« On n’est pas prétentieux »

Anderlecht a trouvé le tirage au sort favorable ? Le coach des Girondins, apôtre du beau jeu, aussi.

Tout en prenant Anderlecht très au sérieux, l’entraîneur des Girondins de Bordeaux ne cache pas qu’il veuille aller le plus loin possible en Coupe de l’UEFA. Une compétition qui mériterait d’être revalorisé selon le champion du monde 1998, dont la première saison en tant qu’entraîneur tient toutes ses promesses.

Par la voie de son manager Herman Van Holsbeeck, Anderlecht était plutôt satisfait de ce tirage, cela vous surprend-il ?

Laurent Blanc : Pour être honnête avec vous, on a eu la même réaction. Quand vous avez des chapeaux avec le Bayern Munich, l’Atlético Madrid, Villarreal et certains clubs anglais de premier plan, ce sont tous de gros morceaux qui sont habitués à joueur la Ligue des Champions plutôt que la Coupe de l’UEFA. Donc si vous les évitez, vous pouvez toujours trouver de bonnes raisons pour dire que votre tirage n’est pas si mauvais que ça. Je rassure le manager d’Anderlecht, nous avons eu la même réaction !

Avez-vous déjà joué au stade Constant Vanden Stock ?

Non, mais j’ai très peu évolué en Belgique. Je me souviens seulement d’avoir joué au Stade du Roi Baudouin avec l’équipe de France en demi-finales de l’Euro 2000 face au Portugal.

Connaissez-vous les joueurs d’Anderlecht ?

Oui, quelques-uns. Mais nous les aurons supervisés, tout comme eux l’auront fait avec nous. Même si Anderlecht n’est pas aujourd’hui ce qu’il a été, cela reste un club à résonance européenne, avec de belles épopées européennes et plusieurs Coupe d’Europe à son palmarès.

En 2002, Anderlecht avait éliminé Bordeaux au même stade de la compétition…

Je sais mais cette fois ce sera un match très différent dans un contexte totalement différent. Les joueurs ont changé et l’entraîneur aussi. C’était la dernière saison d’Elie Baup.

Est-ce un avantage de disputer le match aller mieux à Bruxelles ?

Théoriquement, mais ce n’est pas un avantage certain. J’espère surtout que le stade Chaban-Delmas sera plein pour le match retour à Bordeaux.

La coupe de l’UEFA reste-t-elle un objectif pour vous si Bordeaux continue de revenir sur Lyon en championnat ?

Dès qu’on s’est qualifié pour la Coupe de l’UEFA on s’est dit qu’on allait jouer cette compétition avec beaucoup de sérieux et beaucoup de rigueur. En tant qu’entraîneur, cette compétition m’a permis de lancer beaucoup de jeunes joueurs en équipe Première. Benoît Tremoulinas, Pierre Ducasse, Florian Marange, Ted Lavie, Bruno Ecuele Manga, Roman Brégerie, Mathieu Valverde. En début de saison, je leur avais tenu un discours selon lequel Bordeaux devait jouer sur tous les tableaux. Et que l’intérêt du groupe était d’aller le plus loin possible dans toutes ces compétitions pour que chaque joueur puisse avoir le maximum de temps de jeu, notamment pour les jeunes. J’ai mis en pratique ce que j’avais annoncé puisque je n’ai pas hésité à aligner des équipes très jeunes, ce qui a permis à certains footballeurs de démontrer toute leur qualité.

Ce qui vous a permis également de finir en tête de votre groupe ?

Oui, même en alignant une équipe constituée pratiquement que de joueurs issus du centre de formation lors du dernier match face à Panionios. Ce qui ne nous a pas empêché d’obtenir un bon résultat là-bas en Grèce (2-3). Pour l’instant, la Coupe de l’UEFA est une compétition très positive pour nous.

Selon vous, les matches en Coupe de l’UEFA peuvent-ils nuire à vos résultats en championnat ?

Non, il faut avant tout déterminer ses objectifs avec clarté. Le championnat est l’objectif de toute l’année. On ne peut pas se permettre de manquer une période de la saison. Cela demande beaucoup d’énergie. Je ne dirai pas qu’on a eu la bonne idée de se faire éliminer dès le premier tour de la Coupe de la ligue par Metz (1-2) à Libourne le 26 septembre car ce serait un discours inverse du mien. Il nous reste le championnat, la Coupe de France et la Coupe de l’UEFA, dans les deux derniers cas, il s’agit de matches à élimination directe. Les joueurs sont motivés pour jouer sur les trois tableaux car ils savent que cela leur donnera beaucoup de temps de jeu.

Bordeaux a-t-il les épaules assez solides pour aller chercher Lyon tout en essayant d’aller le plus loin possible en UEFA ?

Lyon est très au-dessus des autres équipes du championnat. Je le disais déjà avant le début de la saison, même si c’est moins frappant que l’année dernière. Ils nous l’ont prouvé en nous battant 3-1 après une belle leçon de football. Même s’il faut être ambitieux et Bordeaux l’est, nous sommes à ce jour seuls deuxièmes. Comme toutes les autres équipes, nous regardons derrière nous, mais aussi devant. Si on peut faire en sorte de se rapprocher de Lyon on le fera sans problème.

 » Il faut revaloriser cette compétition « 

Pensez-vous que la Coupe de l’UEFA ait été dévalorisée depuis quelques années ?

