« On ne touche pas à Monsieur Mpenza »

L’agressé de novembre prépare son retour sur les pelouses, un an après son come-back en Belgique.

Le Canonnier est étrangement calme. A quelques heures du réveillon de la Saint Sylvestre, les Hurlus profitent de leurs derniers jours de congé et préparent leurs bagages pour le traditionnel stage en Espagne.

Seuls quelques courageux sont au stade. La star de l’équipe en fait partie. Mbo Mpenza est allongé sur la table du kiné. Cool, souriant, vêtu d’un tee-shirt rose pétant…Cette salle de soins, c’est son décor presque quotidien depuis plus d’un mois. Le masseur concentre toute son énergie sur la cheville gauche de l’international. Une cheville dont on a abondamment parlé depuis le 17 novembre, date du match de Coupe entre Overpelt et Mouscron. Victime, ce jour-là, du tacle assassin d’un certain Nick Peeters, Mbo espère reprendre la course, pour la première fois, le lendemain de notre interview. Il croise les doigts: et si on parvenait à le retaper pour le premier match du deuxième tour? C’est le Standard qui se déplacera, à cette occasion, dans le Hainaut Occidental…

Mbo Mpenza: Tout le monde s’active dans le but que je puisse éventuellement jouer ce match. Je viens tous les jours au stade en pensant au Standard. C’est vraiment un affrontement qui me tient à coeur. Mais je ne prendrai évidemment aucun risque: je ne serai sur la feuille d’arbitre que si j’ai retrouvé toutes mes sensations. Jusqu’à présent, tout se passe très bien. On m’a extrait un morceau d’os qui se baladait à l’arrière de la cheville. J’ai été opéré le 2 décembre et déplâtré deux semaines plus tard. Depuis une dizaine de jours, je passe énormément de temps à la piscine, sur le home-trainer et dans la salle de musculation. éa suit son cours.

Qu’est-ce qui fait le plus mal: savoir qu’on va peut-être rater les retrouvailles avec le Standard ou devoir annuler les vacances qu’on avait prévues en Guadeloupe?

(Il rit). La Guadeloupe qui est tombée à l’eau, c’est sûrement ce qui a fait le plus mal… à ma femme. Moi, j’ai souffert pour les deux raisons. J’avais vraiment besoin de décompresser, de me changer complètement les idées. Mais le médecin m’a prévenu que, si je passais plusieurs heures dans un avion, je courrais le risque d’une phlébite. Alors, nous sommes simplement allés quelques jours à Paris. Au prix fort

Avez-vous souvent revu les images de l’agression du joueur d’Overpelt?

Pas une seule fois! Je n’y tenais pas. J’ai vécu le choc en live, ça me suffit. Je vois encore ce type arriver sur moi. Il n’avait plus aucune chance de récupérer le ballon, j’étais passé. Il a volontairement pris mon genou. C’est honteux. Mais, le plus fort, c’est le comportement qu’il a adopté au cours des jours qui ont suivi l’agression. C’est lui qui m’a attaqué dans la presse. Il a dit, sur un ton ironique: -On ne touche pas à Monsieur Mpenza. A l’écouter, tout était carrément de ma faute. Il a osé déclarer que je l’avais agressé plusieurs fois pendant le match. Il n’a pas compris une chose: moi, je n’avais strictement rien à prouver ce jour-là. Je ne suis pas monté sur le terrain en voulant démontrer que j’avais le niveau pour jouer en première division. C’est fait depuis longtemps! Je me souviens de ma période à Courtrai, en D2: quand nous affrontions une D1, nous avions une envie terrible de prouver notre valeur, de nous montrer. Mais nous le faisions d’une façon tout à fait sportive. Nick Peeters dit que, des fautes pareilles, il y en a chaque semaine, sur tous les terrains. Je ne crois pas que le foot d’aujourd’hui, ce soit cela.

