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 » On n’achète ni la santé, ni l’amour ni la sérénité « 

Lovre Kalinic n’aime pas attirer l’attention. Ce n’est pas évident quand on mesure deux mètres et qu’on est le meilleur gardien du championnat. Rencontre dans le restaurant étoilé des Buffalos.

Lovre Kalinic est impressionnant, du haut de ses 2m01 mais nous avons rarement rencontré footballeur aussi poli et prévenant que le gardien croate. Souriant, attentionné, il se prête aussi de bon coeur aux demandes du photographe.

Pourtant, le portier de 28 ans, échaudé par la presse de son pays, évite les interviews. Il n’éprouve pas le besoin de voir sa tête dans les journaux non plus. Mais maintenant, la seule vraie star de Gand ne peut plus se dissimuler. Une fois installé dans le magnifique restaurant Horseele, au quatrième étage de la Ghelamco Arena, il ouvre le débat, d’un clin d’oeil :  » Après, je suis tranquille pour deux ans.  »

Ton début de saison a été entravé par une blessure à l’orteil. Tu as retrouvé tes sensations ?

LOVRE KALINIC : Ce mauvais début de saison est dû à une bonne dose de poisse et à l’arrivée de nombreux joueurs. J’ai également dû retrouver mes marques mais désormais, nous sommes dans une spirale positive. J’ai retrouvé mon niveau, physiquement et mentalement, comme tout le groupe, qui forme une famille. Reste à conserver ce niveau quelques semaines encore.

On vante beaucoup la défense de Gand, en fait toi et le duo central Gigot-Bronn. Quel est votre secret ?

KALINIC : Chacun compense les erreurs des autres. Bronn et Gigot parlent tous deux français, ce qui leur permet de bien se comprendre. Mais je préfère inclure toute l’équipe dans le compliment : le travail de notre avant Janga est aussi important pour notre défense.

Quel impact le passage d’un trio à un quatuor défensif a-t-il eu sur toi ?

KALINIC : Hein Vanhaezebrouck optait en général pour trois défenseurs mais ça expose la défense si les backs sont trop offensifs. Quand on ne parvient pas à arpenter les flancs 90 minutes, on concède des espaces. Ma position est plus confortable derrière quatre défenseurs : je peux attendre au lieu de camper plus haut et de devoir anticiper. Si un défenseur monte, l’autre reste.

Gand encaisse peu de buts sur les phases arrêtées. Pourquoi ?

KALINIC : J’aime sortir sur les hauts ballons mais tout dépend de la façon dont un coup franc ou un corner est botté. On exerce évidemment ces phases mais sans plus. On pratique le marquage individuel. C’est plus clair et ça me donne plus de latitude pour sortir.

Ces sorties sont-elles une question de confiance ?

KALINIC : Je sais que je peux échouer mais ça ne doit pas m’arrêter. Certains restent sur leur ligne et misent sur leurs réflexes, moi, j’ai appris à anticiper. C’est comme ça qu’on fait la différence.

 » Le 91, ça sonnait bien  »

Tes coéquipiers te surnomment Octopus. Tu essaies d’intimider tes adversaires avec tes longs bras ?

KALINIC : Non. Je ne crie pas, je ne leur jette pas de méchants regards. Je me concentre sur mon boulot.

Pourquoi joues-tu toujours en manches courtes ?

KALINIC : Parce que Hadjuk Split n’avait pas de maillot aux manches assez longues pour moi. C’était comme si je jouais avec des manches trois quarts. Affreux.

Le numéro 91 est spécial pour toi ?

KALINIC : Non, j’avais le douze à Split, le numéro du second gardien, jusqu’à ce que la direction attribue ce numéro à notre douzième homme, les supporters. Au même moment, le titulaire a été renvoyé en réserve et j’ai voulu reprendre son numéro mais il a refusé. J’ai cherché un autre numéro avec le un. 91 sonnait bien.

Tu as intégré le noyau A à seize ans mais tu n’es devenu le premier choix qu’à 23 ans. Tu as de l’empathie pour tes collègues, maintenant que tu es le numéro un à Gand ?

KALINIC : Le deuxième gardien doit travailler jusqu’à ce qu’il reçoive sa chance. Espérer l’échec de son collègue n’a aucun sens, au contraire : s’il joue bien, il obtiendra peut-être un transfert. Split avait peur de poster un jeune dans son but. Il m’a loué plusieurs fois mais j’ai quand même défendu le goal quatre ans et j’ai été capitaine. Après mon transfert ici, Hajduk a offert sa chance à un jeune, Karlo Letica. J’en suis heureux.

À ton arrivée, Gand avait cinq gardiens. Comment tu as détendu l’atmosphère ?

KALINIC : Les gardiens forment une petite famille. On nous prend pour des demi-fous ( il fait toc-toc sur sa tête). On sait qu’on occupe un poste difficile. Je considère les autres gardiens comme des collègues.

Tu as été important pour ton compatriote Franko Andrijasevic, qui t’a convaincu de signer et t’a hébergé durant les premières semaines. Pourquoi le transfert le plus cher de Gand n’est-il pas performant pour le moment ?

