On demande guerriers

Bruno Govers

Lucien Gallinella, le manager du Sporting de Charleroi, a quasiment terminé sa campagne de recrutement.

La semaine passée aura été particulièrement fructueuse pour le Sporting de Charleroi. Mardi, le club carolo se voyait accorder la sacro-sainte licence; le lendemain, il concluait une synergie avec le MTK Budapest et, dans la foulée, il accueillait une nouvelle tête au Mambourg: le jeune espoir français Stéphane Biakolo, cédé sur base locative par l’Inter Milan.

Lucien Gallinella: L’octroi de la licence aura posé davantage de problèmes techniques, en matière de passage d’une ASBL à une SA, que financiers, puisque nous avons eu tôt fait de nous mettre en règle à ce niveau. Dans la mesure où les derniers détails concernant la cession de patrimoine ne constituaient pas non plus une pierre d’achoppement, il n’y avait pas de raison que ce passe-droit nous échappe. Son obtention n’était qu’une question de temps.

Mercredi, vous avez finalisé à Budapest les modalités d’une collaboration avec le MTK local. Que prévoit-elle?

Le directeur général de ce club, Ferenc Fulop, n’est pas vraiment un inconnu pour nous, en ce sens que Mario Notaro, l’adjoint d’Enzo Scifo, avait eu cet homme-là sous ses ordres, jadis, à l’Olympic. Par le passé, le MTK Budapest avait conclu un accord de coopération avec le Verbroedering Geel, mais en raison de la descente des Campinois en Division 2, l’année dernière, les ponts avaient été rompus et les Hongrois, de ce fait, étaient à la recherche d’un autre partenaire. Leur but consiste, tout bonnement, à aguerrir au contact d’une compétition plus physique et tactique que la leur, des éléments naturellement doués. Pendant une saison, voire davantage, nous avons donc la possibilité de profiter du bagage de joueurs qui sont souvent des techniciens hors-pair mais qui ne sont pas rompus au mode de jeu âpre, typique de l’Europe occidentale. Pour peu que cet apprentissage se fasse dans les règles de l’art, nous aurons évidemment plus qu’un droit de regard sur un produit fini du même ordre que Miklos Lendvai, ce garçon que nous sommes allés chercher au Germinal Beerschot Anvers naguère, où il s’était précisément étoffé l’espace d’un an. Grâce à cette synergie, nous ne devrons plus aller chercher ailleurs un homme susceptible de rehausser la touche technique de l’équipe. Car nous l’aurons chez nous.

Au cours de la défunte campagne, il avait été question d’un rapprochement avec le Paris Saint-Germain. Cette synergie-là n’est-elle plus de mise à présent?

Pas du tout, nous oeuvrons sur les mêmes bases dans les deux cas en visant à faire fructifier, chez nous, certains joueurs au bagage incomplet, comme dans le cas précité, ou d’autres qui, en raison de leur jeune âge ou de la concurrence, sont barrés par des valeurs confirmées. C’était le cas du Parisien Fabrice Kelban, que le PSG nous avait prêté ces derniers mois, et qui est retourné entre-temps chez les Sangermanois étant donné qu’il n’avait pas vraiment répondu à l’attente au Mambourg. Cette expérience ne nous empêchera toutefois pas de mener d’autres actions du même genre avec le club parisien. Luis Fernandez, qui est un grand ami d’Enzo Scifo, a promis en tout cas qu’il céderait encore l’un ou l’autre joueurs, avec l’espoir d’une meilleure contribution pour nous.

Le Sporting vient d’acquérir, sur base de prêt, le jeune Français Stéphane Biakolo, passé de Montpellier à l’Inter Milan autrefois. Dans ce cas-ci aussi, les relations entre Enzo Scifo et son ancien club ont-elles aidé dans la concrétisation du passage du joueur chez vous?

Tout à fait. Le bon peuple carolo n’imagine pas la chance qu’il a de pouvoir compter sur Enzo Scifo au Sporting. Son aura, c’est du pain béni pour le club. Il y avait au moins six à sept autres candidats à l’enrôlement de Stéphane Biakolo. Mais dès que la direction intériste a eu vent de notre intérêt pour cette promesse de 19 ans, son choix était fait. C’est une aubaine, pour nous, de tabler bientôt sur les services d’un garçon dont l’option d’achat est fixée à 120 millions de nos francs. Un prix qui en dit long sur ses qualités.

Quelles auront été les lignes directrices de votre campagne de recrutement?

Deux facteurs nous auront joué un tour pendable en fin de saison passée: l’ampleur du noyau, dont pas moins de six composantes étaient en fin de contrat (Nikola Jerkan, Bertin Tokéné, Roberto Bisconti, Sergeï Omelianovitch, Aziz Rabbah et Pascal Dias). Vu que l’équipe, dès le mois de mars, n’était plus concernée ni par une place européenne, ni par le maintien, il y a eu très tôt, au sein du groupe et plus particulièrement dans le chef de quelques-uns de ceux-là, un sentiment de démobilisation. Dans une certaine mesure, le club peut être tenu pour responsable de ce laisser-aller coupable car il n’est pas idéal, bien sûr, de devoir composer avec autant de gars qui ne sont pas fixés sur leur avenir. D’un autre côté, on peut quand même espérer, en tant que dirigeant, un minimum d’orgueil de la part de joueurs soi-disant professionnels. En réalité, il aura manqué de guerriers chez nous et c’est pourquoi un footballeur de la trempe de Miklos Lendvai, pour ne citer que lui, devrait nous être d’un apport précieux dans les mois à venir.

L’autre tare à laquelle nous avons voulu remédier, c’était le manque de taille. Surtout en défense. Et c’est la raison pour laquelle nous avons jeté notre dévolu sur le Camerounais Ernest Etchi, bien campé sur ses jambes et souverain dans les airs, comme il l’a prouvé avec l’Eendracht Alost. Ce footballeur présente en outre l’avantage de pouvoir officier à la fois comme stoppeur et en tant que back gauche. C’est dans ce dernier rôle qu’il devrait évoluer chez nous, puisque nous n’avons pas d’autre latéral spécifique. Nous sommes d’ailleurs toujours en quête d’un joueur qui constituerait une solution de rechange pour l’Africain. Il devrait mettre un point final à nos acquisitions.

Charleroi a toujours eu pour habitude d’écrémer le jeune talent dans les séries inférieures. La preuve avec les acquisitions des Namurois Frank Defays et Christian Negouai. Une fois encore, il n’a pas dérogé à la règle en transférant le Français Stéphane Martine de l’Excelsior Virton.

C’était le meilleur joueur de D3 cette saison et, à l’image de ces devanciers, il aura l’occasion de prouver ses aptitudes, lui aussi, au plus haut niveau. Il ne sera pas le seul puisqu’avec le jeune Anderlechtois Daniel Calvo, nous avons obtenu le concours d’un autre joueur aux dents longues.

Au niveau des valeurs confirmées, le Sporting a acquis Milovanovic.

Enzo Scifo et moi-même ne l’avons jamais vu à l’oeuvre, mais sur base des cassettes que nous avons visionnées et des échos que nous avons eus sur le joueur, il s’agit d’une opportunité réelle. Personnellement, je le compare à Marc Degryse: une technique fantastique au service du collectif. Il devrait nous apporter une touche artistique à nulle autre pareille. Comme Enzo Scifo aurait pu le faire s’il n’avait pas dû mettre un terme à sa carrière pour les raisons que chacun sait entre-temps. Avec lui dans nos rangs jusqu’au bout, le Sporting eût été en mesure de titiller les teams européens. Ce sera désormais notre ambition la saison prochaine. L’objectif sera de se stabiliser dans la partie supérieure du tableau et de viser un cran plus haut encore en 2002-2003.

Quel souvenir aura laissé l’exercice 2000-2001, qui avait débuté sous les meilleurs auspices avec Manu Ferrera?

Je m’insurge contre ceux qui prétendent que nous avons loupé notre campagne. Avec quarante-sept points, le Sporting n’a échoué qu’à un fifrelin de formations qui avaient fait d’une qualification européenne leur souci prioritaire en début de saison, comme l’Excelsior Mouscron, La Gantoise ou le GBA. C’est vrai que l’équipe a fléchi au deuxième tour. Mais il ne faut pas oublier qu’elle fut privée d’abord des services d’Enzo Scifo puis de Dante Brogno. Deux footballeurs dont on ne se passe pas impunément. Mes seuls regrets concernent nos copies bâclées à Alost et à domicile face à Saint-Trond. Sans ces matches, nous aurions franchi le cap des cinquante unités et personne n’y eût trouvé à redire.

Au moment de prendre le pouvoir, l’un des buts du président Abbas Bayat était d’en revenir à une plus forte identité wallonne. Un an plus tard, on est loin du compte: le Sporting a fait ample moisson d’étrangers avec Ernest Etchi, Miklos Lendvai, Stéphane Martine, Milovanovic et Stéphane Biakolo. Quant aux gars du terroir, à l’image des Enzo Biondo, Romuald Petit, Roberto Bisconti, Pascal Dias ou Jean-François Lecomte, ils sont tous partis ou en partance.

