« On n’écarte pas un Vanmoerkerke »

Matthias Stockmans
Matthias Stockmans Matthias Stockmans is redacteur van Sport/Voetbalmagazine.

Le sélectionneur national et entraîneur du RB Anvers, lance la saison en évoquant le championnat, l’équipe nationale, l’EURO et son club.

Tony Van den Bosch est imprévisible. A la Noël, l’année dernière, il a disparu pendant une semaine, a ensuite démissionné de l’équipe nationale… avant de signer un nouveau contrat de trois ans. En quarts de finale de la Coupe Korac à Belgrade, il s’est promené sur le théâtre des opérations de la guerre civile yougoslave. Lors d’une émission de Canal+ Vlaanderen où il est consultant, il a grimpé sur la tête de ses collègues pour rester dans la mire des caméras. Un enfant turbulent, donc.

Il a déjà traversé quelques ouragans. Sélectionneur national, il a toujours été contesté -conflits d’intérêts, comme on disait- et son parcours comme entraîneur de club a été accidenté l’année dernière.

Vos quatre étrangers de la saison passée ont tous cherché leur bonheur ailleurs. Vous en avez quatre nouveaux. Dans ces conditions, il est difficile de construire quelque chose?

Tony Van den Bosch: C’est déjà mieux que l’année dernière, quand tous les joueurs -Belges y compris- étaient partis. En plus, nous étions prévenus de leur départ. J’aurais aimé conserver Shaun Stonerook. John O’Connell exigeait un salaire mensuel de 15.000 dollars (600.000 francs), ce qui est irréaliste. Otis Hill était trop lent et une augmentation financière n’aurait pas amélioré sa vitesse. Milos Babic était insuffisant. Le contrat de Stonerook prévoyait une indemnité de départ de 20.000 dollars, ce qui n’est rien du tout pour un club italien tel que Cantù. Le fait est là: les Belges doivent former l’ossature de l’équipe. J’attends beaucoup de Paul Bayer, Pieter Loridon et aussi de Stefan Sappenberghs cette année. Ils doivent entraîner l’équipe dans leur sillage. Les étrangers sont là pour compléter l’équipe. Outre ces piliers, je compte sur l’éclosion de quelques jeunes. Notre école Top Sport nous a fournis six talents cette saison. Je veux donc limiter autant que possible l’apport des joueurs de l’Est ou d’autres pays.

« Besoin d’un Vande Lanotte ou d’un Somme »

Vous êtes ambitieux, comme votre club, mais vous êtes soumis à des contraintes budgétaires.

Voici deux ans, Eddy Casteels avait démissionné du RBA parce qu’il regrettait le manque d’ambitions de la direction. Les joueurs ont également réagi, quittant massivement le club. Un petit exemple: nous n’avons toujours pas de manager commercial à temps plein. C’est pourtant indispensable pour trouver des sponsors et augmenter le budget. Pour l’instant, toutes les initiatives émanent de notre président, Maurice Schoensetters, ou de Michel Geerts. Je crains le pire pour Anvers si jamais ces deux personnes le quittaient. Heureusement qu’il y a encore Marcel Colla. C’est grâce à lui que nous avons notamment Watco mais son impact dans le monde financier a considérablement baissé depuis le scandale dont il a été victime. Le club est situé dans une ville portuaire. Les industries n’y manquent pas.

Nous avons besoin d’un homme de l’envergure de Johan Vande Lanotte à Ostende ou d’Eric Somme à Charleroi. Eric Somme est un cadeau des dieux pour la Wallonie. Anvers tourne avec un budget de 50 millions. Soit la moitié des budgets de Charleroi et d’Ostende.

Mais on falsifie le championnat, puisque la Région Wallonne subsidie les équipes wallonnes. Regardez-y de plus près: c’est en Wallonie que la plupart des gros transferts ont eu lieu. J’ai également appris qu’en sus de leur subside, les clubs recevaient une certaine somme s’ils terminaient premier ou deuxième du championnat régulier. -NDLA: 5 millions pour le premier club wallon, avec obligation de disputer la Coupe d’Europe sous le patronyme de « Région Wallonne »- Alors que la Ville d’Anvers nous octroie gracieusement 200.000 francs, qui retournent de toute façon à la trésorerie de la commune, à cause de certaines dépenses. Notre président a déjà menacé de retourner jouer à Malines. En Flandre, nous n’avons pas non plus les bons échevins à la bonne place. A Anvers, par exemple, c’est Chantal Pauwels qui est échevin des Sports. Elle plante des arbustes et des fleurs partout dans la ville et était prête à donner des millions pour l’organisation des Gay Games. Mais un club de basket ne l’intéresse pas. Pourtant, malgré nos limites financières, nous pouvons jouer les trouble-fêtes dans la lutte pour le titre.

« Anvers est meilleur à l’intérieur de la raquette »

Pouvez-vous estimer la force de votre équipe?

Notre jeu intérieur est supérieur à l’an passé. Avec Konstantin Galenkin et Gyasi Cline-Heard, nous sommes parés. Le départ d’Otis Hill nous fait perdre de la puissance dans la raquette, mais si nous l’avions conservé, nous n’aurions pu engager Galenkin. Avec celui-ci, nous pouvons jouer plus vite et avec plus d’agressivité. Cline-Heard est un jeune professionnel qui va certainement réaliser des trucs. Joe Ingegneri remplace bien Roel Moors, blessé. Il a un contrat de dix mois qui peut être prolongé en fonction de la durée de la rééducation de Roel. Notre deuxième Américain, Nakeia Miller, a dû être renvoyé. Il souffrait d’ulcères à répétition et était trop frêle pour la position de power forward. Son manager nous a raconté qu’il avait perdu quinze kilos mais qu’il allait les reprendre… Ha! Pour le remplacer, j’ai fait appel à un Belge, Gerben Van Dorpe que je connais bien.

Quelle est l’ambiance au sein du groupe?

Elle est meilleure. Auparavant, il y avait effectivement eu des frictions entre les joueurs et la direction. D’abord par manque de communication. La direction était trop loin du compartiment sportif, et les joueurs ne comprenaient pas bien ce qu’un homme comme Maurice Schoensetters faisait pour eux. J’essaie d’y remédier en allant voir de temps en temps le président. Deuxièmement, les joueurs supportaient mal les critiques de la direction. J’ai envoyé un fax avec le programme de préparation et quelle a été la réaction d’une partie de la direction? -Holà, c’est tout ce que font les garçons en une journée? Alors que nous nous entraînions quand même cinq heures, ce qui équivaut à une perte de 8.000 calories par jour pour les joueurs. Durant les réceptions, ils s’entendaient aussi dire: -C’est ça que vous faites pour votre argent? De telles déclarations suscitent évidemment des frictions.

« La moitié des Belges à l’étranger »

Avez-vous suivi la polémique à Ostende? La décision de Rudolf Vanmoerkerke vous surprend-elle?

Je suis de très près ces péripéties. Vande Lanotte, un politicien, a donc pris le pouvoir. Mais on n’écarte pas impunément quelqu’un comme Rudolf Vanmoerkerke. C’est lui qui a rendu le basket populaire. Vande Lanotte va perdre beaucoup de voix aux prochaines élections. Et après une telle défaite, pourra-t-il continuer à étaler une telle omnipotence au sein du club? Anvers avait des projets de ce genre aussi. Schoensetters devait démissionner de la présidence pour devenir président d’honneur. Colla serait devenu président. Mais je ne connais pas le fin mot de l’histoire.

Autre nouvelle percutante: la moitié de l’équipe nationale évolue à l’étranger. Malgré une bonne saison, Jean-Marc Jaumin, Daniel Goethals, et Dimitri Lauwers n’ont pas trouvé immédiatement un nouvel employeur. Wim Vanhaele a même dû pointer avant de trouver de l’embauche à San Sebastian, en D2B espagnole: l’équivalent notre D3.

Bientôt, tous mes meilleurs joueurs évolueront dans des clubs étrangers de D2. De deux choses, l’une: soit les Belges ne savent pas se vendre, soit ils sont conseillés par de mauvais managers. Ils feraient mieux d’engager un avocat. Mais ils sont responsables d’exigences financières trop élevées -c’est le cas de Wim Vanhaele et de Daniel Goethals-, ou trop susceptibles. Comme Jean-Marc Jaumin, un brillant basketteur qui fait sa valise et disparaît après un seul conflit avec son entraîneur, Bozidar Maljkovic. Je lui ai rendu visite à Malaga. Un environnement idéal, un bon club européen, qui paie toujours à temps… et puis vous gâchez tout à cause d’une stupide querelle? Le voilà maintenant à Patras, un club de D2 grecque. Darren Queenan m’a dit qu’il ne payait pas à temps. Les joueurs belges ne recherchent pas assez le dialogue.

« La Suède en 2003 comme Berlin en 1993 »

Ce qui nous amène à l’équipe nationale. Vous avez repris beaucoup de jeunes pour votre stage d’une semaine à Arles-sur-Tech, fin juin. Y a-t-il des changements en vue pour la campagne qui s’annonce?

Non, je ne vais pas jeter tous ces jeunes garçons dans la bagarre tout de suite. Ce stage était destiné à les intégrer mais je compte avant tout sur des piliers comme Eric Struelens -NDLA: qui pourrait être rappelé suite à la blessure de Tomas Van Den Spiegel-, Ron Ellis et Jean-Marc Jaumin, entourés de quelques jeunes. Nous devons à tout prix nous qualifier pour l’EURO 2003 en Suède. Je veux revivre des moments semblables à ceux de Berlin en 1993. Je voudrais donc qu’on libère de plus gros budgets, pour que les joueurs soient placés dans de l’ouate.

Et si vous ne vous qualifiez pas?

(Furieux) Nous le devons! Même si je dois chercher moi-même des sponsors. Dans ce contexte, j’ai d’ailleurs tâté Lucien Van Kersschaever et Eddy Casteels pour compléter mon staff technique. -NDLA: Van Kers se chargera de visionner les futurs adversaires.

Pourtant, le courant ne passe plus depuis longtemps entre la fédération et Van Kers?

J’essaie de réconcilier les points de vue. Un homme comme Lucien peut rendre des services au basket belge. Il ne méritait pas d’être limogé par Ostende. Cette affaire a démontré une absence totale de respect à son égard. Lucien a une forte personnalité. S’il allait visionner une équipe, tout le monde connaîtrait les ambitions de la fédération Belge. Idem pour Eddy Casteels. L’ancien coach de l’année ne peut quand même pas rester sans travail? Je vois très bien Eddy entraîner une équipe nationale B, qui reste à former. Une équipe B où pourraient mûrir tous les jeunes talents qui patientent aux portes de l’équipe nationale.

L’EURO 2003 doit-il être le couronnement de votre carrière de sélectionneur?

D’ici deux ans, avec les levées 75 et 78, nous ferons partie des douze meilleures nations d’Europe. Nous avons raté l’EURO en Turquie d’un cheveu, en terminant à deux unités de l’Ukraine et de la Macédoine. J’étais très déçu, surtout de moi-même. Je suis responsable de cet échec. J’ai dit à la fédération que c’était ma dernière campagne. J’ai d’ailleurs été très critiqué, par la direction du RBA mais aussi par l’extérieur. Des gens m’ont accusé d’avoir mélangé mes intérêts. Toutes ces rumeurs négatives ont déclenché une chasse aux sorcières. J’ai proposé Giovanni Bozzi ou Eddy Casteels comme entraîneur national mais ils n’étaient d’accord qu’à condition de fonctionner à temps plein. Or, il n’y avait pas assez d’argent pour ça. La fédération a alors appris que nous n’allions disputer que trois matches de qualification par an (depuis lors, il y en a cinq) et Cyriel Coomans m’a demandé si je ne voulais quand même pas continuer. J’ai donc paraphé un nouveau contrat, avec la Suède comme objectif final.

Matthias Stockmans

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