« On n’est pas le 1er avril »

Et donc, lundi prochain, Marcin enfilera bien le maillot de Mouscron, et Michal celui d’Anderlecht.

Un fait anecdotique dans une fin de rencontre à sens unique: on joue la 90e minute de Mouscron-Charleroi lorsque Marcin Zewlakow, entré un quart d’heure plus tôt, reprend victorieusement de la tête un centre de Christophe Grégoire. Le but est annulé pour un hors-jeu guère évident. « Dommage, car cela aurait fait du bien au moral de mon attaquant polonais de marquer », regrette Lorenzo Staelens.

Pour le reste, le drapeau levé de l’arbitre assistant n’aura pas eu d’influence: le match était plié depuis longtemps. Le marquoir du Canonnier affichait 6-0 depuis la 65e minute. Claude Bakadal pour Mbo Mpenza, Mbo Mpenza pour Claude Bakadal: les deux attaquants de couleur de Mouscron s’étaient rendu la politesse à tour de rôle avec la complicité d’une défense carolo étrangement passive. « En perte de balle, nous avons joué comme une équipe de 1ère Provinciale », se plaint EtienneDelangre. « Face à des attaquants pareils, cela ne pardonne pas. La première fois où l’un de mes défenseurs a témoigné d’une certaine agressivité, ce fut à la 78e minute, lorsque FabriceLokembo a écopé d’un carton rouge au milieu du terrain ».

Lorenzo Staelens avait ensuite procédé à trois remplacements successifs, histoire de laisser tout le monde participer à la fête et d’essayer de rendre la confiance à Marcin Zewlakow. « Les Hurlus ont été gentils avec nous, car s’ils avaient insisté, l’addition aurait été encore plus lourde », admet Etienne Delangre.

Pour l’Excel, à chaque jour suffit sa peine. Le prochain match de championnat verra Mouscron se déplacer à Anderlecht… lundi, car le dimanche a été décrété journée sans voitures dans l’agglomération bruxelloise. « Je n’y songe pas encore », assure Marcin Zewlakow. « D’abord, il y a le Slavia Prague ce jeudi au Canonnier. Après, il sera toujours temps de songer à la visite au Parc Astrid ».

Et aux retrouvailles avec son frère jumeau Michal, parti rejoindre HugoBroos au Stade Constant Vanden Stock au début juillet. « Forcément, ce ne sera pas un match comme un autre », reconnaît-il. « Car, même si je m’efforce de ne pas y penser, les… journalistes sont là pour me le rappeler. Cela me procurera une drôle d’impression de voir Michal avec un maillot différent du mien. Mais, pendant 90 minutes, nous essayerons d’oublier que nous sommes des frères ».

« On ne nous confondra plus »

Marcin et Michal s’affronteront donc pour la première fois sur un terrain de football. Enfin, c’est ce que tout le monde croit. « C’était déjà arrivé en Pologne », corrige Marcin. « Il y a en effet eu une période de deux mois durant laquelle nous avions déjà été séparés. Michal avait déjà rejoint les rangs du Polonia Varsovie, alors que pour ma part, j’étais encore resté quelques semaines de plus au Hutnik Varsovie. Les deux équipes s’étaient affrontées en D2. Mais, à l’époque, nous habitions encore tous les deux chez nos parents. La séparation était donc toute relative. Et puis, j’étais intimement persuadé que je ne tarderais pas à rejoindre mon frère dans le même club. Aujourd’hui, je crains que nos chemins se soient scindés pour de bon. Il fallait bien que cela arrive un jour »…

Mais, comme le dit Marcin: « Le fait que nous porterons des maillots différents, lundi prochain, présente au moins un avantage: on ne nous… confondra plus! »

Il faut, effectivement, bien connaître les deux jumeaux pour pouvoir les distinguer. A tel point qu’on se demande, s’il prenait l’envie à Marcin d’enfiler le maillot d’Anderlecht et à Michal de revêtir celui de Mouscron, si l’on s’apercevrait du subterfuge? « J’aurais volontiers essayé si le match avait eu lieu un… 1er avril », rigole Marcin. « Mais comme nous serons le 23 septembre lundi, je ne m’y risquerai pas ». Il n’en serait pourtant pas à son coup d’essai. Les personnes piégées précédemment n’y avaient vu que du feu. « A l’école, il m’est arrivé de passer un examen à la place de Michal », se souvient Marcin. « Mon frère a commencé plus tôt que moi à s’entraîner avec le noyau A du Polonia Varsovie et n’avait pas toujours le temps d’étudier convenablement ».

Michal a toujours été plus précoce que Marcin… sauf pour la paternité: Marek, le fils de Marcin, est né neuf mois avant Maja, la fille de Michal. Mais, en football, Michal a été le premier à jouer en D1, à être sélectionné en équipe nationale et… à rejoindre les rangs d’un grand club en Belgique. « Je suis souvent à la remorque », reconnaît Marcin, « mais les succès de mon frère constituent pour moi une source de motivation. Ils m’ont toujours donné l’envie de travailler davantage pour essayer de le rejoindre ».

Marcin affirme qu’il n’a pas été trop perturbé par le départ de Michal pour Anderlecht. « Pour moi, le départ de Michal ne change pas grand-chose, hormis le fait qu’il habite désormais à 100 kilomètres de chez moi, à Dilbeek, dans la périphérie de Bruxelles. Cela ne nous empêche pas de nous téléphoner régulièrement. C’est bon de savoir qu’on a, pas très loin, un frère sur qui l’on peut compter en cas de problème. Il n’y a aucune jalousie entre nous. Je n’ai pas été vexé en apprenant qu’Hugo Broos avait jeté son dévolu sur mon frère et qu’il n’avait pas besoin de moi. Anderlecht était à la recherche d’un arrière gauche, pas d’un attaquant. Michal m’a confié qu’au début, il a malgré tout été surpris à Anderlecht. Il a été confronté à une réalité bien différente de la réalité mouscronnoise. Au Sporting, on ressent vraiment la pression. C’est un grand club et il faut prouver chaque jour qu’on est meilleur que son concurrent. Michal se rend compte qu’il peut encore apprendre beaucoup au contact de joueurs expérimentés, comme FilipDeWilde par exemple, qui a déjà été champion de Belgique à six reprises. La pression s’intensifie encore, maintenant que l’équipe se trouve aux portes de son entrée en lice en Coupe de l’UEFA. Vous me direz que Mouscron aussi jouera en Coupe de l’UEFA ce jeudi, mais le contexte est tout de même différent. Pour Anderlecht, cette compétition représente un réel objectif. Pour l’Excel, c’est plutôt une récompense pour les bonnes performances de la saison dernière ».

Fatigué mentalement

Les fortunes diverses connues par les deux frères jumeaux ces derniers mois pourraient pourtant contrarier Marcin. Car, pendant que Michal se retrouve titulaire à Anderlecht, lui-même s’assied désormais sur le… petit banc de Mouscron. Il a été écarté au profit de Claude Bakadal après le déplacement à l’Antwerp, où Lorenzo Staelens l’avait jugé fatigué. Fatigué de quoi? Peut-être des efforts consentis face à La Gantoise lorsque, trois jours après le retour d’Islande, il avait galopé seul en pointe pendant 90 minutes dans une température de 30 degrés, le dimanche après-midi. « C’est vrai que j’ai dû évoluer dans des conditions éprouvantes et que j’y ai peut-être laissé un peu de fraîcheur », admet-il.

A moins qu’il n’accuse un peu le coup après des vacances trop brèves liées à sa participation à la Coupe du Monde? « Cela aussi, probablement. J’étais fatigué à mon retour de Corée du Sud. J’avais besoin de recharger mes accus, surtout mentalement. Pendant des mois, je n’ai eu que le football en tête. Une cassure était nécessaire. Je suis rentré en Pologne, revoir ma famille. J’ai éteint mon téléphone portable et j’ai regardé la finale d’un oeil distrait, presque par réflexe. Mais il s’est avéré impossible de couper les ponts totalement. Lorsque je mettais le nez dehors, les gens me reconnaissaient et me reparlaient de la Coupe du Monde. Des amis sont aussi venus me chercher pour disputer un petit match dans un village, sur un terrain en pleine campagne. C’était amusant et ces gens étaient ravis de ma présence, mais c’était encore du football. Lorsque j’ai repris les entraînements avec Mouscron, j’ai constaté que je n’avais pas aussi faim de ballon qu’en temps normal. Je me suis plié aux obligations de mon métier, mais ce n’était plus vraiment un plaisir ».

