OBJECTIFS atteints

Jan Hauspie
Jan Hauspie Jan Hauspie is redacteur bij Sport/Voetbalmagazine.

En optant pour Wolfsburg, l’arrière gauche a suivi son instinct. Interview d’adieu d’un homme heureux et fier (pour une fois) qui manque la fin de saison du fait d’une opération à la cheville.

Peter Van der Heyden, qui aura 29 ans en juillet, se déplace déjà en Volkswagen 4×4 avec une immatriculation allemande… Et le footballeur, qui rejoint le VfL Wolfsburg, a déjà donné une fête d’adieu, avec l’accord du Club.

La fête ne pouvait-elle attendre ?

Peter Van der Heyden : Non, pour des raisons pratiques. Mon transfert oblige mon amie à abandonner son affaire. Comme je l’avais promis, nous avons effectué nos adieux ensemble, elle à ses clients, moi aux gens de Bruges. Tout le monde était là. C’était une belle marque de respect à mon égard.

Comment se sont passés vos premiers contacts avec Wolfsburg ?

Relax. C’est un club plutôt convivial. Il ne cultive d’ailleurs pas d’ambitions élevées comme le titre. Tout le monde a été gentil et respectueux. Plus qu’en Belgique, d’ailleurs. Je ne vise pas le Club Bruges mais l’entourage, l’ambiance générale. Je fais de mon mieux et je travaille dur pour peu de respect en retour.

Les footballeurs qui se plaignent d’un manque de respect sont légion…

Cela peut paraître étrange, en effet. Les gens ont une image précise de nous : nous menons une vie confortable et notre travail est facile. Je peux vous assurer que la majorité d’entre nous est prise par le football du matin au soir. Il faut bien jouer pour soi-même, pour le public, le club. Sans arrêt. Ne jamais recevoir un compliment n’est pas agréable. Je me trompe peut-être mais j’ai l’impression que la presse a toujours douté de moi. Elle me voit d’un autre £il depuis que j’ai signé à Wolfsburg. Je ne joue pas différemment mais les gens se disent : – Tiens, il réussit. C’est étrange : il faut quitter un club qu’on aime pour forcer le respect des autres.

Vous parlez de l’arrière gauche qui est très fort offensivement mais ne sait pas défendre ?

J’ai toujours réfuté cet argument. Je fais de mon mieux offensivement et défensivement. Si cela me réussit mieux en attaque, cela ne veut pas dire que je ne sais pas défendre. Au début, j’en souffrais mais j’ai appris à relativiser. Je ne peux pas être bon aux yeux des 27.000 spectateurs du Club.

Beaucoup appris en cinq ans

Comment avez-vous évolué, en cinq ans à Bruges ?

J’ai appris à doser mes efforts et à mieux me placer en défense, à gérer la pression, aussi. Elle est nécessaire : sans elle, nous ne nous sentons pas bien. Ce fut une dure école mais mon niveau actuel est le résultat de cinq saisons d’expériences positives et négatives.

Et l’homme Peter Van der Heyden ?

Je relativise beaucoup mieux. Le début a été pénible mentalement. J’ai connu des hauts et des bas. Je me suis toujours relevé et au fond, ça résume ma vie. Il faut plier mais pas rompre ni abandonner. Si on cède à cette tentation une seule fois, on est fichu. Il faut savoir lutter dans les moments difficiles. Je peux être fier de ce que j’ai atteint.

Etes-vous fier de vous-même ?

Oui, vraiment. C’est peut-être une des rares fois de ma vie où j’éprouve ce sentiment. Tous ces sacrifices, ces larmes n’ont pas été vains. Rien ne m’est tombé tout cuit dans le bec. C’est ce qui rend ma réussite si belle.

Le bonheur d’un homme qui a toujours douté, qui a envisagé d’arrêter mais a continué pour atteindre l’élite belge, a pris de l’assurance et va maintenant prouver à l’étranger ses qualités de footballeur et d’homme. C’est ça ?

Oui. J’ai vécu des moments pénibles mais je veux montrer ce que j’ai appris, pas à Bruges ni aux journalistes qui m’ont démoli. Je le fais pour moi.

N’éprouvez-vous pas d’incertitude face à l’avenir ?

Je suis plutôt détendu. Chaque fois que je suis allé là-bas, je me suis senti à l’aise, même si je ne maîtrise pas encore bien l’allemand. Je ne me stresse pas à l’avance. J’ai 70 leçons de Berlitz. J’en suis à 40. Je ne parlais pas un mot d’allemand. En signant, j’ai immédiatement dit que je voulais suivre des cours pour ne pas m’isoler. J’aime bavarder, je suis ouvert.

Ne faites-vous pas un pied de nez au Club ? En cinq ans, il n’a jamais revu votre contrat à la hausse.

A la fin, messieurs D’Hooghe et Degryse m’ont soumis une excellente proposition. Avant, disons que ce n’était pas à l’ordre du jour. J’ai choisi de ne pas accepter leur offre, pas uniquement pour l’argent. J’émerge sur le tard : jamais je n’ai franchi plusieurs échelons d’un coup. J’ai atteint l’équipe fanion de Denderleeuw en D3, vécu sa promotion en D2, puis j’ai été transféré à Alost et de là à Bruges. J’ai été sélectionné en équipe nationale et participé à un Mondial. J’ai atteint mes objectifs les uns après les autres. Il me manquait l’étranger. Dans dix ans, je ne veux pas regretter d’avoir raté cette expérience. Si j’échoue, je reviendrai la tête haute en Belgique. Je n’ai pas peur de perdre la face. Si j’échoue, c’est ainsi, point. Au moins aurai-je essayé.

Quand vous avez signé, Wolfsburg était dans le peloton de tête de la Bundesliga et Eric Gerets était un héros. La situation a changé depuis.

Je n’ai pas douté un seul instant. Je suis mon plan de carrière. Je rêvais de vivre pareille expérience quand j’étais gamin. J’ai atteint mes objectifs, je suis heureux.

Ce transfert fait partie d’un plan ?

Certainement. J’ai toujours visé les plus belles expériences. Si je réussis à l’étranger, je n’aurai raté qu’une chose : un Championnat d’Europe. Je le regrette. Et une finale de la Ligue des Champions mais je ne suis pas Zidane. J’ai retiré le maximum de mes qualités.

Vous vouliez une équipe susceptible de jouer la Coupe d’Europe…

Wolfsburg ? On verra. L’équipe grandit. Accordez-lui quelques années. J’ai suivi mon instinct, dans ce transfert. J’avais d’autres opportunités, qui ne m’ont pas conféré le même sentiment. Wolfsburg s’insérait dans mon puzzle. On saura bientôt si mon instinct m’a trompé ou pas.

Préparé au départ de Gerets

D’autres Belges ont rejoint des clubs moyens d’Allemagne qui se sont brusquement retrouvés en 2e Bundesliga . Wolfsburg peut jouer en UEFA comme lutter contre la relégation.

Je pense que Wolfsburg a assez de moyens financiers pour réussir. J’ai tendance à trop réfléchir et à douter. Cette fois, j’ai écouté mon instinct. Pourquoi se sent-on bien auprès d’une femme et pas auprès d’une autre ? Je n’en sais rien.

Avez-vous visé assez haut ?

Je peux attendre le Bayern mais je ne sais pas si j’y jouerai… Si j’avais une boule de cristal, je mènerais une vie parfaite. Ce n’est pas le cas.

Et si Gerets s’en allait ?

Je préfère qu’il reste, surtout la première année mais il y a des chances qu’il s’en aille. Il m’a prévenu dès le début. Donc, je suis préparé à son éventuel départ. Je devrai de toute façon honorer mon contrat, peut-être avec un entraîneur qui ne m’aura pas choisi mais qui n’aura pas davantage choisi la majorité des autres joueurs de Wolfsburg.

Cinq ans au Club, cinq ans aussi avec Trond Sollied…

… et avec Timmy Simons. Il venait de Lommel, moi d’Alost. Au vert, nous partagions toujours la même chambre. Nous sommes semblables, si ce n’est qu’il est capitaine du Club et de l’équipe nationale.

Et qu’il a obtenu un meilleur contrat au Club Bruges, lui.

Le Club regrette amèrement de ne pas m’avoir signé plus tôt mais ce n’est plus mon problème. Il a eu assez de chances. Je n’ai plus 20 ans et je ne suis plus pendu à un fil.

En quoi Sollied a-t-il marqué votre carrière ?

Il m’a fait. Il est un tout grand entraîneur. Toujours très calme et très ennuyeux avec sa manie du détail. Mais il m’a beaucoup appris et m’a toujours insufflé confiance. J’éprouve beaucoup de respect pour lui car il n’est pas facile pour un entraîneur de conserver sa confiance en un joueur.

Vous n’avez connu qu’un entraîneur à Bruges… et un spécial. Pourrez-vous travailler avec un autre ?

Si je me pose une question, c’est la suivante : – Wolfsburg joue-t-il très différemment de ce que j’ai connu pendant cinq ans ? Sollied m’a inculqué un mode de pensée spécial. Ce sera différent ailleurs, je devrai m’adapter. J’espère qu’on m’accordera un crédit de temps car je ne vais pas là pour m’asseoir sur le banc. La manière dont mes coéquipiers se meuvent est aussi importante à mon poste. Mais Wolfsburg attend de moi la même chose que Bruges : je dois défendre et essayer d’attaquer. C’est devenu ma marque de fabrique, mon atout.

Pourrez-vous l’exploiter aussi facilement ?

Non car je recommence à zéro. J’ai pu développer mon bagage à Bruges. Puis-je dire, à Wolfsburg : – Si je monte, tu dois rester en arrière ? Non. Tout viendra en son temps. Ce n’est pas dramatique.

En championnat de Belgique, vous pouviez attaquer et n’étiez jamais sous pression. Ce sera différent en Allemagne et vous devrez sans doute vous cantonner davantage à la défense.

Cela ne m’effraie pas. Je m’y suis préparé. En plus, les défenseurs montent souvent, là. Tout sera différent. C’est ce qui fait la beauté de ce défi. J’en ai besoin. Cinq ans au sein du même club, c’est trop long pour moi. En Belgique, nous affrontons systématiquement un mur. C’est démotivant mais on s’habitue à tout. Il est temps que je me réveille.

Un des full backs, piliers du système

On dit que vous avez des problèmes de concentration.

Je cherche des solutions footballistiques. Quand j’échoue, on l’attribue aisément à un manque de concentration alors que j’ai simplement raté ce que j’avais en tête.

En parlant de concentration, votre mère nous a dit, un jour, que vous étiez une fois arrivé une semaine en avance à un match, que vous vous étiez déplacé aux Pays-Bas sans vos chaussures, que vous vous étiez déjà trompé de village…

Que j’ai des absences, non ? Mais quand il le faut, je suis concentré.

Et cette carte jaune contre Saint-Marin, qui vous a valu une suspension contre la Serbie & Monténégro ?

Cela n’a rien à voir. J’ai été averti à l’aller contre la Serbie & Monténégro à la 90e minute. Je ne m’en souviens plus. Aurais-je dû le savoir ? Oui et non. D’autre part, ne suis-je pas suffisamment important pour qu’on me dise : – Attention, Peter, tu as déjà une carte et nous avons besoin de toi ? On ne l’a pas fait…

Revenons à votre plan de carrière : quelle est la prochaine étape ?

Réussir à l’étranger. Cela requiert tant d’énergie que je ne pense pas à autre chose pour le moment. J’ai refusé d’aller en Italie. La mentalité ne me convient pas et on ne rejoint pas un championnat pour le soleil : je suis un footballeur. Je ne réfléchis pas non plus à ce qui n’existe pas.

Gardez-vous des amis à Bruges ?

J’aime beaucoup de gens. Je peux citer dix ou quinze noms de personnes avec lesquelles j’aimerais aller au restaurant. Mais ce n’est pas parce que j’aime quelqu’un que je laisse tomber le reste. Je préfère Timmy, nous nous appelons d’ailleurs  » frère « .

Quel a été votre plus beau moment à Bruges ?

Notre victoire à l’AC Milan. Les occasions ratées ? J’ai été extrêmement déçu de ne pas être qualifié pour le deuxième tour de la Ligue des Champions, l’année dernière. D’autre part, je sais que Bruges n’a pas une équipe apte à jouer la finale de la Coupe UEFA. Il ne faut donc pas regretter de ne pas l’avoir atteinte.

Sollied a-t-il retiré le maximum de son noyau ?

On m’a encore posé la question récemment. J’ai répondu qu’on pouvait la retourner. Qui sait si Sollied n’a pas retiré du groupe plus qu’il ne recelait ? Je pense qu’il en a retiré ce qu’il avait, ni plus, ni moins. Ce noyau a réussi de belles choses. Bruges restera toujours le petit frère, en Belgique. J’ai toujours eu l’impression qu’on considérait Anderlecht comme l’équipe du pays. C’est d’abord Anderlecht puis Bruges, jamais l’inverse.

On vous considère comme un des pions les plus importants dans le système de Sollied.

Dans sa tactique, nous sommes les full backs, comme il nous appelle, bien plus importants que les gens ne le pensent. L’équipe ne tourne pas si nous ne pouvons monter. J’en suis à trois buts et neufs assists. C’est plus que la saison précédente. Je ne suis pas irremplaçable. Michael Klukowski prendra vite ma place et on le décrira comme la version améliorée de Van der Heyden. Je le sais. Je suis venu d’Alost pour remplacer Vital Borkelmans. Un monument ! Je jouais et dans la tribune, on criait : – Borkel !’. Cela n’arrivera pas à Michael car je pense être le joueur le moins encouragé du Club.

Vous n’êtes pas populaire ?

Je ne pense pas, peut-être parce que je donne trop mon opinion selon les normes brugeoises. Je ne crois pas que les gens apprécient ça, ici. N’être jamais encouragé n’est pas marrant mais ce chapitre est clos. J’ai fait construire sur le site où le Club jouait, dans le temps, dans un quartier du Klokke. Quand je reviendrai de l’étranger, je m’installerai sûrement en Flandre Orientale, à Alost ou dans les environs. On verra bien.

Jan Hauspie

 » Si j’échoue, JE REVIENDRAI EN Belgique la tête haute  »

 » QUI SAIT SI SOLLIED n’a pas retiré du groupe plus qu’il ne recelait ? »

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire