» On a cru que le Standard était devenu le Real « 

Originaires d’un club formateur de Montevideo, parachutés très jeunes dans le Calcio et arrivés au Standard pour se relancer, les deux Uruguayens ont suivi une trajectoire similaire.

L’arrivée de Gonzalo Sorondo, qui évoluera devant lui au centre de la défense, est-elle de nature à rassurer Fabian Carini ? Ce n’est pas apparu d’emblée contre La Louvière, mais accordons-leur un peu de crédit. Les deux hommes, qui étaient rivaux dans le championnat d’Uruguay, sont des amis dans la vie. Agés tous les deux de 23 ans, ils ont suivi des trajectoires similaires. Originaires respectivement de Danubio et Defensor, deux clubs formateurs de Montevideo qui évoluent dans le sillage immédiat des ténors Penarol et Nacional, ils sont partis très jeunes dans une formation italienne de pointe, avant de saisir la perche tendue par le Standard pour se relancer.

Deux semaines après Emile Mpenza et Micky Mumlek, Gonzalo Sorondo a donc été à son tour lancé dans le bain face à La Louvière. Comment qualifier sa prestation ? De… sobre, dirons-nous. Il n’a pas commis de grosse erreur, mais n’a pas brillé outre mesure non plus. De prime abord, il est apparu solide et costaud, mais aussi assez lent. La vivacité des attaquants louviérois l’a parfois mis en difficultés et il a dû avoir recours aux fautes pour s’en sortir. Il a surtout, et c’est tout à fait logique, semblé chercher ses marques au sein d’une équipe et d’un championnat de Belgique qu’il découvre. En manque de repères et d’automatismes, il s’est contenté de demeurer sur sa position, côté droit dans l’axe de la défense, et d’effectuer son travail défensif. Lorsqu’il était en possession du ballon, il a parfois cherché à alerter un équipier de l’entrejeu, mais ne l’a pas trouvé et a donc balancé le cuir vers l’avant, tombant déjà dans les travers de ses nouveaux partenaires. Il devra être revu, lorsque son adaptation sera parfaite et qu’il pourra évoluer au sein d’une formation en confiance.

Quant à son compatriote Fabian Carini, il poursuit sa série de prestations moyennes. Le premier but louviérois résulte d’un problème de communication avec Gonzague Vandooren, qui intervient alors que son gardien s’apprêtait à le faire. Peter Odemwingie était à l’affût. On ne peut rien reprocher au portier uruguayen sur le second but, mais il n’a pas réalisé non plus d’arrêt déterminant au cours de la rencontre.

Pourquoi avez-vous choisi le Standard ?

Sorondo : Mon horizon était bouché en Italie. Un footballeur n’est jamais heureux lorsqu’il ne joue pas. Je souhaitais trouver une équipe où je serais régulièrement aligné. Lorsque le Standard s’est manifesté, je n’ai pas hésité. Le présence de Fabian constitue un plus, mais ce n’est pas uniquement cela qui a influencé mon choix.

Que pensez-vous pouvoir apporter à cette équipe ?

Sorondo : Je vous laisse le soin de juger mes prestations sur le terrain. J’ai été introduit dans l’équipe à un moment où celle-ci traverse une période difficile. J’espère pouvoir l’aider à retrouver le chemin de la victoire.

Patience, il faut s’adapter !

Fabian, quelles sont les principales qualités de Gonzalo ?

Carini : Il est grand, sûr, appliqué. Il rassure sa défense, s’impose dans les duels aériens et est capable d’émerger aussi bien défensivement qu’offensivement.

Gonzalo, quel est le point fort de Fabian ?

Sorondo : Les penalties !

Avez-vous un truc, Fabian ?

Carini : Pas vraiment. Le gardien peut influencer le tireur, mais après, c’est une question de chance : le ballon peut entrer ou sortir.

Fabian, après une année, vous avez appris à connaître le Standard. Comment expliquez-vous qu’après un bon début de championnat, l’équipe soit déjà retombée dans ses travers ?

Carini : Une saison est faite de hauts et de bas : on gagne trois matches, puis on en perd trois. Cela arrive. Le problème, c’est qu’après trois victoires d’affilée, le public pense que le Standard est devenu le Real Madrid. Il faut garder une juste mesure. Autant il ne fallait pas s’enflammer après trois victoires, autant il n’y a aucune raison de tomber aujourd’hui dans le pessimisme le plus noir. Au Standard, il n’y a pas de Maradona ou de Ronaldo. Le redressement passera donc par le groupe.

