver à les emmerder. Quand on voit la première mi-temps qu’on a faite chez nous, on se dit qu’on peut faire quelque chose. On n’a pas été forcément dangereux mais ils n’ont pratiquement rien eu pendant cette mi-temps. Ils ont rarement fait trois quarts d’heure aussi nuls cette saison. Malheureusement, c’est sur une heure et demie qu’on doit faire ça.

Ça fait des semaines qu’on dit partout que le Standard finira dans le top 6 mais vous peinez pour y arriver. Il n’y a pas d’impatience ? Il ne reste pas non plus 50 matches pour le faire !

DOSSEVI : Le problème, c’est qu’on est partis de très loin et qu’on continue à traîner notre début de championnat comme un boulet. On s’accroche au bon wagon, on essaie de ne pas lâcher mais on sait qu’on n’a plus trop droit à l’erreur.

 » SUITE AU MERCATO, TOUTE LA COHÉSION DU GROUPE EST À REFAIRE  »

On t’a déjà parlé de nos play-offs 2 ? Tout le monde s’en fout et il n’y a personne dans les stades. Tu imagines jouer pendant autant de semaines des matches qui ne servent qu’à occuper les joueurs ?

DOSSEVI : On m’en a parlé, oui… (Il rigole). Mais on est des pros, et si jamais on ne participe qu’à ces play-offs 2, on devra assumer jusqu’au bout.

L’équipe marchait bien en décembre puis elle a été complètement chamboulée pendant le mercato. Ça peut la rendre encore meilleure mais ça peut aussi tout casser.

DOSSEVI : Je suis conscient qu’il faut pratiquement tout refaire. Pas tellement au niveau du jeu, parce que les nouveaux joueurs ont du talent et comprennent vite comment on joue, mais plutôt au niveau de la cohésion de groupe. Les liens, les amitiés, ça se crée avec le temps, en dehors des matches, dans les sorties entre joueurs, quand on fait des conneries ensemble.

Alors, quand il y a autant de départs et autant d’arrivées, il faut un peu repartir de zéro. Et on est obligés de le faire un peu dans l’urgence, pendant une période où on a une obligation de points.

Les nouveaux doivent se mettre tout de suite dans le bain, ils doivent s’immiscer dans des liens qui existent déjà. Et les joueurs qui étaient déjà là doivent intégrer l’arrivée de ces nouveaux alors qu’on n’a pas forcément le temps de beaucoup s’occuper d’eux. Tout ça est plus dur à gérer que l’aspect tactique. Et c’est cette cohésion qui te fait parfois gagner des matches dans les moments difficiles.

Tu le trouves logique, ce mercato de janvier qui peut redistribuer tous les rôles ? Pour certaines équipes, c’est un nouveau championnat qui commence.

DOSSEVI : Je ne l’ai jamais trouvé logique. Et souvent, il est réservé aux joueurs qui sont un peu en difficulté. Ils ont subitement une porte de sortie, ça les arrange. Au Standard, on a perdu l’un ou l’autre joueur majeur. Chez nous, ce n’est pas un mercato hivernal classique.

Quelle perte risque de vous coûter le plus cher ?

DOSSEVI : Je pense que Jelle Van Damme sera le plus compliqué à remplacer, pour tout ce qu’il représentait, tout ce qu’il apportait au groupe. Sans être un joueur extraordinaire, il faisait toujours son boulot sur le terrain. Mais il faisait aussi le liant en dehors, il apportait en même temps du sérieux et de la déconne. Il faisait aussi le pont entre les générations.

 » L’OLYMPIACOS, C’ÉTAIT UNE BOUFFÉE D’OXYGÈNE APRÈS VALENCIENNES  »

Tu as réagi quand Victor Valdés est arrivé, tu as dit :  » Pourquoi le prendre alors qu’on a Guillaume Hubert ? « …

DOSSEVI : Ouais et ça a été repris un peu partout, je sais. On a mal compris ce que j’avais voulu dire. Que ce soit clair : au Standard, tout le monde est hyper content d’avoir dans le noyau un joueur avec une carrière pareille. Avec lui, on va apprendre tous les jours. Les gardiens mais aussi les joueurs de champ. Il peut nous apporter son expérience, sa maturité, plein de choses. J’ai juste fait une réflexion sur le plan humain. Guillaume Hubert est jeune, il est à un poste qui n’a rien de facile, il a été patient, et quand il est entré dans l’équipe, il a super bien fait son boulot. Puis au moment où il est au top, il voit arriver Valdés. Ça peut aussi être une très bonne chose pour lui parce que lui aussi, il risque d’apprendre beaucoup à son contact. Mais, humainement, c’est quand même une situation compliquée.

Quand on a joué dans la meilleure équipe du monde avec les plus grands joueurs du monde, quand on a tout gagné, il faut être costaud dans la tête pour se taper des déplacements à Louvain et à Westerlo…

DOSSEVI : C’est sûr, mais si Valdés a choisi de venir en Belgique, ça veut dire qu’il est prêt à le faire. Il avait sûrement plein d’autres opportunités. C’est qu’il est prêt à relever le challenge, tant mieux pour nous. Je pense aussi que quand tu as atteint un niveau pareil, ta priorité est plus de prendre du plaisir et de donner du bonheur aux gens.