Vous avez pris beaucoup de coups depuis que vous jouez au foot: celui-là était-il le plus violent?

Sans aucun doute. Pour le même prix, il aurait pu me démolir le genou ou me causer une double fracture tibia-péroné. Il est venu sur moi avec les deux pieds en avant. Dans mon malheur, finalement, j’ai encore eu beaucoup de chance. J’accepte le tacle du défenseur qui me fait mal par accident quand je fonce vers le but. Dans ces cas-là, un détail, un geste mal calculé peut provoquer des dégâts. Mais, à Overpelt, il n’était pas du tout question de cela. Il n’y avait même plus de duel: j’avais passé Peeters.

Qu’espérez-vous d’une action en justice?

Qu’il paye mais, surtout, qu’on décourage tous les footballeurs de commettre des agressions pareilles. Le lendemain de ce match, mon bourreau a pu aller travailler normalement. Je ne sais même pas ce qu’il fait dans la vie, mais je suis sûr qu’il n’a eu aucun problème pour se rendre sur son lieu de travail et faire son boulot. Moi, mon métier, c’est le foot. Et, depuis un mois et demi, je n’ai plus pu l’exercer. Ce fut un match pourri du début à la fin. A la mi-temps, l’arbitre avait d’ailleurs dû appeler les deux délégués. Il leur avait dit qu’il ne voulait plus voir ce qu’il avait vu pendant les trois premiers quarts d’heure et qu’il allait être beaucoup plus sévère. Nous avons gagné, mais nous sommes partis de là avec deux blessés: Alex Teklak qui s’est déchiré le mollet tout seul, et moi. Et nous avons été obligés de quitter le stade comme des voleurs, sous escorte, tellement les supporters d’Overpelt étaient excités. Cette qualification, nous l’avons payée au prix fort. »Mon agresseur a donné plus d’interviews que moi: quelle pub! »

Votre avocat dit que vous n’auriez pas envisagé d’action en justice si votre agresseur s’était excusé.

Tout à fait. S’il avait eu ne fût-ce que la délicatesse de m’appeler pour s’excuser, j’aurais tourné la page. Après plusieurs jours, il s’est apparemment excusé dans les journaux, mais on l’avait sûrement mis sous pression. Il ne m’a jamais contacté. Par contre, il a eu beaucoup de contacts avec la presse. Il a donné plus d’interviews que moi. Il s’est fait une fameuse pub, le gaillard…

A Mouscron, on affirme que votre blessure a fait capoter des perspectives de transfert dès janvier.

Je n’irais pas aussi loin. J’étais susceptible de partir pendant le mercato, c’est vrai. Mais je n’avais eu aucun contact avec d’autres clubs. Pas la moindre proposition. Durant l’été dernier, j’avais dit que j’étais sûr à 90% de faire toute la saison à l’Excel. Je n’avais pas changé d’avis au moment où j’ai été agressé. Le club avait peut-être l’intention de me monnayer: ça c’est une autre histoire. Il ne faut pas non plus oublier un paramètre essentiel: pour me vendre, il faudra que je sois d’accord.

Vous êtes quand même toujours décidé à partir prochainement?

C’est sûr. J’ai connu deux expériences à l’étranger et je veux qu’il y en ait d’autres. Mais je ne me suis pas fixé de délai. Cela aurait pu être dès ce mois de janvier, ce pourrait être en juin prochain. Ou plus tard.

Ne quitterez-vous Mouscron que pour un club étranger?

Ce n’est pas sûr. Un club belge d’un niveau supérieur à Mouscron, ce serait envisageable aussi. Je ne peux pas exclure un retour au Standard, par exemple. J’ai dit autrefois qu’il y avait tout pour réussir quelque chose de grand là-bas et je n’ai pas changé d’avis. Je suis revenu à Mouscron parce que j’avais gardé de bons souvenirs du Canonnier. J’ai toujours une bonne image du Standard. Même un retour à Lisbonne ne me déplairait pas parce que, là-bas aussi, j’ai passé du bon temps. La Turquie était chouette également, même si je n’ai pas joué. En fait, je me suis bien plu partout.

