OMELETTE norvégienne

L’ex-coach du Club Bruges et ses assistants préparent le début de saison de l’Olympiakos du Pirée. Le Norvégien va-t-il réussir chez les Grecs sans casser d’oufs ?

Les étoiles des constellations brillent au-dessus d’Athènes et reflètent les lumières de la ville qui scintillent par milliers dans la nuit. Le dernier bateau en provenance de l’une des îles grecques accoste au Pirée, le port qui fait battre le c£ur de la capitale hellène. C’est là, dans ces faubourgs surpeuplés, que se situe le stade de l’Olympiakos du Pirée. Trond Sollied et ses assistants Chris Van Puyvelde et Cedomir Janevski, venus avec lui de Bruges, y sont au travail depuis le mois de juillet.

En attendant de pouvoir prendre possession de sa villa, l’entraîneur norvégien loge à l’hôtel Marriott Ledra. Nous le rencontrons sur le toit de l’hôtel, une terrasse avec vue sur l’Acropole. Nous sommes entourés de quelques fat Americans, qui profitent de la piscine.

Lorsque nous lui demandons des explications quant à la saga de son départ de Bruges, Sollied nous répond par une métaphore, un art qu’il consomme volontiers, sans modération :  » Avant d’avoir mis le pied sur la lune, on ne plante pas le drapeau mais le temps me donnera raison « . Il affirme qu’avoir expliqué son départ à l’aide de deux enregistrements vidéo n’était pas une erreur.  » Il faut voir ces films comme quelque chose qui n’a rien à voir avec mon départ. J’ai enregistré cette vidéo pour aider une petite société. Mais n’appelle jamais ces gens mes amis, car des amis ne font pas des choses pareilles. D’ailleurs, j’ai rectifié le tir et ce film n’a jamais été montré à la TV. Ce n’est pas moi qui ai quitté le Club Bruges. Donc je n’ai pas tellement de choses à expliquer. Je trouve juste dommage de ne pas avoir pu prendre congé de mes ex-joueurs d’une manière digne de ce nom. Mais je porte toujours Bruges dans mon c£ur, car j’ai rencontré et appris à connaître des gens fantastiques là-bas et j’y ai vécu cinq belles années « .

Selon les rumeurs, la direction brugeoise exigerait du Norvégien 375.000 euros en dédommagement pour son départ soudain. Michel D’Hooghe a même porté le dossier en justice.  » Si vous multipliez cette somme par trois, vous serez plus proche de la réalité. Mais la réalité est bien plus amusante que toutes ces histoires. Nous n’avons pas encore fixé d’exigences par rapport à Bruges. Je ne peux pas être plus concret pour l’instant, mais peut-être ce jeudi. Je ne suis pas pressé, par contre je trouve qu’eux le sont un peu trop : ils ont réagi de manière émotionnelle. Pourquoi ne m’ont-ils pas demandé de venir à Bruges pour clarifier la situation ? Je ne comprends pas qu’ils aient si rapidement porté l’affaire devant les tribunaux. J’étais en vacances et trois équipes m’ont contacté. J’en ai informé le Club Bruges, donc qu’ils ne viennent pas avec leur bullshit de soi-disant gentlemen’s agreement qu’ils ont utilisé comme excuse alors qu’ils négociaient déjà avec Jan Ceulemans, au cas où je quitterais le club. Je le sais parce que Jan était avec Marc Degryse et Michel D’Hooghe lorsqu’ils ont téléphoné à un joueur en Crète pour obtenir des nouvelles à mon sujet. Le hasard a voulu que je sois en compagnie de ce joueur à ce moment-là ! Je n’ai absolument aucun problème sur le fond : que Bruges ait recherché une solution de rechange, OK. C’est logique car je ne serais de toute façon pas resté plus de six ans. Je ne voulais pas devenir comme Guy Roux à Auxerre, hein ! Mais les choses ont évolué autrement. Quand autant de clubs te contactent sans que tu sois demandeur, tu commences à te poser certaines questions. S’ils avaient vraiment voulu un deal à Bruges, je serais resté. Je ne suis vraiment pas méchant. Le problème, c’est que les joueurs peuvent partir gratuitement, alors pourquoi les coaches devraient-ils payer ? Où est la logique ? D’Hooghe est le père de l’arrêt Bosman : lorsqu’il était président de la fédération belge, la révolution a commencé en Belgique et à présent elle finit en Belgique. Comment peut-on laisser par exemple Peter Van der Heyden et d’autres joueurs se retrouver en fin de contrat ? Ils auraient pu toucher de l’argent pour lui…  »

Toujours vers l’avant

D’Hooghe a toujours qualifié la relation qu’il entretenait avec Trond Sollied de professionnelle. Le Norvégien confirme :  » C’est normal, vu notre différence d’âge nous ne fréquentions pas vraiment les mêmes endroits et les mêmes personnes en dehors de mon boulot au Club « .

