OBJECTIF UNE

Pierre Bilic

Le vice-président liégeois égrène les raisons expliquant pourquoi son club a peut-être la taille champion.

Vendredi passé, 13e jour du mois de janvier, chacun vaquait calmement à sa tâche au secrétariat du Standard. Michel Preud’homme, lui qui est tellement superstitieux, était cool, tout comme Pierre François, slalomant d’un bureau à l’autre. Christophe Dessy dépouillait du courrier venu d’Afrique : un jeune exprimait l’intention de rejoindre l’école des jeunes de Sclessin. Et les secrétaires avaient fort à faire avec les téléphones ne cessant de manifester leur impatience.

C’était la vie d’un club de football qui avait viré en tête de la D1 en décembre. Les troupes étaient revenues du Portugal où le stage hivernal s’était déroulé dans les meilleures conditions qui soient. Mais Luciano D’Onofrio restait zen par rapport aux responsabilités et aux ambitions du maillot jaune de la D1. Au-delà de ce retour dans les hautes sphères du classement, le Standard avait retrouvé aussi sa puissance d’influence à l’Union Belge. Pas négligeable même si c’était d’abord sur le terrain qu’on avait forcé sa chance.

Des vues bien en place

Quelles ont été, pour vous, les grandes leçons du premier tour ?

Luciano D’Onofrio : Il y a des idées, développées en été, qui ont bien fonctionné. Je sais, bien sûr, que le classement est le seul baromètre qui compte. Le Standard a parfois eu un zeste de chance mais c’était bien à notre tour d’en bénéficier un peu : cela a facilité la mise en place de nos vues. Dominique gère tout cela avec tranquillité, a relevé le défi, pris ses responsabilités dans un cadre de travail qui, vous le savez, a changé. Stéphane Demol apporte son charisme, son travail, son humour, son savoir-faire, sa connaissance du top. Et Frans Masson est un as du scouting. Il y a, c’est certain, un esprit de gagne, un désir dans le chef de tous de tout donner même quand c’est difficile. Tout ne fut pas parfait. Mais le Standard n’a jamais laissé tomber les bras, a réagi tout de suite après chaque défaite. Là, je me dis que nous sommes dans la lignée des valeurs qui font la grandeur de ce club. Nous ne gagnerons pas tout mais, quoi qu’il arrive, il faut se battre. C’est la seule façon de progresser. J’ai le sentiment que ce groupe a indiscutablement franchi un cap.

Quel sera votre objectif lors du deuxième tour ?

Il faut aller au bout de nos idée : deuxième ou premier. Je souhaite être champion. Le groupe a été bâti en fonction de nos ambitions. Mais je sais aussi qu’un championnat et que des imprévus peuvent déjouer tous les plans. Cet effectif a des atouts en mains mais, même si nous avons le droit d’être ambitieux, le bilan ne se fera qu’en fin de saison. J’espère en tout cas que le Standard jouera sa chance jusqu’au bout et n’aura pas de regrets.

Un Sergio enfin compris

Un joueur en or a assumé un grand rôle dans cette évolution…

Oui mais lui non plus n’est pas seul. Je ne me lancerai pas dans une discussion dont le but serait de désigner le meilleur footballeur de D1. A mon avis, les choses sont quand même assez claires. A chacun son avis, mais il suffit de mesurer son apport pour constater que Sergio Conceição est un joueur en… or. C’est le joueur de l’année ? J’ai dit… joueur mais certains jugent un joueur avec d’autres lunettes. Sergio ne vit pas sur sa classe. Ce joueur se donne à fond. J’ai envie de dire : il veut, il veut, il veut. Quand on a cela en plus du talent, c’est important. C’est ce qui lui a permis de réussir sa carrière mais surtout sa vie. J’espère qu’on le comprend mieux maintenant. Il a un immense vécu, sait comment on gère le succès, un match qui peut basculer dans tous les sens mais que le Standard doit gagner. Ce sont des différences importantes et dans cette gestion-là, le Standard a fait un grand bond en avant. Dans le passé, il nous est arrivé de tout perdre par manque de sérénité et de calme. Sergio nous apporte beaucoup dans ces débats. Je dirai tout simplement qu’il n’y en a pas beaucoup comme lui en D1.

