» ON N’EST ENCORE NULLE PART »

Sport/Foot Magazine a suivi pas à pas Marc Wilmots depuis le stage en Suède jusqu’à l’issue du premier match face à l’Algérie.

Il saute dans les bras de son staff, froisse dans l’aventure quelque peu son veston qu’il avait remis à la mi-temps après avoir débuté la rencontre dans sa fameuse chemise blanche. Il faut dire qu’il avait pris un sérieux coup de froid avec le but de Sofiane Feghouli en première mi-temps. D’un coup, Marc Wilmots libère donc toute la pression suite à ce but de Dries Mertens à dix minutes de la fin. Sur le but égalisateur, il avait couru seul sur la pelouse, avant d’aller taper dans la main de l’un ou l’autre joueur. L’honneur était au moins sauf. Le deuxième est une vraie libération. Ses choix se sont avérés gagnants.

Une fois de plus, des changements qui font la différence, grâce à Marouane Fellaini et Mertens. Mais cette fois-ci, il sait que ses substitutions n’ont fait que gommer les erreurs d’entrée. Son idée de faire jouer Nacer Chadli et Moussa Dembélé n’a pas marché et il le voit très vite. Quelques minutes avant la mi-temps, Wilmots demande à Fellaini et Mertens de s’entraîner dans la zone derrière le but algérien. Lui qui voulait du répondant technique (Dembélé) et de l’intelligence tactique (Chadli) aura eu besoin finalement de vivacité, de présence dans le rectangle et de la taille pour faire plier ces courageux Fennecs.

Pourtant, il assume tout. Pas question de parler d’erreur. Il avait privilégié la possession de balle et il est satisfait de la manière dont son entrejeu a pris le dessus sur celui de l’Algérie.  » Mais j’attendais une Algérie plus conquérante « , lâche-t-il.  » Le but était de ne pas laisser la balle aux Algériens et de s’infiltrer mais pour cela, il faut des espaces, ce qu’ils ne nous ont pas laissés.  »

A la mi-temps, il reste zen, conscient que ses différents scénarii peuvent marcher.  » J’ai vu quelques joueurs la tête basse. Je leur ai dit de ne pas se tracasser et qu’on allait marquer. Je leur ai annoncé que Fellaini allait monter et qu’il allait falloir jouer avec ses qualités. Mais j’étais persuadé que l’Algérie allait craquer, qu’en les faisant courir et courir, ils allaient s’épuiser.  »

Le premier match du premier acte a donc tourné en sa faveur, lui qui l’attendait depuis le tirage au sort. Pour ce fonceur-né, l’attente a dû paraître interminable. En avant match, il avait préféré rester en retrait, gagnant d’abord le dug out pour discuter cinq minutes avec Philippe Collin, le patron sportif de l’Union Belge, puis de taper la causette avec Lieven Maesschalck. Et puis, tout s’est enchaîné très vite. Les trois buts, la délivrance.  » Maintenant, on peut s’hydrater, se reposer et passer à autre chose. On n’est encore nulle part.  »

Quand il tape sur les doigts de Collin et qu’il rappelle la Fédé à l’ordre

Flash-back. Lundi 2 juin. L’annonce fait son effet. Dans une petite salle improvisée, tous les journalistes qui ont suivi le stage en Suède sont présents. Le but est de faire un bilan, quelques heures après le match amical face aux Suédois. Ce point presse n’arrange pas tellement les journaux, occupés par les préparatifs du voyage retour et qui ont déjà leurs pages pleines pour le lendemain. Pourtant, personne ne pense à ce moment-là que Wilmots va utiliser ce point presse pour mettre la pression sur l’Union Belge dans le cadre des prolongations de contrat de ses adjoints.

