« ON EST PRÊTS « 

Bruno Govers

La fin de la série noire à Séville, un succès chanceux à Zulte Waregem : le RSCA et son T2 abordent le Standard de pied ferme.

Vendredi dernier, c’est avec une demi-heure de retard que l’entraîneur adjoint des Mauves, Glen De Boeck (34 ans), s’est présenté au rendez-vous que lui-même avait fixé au lendemain du déplacement européen à Séville. Il est vrai que son emploi du temps n’a pas été de tout repos après coup : pourparlers avec la direction anderlechtoise aux fins d’une prolongation de contrat, préparation de l’entraînement du jour et des missions de scouting du week-end.

Glen De Boeck : Depuis que je seconde Frankie Vercauteren, je n’ai vraiment pas chômé. Avant, j’avais pas mal d’heures creuses. A présent, je n’ai pour ainsi dire plus une seule minute à moi. C’est pourquoi, à ceux qui s’interrogent quant à l’orientation à donner à leur carrière, je dis toujours : -Profitez de votre existence de joueur le plus longtemps possible, après il sera trop tard.

C’est le conseil que vous donnez à Yves Vanderhaeghe actuellement ?

Voilà. Mon ancien compagnon de chambre lors des mises au vert est à un tournant : le Sporting et d’autres clubs constituent une possibilité pour lui, au même titre, peut-être, que l’Excelsior Mouscron où il possède, semble-t-il, le profil tout désigné pour diriger le Futurosport. C’est à lui qu’il incombe de peser soigneusement le pour et le contre. Mais je lui ai clairement fait comprendre que pour un amateur du jeu dans l’âme, comme lui, il n’y aura pas de retour possible sur les terrains s’il décide de passer de l’autre côté de la barrière. D’un autre côté, je suis évidemment bien placé pour dire, aussi, qu’il y a des opportunités qui ne se refusent absolument pas. Moi-même, je ne souhaitais rien tant que de poursuivre ma carrière active au Parc Astrid, après ma nième opération au genou. Mais quand on m’a proposé d’être T2, à la demande de Frankie Vercauteren, je ne pouvais décemment dire non.

Au moment d’embrasser vos nouvelles fonctions la saison passée, vous vous sentiez encore essentiellement joueur. Qu’en est-il à présent ?

Disons que les proportions sont inversées. A mes débuts, j’étais 80 % joueur et 20 % coach, alors qu’aujourd’hui c’est le contraire. Peut-être certains s’étonneront-ils de ce pourcentage qui reste, comme footballeur, mais quiconque a joué comme moi pendant tant d’années ne peut y demeurer insensible. C’est plus fort que moi : dès qu’il y a un ballon qui traîne, il n’y a strictement rien à faire, il faut que je shoote dedans. Idem pour Frankie Vercauteren. On a ça dans le sang. Dans la mesure où je poursuis toujours ma revalidation, afin de fortifier ma musculature, il va de soi que le côté sportif surgit de plus belle par moments. Sans compter qu’en tant que relais entre le groupe et le coach principal, je pique encore à intervalles réguliers une tête dans le vestiaire des joueurs. Pas nécessairement tous les jours mais de temps en temps quand même.

Vous avez encore joué avec Yves Vanderhaeghe et Bart Goor entre autres. Se sent-on toujours au-dessus de la mêlée dans ces conditions ?

Il convient de pouvoir faire la part des choses entre vie active et vie professionnelle. C’est vrai qu’Yves Vanderhaeghe et moi avons partagé pendant une demi-douzaine d’années la même chambre lors des stages ou à l’occasion de nos nombreuses retraites. Quant à Bart Goor, il est tout aussi exact que nous sommes bons potes depuis plus de dix ans. Ces rapports privilégiés ne m’empêchent cependant pas de les aborder l’un et l’autre comme n’importe quel autre membre du groupe. Au contraire, je suis peut-être un censeur plus sévère avec eux qu’avec le reste, en raison précisément des liens qui nous unissent. Je n’ai jamais eu l’habitude de chercher des faux-fuyants. Et sûrement pas dans ce cas précis. Ils savent toujours pertinemment bien à quoi s’en tenir avec moi, tout comme les autres d’ailleurs.

Partisan du turnover

L’un et l’autre ont déjà fait la connaissance du dug-out cette saison. Et pas toujours de gaieté de c£ur, comme ce fut le cas à Westerlo. Comprenez-vous leur attitude ?

Je ne la cautionne pas mais, dans un certain sens, je peux la comprendre. A l’époque où j’étais encore joueur moi-même, je voulais tout simplement participer à tous les matches. A ce moment-là, il n’y avait pas encore de système de tournante chez nous. S’il avait existé, j’y aurais probablement été favorable à condition qu’il concerne les autres (il sourit). A présent que je suis passé dans les rangs du staff technique du club, je vois les choses de manière complètement différente. Tant qu’on fait partie du groupe, on n’a pas le recul nécessaire. Mais quand on évalue à distance, comme je le fais depuis quelques mois à présent, on se rend nettement mieux compte de l’état de forme ou du coup de fatigue chez tel ou tel joueur. Le turnover, c’est justement une manière de le protéger compte tenu du programme chargé auquel il est soumis. A aucun moment, un joueur n’avouera de lui-même qu’il est éreinté. Dès lors, c’est aux entraîneurs à le ménager. Au départ, cette pratique a fait couler pas mal d’encre. Mais je me rends compte qu’elle est de mieux en mieux perçue à présent. Il y va de l’intérêt des joueurs de pouvoir souffler ou de s’aérer l’esprit par moments. Et je ne manque jamais de le leur rappeler. Même s’ils ont le sentiment de figurer de manière injuste sur le banc, ils doivent faire contre mauvaise fortune bon c£ur et profiter, malgré tout, de ces instants privilégiés qu’ils vivent comme footballeur. Après, il sera trop tard. Moi-même, j’en conviens, j’ai tiré la tête au moment où Hugo Broos m’a mis sur le banc. J’ai pesté, je l’ai voué aux gémonies. Avec le recul, je le regrette. Même si je n’entrais pas dans ses grâces, pour telle ou telle raison, j’aurais quand même dû savourer ces instants. Car il n’y a rien de plus beau qu’être footballeur. Aujourd’hui, j’essaie d’en persuader tout le monde.

Outre votre assistance psychologique, quels sont les autres contours de votre rôle ?

Dans un cadre bien défini, Frankie Vercauteren me laisse pas mal de liberté dans la façon de concocter un entraînement. Celui-ci ne se limite pas du tout, pour moi, à placer les cônes sur le terrain. De l’agencement à la finalisation, j’ai un rôle à jouer. D’autant plus que l’entraîneur principal est très exigeant à tous points de vue. Si j’ai peut-être un regret, à l’analyse de ma carrière active, c’est de ne pas avoir pu travailler davantage avec un coach aussi pointilleux que lui. Je ne dis pas que ceux que j’ai connus n’étaient pas bons, tant s’en faut. Mais rares auront été ceux à pousser le souci du détail comme l’ancien Soulier d’Or. Il a manifestement à c£ur que la part de hasard, à l’occasion d’un match, soit toujours réduite au strict minimum. Personnellement, je me suis déjà fait souvent la réflexion que si j’avais pu £uvrer sous les ordres d’un meneur d’hommes aussi perfectionniste que lui, j’aurais pu retirer davantage encore de ma carrière. Mais le passé est le passé. Et, comme je l’ai déjà précisé, il ne revient plus.

Qu’en est-il de vos missions de scouting ?

Il s’agit effectivement d’une autre facette de mes attributions. L’organisation est ainsi faite, chez nous, qu’avant de réaliser l’acquisition d’un joueur, un membre au moins du staff technique doit l’avoir vu dans ses £uvres. Jacky Munaron est évidemment le mieux placé pour juger les aptitudes d’un gardien et c’est dans ce cadre-là qu’il avait rallié le Brésil, voici quelques mois, afin d’évaluer sur place les qualités de l’un ou l’autre keepers, au cas où Silvio Proto aurait fait faux bond. Moi-même, j’ai été appelé, dans un cas de figure analogue, à exprimer mon point de vue sur Roland Juhasz. Dans mon rapport, j’ai écrit qu’il constituait une solution de rechange idéale pour Hannu Tihinen. Jusqu’à présent, je pense que les événements m’ont donné raison (il sourit).

Avez-vous été consulté aussi dans le cadre du transfert de Nicolas Frutos ?

Je n’ai pas eu la chance de me rendre sur place, en Amérique du Sud, pour le voir à l’£uvre. Mais j’ai visionné quelques cassettes qui en disaient déjà un bon bout sur ses aptitudes. Depuis lors, l’Argentin a confirmé cette bonne impression à l’entraînement. Je peux me tromper mais j’ai le sentiment qu’il effacera ici le souvenir de Jan Koller. A 24 ans, il me paraît en tout cas plus fort que le Tchèque lorsqu’il est arrivé au Parc Astrid. Et celui-ci comptait deux ans de plus à ce moment. S’il évolue dans le même sens que notre ancien buteur, sa présence sera du pain bénit pour nous. Car un footballeur du calibre de Jantje n’a plus jamais été trouvé depuis lors. Je pense que le nouveau venu peut précisément pallier cette lacune.

Un moral requinqué

C’est le chaînon qui manquait depuis le départ de votre ancien buteur à Dortmund ?

Dans son rôle de target-man, il n’avait pas été remplacé jusqu’ici. Clayton Zane, qui présentait son profil, a joué de malchance, comme chacun le sait. Depuis lors, il n’y a plus jamais eu dans nos rangs ce type de bélier. Tous ceux qui se sont relayés en pointe ont eu leur part de mérite, c’est évident. Mais je ne leur ferai nullement injure en disant que Jan ratissait plus large. Il était non seulement inspiré en zone de vérité mais participait aussi à l’élaboration du jeu aussi. Sans compter qu’il était des plus précieux en défense où il avait cette particularité d’être toujours bien placé pour dévier les ballons de la tête. Il n’avait pas son pareil pour soulager la ligne arrière sur des phases arrêtées.

Et c’est là, précisément, que le bât blesse cette saison ?

Je ne serai pas aussi catégorique. A l’évidence, nous avons pris pas mal de goals sur corners et coups francs. Mais je vous pose la question : avions-nous dans ces matches-là le matériel joueurs nécessaire pour contrer efficacement l’adversaire ? Je ne crois pas. Il ne faut quand même pas oublier que, pour toutes sortes de raisons, nous avons dû nous passer à divers moments de Vincent Kompany et de Hannu Tihinen, nos deux meilleurs spécialistes aériens en défense. Roland Juhasz, lui, a pris le train en marche. Je remarque toutefois que depuis qu’ils sont tous opérationnels au même moment, nous avons été nettement moins friables sur les balles aériennes. Et peut-être n’aurions-nous pas concédé dans de telles circonstances des buts sur notre terrain contre Liverpool et Chelsea.

Des matches où vous aviez dû commettre Mbo Mpenza à la garde de Djibril Cissé et Ricardo Carvalho ?

De grâce, comparons aussi ce qui est comparable. Dans ces deux formations-là, ce ne sont pas quelques joueurs qu’il faut museler dans les 16 mètres mais, pour ainsi dire, les trois quarts de l’équipe. Tous ces gars sont habiles dans le trafic aérien aussi bien en défense qu’à l’attaque. Sans compter que balle au pied, ils ne se défendent pas mal non plus (il rit). Quand on voit la santé de ces deux clubs en Premier League et qu’on mesure toutes les difficultés rencontrées par leurs adversaires, en Angleterre, pour prendre en défaut leur défense, je me dis que certains ont été très sévères en commentant nos prestations contre eux. D’accord, nous n’avons pas marqué face à ces opposants. Mais si des grosses cylindrées aux Iles n’y parviennent déjà pas, n’est-il pas logique qu’avec des moyens forcément plus limités, nous n’y arrivions pas non plus ?

Le Sporting a mis fin à une série de 12 revers en Ligue des Champions en s’imposant au Betis Séville. Quelle importance faut-il accorder à ce succès face à une équipe espagnole déforcée ?

Nous-mêmes avons opéré là-bas avec une équipe quasiment expérimentale. A ce niveau-là, je dirai donc que c’était kif-kif. Je ne sais trop quel sera l’effet à long terme de cette victoire, mais une chose est absolument sûre : nous sommes tous revenus d’Andalousie avec un moral complètement requinqué. Notre objectif, au départ, était de prendre un point là-bas. Revenir les mains vides était à éviter car, dans ce cas, la spirale négative nous aurait poursuivis jusqu’à la saison prochaine. Cette fois, nous avons réussi au-delà des espérances en terminant sur une note plus élevée encore que celle prévue. Du coup, on a clairement senti un nouvel élan à l’entraînement dans l’optique du match difficile à Zulte Waregem. Le fait que celui-ci ait été mené à bonne fin aussi, en partie grâce au facteur chance, je ne le cache pas, nous a dopés tant et plus mentalement. Je crois que nous sommes prêts contre le Standard. Il n’y a pas si longtemps, tout laissait supposer que nous allions défier les Rouches avec cinq longueurs de retard. A présent, la situation est complètement différente puisque nous comptons trois longueurs d’avance. Nous pouvons aborder ce déplacement à Sclessin en toute confiance. L’envie est grande, malgré tout, de réaliser une perf là-bas et de terminer en beauté, cette année, à La Louvière aussi. De la sorte, nous aurions 41 points. Et c’est précisément l’objectif qu’on s’était fixés en début d’exercice.

BRUNO GOVERS

 » JE REGRETTE DE NE PAS AVOIR EU FRANKIE VERCAUTEREN COMME ENTRAîNEUR « 

 » NICOLAS FRUTOS EST PLUS FORT QUE JAN KOLLER À SES DÉBUTS À ANDERLECHT « 

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire