O Fenomeno

Le Brésilien a joué le meilleur match de sa vie contre Manchester United, ce qui permet au Real de boucler les demi-finales ce soir contre la Juve.

Le 18 septembre 1976, Sonia Barato Nazario De Lima, mère de deux enfants, a 25 ans et ne peut oublier les prédictions d’une sorcière vaudou, qui affirmait que l’enfant à naître serait doté de dons fabuleux et qu’il aiderait sa famille à fuir les favelas.

Lorsque l’enfant est né, le gynécologue demanda à Sonia quel nom elle lui donnerait. « Comment vous appelez-vous? », questionna Sonia.  » Ronaldo« , répondit-il. Et elle baptisa ainsi son fils, par reconnaissance. Accaparée par ses soucis, elle n’avait pas eu le temps de chercher un prénom au bébé. Son mari Nelio était drogué et alcoolique et vivotait de petits boulots. Faute d’argent, Nelio ne déclara cette naissance que quatre jours plus tard et écopa d’une amende pour avoir falsifié la date de naissance. Ronaldo fête donc deux fois son anniversaire chaque année: le 18 et le 22.

Jusqu’à quatre ans, Ronaldo n’a eu pour tout bien qu’un ours en peluche. Sa vie changea le 18 septembre 1980, quand son père lui a offert un ballon. L’avant: « J’ai eu une enfance pauvre. Ce ballon m’a offert une issue. Je suis vite devenu fou de foot ».

Le petit Ronaldo n’a pas immédiatement tapé dans l’oeil: il manquait de mobilité et contrôlait mal le ballon sur un sol inégal, mais il s’est acharné, mû par l’exemple de Zico, son idole. Ronaldo passait dix heures par jour à jouer. Au bout d’un an, les petites équipes de rues se l’arrachaient. L’avoir dans ses rangs était synonyme de victoire. éa valait bien un oeil au beurre noir. Ronaldo poursuivit sa formation à Valqueire et à So Christovo, de petits clubs locaux.

L’ancien international brésilien Jairzinho le renseigna à deux managers débutants, Reinaldo Pitta et Alexandre Martins. Convaincus, ils conclurent un contrat de 7.000 euros pour dix ans avec Nelio. Ce contrat leur offrait 10% de toutes les indemnités de transfert qui seraient versées pour Ronaldo. Une clause leur permettait même d’exploiter son image.

En mai 1993, Cruzeiro engagea Ronaldo pour 30.000 euros. L’entraîneur, Pinheiro : « Son dribble était déjà incroyable, ses passes millimétrées et ses buts étaient géniaux ». Timide, Ronaldo, avec ses dents de lapin, n’avait pas de succès auprès des filles. Son éclosion allait tout changer et, à 17 ans, il en profita allègrement, changeant chaque semaine de copine. Il se goinfrait aussi de friandises, de glaces et de hamburgers.

La métamorphose

éa ne l’empêcha pas de marquer 49 buts en 50 matches. Il effectua logiquement ses débuts en équipe nationale le 23 mars 1994 contre l’Argentine, remplaçant Bebeto en cours de jeu. Il fut sélectionné pour le Mondial américain, sans jouer. Les observateurs européens l’avaient déjà repéré. Le PSV fut le plus malin dans les négociations. Les managers de Ronaldo n’optèrent pas directement pour l’argent. Des débuts dans un championnat modeste leur semblaient préférables. Ronaldo avait rompu les ponts avec son père. .

C’est un nouveau Ronaldo qui débarqua aux Pays-Bas en août 1994: cheveux rasés, dents moins proéminentes, vêtements chic. Cette métamorphose faisait partie d’une stratégie de marketing. Au fond de lui, Ronaldo n’était qu’un gosse, séparé de sa mère et de son amie Nadia. Il souffrait du mal du pays. Ronaldo n’était pas prêt à affronter le monde du football professionnel. Il dormait toujours avec son ours en peluche, il répondait lui-même au courrier des supporters et payait les timbres.

Sur le terrain, il était déjà une vedette. Il fit sensation en marquant 30 buts dès sa première saison. Nadia fut remplacée par une beauté blonde, Vivianna. En deux ans, l’étoile de Ronaldo avait atteint de tels sommets que ses managers le jugèrent mûr pour un transfert mais, début 1996, il se blessa à la cheville. L’avant effectua sa rééducation au Brésil, en toute hâte. Il revint en fin de saison et avait besoin de jouer pour être repris pour les Jeux Olympiques d’Atlanta. L’entraîneur du PSV, Dick Advocaat, aurait préféré jouer la prudence, à la grande colère de ses managers. Ronaldo partageait leur avis.