Le noyau n’a pas tellement bougé. Mais il y a des allées et venues qui ne dépendent pas nécessairement de la volonté d’un club. Quand l’Espagne est devenue une possibilité pour Ivica Dragutinovic, il était difficile de le garder. Au départ, le Standard voulait conserver Drago même s’il ne lui restait qu’un an de contrat. Mais la Liga, c’est la Liga avec d’autres moyens financiers que nous. Drago pouvait réaliser un rêve au FC Séville, multiplier son salaire, etc. Nous avons trouvé une solution convenant aux deux clubs et au joueur. Je sais qu’il se débrouille bien en Espagne. Drago peut revenir quand il le voudra au Standard. Mais le coeur de la défense a tenu : le Standard a réglé le dossier Oguchi Onyewu et l’Américain a pris de la place dans notre système défensif. Il avait des contacts ailleurs mais a compris que son avenir, avant la Coupe du Monde, passait par le Standard où il est certain de jouer. Et Mathieu Beda a pris la place de Drago à ses côtés.

Beda et Assou ne voulaient pas de concurrents

Mais Beda n’est resté que six mois à Sclessin : pourquoi est-il parti si vite ? Craignait-il la concurrence de Jorge Costa ?

Il y a des joueurs qui, mentalement, ne peuvent pas tenir le coup sans un énorme temps de jeu. C’était le cas de Mathieu Assou-Ekotto. Il n’a pas joué tout le temps durant le premier tour. Ce milieu défensif en voulait plus mais le coach ne pouvait pas lui offrir de garanties. Dès lors, c’est lui-même qui a suggéré une autre solution et trouvé une piste en Hollande, à Willem II. Là, on s’est retrouvé face à un joueur qui ne vivait plus en harmonie totale avec son club et c’est un problème. Il était préférable de lui permettre de partir. A mon avis, il craignait la concurrence d’un Christian Negouai qui retrouve ses sensations et tout son football. Negouai avait souvent été blessé en Angleterre : le chemin du retour n’est alors pas évident. Mais il a eu des matches de référence comme contre Westerlo et surtout face à Anderlecht. A ces deux reprises, Negouai a déblayé pas mal de terrain. Il devra continuer de la sorte tout au long du deuxième tour. Mathieu a peut-être eu peur de cette affirmation. La venue de Siramana Dembele étoffe ce secteur. L’ancien médian défensif de Vitoria Setubal est un homme ouvert au dialogue. Il s’est consacré à ses études avant de percer dans le monde du football et s’est fondu tout de suite dans son nouveau milieu lors du stage au Portugal.

Beda a peut-être raisonné de la même façon qu’Assou-Ekotto… Il a eu peur de Costa. Ou, du moins, il serait sentit plus à l’aise sans Costa. C’était sa façon de voir les choses. Une fois de plus, le Standard n’avait pas du tout l’intention de se séparer de lui. Beda est tout simplement venu nous trouver avec une offre de Kaiserslautern. A partir de ce moment-là, cela signifiait que nous avions devant nous un élément animé par l’intention de partir.

La culture de la victoire

Ces ventes n’ont pas été faites dans un désir d’équilibrer votre budget ?

Non, pas du tout. Nous maîtrisons parfaitement nos chiffres. Le Standard n’avait pas besoin de ces départs pour être fidèle à son orthodoxie budgétaire. Je considère que ce sont des mouvements normaux dans le football actuel. On peut dire  » non  » mais ce n’est pas toujours dans nos moyens et quel est le rendement d’un joueur bloqué ? Le noyau n’a pas été secoué. L’intégration des nouveaux sera facile. L’essentiel était d’améliorer nos atouts et quand on a la chance d’avoir un Jorge Costa dans son équipe, c’est un immense plus pour les jeunes. Ils ne peuvent que s’améliorer au contact de cet homme ambitieux. Costa aurait aidé Beda comme il va beaucoup apporter à Onyewu. Il a une magnifique lecture du jeu. Comme Sergio, c’est un battant. Il a l’habitude de gagner. Gagner, ce n’est pas qu’un mot ou un verbe. C’est une culture qu’on n’avait pas entièrement. Ainsi, il faut savoir gagner même quand cela ne roule pas. Costa était un jeune joueur quand je m’occupais de Porto. Son premier coach là-bas ne fut autre que Bobby Robson. Costa était déjà un conquérant et maintenant, il ne jouait plus assez à son goût à Porto. Or, il estime pouvoir tenir le coup durant deux ou trois ans de plus. Sur le terrain, c’est un guide, une référence, un point d’appui. Onyewu s’en rendra vite compte. A cette place, Costa a plus de métier que Beda ou même Dragutinovic. Ce dernier était excellent mais s’emballait parfois un peu vite, même quand ce n’était pas nécessaire, alors que Jorge vivra tout avec plus de détachement. Il a déjà vécu tout cela au Portugal et en Angleterre. Ce sera une richesse pour nous. Costa a été emballé par l’ambiance qui règne chez nous. Il a assisté à Standard-Anderlecht. Cela l’a autant convaincu que la présence de son ami Sergio chez nous. Avec Mohammed Sarr, le Standard a une alternative mais, si c’est possible, nous engagerons encore un arrière polyvalent.

Sortir la vaisselle européenne

Avez-vous tiré profit des obligations européennes d’Anderlecht et de Bruges ?

Non, je ne crois pas. Le titre de cham- pion d’automne nous revient de plein droit. C’est notre mérite et il ne faut pas aller chercher d’explication ailleurs ou chez nos concurrents directs. Une campagne européenne peut permettre à un club de se trouver, d’intégrer des joueurs, de susciter un élan. Cet enthousiasme peut alors se répercuter au niveau du championnat même si l’agenda est plus lourd. Les noyaux de ces clubs sont importants et permettent d’affronter leurs responsabilités. Ils ont eu un petit creux mais cela a aussi été notre cas car notre effectif n’est pas aussi pléthorique que celui de nos deux grands adversaires. Notre baisse de régime ne m’inquiéta d’ailleurs pas car on ne vit pas tout un championnat pied au plancher. Si je dois citer une référence, c’est le match contre Anderlecht. Tout le monde sait que nous aurions préféré le jouer à la date prévue. Et il était possible de le faire malgré la neige. A ce moment-là, le Standard carburait à la super, ce qui n’était pas le cas d’Anderlecht. Il y avait moyen de creuser l’écart. Quelques semaines plus tard, Anderlecht était leader en débarquant à Sclessin. Notre équipe a signé un match plein ce jour-là. Ce fut du football moderne. Tout le monde avait envie de sortir la belle vaisselle, d’avoir une table européenne. Les supporters et les médias souhaiteraient voir un tel spectacle plus souvent. C’était un match de prestige. Il ne faut pas en rester là et j’espère que ce sera une source d’inspiration. Si nous sommes capables de jouer de la sorte contre Anderlecht, cela doit être régulièrement le cas durant la deuxième partie. Mais il faut être deux pour bien jouer. A Gand, par exemple, ce ne fut pas extra. Les Buffalos traversaient une mauvaise passe. Ils ont massé leurs troupes en défense. C’est leur droit et on sait que Georges Leekens a l’art de bien organiser ses équipes. Là, nous sommes tombés dans le panneau et nous avons gaspillé le point que nous méritions.

Roussel doit choisir

Comment voyez-vous votre attaque ?

D’abord, le départ de Milan Rapaic nous étonna en été. C’était le résultat de problèmes d’ordre privé. Dominique a essayé de combler les déséquilibres que cela a provoqués. Il a placé Wamberto, Almani Moreira et Michel Garbini dans ce secteur. Quand Milan est revenu, l’éventail tactique fut tout de suite plus homogène. Le Standard avait besoin d’un joueur de ce type à gauche. Il équilibre par rapport à Conceição qui est soit un médian avancé à droite soit un avant plus près de Mohammed Tchite. A l’attaque, nous sommes un peu déçus par Cédric Roussel. Avec des centreurs comme Conceiçao et Rapaic, il devrait se régaler, saisir sa chance. Mémé Tchite, lui, a su se rendre indispensable. C’est à lui de convaincre son coach dans son travail quotidien. Si cela avait été le cas, il aurait joué plus souvent me semble-t-il. C’est le choix du coach et je n’interviens pas là-dedans. Nous avons une option à la fin du mois de mai. C’est à lui de se définir, de choisir : rester et jouer sa chance ou partir. Ses agents ont des contacts, je crois. Nous, on attend. S’il reste, je suis heureux. S’il venait à partir, je lui souhaiterais bonne chance. Et s’il devait partir prochainement, nous pourrions réaliser un transfert en phase avec nos moyens. Cela dépendra des opportunités.