Malgré l’élimination prématurée de la Pologne, Marcin Zewlakow conserve un bon souvenir de la Coupe du Monde. « C’était ma première expérience à ce niveau et je suis heureux de l’avoir vécue. Je n’ai pas joué beaucoup, mais j’ai tout de même inscrit un but. Et j’ai découvert l’ambiance très particulière de ce genre de compétition. J’ai été frappé par la mentalité qui régnait en Corée du Sud. Nous avons disputé notre premier match contre le pays organisateur. Je m’attendais à ce que nous soyons conspués dès notre descente du bus. Au contraire, nous avons été acclamés. A la limite, cet accueil sympathique m’a perturbé. Je cherchais vainement quelques comportements hostiles à mon égard. Histoire de me dire: -Ah, vousmechambrez?Jevaisvousmontrerdequoijesuiscapable! Mais non, rien. Comment peut-on être méchant avec des gens aussi charmants? J’ai également été étonné par la qualité des pelouses et la modernité des stades. Et, lorsqu’on voit Figo et Pauleta en face de soi, on se dit qu’on est entré dans un autre monde. Nous avons perdu 4-0 contre le Portugal et nous n’avons gagné que contre les Etats-Unis. L’aventure s’est terminée trop tôt, mais, malgré tout j’ai appris énormément. Et je suis heureux que le nouveau sélectionneur ZbigniewBoniek m’ait appelé, pour le match amical contre la Belgique et pour le match éliminatoire de l’EURO 2004 à Saint-Marin. Car, du noyau présent en Corée du Sud, beaucoup de joueurs ont disparu ».

« Il faut s’en sortir seul »

Depuis lors, Marcin Zewlakow est retombé les pieds sur terre. « Etre réserviste, cela fait partie de la vie d’un footballeur », philosophe-t-il. « Dans une carrière, on connaît des hauts et des bas. C’est à moi de travailler pour essayer de regagner ma place. Par ailleurs, il ne faut pas sous-estimer le rôle d’un remplaçant. Claude Bakadal avait fait la différence lorsqu’il était monté au jeu au Standard. AsandaSishuba a amené l’égalisation contre Genk. A moi, désormais, de démontrer que je peux également rendre des services à l’équipe en sortant du banc. Ce n’est pas facile, je préfère entamer le match et monter en régime progressivement. C’est un tout autre contexte lorsqu’on ne dispose que d’un quart d’heure pour faire ses preuves. Mais je dois m’accommoder de ce nouveau rôle ».

Marcin Zewlakow n’en veut pas à Lorenzo Staelens de l’avoir évincé. « Honnêtement, j’apprécie les entraînements de notre nouveau coach. Ses séance ne sont jamais ennuyeuses. Et, s’il effectue d’autres choix qu’Hugo Broos, je dois m’incliner. Certes, il m’arrive de râler. C’est logique: tout footballeur professionnel qui se respecte nourrit l’ambition d’être titulaire. Mais cela fait aussi partie du métier de savoir réagir aux coups durs. Lorsque je téléphone à Michal, il m’encourage, mais en réalité, je dois m’en sortir seul. En continuant à travailler et en témoignant d’une bonne mentalité. Pourquoi devrais-je pourrir l’ambiance sous le prétexte que je ne suis plus titulaire? Lorsqu’on devient footballeur, on sait qu’on choisit un sport collectif où l’intérêt du groupe prime sur celui de l’individu. On sait aussi qu’on choisit un métier où l’effort physique est important. Il faut accepter de souffrir. S »il est exact que je m’étais bien fatigué contre La Gantoise, j’ai constaté que mes efforts n’avaient pas été vains, puisque nous avions empoché les trois points. Cela ne m’a jamais dérangé de courir pour les autres, car je suis convaincu que tôt ou tard, mes partenaires me rendront la pareille ».

A défaut d’avoir toujours été très heureux dans ses actions, Marcin Zewlakow a toujours témoigné d’une mentalité exceptionnelle.

Daniel Devos

« J’avais déjà été séparé de Michal: pendant deux mois! »

« Je suis souvent à la remorque mais les succès de mon frère m’encouragent »

« J’aurais préféré un accueil plus… hostile du public sud-coréen »

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire