« On est le Manchester City de Belgique ! »

Figure atypique du football bruxellois, le Directeur sportif de l’Union Saint-Gilloise, Abdel Borak, verrait bien deux clubs bruxellois en D1. Anderlecht et l’Union…

On nous aurait menti ? Ce dimanche-là, à l’Union Saint-Gilloise, les seules stars qui tapissent les tribunes du Stade Mariën sont les supporters jaune et bleu, parmi les plus drôles et les plus fidèles du pays. Pas que l’on soit déçu, bien au contraire, mais on aurait aimé voir de nos yeux vu un grand footballeur français prendre place aux côtés d’Abdel Borak, le directeur sportif du club bruxellois. Mamadou Niang, les frères Ayew, Souleymane Diawara et quelques autres… Depuis l’arrivée de Borak au club, tous ces beaux noms du football hexagonal ont en effet déjà planté leur swag dans les gradins fatigués du matricule 10. Pas banal.

 » Quand on s’est sauvé, l’an passé, Souleymane Diawara est allé féliciter les joueurs, pendant la petite fête qui se tenait pour la circonstance. Amener des joueurs de ce calibre pour voir nos matchs est une manière de montrer qu’on ne bluffe pas, qu’on connaît du monde. Ça donne une certaine confiance, un respect.  » Abdel Borak, 39 ans, a du grain dans son sac à relations. Pas de doute. En conviant ses amis français à venir l’adouber publiquement, il sait ce qu’il fait. Parce qu’il sait que le supporter saint-gillois, échaudé par de trop longues années de vaches maigres, n’est pas facile à apprivoiser.

 » Au début, je n’allais pas trop à la buvette. Je savais bien qu’il fallait des résultats avant que je puisse être apprécié des supporters. Cette année, c’est différent, la tendance s’inverse, les résultats sont là…  » Et Borak peut pénétrer tranquille dans cette cage aux lions qu’est la cantine de l’Union. Petit bémol, néanmoins :  » Abdel Borak n’est pas spécialement chaleureux avec les supporters, il ne se mélange pas vraiment. Disons qu’il passe à la buvette. Mais au-delà de la sympathie ou de l’antipathie qui peut s’installer, il y a le choix des joueurs. Qui est plutôt payant cette année-ci, vu les assez bons résultats « , raconte ce supporter routinier du Stade Mariën.

Une place à prendre

Début 2013. Adbel Borak débarque au parc Duden, à l’initiative du vice-président du club. Son rôle ? Dans une période où l’équipe est en perdition, renflouer le noyau en transferts, lui qui est alors agent de joueurs.  » Ses différents transferts étaient censés renforcer l’équipe pour la seconde moitié du championnat. Ça n’a pas fonctionné, puisqu’on s’est sauvé miraculeusement, notamment grâce à la faillite de deux clubs de la série. Les supporters étaient donc méfiants et lui portaient, globalement, un jugement plutôt négatif. Mais cette année, cela va nettement mieux. Et les supporters ont revu leur jugement « , rapporte encore ce fan de la première heure.

Sauvetage miraculeux donc, et puis changement de direction, à l’intersaison. Exit les  » Italiens  » et leurs  » promesses non tenues  » : le nouveau président s’appelle Alain Vander Borght, et c’est à lui que l’on doit l’arrivée de l’investisseur allemand Jürgen Baatzsch, gros poisson qui, d’après Abdel Borak, aurait  » été piqué par le virus de l’Union « .  » Petit à petit, Borak a fait son trou. L’Union venait d’une période très troublée. Il y avait une place à prendre. Il a su tirer profit de l’arrivée de Vander Borght et de Baatzsch en se vendant bien (et je le dis sans aucune connotation péjorative) et en les convainquant qu’il pourrait être un bon directeur sportif « , explique encore ce supporter.

Charles Picqué président d’honneur, Alain Vander Borght président tout court, Jürgen Baatzsch au portefeuille, Jean-Marie Philips en personne comme administrateur délégué et Abdel Borak à la direction sportive (et un peu au portefeuille aussi, on y reviendra) : c’est le nouveau quintette qui, depuis cet été, tente de rendre à l’Union un peu de son glorieux passé.

 » Directeur sportif, c’est une aventure humaine. Il faut savoir manager un groupe, une équipe, mais aussi avoir beaucoup de relations avec d’autres agents pour avoir les meilleurs joueurs au meilleur coût. En cela, mon passé de manager m’aide beaucoup. A l’intersaison, nous avons transféré 12 nouveaux joueurs, dont quelques anciens pensionnaires de D1 comme Jamaïque Vandamme ou Anthony Portier « , explique Abdel Borak, manifestement très bien dans ses nouveaux souliers. Pas étonnant, puisque l’homme a bâti sa réussite dans la… chaussure.

Comme en témoigne l’un de nos confrères, qui suit l’Union au quotidien :  » Abdel possède les magasins de chaussures ZAZ. Il roule dans une très grosse voiture, habite dans un quartier aisé de Dilbeek. Il n’a pas de problèmes de sous, ça s’est sûr… Moi, je l’ai découvert sur le tas. Au début, je ne comprenais pas très bien ce qu’il foutait là (sic), mais j’ai vite compris qu’il était plus sérieux qu’il ne le laissait supposer. Il a quand même été manager de MarvinOgunjimi. Son point fort, je pense, est d’être très persuasif dans la discussion. Par ailleurs, il s’est lui aussi mouillé dans le club, niveau argent  »

Pas là pour le business

Homme d’affaires pas du tout prédestiné à percer dans le football, Abdel Borak va revoir ses perspectives quand il fait la connaissance de Faris Haroun et de Vincent Kompany. Lesquels vont lui mettre le pied à l’étrier, il y a quelques années.  » Avant, je ne connaissais pas le monde du foot. Mais comme je suis entré en relation avec des joueurs importants, je suis devenu dans un premier temps une sorte d’intermédiaire, avant de devenir agent non agréé, en relation directe avec des sociétés qui détenaient, elles, leur licence. Je me suis créé un gros carnet d’adresses.

J’ai représenté Faris Haroun, Marvin Ogunijimi ou Eric Matoukou. J’ai aussi travaillé avec Gaby Mudingayi quand il était à Bologne. Les joueurs ne signent pas facilement de mandats, il s’agit vraiment d’avoir un lien presque familial avec eux pour qu’ils vous fassent confiance. Les bons joueurs attendent qu’on vienne les chercher, ils n’aiment pas trop que les agents les dévaluent en frappant à trop de portes.  »

Un agent de joueurs devenu subitement directeur sportif d’un club… Forcément, les interrogations n’ont pas tardé à fuser. Borak se serait-il faufilé à la tête de l’Union pour y développer un business, plaçant des joueurs à lui dans son équipe, pour mieux les revendre ensuite ? Les supporters les plus attentifs se sont, en tout cas, clairement posé la question :  » Est-ce qu’on peut être directeur sportif et agent de joueurs ? Je veux bien croire qu’il ne le soit plus, comme il le prétend. Après, va savoir comment il amène les joueurs au club… « , commente un fan.

Abdel Borak, de son côté, soutient fermement qu’il a complètement abandonné sa casquette d’agent.  » Beaucoup de supporters croient que je suis venu pour faire de l’argent. Mais ce n’est pas la finalité. La D2 ou la D3, ce n’est pas là où on fait de l’argent ! Bien sûr, on essaye toujours de faire la meilleure affaire possible et certains joueurs transférés appartenaient à mon réseau. Mais je ne représente plus aucun joueur aujourd’hui, j’ai arrêté d’être agent. J’active bien évidemment encore mes connexions pour essayer d’obtenir de très bons joueurs sans que cela nous coûte trop cher ! Mais je n’ai pas envie de faire de l’Union un Beveren bis !

Cela dit, quand on voit qui est sorti de Beveren, c’est quand même du lourd. Certaines grandes stars internationales, qui gagnent de 400 à 800 000 euros par mois en gagnaient 1000 quand ils étaient en Belgique… « , raconte celui qui, par l’entremise de la famille Haroun, est par ailleurs devenu Consul honoraire du Tchad au Maroc. Encore une étonnante corde à l’arc de ce Bruxellois qui, en engageant des joueurs chevronnés, a clairement marqué ses ambitions.

Dommage pour Kompany

Les résultats suivent globalement cette année, le tour final n’a rien d’une inaccessible étoile. Preuve que le club a de grosses envies de D2, l’entraîneur Jean-Pierre Vande Velde a été limogé après une petite baisse de régime des résultats. Abdel Borak aurait probablement pu bénéficier d’une belle enveloppe pour engager un entraîneur plus aguerri, mais il a choisi de faire confiance au jeune Gregory Van Melkebeke, ancien T2. Lequel a démarré sur une victoire.

 » L’objectif, dans les prochaines années, c’est la D1 « , assure Borak. L’arrivée au club de l’Allemand Jürgen Baatzsch et des gros sous qu’il draine donne du poids au discours d’un directeur sportif qui, dans une moindre mesure, y est aussi allé de ses deniers personnels.  » Avec Jürgen Baatzsch, nous possédons aujourd’hui à peu près 57 % des parts de l’Union. Baatzsch, c’est l’espoir de l’Union pour le futur « , poursuit Abdel Borak. Avec une assise financière plus saine, l’Union peut en effet viser plus haut.

 » A Bruxelles, il n’y a qu’une place à prendre en D1 à côté d’Anderlecht, et c’est tout. Pour le moment, il y a le White Star et le RWDM puis nous, puis le BX. Mais la survie d’un club passe par son marketing et ses supporters. Et le seul club qui serait capable d’assurer son avenir en D1 avec ses supporters, c’est l’Union. On y trouve une ferveur qu’il n’y a pas ailleurs. L’Union, c’est le peuple, le folklore bruxellois. On est le Manchester City de Belgique. Dès que je parle de l’Union avec quelqu’un, il y a toujours une petite flamme qui s’allume dans ses yeux.  »

De quoi faire regretter à VincentKompany d’avoir choisi de partir de zéro, avec le BX Brussels ?  » J’avais invité Vincent à l’Union. On a parlé longtemps. Il a finalement choisi de lancer son propre projet. Je peux comprendre, même si c’était dommage pour nous. Vincent a les reins solides, et les sponsors le suivent en masse. Tout va bien pour lui.  » Pas de doute, à ce niveau-là… ?

PAR GUY VESTRAETEN – PHOTOS: IMAGEGLOBE/DIEFFEMBACQ

 » J’avais invité Vincent Kompany à l’Union. On a parlé longuement. Mais il a finalement choisi de lancer son propre projet.  »

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