© Pierre Danvoye

 » On adore quand il parle belge « 

On a été voir à Paris si Stéphane Pauwels était, pour les Français aussi, un phénomène de télé. Reportage dans les coulisses de la chaine L’Equipe.

« Il a un côté déconneur et des formules qui nous amusent. On adore quand il parle belge, quand il sort des expressions bizarres. Le petit vélo avec la grosse sonnette, par exemple, je ne connaissais pas. Ici, il a d’abord l’image du Belge, avec un vrai accent, mais ce n’est pas bêtement le Belge de service. Il est une vraie plus-value aussi parce qu’il connaît le foot.

Et c’est notre poil à gratter, il va toujours trouver le petit truc qui ne va pas, il fouille. Il faut ça. Si on n’avait que des gens lisses dans nos émissions, tout le monde s’ennuierait. Et puis il est capable de s’emporter à tout moment pour des trucs complètement minimes, ça aussi j’aime bien.  »

C’est Estelle Denis qui nous parle de Stéphane Pauwels. Compagne et mère des enfants de RaymondDomenech, mais pas que. Elle a un parcours XXL en télé, essentiellement dans le sport, particulièrement dans le foot. Elle est aujourd’hui la présentatrice vedette sur la chaine l’Equipe. Pour faire bref, c’est la chaîne qui fait partie du groupe dont le journal L’Equipe fait partie…

Stéphane Pauwels est notre poil à gratter, il va toujours trouver le petit truc qui ne va pas.  » Estelle Denis

Ça avait commencé sous le nom de L’Equipe TV, c’est devenu L’Equipe 21 et ça s’est finalement transformé en la chaine L’Equipe. Un gros team qui bosse au septième étage d’un énorme bâtiment parisien, à Boulogne-Billancourt exactement, où s’affairent aussi les rédactions de L’Equipe et de France Football.

Stéphane Pauwels débarque et se prend direct un
Stéphane Pauwels débarque et se prend direct un  » T’étais bourré à Sotchi ? Avoue. « © Pierre Danvoye

Cette chaîne de sport est en pleine bourre. Elle bat régulièrement la meilleure audience de son histoire, ça peut se faire avec du judo, du cyclisme, du biathlon ou de la pétanque. Et là, avec la Coupe du Monde, ça cartonne. Evidemment. Il y a des pointes à près de 400.000 téléspectateurs alors que la chaine L’Equipe n’a pas les images des matches…

 » On fait un Mondial exceptionnel, c’est génial « , poursuit Estelle Denis. Une attirance qui s’explique par la formule de ces talk-shows dynamiques, par le punch des invités. Et ça, c’est du sur-mesure pour Stéphane Pauwels – l’homme aux audiences dingues chez nous avec par exemple ses 600.000 curieux pour Les orages de la vie ou Stef fait le job.

Il bosse pour la boîte depuis l’EURO 2016 et il a clairement un ton qui plaît aux Français. On l’a suivi pendant une journée, le temps de participer à deux émissions consacrées à la Coupe du Monde.

 » Allez les gars, du rythme, engueulez-vous  »

Il débarque dans le bâtiment une petite demi-heure avant le début de L’Equipe de Russie, de la tranche 12-14 heures. Il est rentré la veille de Sotchi, il est allé voir les Diables contre le Panama, il est parti et revenu avec l’avion qui emmenait notamment des gens de la fédé. Mehdi Bayat y était. Mais aussi son oncle Abbas. Confirmé, donc : il vit toujours.

Stéphane Pauwels a été invité par un site de statistiques de foot et, depuis Sotchi, il a fait un debriefing en direct de la victoire des Belges sur la chaine L’Equipe. A sa façon, avec un déguisement étonnant, un mini-parapluie noir – jaune – rouge fixé sur la tête. Quand il entre dans le bureau de la rédaction de la chaîne, Estelle Denis lui lance :  » T’étais bourré ? Avoue.  » Réponse du Stef :  » Même pas. On s’amuse.  »

Sur un mur de ce bureau, un grand panneau avec les caricatures des animateurs et aussi des chroniqueurs. Du beau monde : Raymond Domenech, Guy Roux. Chaque jour ou presque, il y a un gros poisson en studio. JohanMicoud passe régulièrement, Paul Le Guen est aussi au casting, et le jour de notre reportage, c’est au tour de Vikash Dhorasoo et Claude Le Roy.

11h55, on entend un  » Monsieur Pauwels, vous voulez bien gentiment vous installer en plateau ?  » C’est formel, avec le vouvoiement et tout ça. Mais c’est du second degré parce qu’ici, on a plus l’impression de fréquenter une joyeuse bande de collégiens en excursion qu’un rassemblement de gens du poste qui se prennent au sérieux.

A l’animation de cette première émission : France Pierron. Dans une autre vie, elle a été journaliste pour TFC TV, la chaîne du club de foot de Toulouse, et elle était speakerine les soirs de match. Sur le coup de 13 heures, elle profite d’une interruption publicitaire pour relancer sa petite troupe :  » Une heure d’émission, les gars. Allez, du rythme, de la vivacité. Engueulez-vous, c’est bien.  » Bon résumé de l’état d’esprit.

 » Kompany ? Moi, je l’appelle Toutânkhamon  »

Entre les deux émissions où Stéphane Pauwels est booké, il y a le match Portugal – Maroc, le quatrième but de Cristiano Ronaldo et l’élimination – déjà – des Marocains. Claude Le Roy est là, il est prévu sur le plateau de La grande soirée, de 17 à 18h50. Il essaie plusieurs fois d’appeler HervéRenard, l’entraîneur du Maroc.

Estelle Denis :
Estelle Denis :  » Le petit vélo avec la grosse sonnette, je ne connaissais pas. « © pierre danvoye

 » Il ne décroche pas. Si ça tourne un peu pour lui, il a six points après les deux matches. Là, il rentre à la maison. Ça va être terrible au Maroc. Je suis déprimé par ce truc.  » Renard et Le Roy : deux Français qui multiplient les expériences d’entraîneur en Afrique. Claude Le Roy a coaché le Cameroun (victoire finale à la CAN en 1988), le Sénégal, le Congo, le Ghana. Il est aujourd’hui au Togo.

 » J’ai 70 ans mais je n’arrive pas à arrêter, c’est terrible. Et dire que quand je jouais, quand j’avais un entraîneur de 50 balais, je me disais : Qu’est-ce qu’il me veut ce vieux con ?  » En attendant de s’installer en studio pour La grande soirée, Stéphane Pauwels et Claude Le Roy discutent de tout, de rien mais surtout de foot. Le Breton est le seul habitué des émissions de la chaîne L’Equipe que le Mouscronnois ne tutoie jamais.

Impossible pour moi de tutoyer Claude Le Roy. Mon respect pour lui est trop énorme.  » Stéphane Pauwels

 » Mon respect pour lui est trop énorme, c’est toujours vous.  » On enregistre leur ping-pong informel et il y a quelques échanges qui valent le détour, surtout quand ils attaquent les thèmes des Diables et des Bleus. Extraits. C’est savoureux. Estelle Denis nous a dit qu’elle cherchait des consultants  » anti-langue de bois « , on est bien servi ici.

Pauwels :  » Notre défense va déguster si on tombe contre les Sénégalais en huitièmes. Eux, ils vont vite. Le Sénégal, c’est pas le Panama avec son défenseur central de 127 kilos. On a gagné 3-0 contre l’équipe la plus faible du tournoi. Si on se retrouve contre le duo KaraKoulibaly, on ne va pas rigoler. On les connaît bien en Belgique, c’est costaud.  »

Le Roy :  » Vertonghen, il a du mal, je trouve. Au fait, il en est où, Kompany ? Moi, je l’appelle Toutânkhamon. Et Meunier, ça m’étonne qu’il n’ait pas plus joué au PSG. Parce que Dani Alves, je cours aussi vite que lui. Un que j’aime bien, c’est Mertens. Il a une bonne tronche lui.  »

 » Thierry Henry, il fait quoi chez vous ?  »

Après ça, c’est le sujet Thierry Henry qui s’invite.

Le Roy :  » Qu’est-ce qu’il fait, Henry ? J’ai un peu de mal avec lui.  »

Pauwels :  » Il ne s’exprime pas. C’est Dieu.  »

Le Roy :  » Oh, Dieu, dans le foot… Je le revois arriver à l’aéroport au retour du Mondial en Afrique du Sud. Il est directement monté dans une limousine qui l’attendait sur le tarmac et il a filé à l’Elysée. Déjà, je ne suis pas objectif parce que je n’aime pas Sarko… Mais là, j’étais scié et je ne me suis pas privé de lui en parler. On a eu une longue discussion, je travaillais pour Canal, je lui ai dit qu’il était censé être le leader du groupe et qu’il aurait dû intervenir dans l’affaire de la grève et du bus. Et puis, à l’aéroport, il plante ses copains pour aller chez le président. Nos rapports se sont un peu distendus après ça.  »