C’est une remarque judicieuse. Une imprégnation davantage wallonne reste un de nos objectifs, mais dans l’état actuel des choses, elle n’est tout simplement pas réalisable. En tout premier lieu parce que ceux qui répondent à ce critère sont trop onéreux par rapport à leur niveau. Qu’on le veuille ou non, à qualités égales, un joueur africain ou de l’est de l’Europe est moins cher que le Belge. De surcroît, il y a un problème de mentalité. Il est loin le temps où tous les joueurs wallons, sans exception, allaient au charbon. De nos jours, signe des temps, ils sont plus velléitaires. Aussi, plutôt que de prendre cette considération pour norme, nous avons préféré opter pour une certaine unité de langage. Hormis Milovanovic, qui ne parle pas français mais qui maîtrise cinq autres langues, dont le portugais et l’anglais, tous les autres, sans exception, s’expriment dans notre langue. Même Miklos Lendvai, puisqu’il a joué jadis à Bordeaux.

D’une saison à l’autre, le noyau des Zèbres aura été modifié de fond en comble, puisqu’outre les joueurs en fin de contrat, d’autres éléments sont appelés à quitter le Mambourg, tels Romuald Petit, Dimitri de Condé ou encore Marc Vangronsveld. Dante Brogno aura-t-il été le dernier clubman au RCSC?

Jurer fidélité pendant quinze ans, comme lui l’a fait, plus personne ne le fera jamais plus. Pourtant, les occasions de quitter le club n’ont pas manqué pour lui tout au long de sa carrière. Mais il avait la fibre carolo comme nul autre. Peut-être Grégory Dufer se rapproche-t-il quelque peu de lui, même s’il est acquis qu’il nous délaissera un jour car c’est, à mon sentiment, un international en puissance. « Greg » aurait déjà pu, s’il l’avait vraiment voulu, monnayer son talent ailleurs puisque l’Excelsior Mouscron et La Gantoise, pour ne citer que ceux-là, lui ont fait les yeux doux ces dernières semaines. Mais il a préféré rempiler chez nous.

Deux gardiens sont partis à l’intersaison: Olivier Renard, retourné à l’Udinese, et Jean-François Lecomte, qui s’est lié à La Louvière. Comment meublerez-vous ce secteur?

Istvan Dudas fera figure de numéro 1 avec, pour doublure, le jeune Kevin Boon qui a montré, à Westerlo, qu’il était un keeper d’avenir. A dix-sept ans et demi à peine, il n’est pas dit, toutefois, qu’il pourrait supplanter le portier titulaire durant une très longue période, si cette situation se présentait. Dans ce cas, mais dans ce cas uniquement, nous aviserions. Si l’indisponibilité d’Istvan Dudas se limitait à une ou deux semaines, nous jouerions à fond la carte de son jeune substitut. Nous avons également en vue un jeune keeper de Couillet, Goffin. Mais dans l’intérêt général, nous comptons le laisser mûrir dans son entourage pendant un an encore. En revanche, nous comptons faire fructifier du blé en herbe étranger au Mambourg dès la saison prochaine déjà. Ce sera le cas de Sylla Kanfory, un jeune défenseur polyvalent de dix-neuf ans, originaire de Guinée.

Qu’en est-il des Egyptiens Choukry et Ramy qui avaient effectué naguère des tests positifs au Sporting?

Le 6 juillet, la FIFA se prononcera sur l’indemnité de formation à ristourner à leur club respectif. Si le jeu en vaut la chandelle, ils seront recrutés eux aussi. Mais en cas d’acquisition, ils fourbiraient d’abord leurs armes dans le noyau B car ils n’ont pas encore dix-huit ans. C’est jeune pour se frotter à des valeurs confirmées comme Eduardo, Sergio Rojas et Stéphane Biakolo.

Un secteur n’a pas encore été passé en revue: l’entrejeu.

Là aussi, nous sommes parés avec Grégory Dufer, Mahamoudou Kere, Christian Negouai, Miklos Lendvai, Aziz Rabbah, Ronald Foguenne et Dariuosh Yazdani. Sur le papier, on aura une bonne équipe. Reste à voir la transposition sur le terrain à présent. Mais si on ne termine pas entre la quatrième et la septième place, c’est sûr qu’on sera déçus.

Bruno Govers

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