Objectif top 3

Le 1er juillet 1988, Waterschei et Winterslag s’unissaient pour former le RC Genk. La crise de croissance a duré longtemps mais le club est aujourd’hui un exemple de fusion réussie.

Le 8 juillet 1988, il y avait du monde au stade de Waterschei, pour le premier entraînement du RC Genk. A l’époque, les matches avaient lieu à Winterslag et les entraînements à l’emplacement de l’actuelle Cristal Arena. Après deux ans, il apparut toutefois évident qu’il faudrait jouer à Waterschei. Les terrains de Winterslag étaient entourés de maisons et leur valeur immobilière était trop importante pour y jouer au football. A Waterschei, il y avait de la place et cet atout allait donner, plus tard, une longueur d’avance au RC Genk.

 » A chaque fois qu’on parlait de fusion, les gens de Winterslag ne voulaient pas jouer ici « , dit Albert Bijnens, ex-président de Waterschei et toujours administrateur du RC Genk.  » Ils pensaient que la commune allait construire un nouveau stade près du hall omnisports mais j’étais président du parti majoritaire et je savais qu’elle n’en avait pas les moyens « .

Un jour, Thyl Gheyselinck, manager de crise hollandais chargé de la reconversion des mines du Limbourg, fixa rendez-vous à Bijnens et à son homologue de Winterslag, Jan Vandermeulen.  » Il nous a posé trois questions « , se rappelle Bijnens.  » Combien coûte un nouveau stade ? Combien faut-il pour monter une équipe de D1 ? Combien faut-il pour la maintenir au top pendant quelques années ? 900 millions de francs de l’époque, presque un milliard (22,5 millions d’euros), avons-nous répondu. Il nous a alors demandé si nous étions d’accord de fusionner s’il nous les offrait. Il aurait fallu être fou pour refuser mais j’ai dit à Jan qu’il ne payerait pas. Et ce fut le cas. Gheyselinck a fait marche arrière mais il a bien dû nous donner quelque chose. Finalement, nous avons eu la tribune principale de ce stade, qui a coûté environ 175 millions de francs (4,3 millions d’euros) « .

A Hasselt

Bijnens savait que Winterslag et Waterschei n’avaient pas d’avenir.  » Lorsque nous avons joué en Coupe d’Europe contre le PSG, l’agence de publicité Verhulst nous offrait 1,7 million de francs (42.000 euros) en panneaux publicitaires. Nous avions vendu nos panneaux pour toute la saison pour 600.000 francs (15.000 euros) et notre agence publicitaire empêcha Verhulst de s’occuper de ce match. Grâce aux mines, nous avons encore pu rivaliser pendant un certain temps avec les meilleurs. Nous donnions 30.000 francs par mois (750 euros) et un job à la mine à nos joueurs. C’est comme ça que nous avons pu conserver longtemps Pier Janssen. Mais lorsque les mines ont fermé, nous n’avions plus rien à proposer. Pour survivre, nous avons vendu des joueurs : Heinz Gründel au Standard pour 10 millions (250.000 euros) et Eddy Voordeckers à Rennes pour 21,5 millions (533.000 euros) après notre campagne européenne. Lorsque Gheyselinck arriva, les deux clubs avaient le couteau sur la gorge. Winterslag venait de remonter en D1 et Waterschei, lui, de chuter en D3. Sans la fusion, nous serions sans doute restés en D2 mais nous jouions notre dernier match à Hasselt et les joueurs ont sans doute voulu que ce dernier se sauve « .

30.000 francs

Au moment de la fusion, Genk avait l’ambition de devenir rapidement européen. Il transféra notamment Gérard Plessers, qui revenait de Hambourg. Il signa un contrat de quatre ans.  » Un grand club dans le Limbourg, c’est possible car les Limbourgeois ont les meilleurs joueurs de Belgique « , disait-il. Ce qui ne l’avait pas empêché de faire insérer une clause de résiliation de son contrat de quatre ans en cas de descente.  » Je ne me vois pas jouer en D2 « .

Vingt ans plus tard, il se rappelle encore des circonstances de son transfert :  » Je venais de resigner à Hambourg mais j’avais été blessé et un nouvel entraîneur arrivait. De plus, les enfants devaient entrer à l’école primaire. On m’avait dit que le club allait se renforcer dans tous les secteurs mais ce ne fut pas le cas « . Genk transféra juste Bertho Bosch, de Charleroi, et le médian hongrois Laszlo Gyimesi, du Honved Budapest. Comme Winterslag n’était monté que lors de la dernière journée, il avait eu peu de temps pour transférer.  » Beaucoup de joueurs étaient intéressés mais ne voulaient absolument pas jouer en D2 « , expliquait l’entraîneur Ernst Künnecke, venu de Winterslag mais qui avait entraîné Waterschei.

Au grand désappointement des supporters, le premier entraînement fut annulé car les équipements n’étaient pas prêts. Seuls les deux capitaines se serrèrent la main pour les photos : Tony Bialousz, dernier survivant de la campagne européenne de Waterschei, et Rudy Vossen (ex-Winterslag), un des rares joueurs à ne pas avoir signé de contrat professionnel.

Bijnens estime aujourd’hui que le club aurait mieux fait de redémarrer en D2 :  » Nous avions de bons jeunes mais ils n’étaient pas prêts. Nous avons encore acquis Dirk Medved et Ronny Van Geneugden. Nous ne pouvions leur donner que 30.000 francs (750 euros). Le père de Van Geneugden m’a proposé un deal : je donnais 80.000 francs (2.000 euros) à son fils pendant un an et il nous donnait sept millions. Si Ronny n’était pas bon, nous gardions les sept millions et le gamin pouvait partir. S’il était bon, nous rendions les sept millions. Je trouvais cela correct mais les autres administrateurs ont rigolé « .

Relégation

Gerard Plessers se rappelle qu’en stage, on s’aperçut directement que, techniquement et tactiquement, l’équipe n’était nulle part.  » Nous pensions nous en sortir en travaillant dur mais ce ne fut pas suffisant « . Le premier match, contre Anderlecht, se solda par une défaite devant 13.400 personnes. Deux buts de Luc Nilis, un ancien de Winterslag.  » L’équipe est à peine plus forte que celle de Winterslag la saison dernière « , écrivait Mick Michels dans ce magazine.  » Ce serait dommage de la voir retourner en D2 « .

Plessers se souvient :  » Il y avait trop peu de talent tandis qu’en coulisses, les dirigeants se battaient pour faire l’équipe. Après cinq matches, j’avais compris. Nous avions tout juste cinq joueurs dignes de la D1. J’ai remué ciel et terre pour tirer les autres, mais en vain « .

En cours de saison, Genk se renforça en achetant le Maltais Carmel Busuttil et le gardien yougoslave Tomislav Ivkovic mais sans succès. Il ne remporta que deux de ses 34 matches et termina la saison bon dernier avec 15 points. Depuis 1976, seul Hasselt avait fait moins bien avec 10 unités, en 1979-80. Après une saison, Plessers arrêta :  » Genk est devenu un grand club et c’est tant mieux mais pour ma carrière, ce fut un mauvais choix. J’aurais dû rester à Hambourg. Il y avait deux clans ici. J’avais un bon contact avec certains mais d’autres pensaient que je ne valais rien et que je gagnais trop « .

Le gardien de l’époque était Ronny Gaspercic (18 ans alors), qui vient de mettre un terme à sa carrière. Il s’était imposé la saison précédente à Winterslag, lorsque Jean-Paul De Bruyne s’était blessé.  » Ce ne fut pas une fusion facile car il y avait des intérêts divergents. Et puis, les résultats ne répondaient pas à l’attente. La pression était très forte. Ivkovic est arrivé à la trêve mais il est parti en fin de saison et j’ai repris ma place. Aujourd’hui, Genk est un vrai club mais ce n’était pas le cas à l’époque. D’ailleurs, combien de fusions fonctionnent vraiment ? Il a fallu des années. Quand je suis parti pour avoir critiqué le club, Genk était plus connu que Harelbeke mais, sur le plan sportif, je n’ai pas fait un pas en arrière « .

L’arrivée d’Ivkovic provoqua la démission d’Albert Bijnens.  » Le conseil d’administration avait décidé qu’il était trop cher. De plus, il n’était pas meilleur que Gaspercic. Mais il est quand même venu « .

Aimé Anthuenis

Bijnens ne revint qu’en 1994, à la demande des représentants de la mine qui, après une saison difficile, avaient mis presque tout le conseil d’administration à la porte.  » L’entraîneur de l’époque, Enver Alisic, avait dit à mon fils que je devais revenir, qu’il serait directeur sportif et qu’il ferait en sorte qu’il gagne beaucoup d’argent en quelques années. J’ai répondu à mon fils que je n’aimais pas cela. Alisic était un bon entraîneur et a amené de bons joueurs mais cette façon de procéder n’était pas correcte « .

Bijnens alla rechercher Domenico Olivieri à Seraing. Aujourd’hui entraîneur des Espoirs, il avait fait quelques apparitions en équipe fanion lors de la première saison.  » Pour nous, c’était encore Winterslag « , dit-il.  » Nous les jeunes, nous étions déjà contents d’avoir un contrat minimum « . Devenu titulaire en D2, il quitta le club lorsqu’il remonta, pour signer un bon contrat à Seraing.  » Parce que je sentais que Paul Theunis n’avait pas confiance en moi « .

Après quatre ans, l’ambiance avait changé :  » Finie l’époque du chacun pour soi. A mon retour, nous formions un groupe, sur le terrain comme en dehors « .