La politique bruxelloise

Le Standard est désormais infiniment plus présent à Bruxelles : est-ce important ?

Ce qui est essentiel, ce n’est pas la présence. Ce serait trop simple. Le Standard a toujours fait acte de présence à l’Union Belge, à la Ligue Pro, etc. Il faut surtout avoir des idées, échanger des points de vue, réfléchir, faire avancer les choses, susciter les débats, discuter, être attentif, avoir le désir de moderniser. Michel Preud’homme et Pierre François livrent du travail positif à Bruxelles, c’est ce qui compte. Cette attitude donne une image stable et sérieuse du Standard. Michel a ainsi bien mené la mission qui fut la sienne dans le cadre du choix d’un nouveau coach fédéral. Jan Peeters a apprécié sa discrétion : Michel a facilité le boulot du comité exécutif. Le choix en faveur de René Vandereycken est logique. Le coach limbourgeois a la carrure de l’emploi. En plus de cela, Michel s’active afin de protéger la formation des jeunes. Il faut les garder, résister à la pression des pays avoisinants qui ont des moyens financiers énormes. C’est bien d’évoquer tout cela à Bruxelles. A notre niveau, les jeunes, c’est l’avenir. Nous érigeons pour le moment notre nouveau centre d’entraînement pour l’équipe Première et les jeunes au Sart-Tilman. Ce n’est pas rien. Le budget s’élève à 12 millions d’euros. Le Standard intervient à hauteur de sept millions d’euros, le reste étant pris en charge par la Région. C’est énorme et il faudra protéger les fruits de notre travail : les jeunes.

Pour Roger Vanden Stock

En juin prochain, l’Union Belge se choisira un nouveau président. Votre choix est fait depuis longtemps : le Standard est pro-Roger Vanden Stock.

Tout à fait exact. S’il est candidat à la présidence, le Standard n’y verra pas d’inconvénients et le soutiendra. Nous ne sommes cependant pas les seuls à décider. Roger Vanden Stock a un gros parcours de dirigeant derrière lui. Selon nous, il devrait rendre de grands services au football belge qui a besoin d’idées nouvelles. Il faut ouvrir les fenêtres afin de moderniser. Non, je ne pense pas spécialement à la refonte de la D1. Il y aura des discussions à ce propos. L’essentiel est d’échapper à une forme de léthargie. Dans ce contexte, Roger Vanden Stock est l’homme de la situation, le président indiqué. Et puis Preud’homme ? Laissons le temps au temps. Michel est un rassembleur, un accélérateur d’ambitions et d’idées, travailleur, optimiste, positif. Pour le moment, je souhaiterais qu’il travaille en étroite collaboration avec Vanden Stock. Après, c’est la vie qui décidera.

Pas d’axe Liège-Bruxelles contre Bruges

Bruges ne doit-il pas craindre un nouvel axe Liège-Bruxelles ?

Non, franchement, il y a parfois des idées qui se rejoignent.

Avant d’être démentie par le principal intéressé, la rumeur avait affirmé que Bruges et Michel D’Hooghe avaient songé à l’ancien Premier ministre, Jean-Luc Dehaene…

Pour la présidence de l’Union Belge ?

Ou pour un poste important ?

Je n’avais pas entendu parler de cela. Ce serait très fort. Si cela s’était avéré exact, j’aurais trouvé cela intéressant. Cela m’étonnerait, mais si un homme de ce format-là devait être candidat à un poste important, je dirais oui aussi. Ce serait de la richesse en plus pour le football belge. Cela dit, je tiens à bien le dire : Bruges ne doit pas craindre d’axe Standard-Anderlecht. Cela n’existe pas. Si le Standard travaille beaucoup à Bruxelles, c’est dans le seul désir de rendre service à tout le football belge. Il y a beaucoup de pain sur la planche. Tout le monde doit se retrousser les manches.

PIERRE BILIC

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