OKTOBERFEST

Bousculé au Brussels, le Club entame son vrai parcours européen demain contre le Bayer Leverkusen.

Dehors, les supporters effectuent un véritable ballet pour acquérir des billets pour le match de Coupe UEFA contre le Bayer Leverkusen. Les autres adversaires dans ce groupe B sont Besiktas, Dinamo Bucarest et Tottenham. En 1984-1985, le Club avait battu les Anglais, mais le duo de défenseurs calme le jeu. Birger Maertens :  » Les gens ne cessent de nous parler de ce match contre les Spurs mais nous ne pouvons nous laisser aller au rêve et oublier le championnat « .

Vivez-vous cette campagne UEFA différemment d’une Ligue des Champions ?

Birger Maertens : Les équipes versées dans notre poule ont le niveau de la Ligue des Champions. Nous devons figurer parmi les trois premiers pour passer au tour suivant, ce qui est notre objectif. Nous pouvons peut-être créer la surprise. Gagner à Tottenham serait génial.

Philippe Clement : En Ligue des Champions, on rencontre deux fois chaque club. Affronter une formation à domicile ou en déplacement peut faire la différence. Le Besiktas est nettement plus fort à Istanbul. Les cinq équipes se tiennent de près. Le Dinamo Bucarest est le plus méconnu mais il est en tête du championnat roumain avec neuf unités d’avance. Le Steaua, très fort contre le Standard, est largué.

Quels sont vos premiers souvenirs européens ?

Maertens : La campagne 1987-1988, durant laquelle le Club a atteint les demi-finales. J’assistais à tous les matches à domicile, l’ambiance était inoubliable. Le Club avait battu Dortmund 5-0 après s’être incliné 3-0 là-bas.

Clement : Je n’avais pas d’équipe favorite. Si les images d’antan restent dans les mémoires, c’est aussi grâce au stade, qui rendait l’ambiance plus chaleureuse. Les gens devaient arriver très tôt pour trouver une bonne place debout. Il y avait donc de l’ambiance une heure et demie avant le coup d’envoi. J’ai vécu ce changement avec Genk. Maintenant, les spectateurs arrivent juste avant le coup d’envoi.

Maertens : Mon père et moi étions déjà là à cinq heures quand le match commençait à huit heures. Sinon, je ne voyais rien : j’avais sept ans.

Jouer pour la victoire

Devez-vous vraiment changer de braquet sur la scène européenne ?

Clement : Cela dépend du tirage. En poules, nos adversaires nous attaquent alors qu’en championnat, ils restent groupés dans leur rectangle. Il faut être deux pour offrir un beau spectacle. Même Anderlecht ne joue pas vraiment la carte de l’offensive sur nos terres.

Et vous ?

Clement : Jusqu’à présent, nous avons toujours joué pour la victoire, y compris à Anderlecht. Avec Emilio Ferrera, nous n’avons pas encore une seule fois spéculé et avant c’était rare aussi.

Maertens : : A Milan, nous avons aligné cinq défenseurs mais jamais en championnat.

Quand le Club va-t-il montrer ce dont il est capable ?

Clement : Nous y arrivons déjà par moments, comme à Anderlecht. Je suis à Bruges depuis huit ans et nous avons rarement été aussi dominants que durant la deuxième mi-temps. Nous avons joué dans le camp du Sporting. Cependant, nous sommes trop irréguliers.

Dans ses clubs précédents, Ferrera insistait pour que les défenseurs se fixent sur un objectif : éviter les buts. Avez-vous une liste de tâches ?

Maertens : Non mais Ferrera veut qu’en fin de saison, nous ayons la meilleure défense. On a souvent parlé des attaquants du Club, mais il veut que les défenseurs puissent être fiers aussi.

Clement : Dès le premier jour, il a énuméré ses principes, ligne par ligne : que faire en perte de balle, en possession du ballon ? Pour avoir la meilleure défense, le plus simple est d’aligner huit gars derrière et de jouer en contre. Nous ne cédons pas à cette tentation. De tous les entraîneurs que j’ai connus, c’est lui qui insiste le plus sur la nécessité de défendre collectivement. Nous travaillons beaucoup les automatismes, y compris avec les médians et les attaquants.

Conclusion ?

Clement : Je suis surpris que la mutation subie par la défense soit passée aussi inaperçue. Nous défendons vraiment autrement.

Maertens : Même par rapport à l’année dernière, la différence est grande. Ferrera s’occupe énormément de la ligne à quatre. Une belle ligne, sans zigzag.

Ferrera, du jamais vu

Au Lierse, des joueurs chevronnés avaient été impressionnés par l’approche de Ferrera…

Clement : Je le comprends. Je n’avais jamais vu ça de toute ma carrière.

Maertens : Moi non plus. Il ne néglige aucun détail : comment l’avant va courir, s’il veut être servi en profondeur ou dans les pieds ?

Clement : Toute l’équipe reçoit de telles informations. Les analyses vidéo sont essentielles pour découvrir nos points forts et nos points faibles. Nous comprenons mieux pourquoi il insiste sur un élément. Tout n’est pas encore au point. Nous construisons une équipe pas à pas : la défense puis l’entrejeu. Les attaquants sont venus ensuite.

Clement : Trond Sollied nous faisait jouer à quatre en ligne mais les arrières latéraux étaient offensifs. Le médian défensif devait donc rester aux aguets et nous avions en fait trois défenseurs.

Maertens : Si l’arrière gauche monte, l’arrière droit doit rester derrière. Avant, Timmy Simons devait rester prêt à endiguer un contre et à prêter main forte à droite ou à gauche.

Y a-t-il une grande différence entre les méthodes du coach et l’image que vous aviez de lui avant ?

Clement : C’est le jour et la nuit, d’après ce que j’ai lu et entendu. Ainsi, il communique. Il parle à tous les joueurs, y compris aux blessés ou aux réservistes. Il précise clairement ce qu’il veut, des individus comme du groupe. Avant chaque match, il expose les objectifs à rencontrer. Parfois, nous devons placer quelques adversaires sous pression. Il fait passer son message par différentes voies : individuellement, en groupe, par compartiment. C’est bien ainsi. Si nous voulons simplement jouer un petit match d’entraînement tous les jours, nous pouvons attendre la fin de notre carrière et nous inscrire dans une équipe de café. Nous tentons d’atteindre un objectif avec un groupe au sein duquel chacun connaît ses tâches et celles des autres. Ce n’est qu’ainsi qu’on peut s’entraider.

Maertens : Il nous prend à part pour nous donner des trucs. Comme mettre la pression dans certaines situations mais reculer quand on n’a pas le ballon.

Clement : Il illustre ses conseils d’images vidéo, pour qu’ils soient concrets.

Est-ce la première fois que vous visionnez des vidéos ?

Maertens : Sollied en utilisait lors de sa première saison. Ensuite, il l’a fait moins souvent. Maintenant, nous procédons parfois à des analyses ligne par ligne. Ferrera nous montre ce qu’il aurait préféré, nous demande notre avis.

Même Balaban évolue

Est-il sévère ?

Clement : Qu’est-ce que ça veut dire ? Je suis aussi sévère à l’égard de mes enfants car je pense que c’est ainsi qu’ils auront une bonne éducation.

Les footballeurs sont-ils des enfants ?

Clement : En partie, oui.

Un Balaban peut-il se retrouver dans une approche aussi détaillée ?

Clement : Comme les autres, Bosko évolue. Il éclate ces dernières semaines. Il est beaucoup plus collectif qu’avant. Il ne pense plus seulement à marquer. Il ne l’avouera pas mais il a progressé, comme nous.

Maertens : Je me sens aussi bien que l’année passée, quand j’ai été élu Joueur de l’année au Club, même si certains sont négatifs à notre égard. On ne cesse d’accabler la défense.

Cette pression vous endurcit-elle ?

Maertens : Je ferai mes preuves sur le terrain, pas ailleurs. L’essentiel est que le coach soit content de nous. Or, il l’est et l’a déjà déclaré. Cela nous fait du bien.

Clement : Or, un entraîneur ne vous accorde sa confiance qu’aussi longtemps qu’il vous trouve bon. Ce qui nous dérange, Birger et moi, c’est qu’on s’acharne sur l’axe central quand on parle de la défense brugeoise. Nous n’en composons que la moitié. Quelle équipe peut se permettre de n’aligner que deux arrières ?

Nourrissez-vous encore l’ambition de jouer en équipe nationale ?

Maertens : Certainement. C’est un honneur mais je n’en perds pas le sommeil.

Certains trouvent la combinaison équipe nationale – club trop lourde…

Clement : En équipe nationale, il faut être motivé par la volonté de signer une prestation collective. Si un joueur est obsédé par sa note du lendemain, il se coule. Outre la victoire, qu’est-ce qui fait le charme du football ? Le bonheur de connaître le succès en équipe. Les joueurs qui ont arrêté sont unanimes : ils ne regrettent pas tel match ou tel but mais l’ambiance du vestiaire, la vie en groupe, surtout s’ils ont connu un club aussi chaleureux que le nôtre.

Une chaleur unique

Javier Portillo ressentait-il cette chaleur ?

Clement : Nous parlons néerlandais, français, anglais et allemand. S’il est le seul à s’exprimer en espagnol, c’est difficile mais je pense qu’il se sentait bien ici. Nous avons essayé de l’impliquer par gestes. Quand nous allons quelque part, nous veillons à ce que ceux qui ne conduisent pas soient convoyés. Cette saison, nous avons dressé une liste afin que chacun, étrangers compris, assiste au moins à une soirée de supporters. Quand un étranger est désigné, nous lui accolons un autre joueur afin qu’il se sente bien.

Maertens : Rozehnal a rejoint notre vestiaire après les Mâtines Brugeoises. Il se sentait chez lui au Club.

Peu de footballeurs jouent toujours dans le club où ils ont effectué leur formation, Birger.

Maertens : En 2001, j’ai profité du forfait de De Brul et Lembi. Depuis, je suis resté dans l’équipe. Je me plais ici.

Clement : Ce n’est pas une question de chance : tu as presté.

Rêvez-vous encore de l’Angleterre, Birger ?

Maertens : Comme tous les joueurs mais cela peut être l’Allemagne aussi. Et je serai tout aussi heureux si j’achève ma carrière au Club.

Que lui apporterait un séjour à l’étranger, Philippe ?

Clement : Une certaine expérience de vie, encore que sportivement, on l’acquiert en Coupe d’Europe. Mais trouver un grand club étranger n’est pas évident pour un Belge. Et faire carrière au Club est agréable : c’est convivial.

Votre expérience anglaise vous a- t-elle permis de progresser ?

Clement : J’en ai appris davantage ici que durant cette saison là-bas, même si je suis heureux d’avoir fait cette expérience. Chacun doit opérer ses choix. Il y a trois ans, j’étais à la croisée des chemins : c’était l’étranger ou rester ici. J’ai suivi mon c£ur. J’ai renoncé à une grosse somme d’argent mais je ne l’ai encore jamais regretté.

Après quelques années, certains joueurs se lassent de leur club…

Maertens : Pas moi.

Clement : Je joue pour un prix chaque saison. Je peux comprendre qu’après cinq ans dans un club du ventre mou, on se lasse, mais ici, il faut sans cesse relever des défis : le titre, les joutes européennes contre de grandes équipes…

GEERT FOUTRÉ

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