Ronaldo rejoignit Barcelone. Quelques brillants dribbles furent à l’origine de superbes buts et Barcelone marqua 27 buts en huit matches. Après le match contre Compostelle, le 13 octobre 1996, joute durant laquelle Ronaldo inscrivit deux buts fantastiques, Bobby Robson, l’entraîneur des Catalans, déclara: « Vous pouvez battre le monde entier, jamais vous ne trouverez son pareil. Qui peut inscrire de tels buts? »

Las, fin octobre, les nuages s’accumulèrent. Lors d’une de ses innombrables sorties à Rio, Ronaldo avait fait la connaissance de Suzanna Werner, un mannequin, dont il s’enticha. Il ne pouvait supporter de vivre à l’autre bout du monde. En plus, on racontait que l’Inter voulait racheter le contrat de dix ans de Ronaldo à Barcelone. Ces rumeurs, l’attention hystérique des journalistes, les révélations sur sa vie amoureuse se firent ressentir. Du 27 octobre 1996 au 13 janvier suivant, il ne marqua qu’un but en neuf matches. La critique prit une ampleur malsaine et l’attaquant décida de partir dès qu’il le pourrait.

Navettes Rio-Barcelone

Du 8 décembre 1996 au 15 janvier 1997, Ronaldo effectua huit fois la navette entre Barcelone et Rio, où il festoyait avec Suzanna, pour revenir cerné à Barcelone. « Je suis libre de faire ce que je veux ». Son amie le rejoignit au printemps mais jamais Robson ne retrouva le Ronaldo qu’il avait tant admiré. Le Real rafla le titre et le président de Barcelone, Nunez, se disputa avec les managers de Ronaldo, pour des questions d’ordre financier.

Durant l’été 1997, l’Inter transféra Ronaldo. Robson se montra inconsolable: « Son départ constitue un crime. Je voulais qu’il reste mais ses managers l’ont obligé à partir. Il n’a plus de vie privée, ai-je appris. Il aurait pu progresser à Barcelone ».

La saison 1997-1998 devait constituer une préparation idéale au Mondial français. Les débuts furent prometteurs. Ronaldo se réconcilia avec son père et réalisa une superbe année avec l’Inter: 25 buts en 32 matches de championnat. Son contrat commercial avec Nike en fit le joueur le plus riche du monde. Les Italiens l’appréciaient, et pas seulement sur le terrain. Ils ont bien ri en découvrant une interview réalisée par une séduisante présentatrice, Xuxa, sur une chaîne brésilienne. Elle lui arracha les confidences les plus intimes. « Oui, il m’arrive encore de faire pipi au lit », avoua-t-il. « Notamment quand je suis très nerveux, avant un match. En plus, je suis devenu un esclave du sexe avec Suzanna. Je suis un partenaire fidèle aussi longtemps que je suis heureux avec une femme. Sinon, c’est une autre paire de manches ».

C’était le début de la fin. De nombreux articles firent état de ses problèmes relationnels avec Suzanna et la pression augmenta à l’approche du Mondial. 160 millions de Brésiliens espéraient bien qu’il leur offrirait le titre mondial. Une blessure au genou et un cocktail d’antidouleurs et d’autres médicaments transformèrent la finale du 12 juillet 1998 en cauchemar pour Ronaldo. Sa participation fut même douteuse.

« Toutes ces tensions et sa blessure l’ont mis au bord de la dépression nerveuse », expliqua Roberto Carlos. « Il a été victime de cette fameuse attaque quelques heures avant la finale. Son visage est devenu tout bleu et il a semblé s’étouffer ».

Les médecins de l’équipe du Brésil, placés sous pression, décidèrent de le mettre sur pied et lui administrèrent ce fameux cocktail. Pâle, tout comme Ronaldo, le Brésil s’inclina 3-0. Cette finale constitua le début d’une ère de quatre ans durant lesquels Ronaldo ne fut plus que l’ombre du génie qu’il avait été avant 1998. Il rompit avec Suzanna, fut victime de deux graves blessures du genou et ne joua que sept matches de championnat de 1999 à 2001. Pour beaucoup, il était fichu. Jusqu’en mars de l’année dernière. Il retrouva sa santé, sa forme, et réussit l’impossible pendant la Coupe du Monde, en marquant huit buts pour brandir le trophée.

« Ma plus grande victoire, c’est de pouvoir rejouer », déclara l’avant au terme de la finale du 30 juin, à Yokohama.

Ensuite, Barcelone n’a pas été surpris d’apprendre que Ronaldo avait des problèmes de contrat à l’Inter. Depuis septembre dernier, il se produit sous le maillot blanc du Real. Il tente de convaincre tous ceux qui le critiquent qu’il mérite bien son élection au titre de meilleur joueur du monde, un titre déjà emporté en 1996 et en 1997.

Martijn Horn, ESM

A Eindhoven, Ronaldo dormait toujours avec son ours en peluche

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