Objectif russe

Les nouveaux projets du coach hollandais après avoir amené Chelsea à la victoire en finale de la FA Cup et en demi-finale de Ligue des Champions.

A Chelsea on aurait aimé vous voir rester. N’y avait-il vraiment pas moyen de combiner le job de manager en Premier League et celui d’entraîneur national de la Russie ?

Guus Hiddink : J’ai vraiment apprécié le travail au quotidien avec l’équipe à Chelsea, mais je sais également que je me suis engagé de tout c£ur avec la Russie. Il y a deux ans, nous avons entamé la construction de l’équipe sur le terrain mais aussi de toute l’organisation autour de l’équipe nationale en vue de l’EURO 2008 en Suisse et en Autriche. A présent, nous avons démarré en poules qualificatives pour la Coupe du Monde 2010 et la qualification ne sera pas aisée. J’ai un engagement avec l’équipe russe et je les ai mis au défi de se qualifier. Ce ne serait pas honnête de les laisser en rade. Donc, même si j’ai adoré bosser à Londres, je ne peux pas laisser tomber mes gars en Russie.

Mais vous avez tout de même déjà cumulé deux fonctions et cela a plutôt bien réussi ?

C’était différent, car j’entraînais le PSV Eindhoven et l’équipe nationale australienne. L’Australie m’avait supplié depuis de nombreuses années de les aider à se qualifier pour la Coupe du Monde et j’avais fini par accepter, sous condition de garder mon boulot à plein temps en tant qu’entraîneur du PSV. Pour préparer le match de barrage décisif contre l’Uruguay, tout le staff australien fit même le déplacement à Eindhoven, de façon à ce que je puisse continuer à me concentrer sur mon job principal au Philips Stadion. La situation est à présent différente puisque nous avions examiné le calendrier avec la fédé russe : de février à fin mai 2009 seuls les matches contre le Liechtenstein et l’Azerbaïdjan étaient programmés, avant celui contre la Finlande en juin, ce qui m’a permis de me mettre au service de Chelsea.

N’étiez-vous pas tenté par une nouvelle tentative de décrocher la Ligue des Champions ?

Bien entendu, mais comme je l’ai déjà dit, j’ai cet engagement envers les joueurs russes. Nous avons entamé une aventure ensemble et si nous atteignons notre objectif je veux être à leurs côtés. Et si nous ne nous qualifions pas, je veux également vivre cette déception avec eux.

Vous avez un beau palmarès comme entraîneur, est-ce que ce fut difficile de vous  » vendre  » auprès des joueurs de Chelsea qui avaient été sous la coupe de caractères forts comme José Mourinho et remporté de nombreux trophées ? Avez-vous ressenti davantage de pression de ce fait-là ?

Non, je ne ressens pas la pression. Je sens la tension, mais cela me donne de l’énergie. Les joueurs avaient remporté des titres mais j’étais curieux de voir s’ils avaient encore le désir de gagner. Le noyau a bien réagi dans l’ensemble et montré qu’il avait bel et bien encore faim de succès.

 » C’est essentiel de bien jauger ses joueurs « 

Qu’avez-vous fait pour élever le niveau de jeu de certains joueurs comme Didier Drogba qui peinait avant que vous arriviez, ou encore Florent Malouda et Salomon Kalou ? Comment tirez-vous le meilleur des joueurs ?

Didier a eu des moments difficiles durant la première moitié de la saison, mais a bien réagi sur les terrains d’entraînement. J’essaie de jauger les joueurs, voir ce dont ils sont capables, bref retirer la quintessence de leur talent. Je pense que tout joueur peut prester mieux que ce qu’il pense pouvoir montrer. Je tente d’explorer les limites de performance des joueurs. Il faut également créer une ambiance et une animation de jeu dans lesquelles les joueurs font éclater tout leur talent. Nous avons travaillé dur avec Drogba comme nous l’avons fait avec chaque joueur. Il était avide de rejouer, pas à cause de moi mais parce qu’il était motivé à démontrer toute l’étendue de son jeu.

Votre relation avec le propriétaire du club, Roman Abramovich, explique votre arrivée à Chelsea. Aurait-il pu vous influencer à rester plus longtemps ?

Ce lien spécial est à rapprocher de celui qui unit Abramovich, la fédération russe de football et Chelsea. Cela fut la seule raison qui a permis que je combine les deux. Je n’aurais pu être manager d’aucun autre club que Chelsea et diriger en même temps l’équipe de Russie.

Vous avez travaillé aux quatre coins de la planète. De quelle fonction conservez-vous le meilleur souvenir ?

Cela fait très longtemps que je suis dans le métier et je prends toujours autant de plaisir à rejoindre tous les jours les terrains d’entraînement, à travailler avec de jeunes joueurs et à les aider à résoudre leurs problèmes éventuels. J’ai eu de très bons moments en Espagne, mais même lorsqu’un ou deux des clubs que j’ai entrainés ont connu des moments difficiles, j’ai toujours apprécié y travailler. Je n’ai aucune préférence.

A votre avis, la Premier League est la meilleure compétition du monde ?

Oui comme démontré lors des demi-finales de la Ligue des Champions où l’on retrouvait trois clubs anglais à nouveau… Le concept du foot britannique est très bien pensé. Les joueurs apprécient d’y jouer, ce qui rend la ligue d’autant plus forte. Tout est bien organisé, les joueurs disposent de contrats solides et c’est très agréable d’évoluer dans cet environnement. Les stades sont emplis d’une ambiance tellement typique, ce qui rend le spectacle encore plus beau. Si les clubs continuent à attirer les meilleurs, alors oui cela restera le meilleur championnat.

Fabio Capello s’est plaint qu’il n’y avait pas assez de joueurs anglais en Premier League. Comment l’évaluez-vous comme entraîneur de l’équipe d’Angleterre ?

Il a certainement fait revivre le team anglais. Il connaît le football, il est l’un des coaches ayant récolté le plus grand nombre de titres au monde et connaît très bien ses joueurs. Je pense qu’il est très strict et signifie clairement aux joueurs anglais ce qu’il attend d’eux. Mais in fine, il adore le foot et permet à ces hommes d’éprouver ce même plaisir. J’en ai parlé avec John Terry, Frank Lampard, Ashley Cole et ils m’ont affirmé combien ils appréciaient leur sélection et leur fierté de jouer sous le maillot de l’Angleterre. Mais le manque de joueurs anglais est vraiment criant. Lorsque je suis en charge d’une équipe nationale, j’apprécie quand les meilleurs joueurs du pays sont alignés dans les grands clubs de la nation en question. Je pense que, dans le futur, on verra de plus en plus de joueurs anglais faire leur trou dans les grands clubs de Premier League.

Pensez-vous qu’il soit difficile de continuer à motiver des joueurs de clubs du top, qui touchent de gros salaires, ont un certain égo et un train de vie élevé ?

Non, il s’agit d’une sélection naturelle. Si un joueur est bien payé par un club mais que sa motivation sur le terrain est limitée, il se plantera. Si c’est à l’entraîneur de motiver les joueurs et que ceux-ci ne montrent pas un minimum de motivation et d’envie de football, quelque chose cloche. D’ailleurs, lorsqu’un club recrute un joueur, il ne doit pas uniquement s’intéresser à son style. Il faut aussi en savoir plus sur sa personnalité, son caractère, sa motivation. Il faut sentir que le niveau d’implication du joueur sera à la hauteur des ambitions du club acquéreur.

par pedro pinto, world soccer – photo: belga

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