Dans ce dossier, Wilmots a improvisé, voyant depuis deux jours Philippe Collin, le président de la Commission technique, distiller ses bons mots à la presse. Il a peur que Collin utilise les médias pour expliquer les lenteurs du dossier. La veille, Wilmots nous avait accueilli de manière très froide lorsque nous avions débarqué, sur invitation de Collin, à l’hôtel des Diables Rouges, interdit à la presse. Nous avions prévenu Collin en lui demandant s’il ne valait pas mieux faire l’interview ailleurs, mais il avait balayé nos interrogations.

Pourtant, le jour de l’interview, Collin nous cueille dès notre entrée, devant Wilmots et son adjoint Vital Borkelmans, et nous conduit dans une salle à l’écart, tout penaud, comme un enfant pris la main dans le pot de confitures. Il a beau nous dire qu’il ne s’est pas fait taper sur les doigts par Wilmots pour nous avoir invité dans l’hôtel des Diables, cela y ressemble. Son comportement atteste en effet tout le contraire.

Mais revenons à ce lundi 2 juin. Wilmots a bien manigancé, lâchant également quelques petits mensonges (comme le fait que les primes des joueurs aient été fixées depuis… un an). Sa communication est réglée comme du papier à musique. La presse en fait ses gros titres. Le Soir n’apprécie que modérément la manipulation. Peu importe : les dirigeants de l’Union Belge paniquent et tombent pleinement dans le piège. Wilmots a réussi sa sortie suédoise, point d’orgue d’une communication très agressive.

Ce jour-là, il a réussi son coup mais il se rend vite compte également que cela ne fait pas l’unanimité. Lors du stage à Knokke, il arrondit les angles et plus les jours avancent, plus il lâche du lest.

Un Wilmots serein est un Wilmots qui ne doute pas

Mardi 10 juin. Dès qu’il a mis les pieds au Brésil, Wilmots s’est senti comme chez lui. Le fin crachin du premier jour sonne d’ailleurs bien belge. Rien n’a semblé le perturber lors de cette première semaine à Mogi das Cruzes. Des joueurs qui récupèrent mal du décalage horaire ? Pas grave, on déplace les entraînements. Une photo sortie sur le compte twitter de la Fédération et qui montre Nacer Chadli sans vareuse comme d’autres titulaires indéboulonnables, l’explication est déjà toute prête.  » La photo qui est sortie, je l’ai contrôlée ! J’ai mélangé les cartes, donc ne tirez aucune conclusion.  »

On le voit montrer l’exemple en tirant les coups de pied arrêtés. Ses centres sont bien calibrés. Il s’implique dans son groupe comme il l’a toujours fait.  » Je vais payer la note dans les prochains jours. Je parie que j’aurai mal à ma cheville et des problèmes à marcher « , plaisante-t-il. Ce jour-là, des centaines d’enfants ont été acceptés à l’entraînement. Sa philosophie est très claire : pourquoi vivre coupé du monde extérieur alors qu’en Belgique, il accepte que la plupart de ses entraînements soient ouverts au public ?  » On reçoit beaucoup. Parfois, il faut savoir donner aussi.  »

Il y a donc le Wilmots tranquille. Mais il y a toujours le Wilmots fidèle à ses principes et rarement habité par le doute. Le jeudi, il avait imaginé jouer un match contre les Etats-Unis. Finalement, par peur des embouteillages, il l’annule et organise une opposition entre Diables Rouges. Ce match l’éclaire.  » Oui, j’ai une idée précise sur le onze qui sera aligné contre l’Algérie mais je ne vous la dirai pas.  » La veille, il avait déjà dit que cette opposition n’était pas ouverte au public afin de ne pas dévoiler son équipe.  » Je vous ai donné l’équipe lors des matches amicaux. Maintenant, c’est terminé « .

