» On nous attend, c’est parfait ; je veux jouer le titre, la Coupe,… « 

Le capitaine fracasse les commentaires des déçus, il y a plein de bonnes choses à retirer de la saison passée et le Standard pourrait encore swinguer dans ce championnat.

Je la sens bien, cette saison. Nos nouveaux joueurs ont des qualités. Ça s’est vu dès les premiers entraînements. Et leur état d’esprit est impeccable. Il y a un an, tout était nouveau au Standard et on avait dû faire un gros travail tactique. Aujourd’hui, 80 % des gars savent ce que l’entraîneur attend d’eux. Je veux jouer pour le titre et la Coupe de Belgique. Ça doit être l’ambition du Standard chaque année. Maintenant, pour la qualification en Ligue des Champions… C’est fini, le temps où on affrontait des adversaires qui ne valaient pas grand-chose.  »

Jelle Van Damme a les crocs. C’est le genre de footballeur à propos duquel on peut se poser une question : est-il aussi impressionnant en face-à-face que quand on le voit tout déchirer sur un terrain ? Eh bien oui ! La taille, l’envergure, les pieds XXL, les tatoos, le regard, le débit de parole, cette façon d’aller au fond des choses, de lâcher tout ce qu’il a sur le coeur, éventuellement d’égratigner l’un ou l’autre (ex-)coéquipier… C’est du Van Damme. Interview optimiste et sans chichis du monstre Rouche.

Tu étais dans les réservistes de Marc Wilmots, tu as donc prolongé un peu ta saison. Pour rien. Dur à vivre ?

Jelle Van Damme : Pas du tout. Depuis le début, j’étais réaliste. Je savais que ma chance d’aller à la Coupe du Monde était minime. Pour moi, faire partie de cette liste élargie, c’était déjà une reconnaissance.

Comment tu as vécu le Mondial des Belges ?

Comme un supporter. Je me suis surpris à sauter quand il y avait un but, j’étais euphorique comme tout le monde. J’avais dit que je serais à fond derrière eux même si je n’y allais pas. C’est ce que j’ai fait.

Quand tu as su que tu n’irais pas, tu n’as plus rien fait ?

Pour moi, les congés, ça commence par deux semaines pendant lesquelles je ne pense plus du tout au foot. C’était encore plus nécessaire que les autres années, après le dénouement du championnat. La déception a été énorme, je l’ai traînée plus d’une semaine.

Vous avez repris les entraînements au moment où toute la Belgique était encore carrément folle, avec les résultats des Diables. Ça n’a pas été compliqué ?

J’avais eu mon mois de congé, pour moi c’était bon, on pouvait recommencer. Chaque année, c’est la même chose : après trois semaines sans foot, je recommence à avoir des fourmis dans les jambes, il faut que je sorte.

 » Batshuayi, Vainqueur, Kanu, Opare… on savait qu’ils partiraient  »

La préparation du Standard a été marquée par plein de départs et plein de rumeurs d’autres départs !

C’est clair que c’était difficile. Eiji Kawashima et Laurent Ciman n’étaient pas encore revenus et on se demandait s’ils allaient rentrer, par exemple. Mais bon, on doit être pro et faire avec les coéquipiers qu’on a près de soi.

Tu t’attendais à autant de départs ?

Oui. C’était clair que Michy Batshuayi allait partir. J’avais aussi compris que William Vainqueur avait envie de changer d’air. Et Kanu, c’était pas la première fois qu’il disait qu’il visait autre chose que le Standard. Idem pour Daniel Opare, tout le monde savait qu’il était en fin de contrat et qu’il ne resterait pas.

C’était moins évident pour Yoni Buyens, par exemple.

Celui-là, il va me manquer ! On partageait la même chambre en mise au vert. Avec moi, un Buyens à 100 % est toujours dans l’équipe. Mais avec le noyau qu’on avait la saison dernière, il y avait toujours un gars qui espérait piquer sa place. Dès qu’il n’était pas à 100 %, l’entraîneur mettait quelqu’un d’autre à son poste. Le train est parti sans lui, il n’a plus su monter dedans. Il a fait un bon choix en acceptant Charlton. Il court beaucoup, il récupère beaucoup de ballons et il peut même se retrouver en zone de finition, tout ça est fort utile.

Dans le vestiaire, on parle des autres qui ont aussi envie de s’en aller ?

On en parle peu. C’est surtout dans les journaux qu’on apprend des choses. Je ne pense pas qu’il y aura encore beaucoup de départs. Mais bon, on sait ce que ça veut dire. Tu peux avoir un joueur qui te jure qu’il va rester, demain on lui propose un pont et il s’en va. C’est pareil dans n’importe quel club, c’est le foot.

Et toi, tu restes à coup sûr ?

Je me sens bien ici ! Mon agent sait qu’il faudrait une offre dingue pour que j’aille voir ailleurs. La saison dernière, j’ai presque tout joué, tout va bien.

Et tu ne t’inquiètes pas quand tu vois que les renforts tardent à venir ?

Je ne suis pas du style à appeler Roland Duchâtelet tous les jours pour avoir les dernières petites nouvelles sur le recrutement. Je sais qu’on finira par avoir une équipe avec des qualités, pas de souci.

 » Pour 80 % du noyau, être en tête aussi longtemps, c’était nouveau  »

Ton analyse à froid de la perte du titre ?

C’était la première fois de ma vie que le foot me faisait autant baver. Etre tout le temps en tête jusqu’à deux matches de la fin et puis ne pas être champion…

Les moments-clés des play-offs, c’étaient lesquels ?

Le match à Anderlecht et celui chez nous contre Bruges. Si on est un peu efficaces à Anderlecht, c’est 0-3 à la mi-temps, plié de chez plié. Ils se demandaient où ils étaient, ils n’arrivaient pas à aligner deux bonnes passes. On a tout bien fait ce soir-là. Sauf marquer.

Qu’est-ce qui a cloché, finalement ?

Pour 80 % du noyau, être en tête pendant autant de mois, c’était nouveau. Quand tu es premier, tout le monde veut te battre, ça se reproduit chaque week-end. Les petites équipes qui viennent à Liège se défoncent complètement en espérant battre le leader. Il faut savoir gérer une pression pareille. C’est d’abord une question d’âge et d’expérience.

Au Standard, on a aussi beaucoup accusé les arbitres.

Dire qu’ils nous ont pénalisés, c’est chercher des excuses. On devait être plus efficaces en fin de championnat, c’est ça la première explication.

Les batteries étaient vides ? Je prends un exemple : Batshuayi. Il est intenable pendant une bonne partie de la saison, puis il s’effondre dans les play-offs.

Il a commis une erreur : il s’est trop focalisé sur le titre de meilleur buteur. J’ai essayé de lui faire comprendre qu’il se trompait. Je lui disais : -Tu es notre meilleur joueur et tu ne dois penser qu’à nous rapporter les trois points à chaque match. Mais je comprends que ce ne soit pas simple quand tout le monde te veut, quand on te fait tourner la tête. Je crois qu’il a trop pensé aux buts qu’il pouvait marquer, qu’il pensait plus à sa petite personne qu’à l’équipe. A ce moment-là, on parlait aussi de lui en équipe nationale, on disait qu’il risquait d’aller à la Coupe du Monde. Je connais un peu Marc Wilmots et j’ai dit à Michy : -Wilmots veut te voir mouiller le maillot et bosser pour l’équipe. Dans certains matches, il arrivait à le faire. Dans d’autres, ça ne marchait pas. Ce manque de constance s’explique peut-être par son âge.

 » Ceux qui menacent de partir, ils veulent vraiment partir ou ils cherchent une augmentation ?  »

Batshuayi se croyait trop bon pour le Standard ? On avait déjà parlé de son départ en janvier.

La vérité, c’est qu’il était prêt pour jouer plus haut. Mais il va devoir tout faire pour que ça fonctionne. Il va devoir se discipliner. Sur le terrain et en dehors. Evidemment, tout le monde a son caractère. Lui, il est plutôt nonchalant. Je l’ai prévenu : -Si tu arrives en retard dans un autre championnat, ça ne se passera pas comme au Standard. Tu pourras le faire une fois, pas deux. A partir de la deuxième fois, tu ne joueras plus, point. Et tu auras beau avoir coûté neuf ou dix millions, ça ne changera rien. Ils mettront à ta place un autre joueur qui ne sera pas moins bon que toi. Je lui ai expliqué que si je m’en prenais à lui comme ça, c’est parce que je le trouvais très bon. S’il n’avait pas eu des qualités énormes, je lui aurais foutu la paix ! J’ai l’impression qu’il m’écoutait et qu’il me comprenait. Il a progressé, et maintenant, il est prêt pour jouer plus haut. Batshuayi a tout pour devenir un tout grand. Et il a fait un très bon choix en signant à Marseille. Déjà, il ne doit pas apprendre une autre langue.

Toi, tu as l’avantage d’avoir déjà connu d’autres mentalités ! Avoir bossé aux Pays-Bas, en Angleterre et en Allemagne, ça aide à quel point ?

Tu vois qu’au point de vue mentalité et discipline, c’est autre chose. En Allemagne, on travaille dur ! Beaucoup plus dur qu’ici. Tu as intérêt à suivre le mouvement. Si tu ne le fais pas, tout est très simple, c’est un autre gars qui joue à ta place. Quand tu regardes les meilleurs championnats étrangers, tu vois que ça déchire pendant une heure et demie. Ce n’est pas étonnant. C’est ça ou ne pas jouer.

On en connaît dans le championnat de Belgique qui se plaignent que c’est trop dur…

Qu’ils aillent faire un tour en Bundesliga, c’est tout ce que je peux leur conseiller. Ici, on peut encore choisir : on fait l’effort ou pas ? Là-bas, on doit le faire !

Une fois que Batshuayi est parti, c’est Imoh Ezekiel qui a aussi parlé de s’en aller. Pas étonnant. Ça rappelle l’été de l’année dernière. La moitié de l’équipe voulait partir.