Théoriquement, le Standard aurait dû être plus fort avec l’arrivée de trois renforts, à la fin août. Or, c’est tout le contraire qui se produit…

Carini : Ce n’est pas illogique. Lorsque le Real Madrid a engagé Zinedine Zidane, il n’a pas non plus trouvé la bonne carburation tout de suite. Une période d’adaptation avait été nécessaire. C’est pareil pour le Standard : il faut laisser le temps aux nouveaux arrivants de s’intégrer. Cela durera un mois, deux mois, trois mois, je l’ignore. Les joueurs qui ont débarqué ne connaissent pas tous le français, ne sont pas encore tous familiarisés avec le championnat de Belgique. Un peu de patience est nécessaire. Qualitativement, nous sommes meilleurs. Et le noyau élargi offrira davantage de possibilités à l’entraîneur.

L’arrivée de nouveaux joueurs a-t-elle pu perturber le groupe existant ?

Carini : Il faut passer au-dessus de ces considérations. La concurrence fait partie du football. Si l’on perd sa place, il faut redoubler d’ardeur à l’entraînement afin de regagner la confiance de l’entraîneur. Le Standard a l’ambition de se mêler aux meilleurs. Par conséquent, lorsque l’opportunité lui est offerte d’engager de bons joueurs, il est normal qu’il la saisisse.

Que vous est-il arrivé au Cercle Bruges ?

Carini : Je suis coupable sur le premier but, c’est clair, mais ce sont des choses qui arrivent. Le gardien est le dernier rempart, et lorsqu’il commet une erreur, il n’y a personne pour la réparer. Je ne reproche aucunement aux défenseurs de m’adresser des passes en retrait dans des conditions parfois difficiles. Je fais partie du jeu et je dois être capable de servir de point de relais. J’assume. La prochaine fois, j’essayerai peut-être de dégager au plus pressé, mais je ne me tourmente pas.

En Uruguay, on est précoce

Vous avez entrepris de suivre des cours de français. Est-ce un pas vers une meilleure intégration ?

Carini : Personnellement, je peux dire que je suis déjà intégré. Mais c’est toujours intéressant d’apprendre une autre langue.

Sorondo : Je dois toutefois avouer que l’apprentissage du français est difficile. En espagnol et en italien, les mots se prononcent comme ils s’écrivent. C’est loin d’être le cas dans la langue de Voltaire.

Avez-vous déjà trouvé vos repères dans la Cité Ardente ?

Carini : Liège n’est pas très grand, c’est facile de s’y repérer. Je m’y suis senti à l’aise tout de suite. Aujourd’hui, je sers un peu de guide à Gonzalo. Il s’habituera très vite. Nous avons toujours vécu en ville. Montevideo n’a rien d’une métropole tentaculaire, mais la capitale de mon pays compte tout de même 1,5 million d’habitants, pour 3,5 en Uruguay.

Vous vous connaissiez avant d’aboutir au Standard ?

Carini : Bien sûr. Nous n’avons pas joué dans le même club en Uruguay, mais nous étions partenaires en équipe nationale, depuis les catégories d’âge. Nous avons lié des liens d’amitié à travers les sélections, et lorsque nous avons traversé l’Atlantique pour venir jouer en Europe, nous sommes toujours restés en contacts. J’avais expliqué à Gonzalo que, s’il ne trouvait pas d’équipe, le Standard serait un bon point de chute pour lui car il y recevrait sa chance. Je n’ai pas cherché à l’influencer : il est assez grand pour prendre une décision tout seul. Mais je ne me plaindrai certainement pas du fait qu’il m’ait rejoint à Sclessin.

Sorondo : A deux, c’est plus facile, et le fait de retrouver un compatriote et ami au Standard facilitera à coup sûr mon intégration.

Vos carrières respectives ont épousé des trajectoires fort similaires jusqu’ici…

Sorondo : Effectivement, sauf que Fabian a tenté l’aventure européenne plus tôt. Mais on peut comparer son club d’origine, Danubio, au mien, Defensor. Ce sont deux clubs de Montevideo qui accordent une grande importance à la formation des jeunes, et qui terminent généralement dans le sillage de Penarol et du Nacional, les deux ténors traditionnels. L’affrontement entre les deux équipes constitue un classique du championnat uruguayen. La rivalité entre Danubio et Defensor s’est surtout développée au niveau des catégories inférieures. Les deux clubs dominent les championnats de jeunes et s’arrachent les plus belles promesses du pays.