Avez-vous aujourd’hui de meilleures armes que quand vous aviez quitté la Belgique pour la première fois, il y a trois ans?

Certainement. J’ai surtout acquis de la maturité. Si je repars un jour, je chercherai d’abord à être tout à fait sûr que je fais le bon choix. Je demanderai des éclaircissements quant à la position à laquelle l’entraîneur voudra me faire jouer. Quand j’ai signé à Lisbonne, je n’ai pas trop pensé à tout cela. Lorsque je me suis retrouvé à Galatasaray, c’était pour y être attaquant. Mais il y en avait déjà beaucoup trop dans le noyau. Finalement, on m’a proposé de jouer à droite, mais comme on ne me payait pas, j’ai refusé et je suis rentré en Belgique. J’ai toujours assumé mes choix. Je ne les regrette pas. Je me suis amusé aussi bien en Turquie qu’au Portugal, et j’ai bien fait de revenir à Mouscron parce que cela m’a permis de participer à la Coupe du Monde. Si j’étais resté à Lisbonne, j’aurais certainement pu faire une croix sur le Mondial parce que des internationaux portugais étaient revenus au Sporting et devaient jouer. Je ne comptais plus vraiment, mon horizon était bouché. »Je gagne deux fois moins qu’à Lisbonne et trois fois moins qu’à Galatasaray »

Quel bilan global tirez-vous, un an après votre retour?

Il n’y a eu pour ainsi dire que du positif. A Mouscron, je gagne deux fois moins qu’au Portugal et trois fois moins que ce que j’aurais dû toucher en Turquie. Mais c’est largement compensé par mon temps de jeu. On ne peut pas avoir le beurre et l’argent du beurre!

On sait aussi que les Mpenza ont besoin de leur famille…

C’est vrai pour Emile; pas pour moi. Je n’ai pas besoin de revoir continuellement ma région ou mes parents. Quand je suis à l’étranger, je suis aussi bien qu’ici. Je ne suis jamais seul nulle part… Même Emile a progressé sur ce plan-là. Maintenant, il est bien intégré à Gelsenkirchen. Surtout parce qu’il parle allemand. Il le parle à sa façon, mais il le parle (il se marre).

Vous avez été brillant pendant l’ensemble du premier tour, mais ce ne fut pas le cas de toute l’équipe.

Du premier tour de l’Excel, je retiens une chose très négative: le nombre de blessés. Et une chose très positive: le classement que nous occupons en ayant eu autant de poisse. Etre dans la colonne de gauche avec autant de jeunes, c’est fantastique. Lors du dernier match du premier tour, contre Malines, il y avait dans l’équipe trois joueurs avec lesquels je ne m’étais jamais entraîné. Ils venaient de débarquer dans le noyau. Tout cela me fait dire qu’on n’a pas encore vu le vrai Mouscron, cette saison. Il n’y avait plus assez de défenseurs en début de championnat. Puis, le coach n’avait plus suffisamment d’attaquants. Aujourd’hui, tout le monde revient progressivement dans le parcours et c’est prometteur.

Les gamins ont malheureusement les défauts de leurs qualités…

Quand je les observe, je me revois en début de carrière. Ils jouent avec leur coeur, pas trop avec leur tête. Prenez Sishuba: il dribble 150 adversaires (sic) puis se retrouve devant le but mais oublie de donner son ballon. Ou Coulibaly: il court, il court, il court, mais le problème, c’est qu’il arrive un moment où il faut penser à s’arrêter! On me reprochait la même chose quand j’ai débuté en D1.

Pierre Danvoye

« Pour le même prix, Peeters aurait pu me démolir le genou ou me causer une double fracture tibia-péroné »

« Je veux d’autres expériences à l’étranger mais je ne me suis pas fixé de délai »

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