Dans ces moments-là, on peut toujours se poser une question : ils veulent vraiment aller voir ailleurs ou ils essaient seulement d’obtenir un meilleur contrat au Standard ?…

 » Les supporters ne demandent qu’une chose : que les joueurs se défoncent  »

Un très mauvais souvenir pour toi, l’été 2013 ?

Oh, il y a longtemps que c’est oublié. Après la saison qu’on vient de faire… De toute façon, les joueurs ne se sont jamais sentis menacés. On parle beaucoup de nos supporters mais ce ne sont pas des gens difficiles. Ils ne demandent qu’une chose : que tout le monde se défonce, sans réfléchir, comme ils le font eux-mêmes tous les jours.

Il n’y a pas eu de panique dans le vestiaire quand certains supporters ont commencé à vous siffler et sont devenus agressifs ?

Il y a des jeunes qui se sont demandé ce qui se passait… Moi, j’ai bien géré, je savais que ça n’allait pas durer. Tu n’as qu’une chose à faire dans ces moments-là : mettre la tête dans le guidon.

C’est parce que tu te défonces tout le temps que le public du Standard t’apprécie autant ?

De toute façon, c’est un besoin chez moi. On fait tout un foin autour des joueurs qui courent 12 ou 13 kilomètres par match à la Coupe du Monde, mais c’est ce que je fais chaque semaine en championnat de Belgique ! Et je ne suis pas le seul au Standard. Julien de Sart arrive à 11 ou 12 bornes. Le football, c’est moins une question de système que de mouvement. Que l’équipe joue en 4-4-2 ou en 4-3-3, ce n’est pas si essentiel. Il faut surtout que les joueurs bougent. Barcelone a suffisamment donné l’exemple, avec un gars qui a la balle et tous les autres qui se déplacent. C’est difficile de défendre contre une équipe dans laquelle il y a énormément de mouvement parce que le porteur du ballon a alors quatre ou cinq possibilités de passe. Et un entraîneur peut demander ce qu’il veut, si ses joueurs restent sur leur position, sa tactique ne servira quand même à rien. On a besoin de types qui courent pour les autres. Quand je passe le ballon devant moi à Paul-José Mpoku, quand je fonce me mettre devant lui, ce n’est pas parce que je m’attends à ce qu’il me le rende chaque fois. Je cherche à lui faciliter le boulot. Parce que le back droit adverse doit alors faire un choix : s’occuper de moi ou aller vers Mpoku. Parfois, je récupère le ballon, parfois pas. Je dis à Mpoku que je veux en recevoir un sur trois en moyenne. Quand tu as des joueurs prêts à courir pour les autres, ça finit toujours par payer.

 » On attend plus du Standard qu’il y a un an, c’est mieux comme ça  »

Qu’est-ce que Guy Luzon vous a apporté ? Il y a un an, il ne connaissait encore rien du championnat de Belgique.

Son apport a été important. Il a mis en place un système de jeu complètement différent. Il a une vision tactique très claire et on a travaillé dessus dès le premier jour. Il nous a clairement fait comprendre ce qu’il attendait de nous. Il veut un bloc positionné d’une façon bien précise en perte de balle. Comme ça, on peut sortir très vite dès qu’on la récupère.

Il est très chaud devant son banc. Pas de problème pour les joueurs ?

Mais c’est un gars très calme… Simplement, quand le match commence, il se passe quelque chose chez lui parce qu’il veut gagner. Il le fait peut-être exprès, pour mettre l’arbitre sous pression.

Peut-être qu’il met aussi une pression inutile sur ses joueurs…

Au début, tu le regardes d’un air bizarre, tu te demandes ce que c’est pour un type. Mais après quelques semaines, tu le connais déjà mieux. On voit que ça l’ennuie beaucoup de ne pas pouvoir sortir du petit rectangle tracé devant le banc.

Si vous ne vous qualifiez pas pour la Ligue des Champions, il faudra se contenter encore une fois de l’Europa League. Pour vous, ce n’est pas un bon souvenir. Tu trouvais que c’était d’un bon niveau ?

Un haut niveau, non. Je dirais que c’était un niveau abordable pour un club belge. Mais je n’étais même pas vraiment déçu après notre élimination. A ce moment-là, je me suis dit que ça allait nous permettre de tout donner en championnat et en Coupe. J’avais l’impression que le club avait fait ces choix-là.

On attend en tout cas plus du Standard qu’il y a un an, vu que vous avez été la meilleure équipe de Belgique sur l’ensemble de la saison.

C’est peut-être mieux comme ça. Les joueurs savent ce qu’il leur reste à faire.

Ou alors, on a l’effet inverse : les attentes coupent les jambes de certains joueurs.

Pas les miennes en tout cas.

PAR PIERRE DANVOYE – IMAGES CHRISTOPHE KETELS / BELGAIMAGE

 » Je n’ai pas épargné Batshuayi. S’il n’avait pas eu des qualités énormes, je lui aurais foutu la paix.  »

 » On fait tout un foin autour des joueurs qui courent 12 km par match au Mondial… Moi, je le fais chaque week-end.  »

 » Le foot, c’est moins une question de système que de mouvement.  »

 » Luzon aimerait tellement sortir du petit rectangle tracé devant son banc…  »

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