Wilmots sait aussi que c’est une façon de maintenir tout le monde en éveil. Ce qu’il constate d’ailleurs le samedi. Ce jour-là, les contacts sont plus musclés, Divock Origi et Kevin De Bruyne devant quitter l’entraînement. Mais Wilmots se veut immédiatement rassurant.  » Ce n’est que mon diagnostic mais il ne s’agit que de contusions. On a un bon staff médical et au moins, ils ont du travail ! De toute façon, on ne s’arrête pas au moindre pépin. On continue. Je ne vais pas me plaindre à chaque fois qu’il y a un blessé sinon on ne s’en sort pas.  »

Quand la pression se transforme en plaisir

Lundi 16 juin, quinze jours plus tard, Wilmots voit le bout de sa préparation. Le lendemain, son équipe rentre dans sa Coupe du Monde. Les médias du monde entier se sont déplacés au stade Mineirao de Belo Horizonte pour recueillir les propos du sélectionneur belge et du capitaine, Vincent Kompany. Rituel de veille de match.

Wilmots a le teint hâlé par près d’un mois de préparation, la plupart du temps sous le soleil. Il se gratte le nez, regarde son capitaine et échange quelques mots avec lui. Il a l’air détendu. C’est d’ailleurs ce qui frappe le plus. Depuis qu’il est arrivé au Brésil, Wilmots apparaît libéré, beaucoup moins strict et stressé que lors du dernier mois. Les journalistes qu’il craignait comme de la peste après avoir connu des problèmes dans ses quatre Coupes du Monde auxquelles il a participé comme joueur, respectent les règles qu’il a fixées et cela le rassure. Et puis, ce tournoi qu’il prépare minutieusement depuis maintenant huit mois prend forme.

Son discours est également différent. Lui qui commençait tout doucement à en avoir marre des questions des journalistes étrangers (il avait notamment soufflé en semaine à une question d’un journaliste brésilien qui faisait la comparaison entre la Belgique et la France 1998), offre un visage serein et répond calmement à tout. Sur Eden Hazard ?  » Il peut faire partie des cinq meilleurs mondiaux, il en a le potentiel. Cependant, il n’a encore que 23 ans…  »

Il sait que le rendement de son petit prodige est la clé de la réussite belge ; toute la semaine, il l’a protégé de toute obligation médiatique, conscient que ses performances lors des matches amicaux, largement insuffisantes, le plaçaient dans la ligne de mire. Il aurait même avoué à un confrère français que  » s’il continuait à jouer de la sorte, il serait obligé de le retirer « . Il n’y pense pas réellement mais il veut éviter que la polémique enfle et ça marche. En se faisant discret, en étant absent des conférences de presse, le sujet retombe comme un soufflé et, à la veille du premier match, aucun journal n’ose retirer Hazard du onze de base.

Si les faits démontrent toute l’importance d’Hazard pour le sélectionneur, le discours est plus collectif.  » Ce n’est pas un tournoi pour Eden mais pour toute l’équipe. Pour que l’individualité ressorte, cela passe de toute façon par un collectif fort.  » Sujet évacué.

Un peu plus tard, un journaliste anglais fait le parallèle avec Mexico 1986, et là aussi, Wilmots se montre beaucoup plus ouvert. On sait qu’il déteste cette comparaison incessante. Les livres d’histoire ne l’intéressent pas. Ce n’est qu’un amas poussiéreux. Pourtant, il répond :  » Un tournoi est une question de moment. Si on avait dû faire une analyse après les trois premiers matches de 1986, on serait rentré à la maison honteux. Puis, il y a eu le match contre l’URSS et tout s’est enchaîné. Par contre, en 1990, on a fait un très grand tournoi, sans doute le meilleur de la Belgique et on se fait crucifier par David Platt à la 120e minute.  »

Et puis, il y a certains mots qui ne trompent pas. Le mot plaisir revient plusieurs fois, ultime preuve de la quiétude qui habite l’ancien joueur de Schalke.  » La pression, c’est quand tu as un enfant malade à l’hôpital. Ici, c’est du pur plaisir.  » Rideau, la Belgique est prête.

PAR STÉPHANE VANDE VELDE À BELO HORIZONTE – PHOTOS: BELGAIMAGE/JANSENS

 » La pression, c’est quand tu as un enfant malade à l’hôpital. Ici, c’est du pur plaisir.  »

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