« ON N’A PAS DIT NOTRE DERNIER MOT »

Le manager du RSCA ne supporte pas qu’on critique John van den Brom, fait en partie son mea culpa et défie les consultants.  » Le Standard et Bruges sont sans doute plus mûrs et plus solides mais j’attends la suite des événements.  » Croirait-il encore au titre ?

Lancer un coach au bon moment, c’est tout un art qu’un manager de club doit maîtriser. Herman Van Holsbeeck a promu Besnik Hasi au titre d’entraîneur en chef d’Anderlecht avant un match relativement facile contre Ostende, lui laissant ensuite deux semaines pour préparer les play-offs. Une situation idéale pour le successeur de John van den Brom, dont Van Holsbeeck ne veut toujours pas qu’on dise du mal.

 » Je m’attendais à une saison difficile. Après avoir vendu sept joueurs de l’équipe qui venait d’être championne deux fois de suite, je me doutais bien que nous ne retrouverions pas tout de suite l’équilibre. A un mois de la trêve hivernale, toutefois, je me suis dit que les pièces du puzzle commençaient à s’emboîter.

Surtout dans l’entrejeu, avec YouriTielemans, Guillaume Gillet, Andy Najar et DennisPraet, plus MassimoBruno derrière l’attaquant de pointe. Ça a bien fonctionné pendant trois matches. Il y a eu le 1-1 au Standard, un match que nous aurions pu gagner mais que nous aurions pu perdre aussi. Puis le 1-2 à La Gantoise, que nous avons balayée en deuxième mi-temps. Et le 1-0 face à Zulte Waregem.

En stage, à Abu Dhabi, nous avons joué une mi-temps face à Wolfsbourg avec la même équipe. Là, je me suis dit : waouw !Mais, en revenant, nous avons perdu à Malines et nous avons méritoirement battu le Club Bruges avant d’aller au Lierse, où nos malheurs ont vraiment commencé.

Le coach a chamboulé l’équipe qui avait battu Bruges pour y remettre DemiDe Zeeuw. Anderlecht était méconnaissable, son jeu était dramatique. Après OHL, nous avons décidé de mettre un terme à la collaboration avec John : un sur quinze en déplacement, c’est anormal pour Anderlecht. Je pense que c’est seulement au cours des dix prochains matches qu’on verra la valeur réelle de cette équipe.

Au sujet des transferts, je suis très clair : AleksandarMitrovic n’a que 19 ans. C’est un renard des surfaces qui, sans avoir livré sa meilleure saison, a tout de même inscrit pas mal de buts et a surtout prouvé ses qualités avec la Serbie, que ce soit en équipe A ou en Espoirs. Il ne peut que progresser. Pour le moment, Luka Milivojevic ne répond pas à l’attente mais je reste convaincu qu’il a davantage de potentiel. Pour moi, FabriceN’Sakala est une plus-value. Les jeunes doivent apprendre leur métier. Le problème, c’est que nous manquons de leaders. Des joueurs qui connaissent la musique et sont les bras droits de l’entraîneur. C’est ce que nous devons trouver pour la saison prochaine.

 » Je ne tiens pas à faire le procès de John van den Brom  »

Je ne suis pas le seul à prendre des décisions. Après le match au Lierse, déjà, j’ai parlé avec des gens de l’entourage du coach. Notre team manager, Gunter Van Handenhoven a joué au football et connaît l’ambiance du vestiaire. C’est là que j’ai senti que quelque chose n’allait plus. Avant cela, on ne s’était jamais posé de questions quant au mode de fonctionnement du coach. Nous avions donc tout fait pour le soutenir. L’objectif était qu’il termine la saison avant de faire une évaluation. Mais John savait aussi que un sur quinze après la trêve, c’était insuffisant. Il avait même dit qu’il devait faire neuf sur neuf. Alors, en jouant comme ça contre Louvain, nous avons compris que l’heure était grave.

C’est incroyable que vous ne vous soyez inquiété qu’après le match au Lierse. Peu après l’arrivée de John van den Brom, déjà, le préparateur physique avait tiré la sonnette d’alarme en disant qu’il ne travaillait pas de façon structurée ni suffisamment dur.

Si vous voulez faire le procès de John van den Brom, vous vous trompez d’adresse. Van den Brom a des qualités. Et beaucoup, je pense. Il ne s’entendait pas avec Mario Innaurato, leur vision du football était diamétralement opposée. De plus, il y avait un problème de communication et c’est pour cela qu’Innaurato est parti. Il est vrai qu’il a dit dès le départ que ça allait mal se terminer mais est-ce la raison pour laquelle nous avons mal joué au Lierse et à OHL ? Je ne pense pas. Je reste convaincu qu’il n’y a pas de problème d’ordre physique. Nous avons soutenu Van den Brom jusqu’au bout et je n’ai jamais eu à m’en plaindre.

Mais, à l’automne, vous avez demandé à John van den Brom de travailler davantage. C’est que vous sentiez que quelque chose n’allait pas.

Le coach et moi, nous parlions chaque semaine. Van den Brom était ouvert au dialogue. Ce n’est qu’à partir du match au Lierse que j’ai reçu d’autres signaux. Si vous les avez reçus plus tôt, c’est que vous êtes meilleur manager que moi. J’essaye de voir aussi ses bons côtés, en toute objectivité.

 » Nous n’avons pas réussi à corriger le tir en janvier  »

Besnik Hasi dit que l’équipe manquait d’organisation et Olivier Deschacht a parlé de retour à l’ABC du football. Peut-être Mario Innaurato avait-il raison de dire que John van den Brom improvisait.

Il y a peu, j’ai lu qu’un entraîneur avait été applaudi par tout le monde (Mario Been, ndlr) mais il était à peine parti qu’on affirmait que les joueurs en avaient appris davantage en une heure avec son successeur (Emilio Ferrera, ndlr) qu’avec lui. Il faut toujours prendre les déclarations des joueurs avec des pincettes. Van den Brom a tout pour devenir un grand entraîneur. L’avenir nous dira qui de vous ou de moi a raison. Il est arrivé dans un club où, pour la première fois, son approche n’a pas fonctionné à 100 %. Parlez avec des joueurs de ses anciens clubs et vous n’en entendrez dire que du bien. John van den Brom travaillait beaucoup au feeling parce que sa grande qualité, c’est la gestion des ressources humaines. La façon dont il a repris un groupe qui venait d’être champion, c’est du grand art. Le problème, cette saison, c’est que tous ces gars sont partis et que, outre les ressources humaines, il a également dû faire de la formation. J’en ai parlé avec lui, je lui ai dit que, pour évoluer dans sa carrière, il devait améliorer cet aspect des choses.

John van den Brom avait pourtant affirmé que sa grande force, c’était de faire progresser les jeunes. Mais il n’y est pas arrivé.

Pas comme nous l’aurions souhaité, en tout cas. Mais c’est aussi à cause de nous. Nous avons laissé partir trente joueurs en un seul mercato, dont sept de l’équipe première. Nous avons directement constaté qu’à une ou deux places, il nous manquait quelqu’un pour encadrer les jeunes et nous n’avons pas réussi à corriger le tir en janvier. C’est pourquoi nous ne pouvions pas faire porter au coach toute la responsabilité des résultats. Je pense que John van den Brom sait ce qu’il doit faire pour progresser. C’est un jeune entraîneur qui, au départ, a beaucoup de qualités, croyez-moi. Mais il est suffisamment intelligent pour apprendre de ses erreurs. Il lit bien le jeu, il a du charisme et il est instinctif, ce qui fait défaut à de nombreux entraîneurs. Il peut apprendre à se structurer. A lui de savoir s’il est prêt à faire cet effort.

 » Les jeunes n’ont pas déçu mais peuvent mieux faire.  »

Vous n’aviez pas d’argent pour transférer Thorgan Hazard de Zulte Waregem mais peu après, vous avez mis deux millions sur la table pour David Pollet, qui est d’un tout autre calibre.

Dans le dossier Hazard, son manager (John Bico, ndlr) était convaincu qu’il allait quitter Zulte Waregem. Il a voulu régler l’affaire tout seul et nous a demandé de ne pas intervenir. Nous avons respecté cela mais après un certain temps, nous avons constaté que ce n’était pas aussi simple qu’on nous l’avait dit. Lorsque les négociations sont arrivées à un point inacceptable pour nous, nous avons décidé d’en rester là. Si nous ne sommes pas champions, ce n’est pas un drame. Pas question de payer entre 500.000 euros et un million pour un joueur loué pour six mois sans option. David Pollet nous appartient, il a signé pour cinq ans.

Après le limogeage de John van den Brom, Roger Vanden Stock a affirmé que les jeunes avaient déçu. Il aurait voulu les tuer qu’il n’aurait rien dit d’autre.

(Il soupire). Il faut replacer tout cela dans son contexte. Bien sûr que les jeunes n’ont pas déçu. Ça fait quinze ans que j’entends dire qu’il y a un problème de post-formation en Belgique et cela me poursuit. Anderlecht forme très bien ses joueurs mais ce n’est pas parce qu’ils arrivent dans le noyau A que leur formation est terminée. Un coach est toujours pris en étau entre le travail à court terme et le développement des joueurs. Nous devons créer une structure pour progresser sur ce dernier point. On doit en arriver à pouvoir dire au coach : voici la structure dans laquelle tu dois évoluer. C’est pourquoi j’espère, et j’en suis pratiquement convaincu, que Besnik Hasi va réussir. Il sait parfaitement ce dont nous avons besoin et comment nous pouvons accompagner les jeunes en équipe première.