Lorsqu’on lui demande si on a quelque part cherché à le pousser vers la porte de sortie, il relativise :  » Non, sauf si on se remémore l’an dernier, des petites choses ont commencé à sortir dans la presse. Je suis par exemple le seul dont les données salariales ont été divulguées par le club vers l’extérieur. Why me ? »

Quant à ses relations avec Marc Degryse, Sollied avait affirmé, lors de la nomination du lutin d’Ardooie comme directeur sportif à Bruges, qu’on ne pouvait du jour au lendemain passer de joueur à une telle fonction en une étape. Degryse a-t-il prouvé aux yeux du Norvégien qu’il s’était trompé ?  » Non, qu’a-t-il démontré pour l’instant ? Ce n’est que dans trois ans au minimum que l’on fera le bilan. Comme on peut le faire avec Antoine Vanhove après des années de bons et loyaux services. Si Marc est capable de fournir des états de service comparables, il aura fait du bon boulot. Quant à ma relation avec Marc, elle était très bonne. Je n’ai jamais eu de problème avec lui ni lui avec moi. Marc a la même vision que moi du football : il veut gagner « .

La différence se situe-t-elle dès lors dans le choix de joueurs aux profils différents ?  » Il faut le demander à Marc Degryse. J’aime DiegoMaradona, Pelé, Franz Beckenbauer, Roberto Carlos… Le jeu doit aller vers l’avant. Sinon on ne joue jamais au foot, on le voit au coup d’envoi de chaque match. Si le ballon ne va pas vers l’avant, on ne peut pas commencer la partie. La possession de balle est inutile si elle n’a pas un objectif « .

Certains avaient aussi évoqué une certaine lassitude par rapport aux entraînements et au système de jeu prôné par Sollied.  » Aucun joueur ne s’est plaint directement chez moi. Je pense avoir eu de bons moments avec eux. Ceux qui sont restés ou ceux qui découvriront d’autres clubs se rendront bien compte combien c’était agréable. Les plaintes proviennent plus souvent de la presse que des joueurs. Lorsqu’il n’y a rien à écrire, le journaliste va voir un joueur mécontent et n’a qu’à lui glisser les commentaires négatifs dans la bouche. I know it.  »

Mais alors, Monsieur Sollied, est-ce que la critique n’a pas de sens ?  » Reconnaître ses erreurs est très facile mais ce n’est quand même pas à un journaliste que je dois raconter mes erreurs ? En général, ma manière de gérer un groupe consiste à prendre seul toutes les décisions, mais ceux qui travaillent avec moi peuvent tous les jours influencer mes choix. Les gens veulent voir de l’action. Comment expliquez-vous que la moyenne des spectateurs au stade Jan Breydel soit passée de dix mille à presque un stade comble à chaque match ? Et combien de buts le Club n’a-t-il pas marqué ? Je ne dis pas que nous avons déployé un foot de rêve à chaque match mais nous nous sommes toujours créé des occasions et normalement nous marquions régulièrement. C’est ainsi que je vois les choses. Moi je ne peux pas garantir que nous jouions bien chaque fois. Il n’y a pas que des jours de fête en football. Nous avons parfois connu des hauts et des bas, mais nous nous sommes toujours maintenus à flot « .

Un noyau pléthorique

Retour aux nouvelles ambitions de Sollied dans son club grec. Comment voit-il ce changement ?  » C’est un défi énorme, le plus important de ma carrière jusqu’à présent, car il s’agit d’un grand club. Pour l’instant, le groupe de joueurs est trop fourni : 34 ou 35 éléments, c’est trop. Je vais donc devoir prendre des mesures pas plaisantes pour tout le monde. J’ignore encore si je pourrai aligner mon équipe en 4-3-3 comme à Bruges car j’ai des footballeurs d’un autre type sous mes ordres. Par contre, je ne me départirai pas des principes qui ont toujours été le fondement de mon travail, tant en Norvège qu’en Belgique. Les footballeurs sont plus techniques ici mais je dois leur apprendre la reconversion rapide en perte de balle. Nous y travaillons mais cela prendra du temps. Jusqu’à présent, je me suis concentré sur les qualités individuelles de chaque personne afin de cerner leur mentalité. Pour l’instant, ce que j’ai vu est prometteur. Les joueurs se donnent à fond. L’influence de la presse, par contre, est énorme ici. Le club et moi-même avons donc besoin d’un attaché de presse costaud, qui puisse me dire ceux en qui je peux avoir confiance ou pas. Je dois me protéger, être trop ouvert sur l’extérieur n’est pas bon ici. Une phrase même anodine et réfléchie peut prendre une toute autre tournure. C’est pour cela que je serai prudent, juste un peu de blabla et puis je suis parti ! C’est étrange mais je vais devoir m’y faire. En Belgique, je disais les choses comme moi je les voyais « .

Le camp d’entraînement de l’Olympiakos est noyé sous le soleil et Trond Sollied rompt la canicule par un cri de temps à autre, une explication et puis action ! Ce club au riche passé a atteint l’an dernier la Ligue des Champions tant en volley qu’en basket ou en water-polo. Le président Socrates Kokkalis, un homme d’affaires qui possède près de 400 sociétés, est très ambitieux et souhaite à présent atteindre la Ligue des Champions en football aussi. Les environs du camp d’entraînement ressemblent à des terrains industriels abandonnés mais c’est normal : Kokkalis a acheté tous les terrains avoisinants pour préserver un certain calme autour de son club. Le complexe est surveillé et aucun spectateur ou journaliste ne rentre, sauf sur autorisation de Sollied. Nicolas Simakos, assistant manager du club, nous guide dans des installations où rien ne manque. Douze jeunes résident ici en permanence et, la veille des matches, l’équipe Première profite de l’accommodation hôtelière sur place : vingt chambres, des espaces de physiothérapie, un centre ergométrique, un centre médical, sauna, hammam, piscine, fitness.  » Ce fauteuil est un des meilleurs d’Europe « , nous dit-il.  » Je crois même qu’il peut faire le café !  »

La semaine passée, Sollied était privé de tous les internationaux appelés en sélection. Ces derniers temps, l’équipe a disputé pas mal de matches amicaux un peu partout en Europe : en Allemagne, en Espagne, etc. La vedette de l’équipe est évidemment Rivaldo (ex-AC Milan et Barcelone) qui nous accorde quelques mots en quittant le complexe d’entraînement. Le gardien Erwin Lemmens, que Sollied a fait venir, nous sert d’interprète vu sa bonne maîtrise de l’espagnol acquise en Liga.  » Il est un peu tôt pour se prononcer mais je suis très satisfait pour l’instant. Les méthodes de travail de Sollied me font penser à celles que Wanderley Luxemburgo dispense pour l’instant au Real Madrid. Je veux dire par là que chaque entraînement a un objectif. Nous n’avons pas encore vraiment discuté de ses attentes par rapport à mon rôle, mais je sens que le style de jeu sera différent de celui pratiqué l’an dernier « . Ce à quoi Rivaldo ajoute qu’il n’est pas dans ses intentions de cirer le banc comme l’an dernier.  » La saison dernière, je n’étais pas satisfait et le jeu déployé n’était pas bon, mais j’espère que nous passerons le cap de la Ligue des Champions « .

Derby face au Pana

L’Olympiakos dispute un match amical contre une équipe du ventre mou, Kallithea. Résultat : 4-2 mais il ne faut pas chercher davantage derrière ce match qu’une préparation physique et la présentation au public de deux nouveaux joueurs : HarunaBabangida et Dani. Les hyènes de la presse grecque – Athènes en tête avec ses treize journaux sportifs – apprécient modérément mais font tout pour faire mousser les lecteurs par le biais d’infos payées ou non à des intermédiaires dans les clubs. Les joueurs passent par la zone mixte vers le bus. Une question par-ci, une réponse par-là. Les comptes rendus sont dictés dans les gsm, les notes sont retranscrites. Et pourtant, il ne s’agit que d’une rencontre de préparation avec une demi-équipe B. Mais le football coule dans les veines des journalistes comme dans celles des supporters. La saison dernière, le club a dû disputer sept matches dans un stade vide et cette saison les trois premières rencontres seront aussi sans spectateurs. Le championnat commencera par un derby athénien contre les rivaux du Panathinaïkos.

Un journaliste demande à Sollied ce qu’il pense d’un derby.  » Un derby vit sa propre vie. Rien n’est connu à l’avance « , répond le taciturne Norvégien. Le bus démarre et les environs du stade se vident…

Raoul De Groote

 » Si BRUGES avait vraiment voulu UN DEAL, JE SERAIS RESTé  »

 » Je dois me protéger, être TROP OUVERT VERS L’EXTéRIEUR n’est pas bon ici  »

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