On calme le jeu !

Quelles conséquences la situation financière peut-elle avoir sur le football ?

Pour la première fois depuis 2004, le chiffre d’affaires des grands championnats européens connaît une décroissance. C’est ce qui ressort de l’étude annuelle du cabinet Ineum Consulting sur l’économie du ballon rond. Profondément imbriqué dans une économie mondialisée, le foot est logiquement touché par la crise. Des clubs richissimes et sportivement au top comme Manchester United perçoivent les premiers effets de l’éclatement financier. Le propriétaire américain des Mancunians, Malcolm Glazer, présent dans l’agroalimentaire, le gaz, le pétrole et l’immobilier, connaît de lourdes difficultés à rembourser le crédit débuté lors du rachat définitif du club en 2005.

Glazer avait contracté un emprunt auprès d’AIG, sauvé de justesse par les pouvoirs publics US qui y ont injecté 170 milliards de dollars. Le banque-assureur a d’ailleurs mis fin au sponsoring maillot des Red Devils qui rapportait 15 millions d’euros par an au club. Si le haut de l’échelle anglaise est directement touché, le bas l’est davantage. Southampton, club emblématique aujourd’hui en D2, pourrait être le premier outre-Manche à symboliser durement cette crise du crédit. La Southampton Leisure Holdings, propriétaire du club, a déclaré que sauf apport rapide de fonds, le club ne serait plus en mesure de poursuivre son activité. L’effondrement de la livre sterling n’arrange évidemment rien à la situation.

L’autre grande place financière du foot européen, l’Espagne, n’est pas en reste. Victime de l’éclatement de la bulle immobilière fin 2008, le pays a plongé de manière abyssale. De nombreux clubs de Liga (Valence, Santander, etc.) ont directement été entraînés dans la chute ; leurs actionnaires les plus importants émanant du secteur de la construction. Chez nous, l’Excelsior Mouscron est une victime directe de la globalisation. Le promoteur immobilier espagnol Frinver, arrivé au club avec Philippe Dufermont à l’été 2007, a suspendu son sponsoring et n’a pas injecté le 1,2 million d’euros promis en novembre marquant le début des problèmes.

La crise, quelle crise ?

Dans les autres clubs du Royaume, on tente de dédramatiser, avec une certaine forme de fatalisme ou d’évidence, c’est selon.  » Il y a une règle générale qui prime, pour ne pas voir ses sponsors déguerpir : il faut voir une image de gagnant « , clame Herman Van Holsbeek, manager général d’Anderlecht.  » Et c’est ce que le Sporting s’efforce de faire depuis plusieurs décennies.  »

Au Standard, on continue à surfer sur la vague des récents succès, que ce soit au niveau européen ou en championnat. Des succès qui font du club principautaire le numéro un de Belgique en terme de visibilité télévisuelle (sondage CIM) :  » Vous imaginez bien que pour nos sponsors, qu’ils soient sur le maillot, sur les panneaux où locataires de loges, ça les encourage à nous jurer fidélité « , se félicite Pierre François, directeur général du Standard.  » D’ailleurs, aujourd’hui les annonceurs se pressent aux portillons de Sclessin. Seul notre sponsoring maillot n’est pas au niveau d’autres formations comme Anderlecht ou Bruges. Nous tenterons de combler l’écart prochainement puisque l’actuel contrat arrive à échéance le 30 juin…  »

La crise, le Standard n’en ressent pas les effets directs grâce notamment au transfert gargantuesque de MarouaneFellaini (20 millions d’euros), la saison européenne et un stade qui n’a jamais été aussi rempli. C’est davantage du côté des supporters que la situation peut être vécue comme douloureuse. François :  » Le Standard a toujours tenu compte de son environnement social. Et tout le monde connaît les difficultés économiques qui touchent la région, avec Arcelor et son lot de licenciements. Voilà pourquoi, malgré des règles économiques qui nous le permettraient, nous n’augmenteront pas le prix des places ou des abonnements l’an prochain. Et aussi pourquoi on retrouve dans notre boutique des produits Planète Rouge moins onéreux que ceux de notre sponsor officiel, Diadora. Le Standard n’est pas une victime de la crise, mais s’adapte à son public qui, lui, est directement touché.  »

A l’autre bout de l’échelle, à Mons, la saison commerciale 2009-2010 vient de débuter. Est-il difficile de garder une certaine attraction à l’échelon inférieur ?  » Aucun sponsor actuel nous a dit qu’il arrêtait les frais « , avance Alain Lommers, directeur général de l’Albert.  » L’un de nos plus importants a confirmé qu’il continuait en offrant autant. D’une manière générale, je crois que trop de sociétés utilisent la crise pour licencier ou diminuer le sponsoring. Chez les Diables ( NDLR, Lommers est membre de la commission technique et du développement marketing de l’UB), plusieurs sponsors nous ont quittés alors que la dynamique ne sera que meilleure dans le futur. C’est un mauvais calcul de leur part.  »

Quid des transferts ?

Les clubs belges peuvent-ils encore attendre des sommes avoisinant le transfert de Fellaini ? Vont-ils doublement faire gaffe à leurs dépenses ?  » Les grandes équipes vont continuer à offrir des montants astronomiques « , pense Van Holsbeek.  » Les clubs anglais se partagent 9 milliards d’euros en droits TV jusqu’en 2013. Ils ont de quoi voir venir. Par contre, cela va se tasser dans les autres pays. Concernant les arrivées chez nous, tout dépendra de la participation à la Ligue des Champions ou non. « 

 » C’est évident qu’au Standard, l’accès aux poules de la Ligue des Champions donnera à notre budget une autre ampleur « , précise Pierre François.  » Mais notre politique sportive ne changera pas pour autant. Ne comptez pas sur nous pour dépasser la somme que nous avions mise pour Steven Defour (1,5 million), par exemple.  »

Un secteur ne semble en tous les cas pas être influencé par la crise : le portefeuille des joueurs. En France, l’Union nationale des footballeurs professionnels a dévoilé qu’un joueur de L1 touchait en 2008 15 % de plus qu’en 2007. Et en 2009, cette tendance est loin de s’inverser…

par thomas bricmont

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