Discussions animées sur le Deschamps bashing et l'affaire Griezmann, sur le plateau de France Pierron.
Discussions animées sur le Deschamps bashing et l’affaire Griezmann, sur le plateau de France Pierron.© Pierre Danvoye

Pauwels :  » Pendant le match de gala avec l’équipe de France 98, juste avant le début de la Coupe du Monde, tous les anciens Bleus ont joué le jeu et ont parlé. Quand le commentateur a interrogé Henry sur l’équipe belge, il a répondu : Je n’en parle pas.  »

Le Roy :  » Il n’est pas très attachant…  »

Pauwels :  » Mais il fait peut-être du bon boulot.  »

Le Roy :  » Mais il fait quoi ?  »

Pauwels : » Avant le match à Sotchi, il faisait un toro avec les réservistes. Il était en survêtement. Mais avant, il était en costume.  »

Le Roy :  » Ça me ferait drôle de voir un de mes adjoints en costard. Par contre, Martinez, je l’aime bien. Quand j’entraînais l’équipe nationale d’Oman, j’avais un gardien qui jouait à Wigan. Martinez était entraîneur là-bas. Un jour, je suis allé voir Wigan – Chelsea, ils se sont pris un 0-6, ils auraient pu en prendre dix. Après le match, je me suis dit que ce n’était pas le bon moment pour aller parler de mon gardien à Martinez. Mais dès qu’il m’a aperçu, il m’a invité dans son bureau et on a discuté pendant une heure.  »

Les deux chroniqueurs enchaînent sur le Deschamps bashing du moment.

Pauwels :  » C’est quand même incroyable l’agressivité qu’il y a ici par rapport à DD, non ?  »

Le Roy :  » Moi, je l’ai toujours défendu. Ce que je ne supporte pas, c’est qu’on dise qu’il n’a pas d’idées, qu’on le traite maintenant de girouette parce qu’il fait des changements de système et de joueurs. Et puis, qu’on parle comme ça de l’arrivée de Zizou pour le remplacer…  »

 » Arrêtez avec Griezmann, vous avez connu le bus à Knysna, c’était autre chose  »

Pendant la première émission de la journée où Stef est présent, on assiste en direct à l’arrivée de l’avion des Bleus à Ekaterinbourg. France Pierron revient sur les tergiversations de Deschamps. On est encore dans le mini-traumatisme qui a suivi la victoire poussive contre l’Australie.

 » La compo va encore changer contre le Pérou, vous comprenez ?  » Autre thème franco-français :  » Et la saga Griezmann, ça ne vous a pas agacés ?  » Elle fait allusion à tout le tralala autour de sa prolongation à l’Atlético. Stéphane Pauwels dégaine en premier :  » Mais non, ça ne m’agace pas. Griezmann, c’est votre star. Il dégage beaucoup d’empathie, c’est pas un footballeur gros con, les jeunes l’adorent, c’est normal qu’on parle beaucoup de lui.  »

Un invité réplique :  » Mais l’Atlético qui vient faire des photos de sa prolongation à l’hôtel des Bleus, c’est quoi ça ? Vous trouvez ça normal ? On est à la Coupe du Monde quand même. « 

Pauwels :  » Mais je te répète qu’il faut comprendre toute cette agitation. Griezmann, il est assez beau gosse, il est sympa, il est marié, il a un enfant. Vous avez quand même connu autre chose en France, non ? Le bus à Knysna, ça vous dit quelque chose ?  »

L’invité :  » Si un Pogba ou un Benzema fait un spectacle pareil avec une prolongation de contrat, on le démonte. J’adore Griezmann, mais tout beau gosse qu’il est, avec ses beaux yeux bleus, quand il fait des conneries, on ne doit pas le défendre.  »

L’autre invité :  » Il paraît que le debriefing du match contre l’Australie a été animé. Apparemment, les consignes de Deschamps n’auraient pas été bien comprises.  »

Pauwels :  » Mais foutez la paix à DD.  » Pas d’unanimité en plateau. Comme souvent.

 » On choisit volontairement des personnes qui viennent de moules très différents « , analyse Estelle Denis.  » Elles sont différentes en âge, en expérience, dans ce qu’elles font en dehors de la télé. Cette diversité fait la force de nos émissions. C’est aussi grâce à ça qu’on ne s’ennuie pas. « 

Claude Le Roy a laissé sa langue de bois en Afrique.  Il balance : Kompany, Henry, Zizou et même Sarko.
Claude Le Roy a laissé sa langue de bois en Afrique. Il balance : Kompany, Henry, Zizou et même Sarko.© Pierre Danvoye

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