« On est chez nous »

Plusieurs jeunes du terroir pointent le bout du nez à Charleroi.

L’importation, Abbas Bayat connaît ! Depuis qu’il est devenu président de Charleroi en 2000, il a fait venir chez nous une mentalité, des méthodes de travail mais aussi des charters entiers de footballeurs étrangers. Lors de sa première saison, trois joueurs formés au Sporting étaient régulièrement dans l’équipe : Gregory Dufer, Badou Kéré et Sergeï Omelianovitch. Mais ils avaient fait leurs débuts en D1 avec les Zèbres avant l’entame du règne Bayat et le boss ne peut donc pas revendiquer leur éclosion. Au cours des années suivantes, Charleroi n’a plus révélé grand monde du cru. Il y a eu quelques timides apparitions, surtout des joueurs qui sont rapidement retournés dans l’anonymat. Qui se souvient de Lokman Atasever, Christopher Fernandez, Gianni Cassan, Fabrice Lokembo, Giovanni Cacciatore, AdrienRoman Moreno, Sébastien Van Aerschot, Flavio Fragapane ? Thibaut Detal semblait promis à une belle carrière mais des problèmes physiques l’ont assez vite obligé à oublier le foot pro. Finalement, la seule réussite dans la durée est Laurent Ciman, qui fait actuellement sa meilleure saison avec Courtrai après son échec au Club Bruges.

Depuis dix ans, les nationalités défilent au Pays Noir. La France s’est taillé la part du lion mais depuis quelques années, l’Hexagone vaut au Sporting plus de déceptions que de satisfactions. Le vent est-il en train de tourner ? On peut le croire en examinant les statistiques du championnat en cours.

Balog futur T1 ?

La satisfaction, c’est la révélation de produits du cru. Mais aussi le retour au bercail d’anciennes gloires du club. Tibor Balog est devenu entraîneur adjoint et certains le voient comme T1 dès la saison prochaine en remplacement d’un Tommy Craig dont le bilan est le plus catastrophique de l’histoire de Charleroi en D1 et dont on doute qu’il soit toujours en place après l’été, malgré son contrat. Tout récemment, on a aussi assisté au rapatriement d’ AlexTeklak : il a été formé chez les Zèbres, le Sporting lui a fait faire ses premiers matches en première division et il a ensuite réussi une carrière très valable. Teklak a été nommé entraîneur des Espoirs jusqu’à la fin de la saison en remplacement de Mario Notaro. Et plus longtemps si affinités.

Sur le terrain, on retrouve donc une certaine coloration locale. Le porte-drapeau de cette jeunesse qui monte, c’est Cyprien Baguette. Il s’est installé dans le but en cours de saison et personne ne semble capable de l’en déloger à court terme. L’été dernier, Sébastien Chabbert était arrivé avec des certitudes et un passé intéressant en Ligue 1. Mais depuis fin décembre, il n’a plus voix au chapitre et le vit mal. Ses relations glaciales avec Baguette en sont la preuve. Baguette est devenu un des gardiens belges qui promettent. Il fait partie du noyau des Espoirs de Jean-François de Sart, il a vite gagné la confiance de ses coéquipiers et déjà rapporté des points précieux. Dante Brogno l’a entraîné en Espoirs du Sporting avant son accession au noyau de Première.  » Il a franchi un cap : il est titulaire « , dit-il.  » Maintenant, il doit s’installer dans la durée et ce sera encore plus compliqué. Il a encore du boulot pour devenir régulier, pour ne plus faire les petites erreurs qu’il a commises cette saison. Mais la mission était directement très compliquée pour lui car l’ombre de Bertrand Laquait plane toujours sur le stade. En tout cas, il a beaucoup de qualités, dont sa taille et son envergure.  »

L’autre grande éclosion se retrouve au back droit : Jan Lella. Il s’est imposé dans un rôle pas si facile : celui de remplaçant de l’icône locale Frank Defays. Comme le Namurois, Lella est un défenseur tout en sobriété, conscient de ses limites et qui ne se hasarde donc pas dans des dribbles inutiles ou sur des portions de terrain où il n’est pas censé se trouver.  » Il a profité de la réalité de cette saison : le Sporting n’avait plus rien à gagner ou à perdre « , explique Brogno, qui l’a aussi eu sous ses ordres.  » Dans ces cas-là, on lance plus facilement des jeunes. Lella a vu une porte ouverte et a foncé. Il ne lâche rien. Son jeu de tête n’est pas mauvais. C’est surtout au niveau de la technique et de la relance qu’il doit progresser.  »

Le fils de Dante Brogno se rapproche du noyau pro

Brogno a aussi dirigé les autres jeunes Zèbres du cru qui frappent à la porte de l’équipe Première.  » Pietro Perdichizzi est un défenseur gaucher, une denrée rare. Il peut jouer comme arrière central gauche ou au back. C’est une force de la nature. Dès qu’il monte sur le terrain, il ouvre toutes les vannes. Sa robustesse et son engagement peuvent le mener à une belle carrière. J’étais allé le chercher en -16 pour le faire monter en Espoirs car dans sa catégorie, il était vraiment au-dessus du lot. Grégory Lazitch peut jouer aux mêmes postes que Perdichizzi. Il manque un peu de vitesse mais sa relance est très intéressante. Il doit encore s’endurcir dans les duels, muscler ses contacts homme contre homme. Samuel Fabris est un milieu défensif assez explosif et rigoureux. Il joue très bien le pressing et il couvre un paquet de kilomètres par match. Il a vraiment un gros volume de jeu. Son principal handicap est son jeu de tête, à cause de sa taille limitée.  »

Parmi les jeunes Carolos, il y a encore le gardien Nicola Hatefi qui multiplie les présences sur le banc grâce aux problèmes physiques réguliers de Chabbert. Ainsi qu’un certain Loris Brogno, le fils de Dante. Il est au Sporting depuis près de 10 ans, il est dans le noyau Espoir et c’est un médian pur gaucher, contrairement à son père. Il a été repris une fois en sélection nationale des -17. Un gage de réussite ?  » Pas du tout « , lance Dante.  » Que ce soit pour mon fils ou pour n’importe quel autre joueur, ces sélections ne veulent pas dire grand-chose. J’ai connu des footballeurs qui étaient internationaux sans interruption des Minimes aux -19 mais ne sont pas allés plus loin que la 2e Provinciale.  »

Danger : un vestiaire sans hiérarchie

Brogno prévient :  » Jouer la carte des jeunes, c’est une politique sage. Mais il faut être conscient que cette tactique a des limites. Ce ne sont pas ces gamins qui vont subitement faire revenir 15.000 spectateurs au stade. Et surtout, il faut les entourer. Il est indispensable que des joueurs de calibre s’occupent d’eux. Il y a eu une époque où les Laquait, Sébastien Chabaud, Loris Reina, Kéré et Defays prenaient les jeunes par la main et les abreuvaient de conseils. En plus, l’équipe tournait bien. Le contexte était donc très favorable. Malgré cela, les jeunes qui sont apparus à ce moment-là n’ont pas réussi à faire carrière. C’est la preuve que tout est très compliqué quand on débarque dans le professionnalisme. Les jeunes d’aujourd’hui n’ont pas plus de talent que ceux d’il y a quelques années. Et je ne suis pas sûr que le contexte soit aussi favorable. J’ai l’impression qu’il n’y a pas de hiérarchie dans le vestiaire d’aujourd’hui. Les gamins ont l’avantage de l’enthousiasme et de la spontanéité mais il faut des roublards autour d’eux pour qu’ils progressent. C’est difficile de trouver le bon dosage. Et le Sporting ne doit surtout pas commettre l’erreur de trop jouer la carte des jeunes car c’est le meilleur moyen pour descendre comme une balle.  »

par pierre danvoye – photos: reporters

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