KALINIC : Avant tout à cause d’une série de blessures. Il a été touché au cou pendant la préparation et la blessure est réapparue en Coupe d’Europe contre Altach. À son retour, l’équipe ne tournait pas et Hein a cherché d’autres compositions. Il est revenu sous la direction d’Yves Vanderhaeghe mais a été blessé aux côtes et depuis, l’équipe est lancée, donc elle ne change pas. Franko le comprend.

 » Mandzukic est une bête  »

Il risque de louper le Mondial. Tu y penses beaucoup ?

KALINIC : Pas pendant les PO1.

La Croatie est dans le groupe de la mort avec le Nigeria, l’Argentine et l’Islande. Tu n’as que dix caps, dont deux contre l’Islande et l’Argentine, des matches perdus…

KALINIC : C’étaient des matches amicaux. On a prouvé en France qu’on possédait une bonne levée. En huitièmes de finales, le Portugal a inscrit un but chanceux alors qu’on a frappé le poteau. On vise maintenant les quarts de finale.

Rakitic (Barcelone) et Kovacic (Real) réagissent à tes posts sur Instagram. Ce sont vraiment des copains ?

KALINIC : Les journalistes suivent donc tout ? Ce n’est pas parce qu’ils jouent au Real, à la Juve ou au Barça qu’ils ne sont pas des hommes comme les autres. Pendant notre stage à Miami, le sélectionneur nous a autorisés à sortir au restaurant, le premier soir. En copains. C’était chouette.

S’entraîner avec des talents de cette envergure doit être intéressant.

KALINIC : Ils placent le ballon exactement où ils le veulent, pas un mètre à droite ou à gauche. Mario Mandzukic est une bête. Ses headings sont durs et il est impossible à contrer.

Nikola Kalinic, un autre avant international, est de ta famille ?

KALINIC : Un cousin éloigné. On a été à la même école mais il a deux ans de plus que moi. On ne se voit pas souvent mais on est passé tous les deux par les équipes d’âge de Split.

Zlatko Dalic est le sélectionneur depuis octobre. Ça t’ouvre des possibilités ou Danijel Subasic est intouchable ?

KALINIC : Il n’y a pas de raison de changer la hiérarchie. Subasic est excellent et a travaillé comme un fou pour réussir. Je connais ma place en équipe nationale et je n’espère pas qu’il se blesse, pas plus que je ne vais me prétendre meilleur. Il joue à Monaco, hein !

Tu pourras peut-être franchir un pas de plus à l’issue du Mondial…

KALINIC : C’est le boulot de mon manager mais je lui ai dit de me laisser tranquille tant que rien n’est concret. Je ne savais pas qu’il avait négocié pendant des mois avec Gand, par exemple.

 » L’église me donne des ailes  »

Tu as quand même râlé en 2016, quand tu as loupé un transfert à Aston Villa faute de permis de travail.

KALINIC : Pendant… une journée. Le lendemain matin, j’ai demandé à Tonci Gabric, le coach des gardiens, de me dispenser une solide séance. J’étais en congé mais j’en avais besoin pour me libérer de ma frustration.

Le travail est ton remède universel ? Tant Vanhaezebrouck que Vanderhaeghe louent ton sérieux.

KALINIC : Ça me permet de rester affûté et confiant. Je n’ai pas toujours envie de m’entraîner mais il faut pouvoir se forcer. Je suis conscient de mener une vie agréable.

Pourtant, tu détestes la musculation.

KALINIC : Si je m’élargis, je perdrai ma vitesse de réaction. Je m’astreins à des séances de stabilisation et je fais attention à mes épaules comme à mes genoux. Je pèse quand même 95 kilos…

Qu’est-ce qui te rend si raisonnable ?

KALINIC : Mes copains de jeunesse. Ils ont tous un emploi normal, ils travaillent dur et gagnent moins que moi. J’ai vu trop de joueurs faire des folies, se prendre pour dieu le père, oublier d’où ils sortaient. Ce n’est pas l’argent qui me motive, pour autant que mes proches et moi en ayons assez pour être heureux. On n’achète pas la santé, l’amour ni la sérénité.

Tu es chrétien et tu allais à l’église tous les dimanches à Split. En Belgique aussi ?

KALINIC : Quand le calendrier le permet mais je préfère ne pas en parler. J’ai vite constaté qu’ici, presque personne n’allait à l’église et ne fêtait Pâques. Il y a une messe en serbo-croate à Anvers. Je m’y suis fait beaucoup de connaissances, des Croates venus ici pour un an ou deux mais qui sont restés. J’aime écouter leur histoire.

Que cherches-tu à l’église ?

KALINIC : Je me sens plus calme, plus fort après. Ça me donne des ailes. C’est difficile à expliquer à quelqu’un qui ne croit pas. Je ne prie pas pour bien jouer ni obtenir un gros transfert, je prie pour que ma famille reste en bonne santé. Ceci dit, chacun croit ce qu’il veut et choisit sa voie.

Lovre Kalinic : 10 sur 10 !
Lovre Kalinic : 10 sur 10 !© BELGAIMAGE

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