« ON DOIT GAGNER EN VERTICALITÉ »

Confirmer : c’est le mot le plus souvent prononcé dans le vestiaire de Gand. C’est aussi le cas pour Danijel Milicevic. A 29 ans, le Suisse d’origine serbe a atteint le sommet.  » Gand a démontré qu’il était possible d’être champion sans posséder de grands talents individuels.  »

Il habite dans le centre historique de Gand. Danijel Milicevic s’y sent à l’aise : le quartier est animé, on y trouve de bons petits restaurants et des bistrots accueillants. Mieux vaut s’y déplacer à pied, ou à vélo comme le font les étudiants. Il aime y flâner, arpenter ces lieux colorés ou simplement s’y mêler à la foule. C’est ici qu’il a fêté le titre au mois de mai, accompagné par près de 125.000 sympathisants enthousiastes. Et c’est ici qu’il se prépare à la nouvelle saison, qui sera placée sous le signe de la confirmation.

Comment se sont passées les vacances ?

Danijel Milicevic : Calmement, avec la famille. Les premiers jours dans la région de Lugano, en Suisse. Un endroit merveilleux : le lac, les montagnes, une ambiance détendue. Et la mer n’est qu’à quelques heures de route. Ensuite, je suis parti quelques jours à Belgrade, afin de rendre visite à la partie serbe de la famille. Ce fut court, mais je ne me plains pas. Les joueurs ont rarement de longues vacances, il faut l’accepter.

La fatigue était-elle perceptible, en fin de saison dernière ?

(il rit) Vous connaissez les qualités de M. Vanhaezebrouck, n’est-ce pas ? Sur le plan physique, on a beaucoup travaillé. Pendant les vacances, je me suis d’ailleurs contenté de me reposer. A la fin des play-offs, j’avais un peu mal et je me suis fait soigner en Suisse, afin d’être prêt pour la reprise des entraînements.

Le regard qu’on porte sur vous a- t-il changé, depuis le titre ?

Dans ma région d’origine, certainement. Des dizaines de personnes sont venues me féliciter. Cela m’a surpris, car je ne pensais pas qu’ils étaient aussi nombreux à suivre le championnat de Belgique. Même à Belgrade, j’ai été souvent abordé. Cette attention change un peu la vie. Mais, comme l’a dit le coach à la reprise : on ne doit pas oublier ce qui est arrivé, mais on doit désormais en faire abstraction. On doit revenir les pieds sur terre, recommencer de zéro. Le mot que j’ai le plus entendu dans le vestiaire est : confirmer.

A ce jour, personne n’a encore quitté le club. Qu’est-ce que cela signifie, à vos yeux ?

Qu’on peut travailler dans la continuité. Tout le contraire de l’an passé, lorsque l’on a quasiment dû tout construire de zéro. La tactique, le coach : tout était nouveau. Je me souviens très bien du début de saison passée : les premières semaines, les premiers mois même, furent très difficiles. L’entraîneur a constamment dû nous guider.

Cela ne signifie-t-il pas, aussi, que personne n’est vraiment sorti du lot, que les scouts n’ont pas su sur qui se rabattre ?

Oui, sans doute. Le titre n’a pas été conquis grâce à de grands talents individuels, mais surtout grâce à un collectif très fort. Le niveau d’ensemble a été très homogène. C’était tantôt l’un, tantôt l’autre qui se mettait en évidence. C’est aussi ce qui a fait notre force.

Vous-même, vous vous êtes surtout mis en évidence pendant les play-offs. Un simple hasard ?

Peut-être pas. Je m’y étais spécialement préparé. Après la phase classique, je me sentais un peu fatigué. Pendant le stage en Espagne qui a précédé les play-offs, je me suis beaucoup préparé individuellement, en concertation avec le staff médical. J’ai beaucoup travaillé l’explosivité. L’endurance était déjà là. Avec le recul, je dois reconnaître que cette préparation a porté ses fruits. Je me suis senti frais, et mentalement j’étais bien.

 » Anderlecht doit nous servir de référence  »

Qu’attendez-vous de la C1 ?

C’est pour moi un grand point d’interrogation. La différence avec le championnat de Belgique est sans doute très grande : le jeu est plus rapide, les duels sont plus rudes. D’un autre côté : Anderlecht a fait bonne figure la saison dernière. Je pense que nous devons prendre les Bruxellois comme référence. Ils ont obtenu des résultats en formant un bloc. Nous devrons être encore plus attentifs aux détails, et surtout : être plus costauds. La C1 ne m’effraie pas, je suis simplement un peu… excité. Un peu comme au début des play-offs. Dans ces moments-là, on ne doit pas devenir nerveux, il faut surtout en profiter. Dans dix ans, ma carrière sera terminée, il ne restera plus que les souvenirs. J’estime que nous devons aussi regarder plus loin. Un oneshot n’apporte rien. Dans certains pays, des champions inattendus sont tombés dans les oubliettes après leur exploit. Cela ne peut pas nous arriver.

Cette équipe a-t-elle atteint son sommet ou peut-elle encore progresser ?

La saison dernière, nous avons parfois rencontré des difficultés lorsque l’adversaire exerçait un pressing haut, nous empêchait d’avoir la possession du ballon ou procédait par de longues passes. Je me souviens de la deuxième mi-temps contre Bruges en play-offs, lorsque nous menions 2-0 et avions été rejoints à 2-2. C’est ce point-là que nous devons travailler. Nous devons aussi améliorer l’efficacité dans les deux rectangles. Parfaire la finition en attaque, même si le problème était surtout récurrent en début de saison. Contre Genk, nous nous sommes créé 37 occasions, mais le match s’est terminé sur un 0-0. Et nous aurions même pu le perdre. Après janvier, c’était meilleur dans ce domaine. Nous nous sommes montrés plus efficaces, nous avons aussi joué davantage dans la verticalité, à la demande du coach. C’est une caractéristique des grandes équipes : sur une passe, elles parviennent à éliminer quatre ou cinq joueurs.

En résumé : Barcelone contre le Real Madrid.

De fait. Les accélérations, le jeu vertical : ce sont des aspects à travailler. Dans les deux sens : nous devons éviter que l’adversaire nous pose des problèmes en pratiquant de la sorte, mais nous devons aussi parvenir à jouer nous-mêmes de cette manière. Quelques matches de championnat ne suffiront pas, nous devrons beaucoup travailler ces aspects à l’entraînement.

 » J’ai eu droit à des salopettes pour me donner goût au travail  »

Vous êtes-vous accoutumés à la Ghelamco Arena ?

Je le pense. Le déclic s’est produit lors de la victoire contre Bruges. La pression était forte, le match fut très intense au niveau physique. A la fin, tout le monde souffrait de crampes. Mais nous devions impérativement gagner, c’était très important sur le plan mental. Quelques semaines plus tard, nous avons gagné à Anderlecht. Lors de ces deux matches, nous avons franchi un palier. Mais, au début, nous ne rencontrions pas seulement des difficultés contre les grandes équipes. Ce n’était pas nécessairement plus simple contre des adversaires plus modestes, lorsqu’ils restaient groupés et nous attendaient dans leur moitié de terrain. Mais là, nous trouvions des solutions.

Etes-vous satisfait de votre évolution ?

Aujourd’hui, oui. Mon parcours, jusqu’ici, a été un peu particulier, et je n’ai pas toujours effectué les meilleurs choix. J’ai parfois été mal conseillé. Depuis mon arrivée en Belgique, en revanche, je trouve que mes choix ont été plus logiques. J’ai procédé étape par étape. D’abord Eupen en D2. J’y ai été champion, j’ai joué une saison en D1, et lorsque le club est redescendu, je suis parti à Charleroi. J’y ai confirmé, et j’ai alors rejoint un club du top…

Avant d’atterrir à Eupen, vous vous êtes retrouvé cinq mois au chômage. Qu’avez-vous fait, à ce moment-là ?

J’aurais pu trouver un club si je l’avais souhaité. Une formation de D2 suisse était prête à m’accueillir, mais cette perspective ne m’enchantait pas. J’ai entretenu ma condition en m’entraînant avec mon ancien club de Lugano. Physiquement, j’étais au point, mais au niveau financier, je ne touchais rien. Pas de salaire, pas de prime de match. A 22 ans, j’aurais pu me décourager, renoncer. Mais, grâce à ma famille, j’ai persévéré.

Votre père ne vous a jamais demandé de lui donner un coup de main à son garage ?

Bien sûr, constamment. Et j’y étais tout le temps. Mais mon souhait était de jouer au football. J’aime les voitures lorsqu’il s’agit de piloter. Je possède une Maserati. Mais y travailler… Non. Lorsque j’étais petit, mon père m’a plusieurs fois offert une salopette. C’était des tentatives pour me donner le goût du travail…

Vous amis pensaient sans doute qu’en tant que fils de, vous deviez en connaître un bout en matière de voitures…

Oui, en effet. J’en connaissais les bases, mais les réparer… Cela, non. Je suis simplement capable de changer un pneu.

Pourquoi vouliez-vous quitter la Suisse ?

Le niveau de vie était très bon, mais j’avais besoin de découvrir autre chose. A l’époque, Eupen était aux mains des Italiens et un manager connaissait bien mon ancien agent. De fil en aiguille, j’ai abouti en Belgique. L’Italie aurait sans doute été un choix plus logique, mais les clubs de Serie A ne portaient pas les joueurs suisses en très haute estime, à l’époque. Cela a changé depuis lors. La Belgique n’était pas un choix illogique. BenoîtThans jouait encore à Bellinzona, tout comme Ljubomir Radanovic, ex-Standard. J’ai encore joué avec son fils dans les équipes de jeunes. Le père est désormais mon agent, nous nous connaissons depuis vingt ans. Peut-être aurais-je pu venir en Belgique plus tôt. D’un autre côté : beaucoup de joueurs partent trop tôt vers un grand club et la chute est parfois brutale.

Arriver plus tard au sommet, cela signifie aussi que vous avez pris moins de coups, que vous vous êtes entraîné moins intensivement, que vous avez sans doute souffert de moins de blessures. Cela peut vous permettre de prolonger votre carrière.

C’est possible. Physiquement, je viens de vivre ma saison la plus dure. Lors des tests, je me suis aperçu que j’avais une meilleure base.

Vos statistiques se sont aussi améliorées, vous marquez plus…

C’est dû à la position que j’occupe sur le terrain. La saison dernière, j’ai pour la première fois évolué en vrai n°10, comme deuxième attaquant. Précédemment, j’avais souvent joué sur un flanc, gauche ou droit. Je me suis donc rapproché du but. J’ai aussi changé ma manière de jouer, j’essaie de me montrer plus efficace, plus concret.

PAR PETER T’KINT – PHOTOS : BELGAIMAGE/ KETELS

 » Eliminer 4 ou 5 adversaires d’un coup, c’est la caractéristique des grandes équipes.  »

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