Nouvelle carrière

Il est grand, bâti dans le roc et son tennis semble enfin au point.

A 22 ans (il les a fêtés le jour de la finale messieurs à l’Open d’Australie), Marat Safin apparaît comme l’homme fort de ce début de saison et il l’annonce: il terminera l’année à la première place mondiale.

Cette position au classement, le Russe fut prêt de l’obtenir une première fois fin 2000. Il venait de remporter l’US Open en atomisant le roi Pete Sampras. Il collectionna six autres titres mais au Masters, le rêve se brisa.

Alors qu’il était arrivé à Lisbonne avec 75 points d’avance sur Gustavo Kuerten, il fut à deux reprises à une victoire de devenir le plus jeune numéro un mondial de l’histoire. Sampras, puis Agassi, l’empêchèrent de réaliser son rêve et Kuerten fut sacré à sa place… L’année avait été marquée par une valse des entraîneurs, preuve que mentalement, Safin n’y était pas vraiment.

Ne s’étant pas suffisamment reposé durant l’hiver, il aborda la saison 2001 rempli d’espoirs mais dès le début du mois de mars, il se blessa au dos. Un problème qu’il traîna pendant de nombreux mois et qui l’empêcha de réaliser une bonne saison, même s’il se rattrapa dans la deuxième moitié de l’année en se hissant notamment en demi-finale de l’US Open.

Aujourd’hui, le garçon apparaît plus doué que jamais mais aussi, et surtout, plus mûr.

Comment vous sentiez-vous en débutant cet Australian Open?

Marat Safin: J’ai pu constater que j’étais quasiment le seul dans ma partie de tableau à n’avoir aucun problème! Les vacances n’ont manifestement pas été les mêmes pour tout le monde. Certains ont paressé, d’autres, comme moi, ont beaucoup travaillé pour être prêts. L’Open d’Australie l’a montré: je suis là et je vais être dangereux cette saison. J’ai suivi une préparation spéciale. En fait non, je n’ai rien fait de particulier. Le repos a simplement été plus important entre la fin de la saison 2001 et le début de cette année. J’ai eu presque deux mois de libre, ce qui fut parfait pour partir en vacances, puis me remettre à bosser. J’ai travaillé pendant quasiment un mois entier, sans relâche. Vous voyez la femme qui se trouve derrière vous, là-bas c’est une confrère russe, elle m’a vu à l’oeuvre. Demandez-lui.

Il regardait tomber les têtes de série

A Melbourne, quand vous voyiez toutes les têtes de série tomber n’avez-vous pas pensé à un moment que votre tour allait venir?

Il faut penser cela pour aborder ses matches à du cent à l’heure et être parfaitement concentré du premier au dernier point. C’est ce que j’ai fait. On l’a vu à Melbourne contre Christophe Rochus. Je n’ai peut-être pas disputé le meilleur deuxième set de ma vie, mais je suis resté dans le match. J’ai sauvé quatre balles de set et j’ai continué à jouer de manière agressive. Ce match m’a donné confiance pour la suite. C’est après cette rencontre que je me suis dit que je pouvais aller loin.

Que pouvez-vous nous dire au sujet de l’aîné des frères Rochus?

Qu’il a de bonnes mains, qu’il court sur toutes les balles et qu’il peut vous rendre fou sur un terrain. C’est le genre de joueurs dont je me méfie tout particulièrement.

Quelle est votre explication aux éliminations précoces en Australie?

Je n’en sais rien. Comme tout le monde, j’ai vu Kuerten, Kafelnikov, Grosjean et Hewitt sortis très tôt du tournoi. Peut-être n’ont-ils pas eu assez de temps de repos puisqu’il s’agissait des quatre demi-finalistes du Masters. Franchement, je n’ai pas d’autre explication.

Suite aux nombreuses défections, vous avez été considéré très tôt comme un vainqueur potentiel du tournoi. Cela ne vous a pas trop embêté?

Disons que je n’étais pas tout à fait d’accord avec les prévisions. Il y avait encore beaucoup de joueurs dans le tableau qui pouvaient gagner. Il y en avait aussi beaucoup d’autres plus jeunes, dont certains que je connaissais à peine, qui étaient toujours susceptibles de faire des dégâts. Et cela d’autant plus que les éliminations des premiers jours ont donné des idées à tout le monde. Quant à moi, j’étais dans la partie de tableau de Youzhny, la plus grande star de Russie. Je savais que je devais rester prudent.

Mikhail Youzhny a 19 ans, est bâti comme un déménageur et possède un tennis très intéressant. Mais de là à en faire « la plus grande star de Russie », il y a tout de même un pas. D’autant que vous l’avez battu au troisième tour.

Peut-être mais il reste plus populaire que moi dans mon pays. Comme j’ai déjà eu l’occasion de le répéter à maintes reprises, Mikhail est un grand joueur. Tout le monde peut voir qu’il a du talent. Seulement, il faut qu’il travaille encore un peu ses coups. Je suis persuadé qu’il peut devenir l’un des plus grands joueurs russes de tous les temps, et très rapidement. Son potentiel est énorme.

Et nous qui croyions que la plus grande star en Russie, c’était Kournikova…

Youzhny passe d’abord! C’est marrant parce que Mikhail, Anna et moi-même, nous avons tous les trois grandi dans le même club de Moscou. Mikhail est beaucoup plus professionnel. Cette année, il fera son entrée dans le top 20. Pour l’heure, il frappe aux portes du top 50.

Il force les autres à travailler comme des fous pour le battre

Vous considérez-vous comme vieux?

Bien sûr que non. Je suis toujours jeune moi aussi. Le 27 janvier, jour de la finale à Melbourne, j’ai fêté mes 22 ans. Je crois que je peux encore bien jouer au tennis, ma motivation est toujours au rendez-vous. Je veux être fort sur le court pour faire peur à tout le monde. Celui qui veut me battre devra travailler davantage que par le passé pour y arriver.

En 2000, vous avez usé avec trois entraîneurs différents: Rafael Mensua, l’entraîneur de vos débuts à Valence, Andrei Chesnokov et Alexander Volkov. Depuis mars 2001, vous vous êtes associé à Mats Wilander mais on ne l’a pas vu en Australie. Travaillez-vous toujours avec lui?

Je pense que oui, simplement il ne pouvait pas venir à Melbourne. Je crois d’ailleurs qu’il projette de venir avec moi pour la tournée américaine. Je n’ai aucun problème d’entraîneur. Un de mes plus grands amis a commencé à travailler avec moi et je crois pouvoir dire que notre association a porté ses premiers résultats. Je joue bien et, surtout, je m’amuse à l’entraînement. Amit Naor est un Israélien qui a été joueur dans le temps. Il était mon manager auparavant. Maintenant, il est… je ne sais pas trop, mon entraîneur, mon manager, tout ensemble!

Manifestement, l’année 2001 a été rangée au rayon des souvenirs. Mais n’avez-vous pas eu parfois le sentiment que le tennis était trop dur pour vous?

Le problème est venu du calendrier. Il était un petit peu trop contraignant pour moi parce que nous avions terminé le Masters la première semaine de décembre. Je n’ai pas bénéficié d’un temps de vacances suffisant et je n’ai pu me préparer comme il fallait pour l’année 2001. Du coup, je me suis blessé très vite et l’année entière a été un désastre. J’ai tout de même réussi à gagner deux tournois, jouer les quarts de finale à Wimbledon et la demi-finale à l’US Open. Je suis même parvenu à me maintenir aux portes du top 10. Ce n’était donc pas si mauvais que cela mais je ferai beaucoup mieux en 2002.

Que faites-vous entre les matches? Vous avez la réputation d’être un grand sorteur.

Rien! Zéro!

Vraiment?

Mais oui. A Melbourne, j’allais au restaurant comme tout le monde. En dehors de cela, je suis resté très calme. J’avais mes amis avec moi et nous restions à la maison. Nous regardions le tennis à la télé, on était très relax. Moins j’ai des choses qui me tracassent, qui me passent par la tête et mieux je joue. J’ai appris à apprécier chaque victoire.

Il adore les blondes

Justement, à propos de vos amis, on en a aperçu quelques-uns dans les tribunes à Melbourne lors de votre match contre Sampras. Ou plutôt quelques-unes. De jolies blondes. Jamais vu autant de belles blondes dans le box réservé aux joueurs.

C’était les amies de mes amis! Je crois que vous devez reconnaître que j’ai un banc incroyablement étoffé et. superbe. Vous savez, ils forment mon team. J’avais besoin de support pour affronter Pete. C’est pour ça que j’avais amené autant de belles blondes! Aujourd’hui, je voyage avec les gens que je veux voir avec moi. La seule façon pour moi de prendre du plaisir en jouant au tennis est de m’entourer des gens que j’aime.

Qu’avez-vous pensé au moment de monter sur le court pour vous mesurer à Pete Sampras? Il restait sur une victoire contre vous en demi-finale à l’US Open.

C’est vrai mais j’étais beaucoup plus confiant qu’à Flushing Meadows. Je savais que j’avais une bonne chance de gagner.

Après deux sets et demi où vous avez développé un tennis d’une extrême qualité, vous avez semblé quelque peu perdre le nord. Il a su élever le niveau de son jeu ou bien est-ce vous qui avez levé le pied?

Je me souviens avoir commis quelques erreurs et notamment une facile en revers parce que j’ai voulu forcer. Au lieu de frapper, j’ai voulu simplement placer la balle et contre Pete, cela ne pardonne pas. A partir de ce moment-là, le match a basculé. Il s’en est fallu de peu pour qu’il ne renverse complètement la vapeur.

A un moment de la rencontre, vous êtes allé changer de raquette et Pete vous a regardé plutôt méchamment. Vous avez même échangé quelques mots. Y avait-il un problème entre vous?

Aucun. Je m’entends bien avec Pete mais sur le court, c’est une tout autre histoire. Il veut me battre et je veux le battre. Si j’ai changé de raquette, c’est parce que j’avais un problème avec le cordage, rien de plus. Il s’est plaint mais franchement, je ne savais pas pourquoi. Il doit me comprendre. Cela lui arrive aussi très souvent, et personne ne trouve rien à y redire.

A quel point respectez-vous un joueur comme Sampras?

Je crois que tout le monde sait que Pete est le plus grand joueur de tous les temps. Il a gagné 13 Grands Chelems et il faut respecter son jeu. Si vous voulez le battre, il faut jouer son meilleur tennis. Il vous oblige à une concentration maximale. Quelques moments d’inattention et il vous bat facilement. Parce qu’il est si difficile à jouer, tout le monde le respecte.

Vous vous êtes installé à Genève. La pression à Valence devenait-elle insupportable?

Non. A part le tennis, je n’avais rien d’autre. Ce fut une grande expérience, j’y ai vécu pendant sept ans mais je n’ai rien laissé là-bas.

Pas même une amie?

Non, plus maintenant…

Florient Etienne

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire