« On garde le souffle »

Defour revient sur 11 matches européens ou nationaux qui l’ont marqué cette saison.

Sa barbe noire mange de plus en plus son visage et donne à son regard des reflets de volonté et de malice. La casquette bien vissée sur la tête, cet acteur en vue se distingue par un discours posé et intelligent. Les vrais artistes ne connaissent pas les grossièretés et, quelque part, le succès de Steven Defour est aussi beau et encourageant que celui d’une grande chorale flamande ( Scala) qui triomphe en Wallonie avec ses reprises des tubes de Pierre Rapsat… Defour, lui, interprète le répertoire du Standard avec une pointe d’accent flamand et tout le monde en raffole.

1 Standard-Braga (26 février) 1-1

 » Ce n’est pas une fin, c’est un début. Il faut garder les acquis d’une belle campagne et les faire fructifier. Au départ, qui aurait cru que le Standard était capable de batailler aussi longtemps en coupe d’Europe ? Personne. Même si nous avons finalement été emportés par un off-day collectif à Braga, on ne peut pas oublier les grands moments de cette campagne. C’est un bon placement pour l’avenir. Il y a des leçons à retirer de tout cela. Le Standard doit retrouver l’Europe la saison prochaine. Si la Belgique devait bénéficier d’un accès direct aux poules de la Ligue des Champions, je souhaite évidemment que cet honneur nous revienne au Standard et cela passe par le titre. C’est évidemment notre objectif. Nous l’atteindrons. Le Standard se battra en tout cas jusqu’à son dernier souffle pour être champion.

L’élimination face à Braga ne laissera pas de traces dans nos têtes. Notre effectif de base est plus fort que celui d’Anderlecht. Par contre, les Bruxellois ont plus de solutions de changements. Quand ils doivent se passer d’un homme, cela ne leur pose pas de problèmes et ne doivent pas modifier leurs grandes lignes tactiques. C’est un avantage. Mais si on préserve notre enthousiasme et un grand esprit de solidarité, le Standard disposera des plus grosses cartes en fin de saison. « 

2 Anderlecht-Standard (22 février) 4-2

 » Avec le recul, je ne comprends pas les raisons de cette défaite. Le Standard avait tout en mains pour revenir avec un succès ou un nul. Je n’étais pas là, c’est dommage. Et depuis un mois, Dante joue à Mönchengladbach. C’est une perte pour la défense car avec lui, ce secteur était solide et il avait un bel apport offensif aussi. Il y a eu des essais et on doit trouver une solution définitive.

La presse a critiqué les jeunes. J’ai trouvé cela très sévère. Certains ont besoin d’un peu plus de temps que d’autres. On ne doit rien jeter. Le Standard a mené deux fois à la marque à Anderlecht et a commis la même erreur : reculer. Or, DieumerciMbokani et MilanJovanovic étaient tous les deux dans un bon jour. A 1-2, le Standard a trop reculé en oubliant de servir ses attaquants. Bien soutenu par son public, Anderlecht en a profité pour redresser la barre et gagner.  »

3 Standard-Roulers (31 janvier) 3-0

 » Au Standard, il arrive parfois que des frustrations éclatent. Le clash Jova-Mobkani a fait du bruit mais le groupe n’a jamais été au bord de l’implosion. Il y a des individualités au caractère bien trempé. Je préfère ça à des gars qui se laissent faire. Bon, Jova ne devait pas éclater en plein match. Mais ce n’est pas ça qui va déstabiliser le Standard. On en parlé, c’est oublié. La remise du Soulier d’Or a peut-être eu un effet déclencheur. J’étais heureux pour Axel Witsel mais d’autres auraient pu le gagner aussi.

Il y a eu des déceptions et je comprends celle de Mbokani, presque oublié par les votants, c’est un scandale. Axel a dur pour le moment. Est-ce le poids du Soulier d’Or ? Je ne pense pas. Il traverse une période moins faste, c’est tout. Les attentes sont différentes. Je l’ai prévenu. Mais lui, cela ne le changera pas. Après mon Soulier d’Or, je me suis blessé. Et quand je suis revenu dans l’équipe, on évoquait quelque chose de bien plus important : la lutte pour le titre. J’ai eu un peu de chance en étant blessé. « 

4 Club Bruges-Standard (14 décembre) 1-4

 » Le Standard était finalement à la recherche d’un match référence en championnat. Il aura fallu attendre la mi-décembre avant d’y arriver. Même si ce fut un succès indiscutable, il est venu un peu tard. Ce fut, et c’est logique, un choc haut en couleurs avec de l’animation sur le banc. Le Standard a besoin de pression. C’était un match de calibre européen. J’ai bénéficié d’espace et cela m’a permis de frapper et de marquer à la 32e minute. Au centre de la line médiane, Bruges y avait posé Ronald Vargas et Philippe Clement. Cela nous convenait : Vargas ne défend pas beaucoup et je pouvais m’occuper de Clement avec Axel. Je n’avais jamais été aussi libre sur un terrain cette saison.