L’UEFA mériterait d’avoir deux compétitions qui soient aussi valorisantes. J’ai eu l’occasion d’en parler avec Michel Platini. La Coupe de l’UEFA n’est pas reconnue à sa juste valeur, c’est évident.

Que feriez-vous pour améliorer l’image de la Coupe de l’UEFA ?

Je pense que le calendrier est à revoir. Comme je le disais à Michel Platini, quand vous avez des affiches telles que Chelsea-Real Madrid, Manchester United-Milan AC, le terrain est occupé le mardi et le mercredi par le très haut niveau. La Coupe de l’UEFA arrive le jeudi comme pour combler le reste de la semaine. Pour lui redonner de la valeur, il faut commencer par la sortir du contexte de la Ligue des Champions et la jouer dans une autre semaine. Cela redonnerait de la valeur à cette compétition. Elle le mérite car c’est une belle compétition très difficile à gagner, ce qu’on oublie souvent. L’UEFA aurait ainsi deux compétitions valorisées à leur juste valeur. Mais c’est clair que la Ligue des Champions reste le très haut niveau.

Après la phase de poules, la Coupe de l’UEFA se dispute à partir des 16e de finale en match par élimination directe, préférez-vous ce système ?

Oui, j’aime mieux les rencontres à élimination directe. Par contre, je n’aime pas connaître l’adversaire suivant en cas de succès. Je ne sais pas si c’est pour faire des économies, mais je pense que l’UEFA dispose d’assez de ressources pour effectuer un tirage au sort à chaque tour.

Justement si Bordeaux se qualifie, il pourrait prendre sa revanche face au Bayern après la défaite en finale en 96…

1996, c’est loin vous savez. On me parle très peu de ce match ici à Bordeaux. On me parle plus de la victoire contre le Milan AC en quarts de finale. On se souvient plus des victoires que des défaites, c’est assez logique. Mais cette épopée en Coupe de l’UEFA cette saison-là reste gravée dans la tête des supporters girondins. Maintenant, la Coupe de l’UEFA est très difficile à gagner, je le redis, il faut remporter 15 matches, c’est quasiment un mini championnat, quand vous connaissez les calendriers démentiels qui nous sont proposés, il faut vraiment avoir un effectif assez large pour jouer sur plusieurs tableaux. Il faut aussi avoir un peu de chances pour ne pas déplorer trop de blessés à certaines périodes, notamment en février et en mars.

La possibilité de rencontrer le Bayern au tour suivant peut-elle être une motivation supplémentaire pour vos joueurs ?

Comme je l’ai dit à mes joueurs, il ne faut pas penser à ce match avant de remporter celui face à Anderlecht. En Coupe d’Europe, comme en Coupe de France ou en Coupe de Belgique, si vous pensez déjà à votre prochain adversaire en cas de qualification, vous avez tout faux parce que vous avez plus de chances de vous planter qu’autre chose. Donc en premier lieu, le sujet c’est Anderlecht. Toute notre motivation doit se concentrer sur ce match.

Gagner cette coupe est un rêve pour vous ?

Encore faut-il en avoir les moyens… Qu’un club français ait l’ambition d’aller le plus loin possible en Coupe de l’UEFA ou en Ligue des Champions, c’est légitime et je partage cette ambition. Mais qui, à part Lyon, a les moyens de le faire en France ?

Vous préférez être champion de France ou remporter la Coupe de l’UEFA ?

Quand je suis arrivé à Bordeaux, j’ai annoncé que j’avais beaucoup d’ambitions. Mais une ambition raisonnée. Je ne vais pas annoncer des promesses que je ne peux pas tenir. Si j’avais dit que je voulais être champion de France, je me serai pris pour quelqu’un d’autre ! On va essayer de faire le mieux possible, et puis si on a des opportunités, on les saisira. Annoncer qu’on veut gagner la Coupe de l’UEFA serait vraiment prétentieux. Les Girondins de Bordeaux ne sont pas comme ça…

Votre bonne adaptation est-elle aussi le fruit de discussions avec Aimé Jacquet, votre ancien entraîneur en équipe de France qui a longtemps entraîné le club ?

Il ne m’a pas conseillé directement, mais on en a beaucoup discuté lorsqu’on a eu l’occasion de se voir ici. C’est quelqu’un qui connaît très bien le club mais aussi les gens et cette région. En fait, lorsque j’ai fait le choix d’aller à Bordeaux, j’ai demandé un avis à très peu de personnes car j’étais très intéressé d’office pas cette proposition.

Quel est votre discours auprès des joueurs en termes de philosophie de jeu ?

J’attends des joueurs une plus grande maîtrise de jeu et de meilleures entames de match car ce furent nos talons d’Achille en début de la saison. Si on veut réaliser une meilleure deuxième partie de championnat, il va falloir être plus concentré. Bien sûr, on peut prendre moins de buts avec une assise défensive plus solide, mais cela ne correspondrait pas à ce que je préconise. Je suis focalisé par la qualité et le spectacle. Notre salut viendra toujours du beau jeu ; j’y crois beaucoup et mes joueurs m’apportent beaucoup de satisfactions sur ce plan.

Quel serait le meilleur scénario pour Bordeaux pour cette saison ?

Je vais vous répondre catégoriquement. Se qualifier pour la Ligue des Champions. L’aspect économique est devenu essentiel dans le football d’aujourd’hui.

par sébastien binet-décamps

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