Si je te dis Ariel Jacobs, ça évoque quels souvenirs chez toi ?

DOSSEVI : Mitigés. C’était un très bon entraîneur, j’aimais bien sa manière de travailler, son discours, sa façon d’être. Mais ça s’est assez mal fini entre nous, il ne m’a plus trop fait jouer sur la fin. J’ai trouvé ça dommage. Valenciennes était dans une situation très compliquée avec énormément de joueurs en fin de contrat, dont moi. Je pense qu’il s’est fait un peu embarquer, qu’il a trop écouté ce qu’on lui racontait sur mon compte. On lui disait que je me foutais un peu de l’avenir du club, c’était complètement faux. J’étais déçu de devoir quitter Valenciennes sur cette fausse note. J’y ai fait quatre saisons. On n’a jamais joué le titre mais j’y ai vécu des belles émotions.

Tu es parti en Grèce pour respirer et tu as fait le doublé. A part ça, tu n’as pas joué la Ligue des Champions, tu ne t’entendais pas avec Michel et tu trouvais les supporters un peu dingos… Pour toi, ça a été plus de positif ou plus de négatif pendant ta saison là-bas ?

DOSSEVI : Plus de positif, c’est sûr. Une très bonne expérience. Une grande respiration après ma dernière saison à Valenciennes. Une bouffée d’oxygène. Le fait de pouvoir penser à autre chose, de reprendre du plaisir sur le terrain, de réapprendre à gagner, d’avoir l’occasion de m’exprimer sans la pression du maintien, d’avoir beaucoup de monde à nos matches à domicile, tout ça était très bien.

 » ON N’EST QUE DES PRODUITS, C’EST UNE LOI DU FOOT  »

Tu as quand même remis publiquement le comportement des supporters en question !

DOSSEVI : Ceux de l’Olympiacos, ça va. Ils te mettent une grosse pression mais c’est une bonne pression, positive. Alors qu’à Valenciennes, la pression du public était négative sur la fin. Non, s’il y a eu un gros point noir pour moi en Grèce, c’est ma relation avec Michel, le fait qu’il ne m’ait pas mis dans la liste pour la Ligue des Champions.

On ne t’avait pas prévenu quand tu as signé ?

DOSSEVI : Absolument pas. La Ligue des Champions, c’est l’argument numéro un pour aller en Grèce. Personne ne va là-bas pour jouer les matches de championnat, c’est clair et net. J’ai signé parce que je pouvais porter le maillot d’un grand club et jouer les matches européens. Je suis tombé des nues quand j’ai découvert la liste remise à l’UEFA. Il a fallu que j’aille voir Michel pour avoir ses explications. Il m’a parlé de choix tactiques, c’était flou.

Comment tu as vécu les soirées de Ligue des Champions ?

DOSSEVI : C’était compliqué, surtout quand tu tires la Juventus et l’Atlético Madrid ! Et le plus dur, c’étaient les veilles de matches. Le coach prenait le groupe de Ligue des Champions, moi je devais m’entraîner sur le côté. Je voyais mes coéquipiers préparer le gros match avec leurs chasubles de l’UEFA, on préparait le stade, on installait les panneaux publicitaires, les caméras,… Je sentais que tout le monde était dans le bain, dans le truc. Moi pas… J’ai assisté aux matches, et quand l’hymne passait, j’étais dégoûté. Après, je me mettais dans l’ambiance, ça allait mieux, j’essayais de passer au-dessus.

Quand tu as quitté l’Olympiacos l’été dernier, tu n’avais pas envie d’y retourner un jour pour mettre les choses au point ?

DOSSEVI : Je suis quelqu’un d’assez ouvert, mais honnêtement, je m’accordais très peu de chances. J’étais simplement prêté au Standard en début de saison mais je ne voyais plus mon avenir en Grèce. Il y a aussi une question de fierté. J’ai fait une saison plus que correcte. A part les matches de Ligue des Champions et ceux que j’ai loupés pendant une blessure, j’ai presque tout joué. J’ai été un acteur du titre, j’étais dans l’équipe qui a gagné la finale de la Coupe de Grèce, j’ai joué en Europa League où on avait été reversés grâce à la troisième place de la poule en Ligue des Champions. Michel est parti, un nouveau coach est arrivé et il m’a fait comprendre que je risquais de ne plus être souvent dans l’équipe. J’ai joué deux matches en tout début de saison, j’ai même marqué mais ça ne changeait pas grand-chose. Je me suis dit que si la saison que je venais de réussir n’était pas suffisante, c’était sans doute mieux pour moi de tourner définitivement la page. On me poussait vers la sortie, c’était clair, c’est une loi du foot, on n’est que des produits.

PAR PIERRE DANVOYE – PHOTOS BELGAIMAGE / CHRISTOPHE KETELS

 » Jouer au Standard, ça dépasse le cadre d’un club de foot.  » – MATTHIEU DOSSEVI

 » Le plus dur pour moi, à l’Olympiacos, n’était pas de rater les rencontres de la Ligue des Champions mais de louper les veilles de matches…  » – MATTHIEU DOSSEVI

 » Je ne voyais plus mon avenir en Grèce. Question de fierté.  » – MATTHIEU DOSSEVI

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