Le Standard a besoin de pression pour réaliser un grand match. A Bruges, on a prouvé qu’on pouvait être irrésistible. Mais on ne doit pas se contenter d’une seule démonstration de ce genre : le Standard a retenu la leçon et a bien entamé le deuxième tour. « 

5 Standard-Zulte Waregem (6 décembre) 1-2

 » Encore un gaspillage qui fait mal. Zulte Waregem a une réputation de giant killer. Leur coach a l’art d’organiser l’équipe. Les Flandriens ne sont jamais faciles à manier, que ce soit chez ou en déplacement. Tout le monde le savait mais tout le monde a fait le maximum pour faciliter la vie de la bande à Francky Dury qui n’a pas raté l’aubaine. Les joueurs ne peuvent pas être parfaits durant toute la saison mais il y a un minimum. A 1-0, l’équipe s’est désunie et a offert la victoire aux Flandriens. Il y avait deux blocs : la défense, l’attaque et rien entre les deux. DanielSubotic s’est promené dans ce vide pour marquer le but de la victoire à la 90e. A une semaine de Club-Standard, il était temps de déclencher l’alerte car on ne pouvait pas continuer ainsi.  »

6 Standard-FC Séville (6 novembre) 1-0

 » Ce fut un très grand match avec des séquences de très haut niveau, surtout en première mi-temps. J’ai beaucoup apprécié ce succès. Les problèmes étaient différents par rapport à ceux posés par Liverpool ou Everton. Séville a du répondant physique mais se distingue aussi par un énorme registre technique. C’était donc un nouveau problème et l’équipe a su le résoudre car elle était solide dans sa tête, comme ce fut le cas contre la Sampdoria (3-0). Quand le Standard est discipliné et concentré à 120 %, il peut réussir sur pas mal de tableaux. Mais si on lève le pied, le déficit de discipline coûte cher. C’est parce que l’équipe était en phase avec ses objectifs qu’elle a battu Séville, gagné au Partizan Belgrade (0-1) et largement dicté sa loi à la Samp chez nous.

Par contre, ce ne fut pas du tout la même chose à Stuttgart. Quelque part, c’est vrai, c’était un avertissement. Stuttgart dispose d’une équipe très forte. Le Standard était déjà qualifié pour les seizièmes de finale de la Coupe de l’UEFA. A mon avis, notre niveau de jeu aurait été différent si le Standard n’avait pas été certain de passer l’hiver européen au chaud. Je ne garantis pas que nous aurions battu Stuttgart mais il n’aurait jamais été question d’une défaite aussi lourde en Allemagne. L’Europe a été enivrante. C’est normal, c’était nouveau mais on a su rectifier aussi.

Avant le retour contre Braga, les joueurs ont échangé leurs idées à l’entraînement. Nous avons gentiment demandé au coach de nous laisser entre nous durant quelques minutes. Les échanges verbaux ont été très durs mais c’est parfois nécessaire de dire ce qu’on a sur le coeur et je ne suis pas seul à le penser. Si on eu avait une telle discussion avant le voyage à Stuttgart, nous aurions peut-être évité ce faux-pas. « 

7 Standard-Charleroi (31 octobre) 1-2

 » Bravo à Charleroi mais, pour nous, ce fut d’abord le résultat d’un manque de concentration. On ne peut pas vivre son match à 1.000 % en coupe d’Europe avant de se contenter de prendre l’air en championnat. La donne était différente. Sur la scène européenne, le Standard pouvait reculer pour mieux contrer. Et cela nous convenait d’autant mieux qu’il y avait l’effet de surprise. En D1, tout le monde connaît nos forces et nos faiblesses. Nos adversaires abandonnent le jeu, coupent les angles et bouchent les espaces. Un problème se profilait à l’horizon : le Standard commençait à perdre trop de points après ses soirées européenne et face à des équipes à sa portée. « 

8 Standard-Everton (2 octobre) 2-1

 » Avant le début de la saison, Bölöni m’avait bien expliqué que le 4-3-3 avait sa préférence mais que c’était impossible au vu des atouts de l’effectif. Le départ de Marouane Fellaini n’a pas été une mince affaire. Un mec comme lui occupe une place folle sur un échiquier car, comme notre coach l’a dit, il assume le rôle d’un joueur et demi. Laszlo Bölöni a résolu ce problème en instaurant finalement un 4-3-3 bien à nous. Witsel est un homme d’axe et il a profité du transfert de Fellaini à Everton pour retrouver sa zone de prédilection. Le trio du centre du jeu est complété par Igor de Camargo. Je synchronise bien mon jeu avec celui de Witsel mais, c’est désormais une évidence, je décroche le plus, et cela me convient.

Si je veux réussir au top européen, ce sera d’abord dans un rôle d’abord défensif. Je suis un 6,5. Le coach m’a cependant demandé de choisir quelques moments pour mettre le nez à la fenêtre quand il y a de l’espace et percuter à distance. C’est plus facile avec Witsel qu’avec Marouane qui était tout le temps dans les 16 mètres adverses. C’était notre box to box et je devais en tenir compte. Je ne pouvais pas frapper comme je l’entendais. Dans le 4-3-3 actuel, Jova et Wilfried Dalmat imposent leur vitesse sur les ailes, en soutien de Mbokani.

Contre Everton, avec la précieuse collaboration de Benjamin Nicaise, le Standard a su gérer un résultat, le 2-2 de la première manche. Les Anglais ont monopolisé le ballon chez nous mais un contre est passé : 1-0 pour nous. Le Standard a alors bien contrôlé le jeu jusqu’à l’égalisation chanceuse de notre adversaire. A 1-1, nous avons accéléré pour aller chercher le 2-1. Notre faculté d’adaptation a été permanente. Le Standard avait besoin de cette conformation. Le brio affiché contre Liverpool n’était donc pas du tout accidentel.  »

9 Standard-Anderlecht (26 septembre) 2-1

 » Pour les spectateurs, ce ne fut certainement pas un match inoubliable. Les coaches se sont livrés à un jeu d’échecs très tactique. Mbark Boussoufa était le seul attaquant dans l’axe. Je ne cache pas que cela nous posa des problèmes. A 0-1, le Standard a gardé son calme. Très tranquille, l’équipe a fait preuve de maturité. Cette expérience n’est pas tombée du ciel. Ce groupe l’a acquise en coupe d’Europe. Il y a d’abord eu l’égalisation de Witsel puis le but victorieux de Milan Jovanovic avant le coup de sifflet final. C’était le succès d’une équipe qui ne lâche rien jusqu’au bout. C’est finalement après ce premier Clasico de la saison que je me suis dit qu’on avait tout pour gagner un deuxième titre.  »

10 Liverpool-Standard (27 août) 1-0

 » C’est peut-être ce jour-là qu’est né le Standard actuel. Tout a été mis en place la saison passée avec la conquête du titre. Ce furent des moments d’une grande émotion mais personne ne savait si cet effectif était capable de franchir le cap international. Avant d’aborder l’Europe, le Standard avait été battu 3-0 en match amical par Saint-Etienne : ce n’était pas rassurant. Pour mesurer les progrès techniques, tactiques, collectifs et mentaux, il faut se frotter aux géants européens. Certains ont dit que Liverpool était en rodage à l’aller chez nous, c’est probable, mais ce n’était plus le cas à Anfield Road. Le Standard a mis les Reds dans leurs petits souliers.

J’ignorais que le Standard était capable de jouer aussi bien. Je ne doutais pas de nos qualités mais de là à secouer Liverpool dans son stade, c’était une autre paire de manches. Je me posais des questions sur nos potentialités réelles et, malgré une élimination cruelle, le voyage à Liverpool a été une révélation. Ce soir-là, le groupe a aussi compris que Bölöni allait beaucoup nous apporter. A fond dans le match, il n’était impressionné par rien ni personne et se frotta à Rafael Benitez. De plus, ses idées tactiques ont plu. Il était tentant de bétonner en Angleterre mais cela ne rapporte plus grand-chose dans le football moderne. Notre entraîneur a insisté sur l’organisation et sur la nécessité de porter le danger dans le camp adverse, de mettre la pression sur le porteur du ballon.

Nous respections les Reds mais pas trop, pas au point de leur permettre de dérouler leur jeu. Le Standard possède d’abord une équipe offensive. Ce sont les constats de Liverpool qui ont servi de détonateurs. Fellaini était encore avec nous et le Standard avait montré une qualité de jeu digne de la Ligue des Champions. Cette découverte nous a portés durant quelques mois.  »

11 Dender-Standard (16 août) 1-3

 » Il était important de bien entamer le championnat. La direction du Standard avait apprécié la manière avec laquelle nous avions obtenu le titre. Les jeunes, entre autres, répondirent présents. Dès lors, il était bon de maintenir l’essentiel d’un groupe et de le renforcer par quelques petites touches. C’est ce qui a été fait avec les arrivées de Nicaise et de Dalmat, tout en allant chercher des jeunes au centre de formation. Par rapport à tout le bonheur et le succès que nous avons vécus avec Michel Preud’homme et son staff technique, je peux dire sans grande hésitation que le groupe actuel est plus fort.

J’avais des doutes comme tout le monde mais la donne offensive, par exemple, est différente. La saison passée, Greg Dufer et Witsel avaient tendance à rentrer dans l’axe. C’est moins le cas de Dalmat, à droite, et de Jovanovic, souvent décalé à gauche, qui nous offrent plus de profondeur et de vitesse sur les deux ailes. Alors qu’un de nos trois attaquants ne jouait pas nécessairement la saison passée, cette triplette est presque systématiquement sur le terrain. A Dender, on a vu le même Standard que la saison passée mais avec des nuances quand même et un moteur capable de monter dans les tours au point d’étouffer l’adversaire en quelques minutes.  »

par pierre bilic – photos: belga

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