Vous avez tous les deux débuté très jeunes en D1…

Sorondo : Oui, j’avais 18 ans.

Carini : Et moi, 17. Cela peut surprendre en Europe, à fortiori dans le chef d’un gardien, mais en Uruguay c’est habituel. C’est un pays qui exporte énormément de joueurs. Par conséquent, les places en équipe Première se libèrent très vite. Il n’est pas rare qu’on débute au plus haut niveau national à 16 ou 17 ans, pour partir à l’étranger trois saisons plus tard. J’avais 20 ans lorsque je suis parti à la Juventus.

Sorondo : J’en avais 21 lorsque j’ai signé à l’Inter.

Comment expliquez-vous qu’on puisse passer directement du subtop uruguayen au top italien ?

Carini : C’est une question de managers. Un bon manager, qui a de bons contacts, peut présenter ses joueurs à de grands clubs. Après, la qualité du joueur fait le reste. L’Uruguay a toujours formé de bons jeunes. Les managers savent qu’il s’agit d’un formidable vivier et n’hésitent pas à venir y puiser. Les apparitions en équipe nationale permettent aux joueurs de bénéficier d’une vitrine très intéressante. J’ai eu la chance de débuter dans la sélection céleste dès l’âge de 19 ans.

Sorondo : Un match international a joué un rôle décisif dans mon transfert. En 2001, dans le cadre des éliminatoires de la Coupe du Monde asiatique, l’Uruguay a battu le Brésil 1-0. A l’exception de Ronaldo, tous les grands attaquants brésiliens étaient présents. Ma prestation face à Romario et Rivaldo a sans doute impressionné les observateurs. Un mois plus tard, je me retrouvais à l’Inter.

La pression existe partout

La différence avec votre club d’origine a dû être brutale ?

Sorondo : C’est sûr, Defensor et Danubio n’ont rien de comparable avec l’Inter et la Juventus. En débarquant en Italie, on est impressionné par le stade, le complexe d’entraînement, l’organisation du club. Les relations entre joueurs sont aussi beaucoup plus professionnelles. En Uruguay, elles étaient plus amicales. La pression des résultats est énorme, mais on la connaissait déjà dans notre pays. Le football est un sport où l’on n’autorise pas la défaite. La grosse différence, c’est qu’on joue devant 70.000 spectateurs en Italie.

Carini : A Danubio, s’il y en avait 4.000, c’était beaucoup. Mais cela ne change rien à l’obligation de gagner. Qu’ils soient 4.000, 10.000 ou 70.000 : après une défaite, les supporters vous attendent à la sortie pour vous faire un sort. C’est pareil en Uruguay, en Italie, en Belgique ou… en Mongolie.

Aucun de vous n’a beaucoup joué en Italie…

Sorondo : J’ai reçu très peu d’opportunités de prouver ma valeur, en effet. En deux ans en Lombardie, j’ai joué 13 matches : 12 en championnat en un en coupe. Aucun en compétition européenne. L’Inter est un grand club et la concurrence est sévère.

Carini : Pour ma part, j’ai eu la chance de jouer deux matches de Coupe d’Europe avec la Juventus, contre Arsenal et le Celtic. Et d’autres matches de Coupe d’Italie. Mais c’est peu, j’en conviens.

Avec le recul, n’auriez-vous pas préféré passer par une étape intermédiaire, dans un club moyen du Calcio ?

Sorondo : C’eût probablement été plus facile : la pression aurait été moins grande. Mais je n’ai aucun regret : c’est bien d’avoir connu l’Inter. Ce fut une bonne expérience, j’al beaucoup appris au contact de tous ces grands joueurs. Lors de ma première saison, j’étais d’ailleurs convoqué assez régulièrement en équipe Première. Par la suite, le club a acheté trois nouveaux défenseurs et j’ai moins eu voix au chapitre.

Carini : Je ne regrette pas davantage d’être passé par la Juventus. Lorsqu’un club pareil vous demande, vous n’allez tout de même pas répondre : non, merci ? A de multiples reprises, il a été question de me céder à un club plus modeste, pour me faire jouer, mais la décision ne dépendait pas uniquement de moi. Il fallait que les deux clubs soient d’accord, et mon agent également. Je suis toujours les conseils de mon agent : s’il me demande de retourner en Uruguay, je le fais.

 » Je suis toujours les conseils de mon agent : s’il me demande de retourner en Uruguay, je le fais  » (Fabian Carini)

 » Je vous laisse le soin de juger mes prestations sur le terrain  » (Gonzalo Sorondo)

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