Obligation de résultats

de Gérald Papy

Hâtive « ,  » imméritée « , voire  » déplacée « , l’attribution du prix Nobel de la paix au président américain Barack Obama a finalement plus irrité que réjoui.  » A ce rythme-là, dans cinq ans, il peut espérer être canonisé « , ironisait un journaliste facétieux sur un plateau de télévision. Après neuf mois d’exercice du pouvoir, le commandant en chef de la première puissance mondiale méritait-il un tel honneur ? Si la question est pertinente, elle ne doit pas occulter un débat plus fondamental : Barack Obama aura-t-il les moyens, y compris ceux que lui donneront ses collègues dirigeants de grandes nations, pour concrétiser les espoirs que son élection a soulevés ?

Car c’est bien une espérance en un monde meilleur mais rien de plus que les sages d’Oslo ont fait le pari d’honorer.  » Les efforts extraordinaires en vue de renforcer la diplomatie internationale et la coopération entre les peuples  » que le comité Nobel a consacrés en la personne du président américain résonnent, en fait, comme une dénonciation de la politique de son prédécesseur. C’est un peu comme s’il opposait la notion de  » paix préemptive  » à la  » guerre préemptive  » que George Bush et ses conseillers néoconservateurs ont expérimentée, avec le gâchis que l’on sait, en Irak.

Sur la lutte contre la prolifération nucléaire (Iran, Corée du Nord) comme sur la politique de la main tendue aux  » ennemis de l’Amérique  » (Cuba, Venezuela, Birmanie…), sur le combat contre le réchauffement climatique comme sur la résolution du conflit israélo-palestinien, Barack Obama n’a pas encore semé les graines de la paix ; il n’a fait que poser les jalons d’une politique. Tout juste peut-on porter à son crédit d’avoir ordonné l’interdiction du recours à la torture et la fermeture, non sans écueils, du centre de détention de Guantanamo.

Barack Obama n’est pas dupe. Il s’est presque excusé d’avoir reçu la plus haute distinction mondiale. Car cet hommage empressé peut l’embarrasser plus que le servir. D’abord en politique intérieure où les Américains casaniers attendent leur président plus sur sa réforme du système de santé (où il vient de marquer un point en en faisant approuver une version, certes édulcorée, par la redoutable commission des Finances du Sénat) que sur sa vision d’un nouvel équilibre mondial (voir en page 81). A vrai dire, il aurait sans doute préféré, plutôt que de devoir justifier son action moins d’un an après son investiture, qu’on lui foute la paix…

Ce prix Nobel, aujourd’hui surfait, ne doit pourtant pas empêcher de savourer ce que l’élection du premier Noir à la Maison-Blanche a déjà apporté comme souffle extraordinairement revigorant à la politique américaine et à la diplomatie mondiale : une exhortation à la rupture avec la complaisance dans la victimisation des Afro-Américains et des Africains (discours de Philadelphie et d’Accra), un appel au sursaut des démocrates musulmans (discours du Caire) ou la promesse du retour au multilatéralisme (discours aux Nations unies). Ceux qui croient en la force de la parole sont galvanisés ; les sceptiques attendent des actes. C’est légitime.

Certains espoirs que son élection a soulevés et que l’attribution du prix Nobel de la paix vient encore renforcer seront immanquablement déçus. Et, sans doute, Barack Obama est-il plus gêné qu’aidé par l’obligation de résultats que lui assigne le comité Nobel. Pourtant, le défi n’en est que plus enthousiasmant.

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Barack Obama aura-t-il les moyens de concrétiser les espoirs que son élection a soulevés et que le Nobel vient conforter?

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