Le successeur d’Alisic, Aimé Anthuenis, ramena définitivement Genk en D1, lui offrit la Coupe, une bonne saison européenne et le titre.  » Un administrateur des mines avait un accord avec un entraîneur hollandais mais mon ami Nol Hendrikx, colombophile comme moi, me le déconseilla « , raconte Bijnens.  » Le président Remi Fagard dit alors qu’Anthuenis, qui quittait Waregem, avait posé sa candidature. Je ne le connaissais que de nom mais il nous fallait un entraîneur « .

Bijnens se souvient encore qu’Anthuenis voulait à tout prix Souleymane Oulare :  » Anthuenis était un type jovial, un travailleur et un connaisseur. Il faisait évoluer les joueurs à leur meilleure place et donnait l’impression aux dirigeants qu’ils avaient leur mot à dire dans la composition de l’équipe. Le vendredi, il prenait un verre avec nous, chacun exprimait son avis et il écoutait. Comme Sef Vergoossen, il avait l’art d’aligner onze amis. Sef invitait les joueurs, les dirigeants et les femmes chez lui, pour un barbecue. Nous jouions à toutes sortes de trucs toute la journée et, le soir, il y avait une remise de prix. C’étaient des gars qui savaient fonder une famille. Avec Aimé, c’est comme cela que nous avons gagné la Coupe et sommes devenus champions « .

Olivieri approuve :  » Anthuenis avait beaucoup d’impact sur la direction. Il nous faisait travailler dur mais nous acceptions. Nous venions tous de nulle part « .

C’est à cette époque que Genk a connu sa première véritable vedette : Branko Strupar. Il avait été amené par un manager allemand en 1994.  » Lors d’un match amical à Bree, tout le monde s’était moqué de lui « , rappelle Bijnens.  » J’ai alors demandé conseil à Mathieu Bollen, qui avait été l’adjoint d’ Ernst Happel. Il m’a dit qu’il avait des qualités et m’a convaincu de le prendre « .

Olivieri sourit :  » Au début, ce n’était pas du tout évident mais il a progressé avec nous. Et Alisic le soutenait à 100 % « .

Le meilleur souvenir d’Olivieri, c’est la victoire en Coupe, en 1994 : 4-1 contre le Club Bruges.  » Tout était nouveau. L’année précédente, nous avions terminé septièmes et joué l’Intertoto. C’était déjà très bien. Mais gagner la Coupe ! Je me souviens de tout, même de l’entraînement au Heysel. Puis le match, la fête. Quand nous sommes rentrés, je ne voyais plus très clair mais je n’ai rien oublié « .

La fanfare

Contrairement à Malines ou au Lierse, Genk n’a pas payé la rançon de la gloire.  » Nous avons eu la chance de pouvoir agrandir le stade grâce à la vente des joueurs « , dit Bijnens.  » Bart Goor est parti à Anderlecht pour 60 millions (1,5 million d’euros). Cela nous a permis de rembourser un prêt de 35 millions (870.000 euros) aux mines. Davy Oyen, que j’étais allé chercher en Réserves à Saint-Trond, est parti pour 100 millions de francs belges (2,5 millions d’euros) au PSV. Et Jacky Peeters pour 42,5 millions (1,05 million d’euros) à Duisburg. Je l’avais acheté en 1994 pour 3,25 millions (80.000 euros).

Lorsque les investissements immobiliers dépassèrent le montant des transferts, le club demanda de l’argent à Jos Vaessen. Celui-ci aurait dû être remboursé quelques mois plus tard mais, comme ce ne fut pas le cas, il devint dirigeant.  » Sans Vaessen, sportivement, nous aurions dû baisser pavillon « , avoue Bijnens.  » Nous avions un accord avec Bernd Thijs qui, un an plus tard, pouvait quitter le Standard gratuitement. Mais comme JanBoskamp le voulait immédiatement, il nous en coûta 50 millions (1,25 million d’euros). Sans Vaessen, cela n’aurait pas été possible « .

Il y a quinze ans, Erik Gerits, un ex-supporter de Winterslag, entra au club. Il est aujourd’hui directeur de l’organisation et fait de chaque match une fête :  » Lorsque je suis arrivé, il y avait une fanfare sur le terrain, comme à l’Antwerp. C’était préhistorique. Nous tentons chaque semaine de donner de la joie aux spectateurs. Je me suis inspiré de ce qui se passe à l’étranger. Vendre le nom du stade à un sponsor, par exemple. En Allemagne, tout le monde le fait. Et ma direction m’a toujours suivi « .

Dans six ans, le stade sera complètement remboursé.  » Nous pourrons alors consacrer plus de moyens à l’équipe « , précise Gerits.  » Nous clôturons déjà chaque exercice en boni. Cette saison, nous avons déjà transféré trois joueurs de plus d’un million d’euros. Ce n’était pas possible avant. Cela doit nous permettre d’atteindre le top 3, d’être moins irréguliers « .

par geert foutré

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