ON AVANCE !

Le périple en Slovaquie a apporté son lot d’enseignements avant Belgique-Turquie de ce mercredi.

C’est dans une petite ville de province de Slovaquie, à Trnava, que les Diables Rouges ont peaufiné leurs réglages avant le dernier match amical d’aujourd’hui contre la Turquie à Genk. Un programme de préparation allant crescendo avait été concocté afin de pouvoir répondre présent d’emblée, en août, pour l’ouverture des qualifications du prochain EURO, contre le Kazakhstan. Etre prêt dès le départ pour éviter de commettre les mêmes erreurs que lors des deux dernières campagnes qualificatives sous Aimé Anthuenis.

La Slovaquie, c’est une équipe jeune et en plein essor comme l’ont démontré ses récents résultats (un barrage face à l’Espagne en Coupe du Monde, une victoire en amical au stade de France). Le match nul obtenu là-bas n’est donc pas une mauvaise chose. Il permet à René Vandereycken de rester invaincu et à ses troupes de conserver un bon moral : les résultats sont là. La piètre qualité du spectacle ne doit pas faire oublier au sélectionneur qu’il a encore du pain sur la planche, mais les pièces du puzzle commencent à s’emboîter.

Un système

Depuis le Luxembourg, Vandereycken a trouvé son système : le 3-5-2. Malgré les défections, il a conservé trois défenseurs ( Carl Hoefkens, Philippe Léonard et Jelle Van Damme) appuyés, en perte de balle, par deux flancs ( Peter Van Der Heyden à gauche et Anthony Vanden Borre à droite).  » Ce système m’a donné entière satisfaction en Slovaquie « , a déclaré le sélectionneur. Contre les petites équipes, il s’oriente clairement vers cette occupation du terrain :  » On a donné peu d’occasions à l’adversaire malgré notre ligne arrière réduite « .

Dans cette configuration, nul doute que Vandereycken privilégiera deux médians travailleurs, en essuie-glaces devant la défense.

Contre l’Arabie Saoudite, il s’agissait de Timmy Simons et de Karel Geraerts. En Slovaquie du capitaine et de Gill Swerts.

A Genk déjà, Vandereycken avait adopté cette ligne de conduite. Certes, il s’agissait le plus souvent d’une ligne arrière composée de quatre hommes mais il aimait ajouter à ce mur défensif deux récupérateurs, l’un contrôlant la man£uvre, l’autre courant de droite à gauche pour harceler l’adversaire. Les rôles occupés à Genk par Soley Seyfo et Justice Wamfor ont été repris à Trnava par Simons et Swerts.  » Je devais me focaliser sur ma tâche de médian. Je savais que j’avais Timmy dans mon dos pour contrôler la man£uvre. Moi, je devais chasser le ballon devant lui sans trop m’aventurer offensivement « , corroborait Swerts.

Reste désormais à améliorer l’occupation offensive. En Slovaquie, seuls Thomas Buffel, Wesley Sonck et Luigi Pieroni étaient sensés amener le danger.  » On était bien en position mais on doit maintenant essayer d’aller davantage vers l’avant. Néanmoins le plus important, c’est d’obtenir cette organisation. Il sera encore temps par la suite de soigner les offensives « , commentait Karel Geraerts.

Buffel s’est retrouvé trop souvent en position d’attaquant axial, repoussant Pieroni et Sonck, pourtant plus habiles dans le jeu aérien, sur les flancs.  » Vu la qualité du terrain, on a constamment cherché des solutions dans les airs, ce qui a fortement gêné Buffel. Par contre, Moussa Dembele était plus à l’aise dans ces conditions. Cette faculté de tenir et conserver le ballon à ce si jeune âge est formidable « , lâcha Vandereycken, pourtant peu enclin à mettre en avant un joueur qui aura 19 ans en juillet.

La patte Vandereycken

Vandereycken a déjà apporté sa griffe. Outre son approche organisée, il déteste la notion de prise de risque inutile. C’est sans doute pour cette raison qu’il n’a pas retenu un garçon comme Birger Maertens. Il préfère avancer lentement, en bloc, par les ailes et insiste pour qu’on évite le plus possible de passer par l’axe. En Slovaquie, il n’a pas manqué de fustiger les ballons en retrait vers Stijn Stijnen :  » Sur un tel terrain, ce n’était pas la bonne solution « .

Pas de risque non plus dans la gestion des blessures. Si un homme n’est pas totalement prêt, il ne l’est pas non plus pour prendre place sur le banc. D’où les absences de Vincent Kompany et de Daniel Van Buyten.

Il prône également la patience. Rien ne sert de courir, il faut partir à temps. Genk était réputé pour remporter de nombreuses rencontres dans les dernières minutes. En Slovaquie, les Diables ont été dominés et menés au score mais il s’en est fallu de peu pour qu’ils réalisent finalement le hold-up parfait lors du dernier quart d’heure.

Enfin, il soigne les détails. Il était ainsi mécontent qu’on ne l’ait pas prévenu de la tenue d’une manifestation dans le stade de Genk, il y a quelques jours. Mauvais pour l’état de la pelouse…

Une ossature néerlandaise

Pour avoir travaillé aux Pays-Bas, Vandereycken connaît sans doute mieux que quiconque le potentiel belge qui couve outre-Moerdijk. Il est loin le temps où l’équipe néerlandaise regorgeait de joueurs évoluant sous nos latitudes. Désormais, la tendance s’est inversée. Parfois très jeunes, les joueurs belges lorgnent vers le championnat néerlandais, mieux structuré et mieux financé. Le jeu et la mentalité batave demeurent les autres motivations de cet exode. Vandereycken est en tout cas conscient de cette migration de nos jeunes talents vers les Pays-Bas et a opté pour la mise en place d’une cellule de scouting pointue centrée sur les championnats voisins. D’où l’émergence en équipe nationale de nombreuses têtes peu connues du grand public.  » Vous ne les connaissez peut-être pas, mais nous les avons visionnées à de nombreuses reprises « , explique Stéphane Demol, l’adjoint de Vandereycken.

Dans l’effectif retenu pour le déplacement en Slovaquie et pour le match de gala, à Genk, face à la Turquie, pas moins de sept éléments ( Tom Caluwé, Dembele, Stein Huysegems, Davy Schollen, Simons, Swerts et Brian Vandenbussche) foulent chaque semaine les pelouses du championnat néerlandais. Buffel, Sonck et Van Damme avaient également choisi cette voie-là comme première étape de leur périple étranger. Bart Goor y a également évolué. Sans oublier Pieter Collen, le défenseur de Feyenoord, retenu pour la rencontre face à l’Arabie Saoudite et écarté par la suite.

Mais ce championnat est-il tellement mieux que le nôtre ?  » Le plus difficile est de se faire connaître « , explique Swerts.  » Mais une fois que l’on attire l’attention d’un membre de la cellule de recrutement, il se rend vite compte que l’on a parfois autant de qualités qu’un joueur du championnat belge « . Swerts est un des symboles de la politique néerlandaise de Vandereycken. Inconnu des analystes du football belge, il promène désormais sa petite frimousse frisée dans le noyau des Diables Rouges. Après avoir été formé à Beveren, il quitta le club waeslandien à 14 ans pour rejoindre l’école rotterdamoise de Feyenoord.  » Cela fait donc maintenant dix ans que je joue aux Pays-Bas. Ce qui peut expliquer que l’on me connaisse mal. Là-bas, tout est poussé à fond. Les entraînements sont meilleurs. A Beveren, je n’avais que deux sessions par semaine. A Feyenoord, à 14 ans, j’en avais six. A ce rythme-là, on s’améliore évidemment beaucoup plus vite. Les joueurs parlent beaucoup, parfois trop mais cela aide le développement d’un jeune. Cela donne de l’influence au groupe. Je crois que mon avenir se situe là-bas. Pas que cela me dérangerait de revenir en Belgique mais en dix ans, aucun club belge ne m’a appelé « .

Mental en plus

De plus, Swerts répond également aux qualités appréciées par Vandereycken :  » Ma force réside dans mon mental. C’est le fruit de l’école néerlandaise. Et en plus, je suis polyvalent. Cette saison, à Vitesse, je me suis retrouvé à sept positions différentes. Ma place de prédilection demeure le poste de médian droit mais j’ai davantage évolué à Vitesse comme… back gauche. Je peux aussi me retrouver back droit. En cas de blessure, c’est facile avec moi, pour un entraîneur « . En Slovaquie, Swerts a débuté comme médian avant de glisser à l’arrière droit.

Autre histoire mais même épilogue, celle de Dembele. Celui-ci se situe davantage dans la lignée du défenseur Thomas Vermaelen, qui après avoir effectué ses classes au Germinal Beerschot et débuté dans notre championnat avec les Anversois s’est envolé vers l’Ajax. Dembele, grand talent belge et formidable manieur de ballon, a vu moins grand en se tournant dans un premier temps vers Willem II :  » Tilburg, c’est encore un peu la Belgique. Pour l’intégration, c’était nettement plus facile. Alkmaar, ce sera autre chose. Je serai immergé « , explique-t-il.

Car après une saison pleine (33 rencontres de championnat, neuf buts), il a obtenu son ticket pour AZ, le club entraîné par Louis Van Gaal :  » J’essaie d’avoir une progression linéaire. Je fonctionne par paliers. Ce fut une bonne idée de quitter la Belgique. Je suis parti il y a un an, à 18 ans. Certains m’ont dit que j’étais trop jeune mais j’ai énormément appris. Aux Pays-Bas, tout va plus vite. On reçoit toujours le ballon dans les pieds. Pour moi qui aime le garder et faire valoir ma technique, c’est plus facile. En Belgique, on procédait davantage par longs ballons. La philosophie de jeu est également complètement différente. Il ne faut pas être grand et physique. Si tu es petit mais que tu as de bonnes qualités, tu reçois ta chance. Et puis, on fait confiance aux jeunes. C’est important de te sentir soutenu par ton équipe « .

A l’instar de Swerts, Dembele peut évoluer à plusieurs postes différents :  » Soit comme attaquant ou comme soutien « . Cette galerie de Néerlandais apporte une certaine cohésion au jeu de Vandereycken.

Incertitudes mais piliers

Vandereycken vit certainement déjà avec ses certitudes mais son discours n’en laisse rien filtrer. Que ce soit sur sa tactique ou sur ses goûts en matière de joueur, il ne dévoile rien. Pourtant, il insiste sur le rôle des leaders. Depuis la retraite de Marc Wilmots et de Gert Verheyen au soir de l’élimination contre le Brésil, il y a quatre ans, le manque de personnalités dans le groupe revient comme une rengaine.

Vandereycken a compris qu’il disposait de leaders naturels et a montré qu’il comptait énormément sur Simons et Van Buyten. Le forfait de ce dernier pour la Slovaquie et la Turquie a d’ailleurs fortement embêté le sélectionneur.  » Cela m’ennuie pour son intégration. Je veux en faire une valeur sûre et je comptais naturellement sur ces deux rencontres amicales pour qu’il puisse prendre ses marques « . Et même si Van Buyten a eu le loisir de faire connaissance avec le noyau, il n’a pu vraiment sentir ce groupe.  » Il y a eu beaucoup de changements et je peux voir de nombreuses nouvelles têtes « , intervient Van Buyten.  » Ce renouveau ne peut être que positif et ce sera à moi d’apporter mon expérience. Cependant, je ne peux pas encore dire si ce groupe a du potentiel. Comme je me suis principalement entraîné seul, je ne suis pas en mesure d’en dire plus « .

Secret défense

Est-ce que la rencontre en Slovaquie a servi à quelque chose ? De nombreuses personnes étaient sceptiques avant même le coup d’envoi car un des principaux objectifs de ce match consistait à éclairer Vandereycken sur la complémentarité de son secteur défensif.

Trois noms ressortaient : Vermaelen, Van Buyten et Kompany. Or les trois ont déclaré forfait. L’arrière de l’Ajax souffre d’une élongation à la cuisse contractée à Sittard, la semaine passée ; le Hambourgeois se plaint de la cheville (il a repris beaucoup trop tôt à la demande de son entraîneur et a dû se gaver d’anti-inflammatoires entre Berlin et Brême) et l’Anderlechtois est touché au mollet. Aucun des trois n’était à Bratislava. Or, Vandereycken aurait bien voulu voir à l’£uvre ces joueurs dans son système ; plus aucune joute amicale n’étant prévue avant le début des éliminatoires contre le Kazakhstan le 16 août. Le coach fédéral n’a donc aucun point de repère pour son axe défensif.

STÉPHANE VANDE VELDE, ENVOYÉ SPÉCIAL EN SLOVAQUIE

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