Si vous jouiez la carte des jeunes, n’auriez-vous pas mieux fait de tenter de transférer un ou deux joueurs expérimentés ?

Nous apprenons chaque jour. Nous pensions qu’un joueur de 23 ans qui était le patron à l’Etoile Rouge de Belgrade pouvait être un leader chez nous mais nous constatons que Milivojevic a des problèmes d’adaptation et n’est pas encore le joueur que nous espérions. Nous aurions pu infléchir la tendance en hiver mais c’était très cher pour quatre mois. Nous avons donc décidé de poursuivre avec ce groupe et de voir où cela nous mènerait.

 » Dans deux matches, on connaîtra notre véritable place  »

Si vous transférez des joueurs sans l’assentiment du coach, ils ne joueront pas. Nous aurions pu faire mieux mais, au final, nous ne nous en sortons pas si mal.

Quel est le point positif des deux dernières saisons ?

Nous n’avions plus participé à la Ligue des Champions depuis cinq ans. John van den Brom nous a permis d’y regoûter après deux matches difficiles contre Limassol. Il a ensuite poursuivi sur sa lancée en étant champion et en maintenant un bon niveau de motivation au sein du groupe. Notre avance a fondu au début des play-offs mais le Standard connaît le même phénomène. Il nous fallait un dix sur douze pour être champion. Un entraîneur qui n’a aucun talent n’y serait pas arrivé. On va voir si le Standard, qui a compté jusqu’à quinze points d’avance sur nous, va survoler les play-offs et fera preuve d’autant de je m’en foutisme maintenant qu’il n’a plus que deux points d’avance sur le deuxième. Waitandsee.

On dirait que vous croyez encore au titre.

Non, non ! Le Standard et le Club Bruges ont fait de gros efforts pour être champions tandis que, pour la première fois en onze ans, nous avions dit que c’était une saison de transition. Dans une semaine ou deux, après les matches face au Standard et au Club Bruges, nous connaîtrons la véritable place d’Anderlecht. J’entends les consultants dire que nous ne pouvons pas faire mieux que la troisième place. Le Standard et le Club Bruges sont certes plus solides et plus mûrs mais je suis curieux.

Le club vous précède alors qu’il aligne des joueurs comme Björn Engels et Brandon Mechele, qu’il a formés. Pareil pour le Standard avec Dino Arslanagic, Michy Batshuyai et Polo Mpoku. Anderlecht peut-il invoquer l’excuse de la jeunesse ?

J’en compte deux à Bruges, quatre au Standard mais chez nous, il y en a cinq ou six : Chancel Mbemba, Youri Tielemans, Frank Acheampong, Dennis Praet, ndy Najar… Nous venions d’être champions à deux reprises, c’était le meilleur moment pour les lancer, sans quoi il y aurait eu trop de pression. Honnêtement, je pense que le Standard est plus mûr et plus fort. Selon moi, c’est lui qui a le plus de chances d’être champion.

Que doit faire Besnik Hasi s’il veut être l’entraîneur principal d’Anderlecht la saison prochaine ?

Je ne fixe pas d’objectif précis. Besnik a repris l’équipe lorsqu’elle était troisième, à cinq points du leader et à trois du deuxième. Anderlecht va encore faire parler de lui, même si nous savons que nous n’avons pas l’équipe pour être champions. Le but est de terminer le plus haut possible. Et si nous sommes champions, tant mieux !

Comptez-vous encore sur Suarez ?

« Non, Matias Suarez ne disputera pas les play-offs. Une rechute serait une catastrophe. Nous voulons le préparer en vue de la prochaine saison.

Que signifie l’échec de John van den Brom dans votre position ?

A Anderlecht, personne ne prend de décision seul. Quand tout va mal, c’est moi qui monte au créneau. Sommes-nous toujours tous sur la même longueur d’ondes ? Non, mais ce qui compte, c’est que tout le monde soit derrière la décision prise en commun. Pensez-vous qu’après Lokeren, j’ai décidé tout seul que Van den Brom resterait ? Cette décision a été prise de façon collégiale. Je ne me sens donc pas fragilisé.

PAR JAN HAUSPIE – PHOTOS: BELGAIMAGE

 » S’il veut progresser dans sa carrière de coach, John van den Brom doit peaufiner la post- formation des jeunes.  »

 » Pour la saison prochaine, il nous faut à tout prix des leaders.  »

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