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 » ON EST UNE ANOMALIE SYMPATHIQUE « 

Surprenant leader du championnat de France, l’OGC Nice rêve d’un nouveau titre qu’il attend depuis plus d’un demi-siècle. Si ce n’est pas pour cette saison, ce sera pour bientôt. Le futur lui appartient.

La trêve internationale est arrivée à point. La folle cavalcade de l’Olympique Gymnaste Club de Nice (OGCN) a connu son premier accroc début novembre contre Caen (0-1) en Ligue 1. Il faisait suite à une défaite, trois jours plus tôt, contre le Red Bull Salzbourg (0-2) en Ligue Europa, un revers qui condamne, sauf miracle, la formation azuréenne dans cette compétition.

Un mal pour un bien.  » On reste une anomalie sympathique, l’équilibre est fragile « , soutient Julien Fournier, le directeur général.  » On ne spécule pas sur le long terme.  » Comme Leicester la saison dernière en Angleterre, comme ?Istanbul Basaksehir cette année en Turquie, le Gym peut continuer à y croire.  » Personne ne se prend la tête avec l’idée d’un titre éventuel « , pointe Dominique Baratelli, le keeper international Rouge et Noir des années 70.  » Les supporters attendent ça depuis tellement longtemps que ça reste quelque chose de lointain, d’inaccessible. Qui vivra, verra.  » C’est vrai que Nice n’a plus été champion de France depuis 1959 !

FIN DE L’ÈRE PUEL

Longtemps, l’OGCN a suivi le cours de son actionnariat, agité et erratique, et de ses nombreux changements d’entraîneurs. Le départ de Claude Puel cet été à Southampton, après quatre années globalement réussies, pouvait laisser craindre le pire. La quatrième place de 2015-2016 resterait-t-elle sans lendemain ? Les départs de Ben Arfa (PSG), Germain (Monaco) ou Pied (Southampton) seraient-ils compensés ?

Quelque chose a pourtant changé dans le ciel azuréen depuis le 11 juillet 2011 et l’arrivée de Jean-Pierre Rivère (59 ans), un homme d’affaires qui a fait fortune dans l’immobilier. L’air de rien, à petites touches, le natif du Gers a remis le club en ordre de marche. Mieux, après avoir investi 12 millions pour 51 % des parts il y a cinq ans  » et pas un euro de plus « , il a vendu un tiers de ses actions en juin dernier aux nouveaux propriétaires sino-américains qui possèdent désormais 80 % du club et permettent certaines latitudes de gestion. D’ici trois ans, il devrait passer la main et réaliser une plus-value d’une dizaine de millions. Une rareté par les temps qui courent. En attendant, il reste aux commandes même s’il ne possède plus qu’un cinquième des parts. Au contraire de la plupart de ses homologues français, il ne se laisse pas bousculer par ses émotions.  » Sur la fin de la mandature de Claude Puel, les relations entre le coach et le président étaient exécrables, mais le patron n’a jamais envisagé de le limoger. Rivère a considéré que Puel faisait du bien au sportif niçois, il l’a gardé jusqu’au bout « , assure une source proche du club.

FAVRE COMPARÉ À GERETS

Peut-être aussi que le vrai talent de Jean-Pierre Rivère consiste à savoir choisir ses entraîneurs. Après Claude Puel, il a su, en effet, faire signer Lucien Favre, l’ancien T1 suisse du Hertha Berlin et du Borussia Mönchengladbach, que Lyon et Marseille n’avaient pu attirer dans leurs rets, il y a quelques saisons. L’homme idéal pour le Gym à ce moment de sa trajectoire. Dans un pays arrimé à ses certitudes footballistiques, rétif à bien accueillir les techniciens étrangers, Favre fait l’unanimité. Là où Guidolin, Ranieri et Jardim (AS Monaco), Bielsa et Michel (OM), Ancelotti ou Emery (PSG) ont fait l’objet d’un tir nourri de critiques, souvent injustifiées, ces dix dernières années, le Suisse ne déclenche que sourires et compliments. Comme Eric Gerets à Marseille, à la fin des années 2000.

La proximité linguistique et la capacité à communiquer y sont sans doute pour beaucoup, un arrière-goût de cendre aux relents xénophobes aussi. L’ancien T1 du FC Zurich sait aussi y faire avec un groupe de joueurs, comme le soulignait Dante, l’ancien central du Standard et du Bayern, dans les colonnes de L’Equipe.  » Je l’ai vu tout changer quand il est arrivé en 2011 à Mönchengladbach : la mentalité, l’atmosphère, le jeu. On avait tous perdu confiance, on ne voyait pas la sortie. Il nous a dit : -Les gars, la sortie, elle est par là, faites ça, ça et ça. On était derniers, tout le monde se moquait de nous, et puis on s’est mis à progresser. La saison suivante, tout est devenu encore plus clair, la stratégie était parfaite, on avait trouvé la clé, on a fini quatrièmes. J’ai vu des joueurs être soudainement bons avec le ballon, alors qu’avant, ils en avaient peur.  »

Mathieu Bodmer (bientôt 34 ans), formé à Caen, passé par Lille (où il a croisé Dante), Lyon, le PSG, Saint-Etienne, à Nice depuis 2013, le dit à sa façon :  » Lucien Favre est unique. Il est ultra rigoureux et souple à la fois, humain et sûr de son savoir-faire. Il est constamment à l’écoute des joueurs, du staff, et il sait imposer ses idées en douceur. Il donne de la confiance, de l’élan. On a envie de lui rendre au centuple.  »

COMMENT ÇA JOUE BIEN ? …

Le triple meilleur entraîneur de Bundesliga a construit une équipe en symbiose avec ses idées de toujours. Une défense de zone tout d’abord qui permet au bloc de contrôler les espaces. Un choix raisonnable guidé par une ligne de médians au gabarit modeste (l’international ivoirien Seri, Cyprien arrivé cet été de Lens, ou le jeune Français Koziello), même si Sarr et Dante, en défense, imposent souvent un marquage individuel à leurs opposants. Sur les côtés, Nice dispose de backs à l’aise dans les un contre un (le Portugais Pereira, ex-Porto, et le Brésilien Dalbert, venu de Guimaraes en début de saison).  » Le coach a le souci de repartir de derrière en jouant court, au sol. Les défenseurs ont pour consigne de prendre des risques dans la première relance dans notre propre camp, même chose pour Yoan Cardinale, notre gardien « , assure Alexy Bosetti, l’attaquant azuréen.

Nice déjoue ainsi le pressing adverse avec une aisance comparable à celle du PSG. Leur ligne médiane, technique et mobile, autorise aussi à jouer dans les intervalles et donne des solutions au porteur du ballon.  » Pour Lucien Favre, notre jeu de passes vise à désorganiser l’organisation défensive adverse, à trouver des espaces dans leur dos. Lors des phases offensives, on utilise nos joueurs offensifs comme des leurres « , promet Mathieu Bomer. L’international marocain Younès Belhanda (champion de France en 2012, arrivé de Kiev, via Schalke 04, à la fin août) et Mario Balotelli sont ainsi capables de recevoir le ballon dos au but, de jouer en une touche ou de conserver la balle pour attirer des adversaires sur eux.  » Les joueurs offensifs ne sont pas utilisés pour faire avancer le ballon comme le faisait le Gym l’année dernière avec Ben Arfa. Leur rôle est de faire sortir des joueurs de la ligne défensive adverse pour trouver un espace dans la profondeur « , analyse Daniel Sanchez, ancien joueur (1972-81) et entraîneur (1996-97) sur la Côte d’Azur.

Leur utilisation du ballon et la cohérence collective dans les phases de possession permettent aux Niçois de se créer des situations de très bonne qualité en exploitant les espaces libérés. Cependant, cette approche est moins efficace face à un bloc adverse qui accepte de défendre plus bas et d’être plus passif dans son travail défensif.

ROMPRE AVEC L’ADN NIÇOIS

Le formidable début de saison de l’OGC Nice incite ses adversaires à défendre très bas, comme le Stade Malherbe de Caen, le 6 novembre dernier. Cette configuration oblige le bloc niçois à évoluer un cran plus haut, le rendant plus vulnérable en contre. L’équipe se déséquilibre parfois à cause des nombreux mouvements et permutations au milieu de terrain. La frustration gagne aussi les jeunes joueurs azuréens comme Wylan Cyprien qui pestait après le match :  » Ils ont refusé le jeu. On aurait dit une équipe, même pas de Ligue 2, mais de National.  »

Aujourd’hui, le Gym compte toujours trois points d’avance sur Paris et Monaco. Il n’est pas dit qu’il passera l’hiver en tête, même si sa probable élimination en Europa Ligue devrait l’aider à conforter sa place en championnat. En attendant, le club continue à travailler. Il inaugurera un nouveau centre d’entraînement au printemps prochain et Jean-Pierre Rivère est de plus en plus disert :  » On est partis sur des principes auxquels on n’a jamais dérogé : 1. Gérer le club sans sortir d’argent supplémentaire. 2. Miser sur les jeunes pour limiter le recrutement. 3. Rompre avec l’ADN du joueur niçois qui mouille le maillot pour faire le jeu. 4. Valoriser l’actif joueurs. 5. Garder l’identité de notre public alors que le modèle était à l’assainissement des tribunes, style PSG.  »

PAR RICO RIZZITELLI – PHOTOS : BELGAIMAGE

Comme Leicester la saison dernière en Angleterre, comme ?stanbul Ba?ak?ehir cette année en Turquie, le Gym peut continuer à y croire.

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