» Olivia a tout déclenché « 

Dans son livre qui vient de paraître*, le père des jumeaux Kevin et Jonathan explique le rôle joué par leur sour dans les succès de cette famille de sprinters.

Les 11s39 qu’ Olivia réalisa à La Chaux-de-Fonds le 14 août 2007, soit la deuxième meilleure performance belge de tous les temps sur 100 mètres, mais aussi la médaille de bronze qu’elle ramena des Mondiaux d’Osaka un an avant les Jeux produisirent un effet dynamisant sur Kevin et Jonathan. Ils se posèrent alors une question toute simple : -Pourquoi pas nous ?

Bien sûr, ils étaient ravis pour leur s£ur, mais la joie qu’ils éprouvaient pour elle s’exprima bientôt dans un contexte d’émulation réciproque.

Cela tombait bien : les Jeux Olympiques approchaient. L’objectif que nous nous mîmes en tête d’atteindre tous ensemble se résuma, si j’ose dire, à ceci : partir à quatre à Pékin. L’idée commença à prendre corps fin 2007.

D’ailleurs, la carte de v£ux que nous envoyons pour la Nouvelle Année voit mes enfants posant au-dessus d’un petit texte qui annonce clairement nos intentions : Rendez-vous le 8-8-2008… la date d’ouverture des Jeux Olympiques. Même si le fait, en tant que tel, n’est pas banal, emmener trois de mes gosses à Pékin ne pouvait pas s’apparenter à un aboutissement. Encore fallait-il que notre présence, en Chine, soit couronnée de réussite. Et elle le fut ! J’admets volontiers, en toute objectivité, que la situation aurait pu être plus délicate, plus complexe pour moi si l’un des membres de la fratrie avait perdu pied.

Pour un père, il n’est pas toujours commode de faire la part des choses entre l’échec que vit l’un de ses enfants et la réussite qui sourit à l’autre. On se retrouve dans une position inconfortable, entre l’écorce et l’arbre. On vit des sentiments partagés. C’est assez ardu à gérer. Par bonheur, cela ne s’est pas produit à Pékin. Mes enfants font tomber quatre records de Belgique et Olivia est médaillée d’argent avec le relais féminin. Malgré le recul, en dépit des mois qui se sont écoulés et du fait que nous sommes allés, depuis, vers autre chose, j’ai toujours du mal à réaliser ce qui s’est passé aux Jeux.

C’est de la fierté, un bonheur précieux. Quand je me remémore ce que mes enfants ont fait en Chine, quand je prends la peine d’analyser leurs courses, je décolle littéralement du sol. C’est incroyable comme sensation.

C’est plus que de la plénitude. Je n’ai pas de mots pour traduire ça. Ce sont des instants d’extase inimaginables. Voir ce que ses propres mômes ont été capables de faire dans des circonstances aussi délicates, face à une telle concurrence, écrasés par le poids d’une pression surhumaine… Non ! Je n’ai pas de mots pour ça. (…) En atterrissant à Pékin, je les avais rassérénés : dans un mode de fonctionnement aussi complexe que le système belgo-belge et compte tenu de toutes les difficultés que vous avez rencontrées pour arriver où vous en êtes aujourd’hui, il n’était pas possible de faire plus. Donc, allez-y ! Lâchez-vous ! Faites-vous plaisir ! Vivez pleinement ces instants uniques que les Jeux représentent. Et puis, on verra… Je n’aspirais plus qu’à une chose : que mon discours porte ses fruits !

Olivia doit remplacer Kim Gevaert

Le challenge qui attend Olivia consiste à prendre la succession de Kim Gevaert. Cette tâche lui incombe naturellement. C’est un défi énorme. Je suis certain qu’elle le relèvera. En ce qui me concerne, j’ai toujours énormément apprécié Kim. Pour ses qualités humaines, d’abord : il s’agit vraiment de quelqu’un de droit, de correct.

Kim est une fille adorable, curieuse par nature et qui, à ce titre, affiche une large ouverture d’esprit. C’est ce qui l’a amenée à prendre des engagements orientés vers l’Afrique par l’entremise de plusieurs organisations non gouvernementales. Celles-ci n’ont qu’à se louer de sa présence à leur côté. Intrinsèquement douée, solide mentalement, Kim Gevaert a mené sa barque d’une façon exemplaire. Ses prises de position contre le dopage – et qui indisposèrent parfois la Fédération internationale d’athlétisme compte tenu de leur intransigeance, notamment vis-à-vis de l’Américaine MarionJones et de la Grecque Ekaterina Thanou – sont le reflet d’une personnalité forte dotée d’une honnêteté intellectuelle peu commune.

Tout un temps, un bruit a circulé comme quoi Kim ne possédait pas la morphologie pour pratiquer le sprint. On disait qu’elle était trop petite. On prétendait que son manque de puissance résultait d’une musculature peu développée. Or, malgré tout mais, également, en dépit du fait d’appartenir à un pays comme le nôtre, où on fait juste ce qu’il faut pour le sport de haut niveau mais pas davantage, Kim Gevaert a réussi une carrière exceptionnelle qu’elle a achevée par un coup de maître : l’argent, à Pékin. Je suis ravi qu’Olivia ait couru avec Kim. Elle n’aurait pas pu trouver meilleur mentor.

Désormais, la suite de l’histoire appartient à ma fille. Je ne me tracasse pas trop. Olivia est une compétitrice hors norme. Dès que la course arrive, elle se métamorphose. Je n’ai jamais vu cela. Certes ! J’éprouve quelquefois des difficultés à lui faire comprendre ce que j’attends d’elle mais dès que le message est passé, dès que le cap est franchi dans sa tête, elle est capable de tout. Comme à Osaka ? Tout à fait. Comme à Pékin ? Absolument… « 

*Jacques Borlée : sa passion, son cri, sa colère, sa méthode. Editions Magnad, 170 pages, 17,90 euros.

par jacques borlée

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