Nouveau et futur-ex

Face-à-face entre deux pontes de clubs qui veulent améliorer leur palmarès.

Au programme de la prochaine journée, un match se détache indéniablement: celui qui opposera au Parc Astrid Anderlecht et le Standard. Un classique d’entre les classiques qui, cette saison, s’inscrira sous le double signe de l’importance de l’enjeu pour l’équipe locale, et du prestige pour son hôte liégeois.

Michel Verschueren(manager général du RSCA): Après avoir malencontreusement loupé l’une des deux places qualificatives pour la phase préliminaire de la Ligue des Champions, l’année dernière, nous devons absolument tout mettre en oeuvre pour que pareille mésaventure ne nous arrive plus. Dans la mesure où, sauf miracle, le titre semble définitivement hors de portée, seul un premier accessit, derrière Bruges, peut nous permettre d’assouvir cette ambition. Sous cet angle-là, la lutte promet d’être serrée jusqu’au bout entre Lokeren, le Lierse et nous. Pour émerger, il n’y a pas 36 solutions: il s’agit de galvauder le moins de points possible. Autrement dit, la défaite est interdite pour nous face au Standard.

Pierre François(directeur général du Standard): Contrairement au rival bruxellois, nous n’avons hélas plus rien à gagner, au plan purement sportif, puisque nous avons hélas épuisé toutes nos chances de rallier l’Europe, tant par le biais d’un bon classement final parmi l’élite que par le truchement de la Coupe de Belgique. Cette absence d’objectif n’induit cependant pas, tant s’en faut, une démobilisation de la part des Standardmen. Par respect envers le public et par souci d’équité, l’équipe se doit de défendre crânement ses chances et de jouer résolument le jeu d’ici la 34ème et dernière journée . A commencer par dimanche prochain, au Parc Astrid.

Tactique et osmose déficientes

D’après les pronostics d’avant-saison, Anderlecht-Standard aurait dû opposer, à ce stade de la compétition, deux équipes qui briguaient résolument les honneurs. Pourquoi n’ont-elles pas tenu leurs promesses?

Michel Verschueren: Nous avons mis tout simplement trop de temps pour trouver la configuration idéale sur le terrain. Après un départ prometteur, notre nouveau coach, Hugo Broos, est sans doute allé un peu trop vite en besogne, lors du passage à vide de certains joueurs, au début de l’automne, en abandonnant son 4-4-2 initial en faveur du 4-3-3, avant d’en revenir ces dernières semaines à sa première conception. Se prononcer pour une plus grande densité offensive, comme il l’a fait, c’était quand même risqué avec deux joueurs, sur les flancs, aussi peu imprégnés des contours défensifs de leur mission que Ki-Hyeon Seol et Ivica Mornar. Qu’on me comprenne bien: par moments, ces deux garçons ont eu leur part de mérite dans certains résultats ou hauts faits de l’équipe. Je songe notamment à la prestation du Coréen aux Girondins de Bordeaux. Ou à celle du Croate au Standard, précisément. Mais à côté de ces coups d’éclat, il y a malheureusement eu trop de matches où leur implication était synonyme de déséquilibre sur le terrain. L’entraîneur y a, en définitive, remédié pour de bon. Mais sur le tard, malheureusement.

Pierre François: Au départ, nous pensions avoir réuni les ingrédients pour réussir une bonne campagne. Hélas, après quelques semaines à peine, elle s’en était déjà allée tout à fait à vau-l’eau. En cause, non pas un problème de conception tactique, mais une osmose qui ne s’est guère vérifiée entre le groupe et son responsable technique. Par deux fois, au préalable, le Standard n’avait jamais eu qu’à se féliciter du choix de Robert Waseige en tant qu’entraîneur. A présent, on s’est trompé d’histoire d’amour, voilà tout.

Michel Verschueren: Nous avions connu une situation pareille en 1998-99. Arie Haan, qui avait pourtant fait ses preuves chez nous également à un stade antérieur de sa carrière d’entraîneur, n’était pas parvenu à faire passer son message et nous n’avions eu d’autre ressource que de mettre prématurément un terme à notre collaboration. Au même titre que Robert Waseige, les compétences du Néerlandais ne se discutaient pourtant pas. Mais, à un moment donné, il faut pouvoir prendre les mesures qui s’imposent et faire de son coeur une pierre. La nomination de Jean Dockx à la tête de l’équipe fut un choix judicieux puisqu’il s’en était fallu de peu que nous coiffions la concurrence sur le poteau quelques mois plus tard. Au Standard, la remontée aura d’ailleurs été tout aussi impressionnante cette saison.

Pierre François: Nous n’avons absolument qu’à nous louer du magnifique travail effectué par Dominique D’Onofrio. Il est simplement dommage que le seul réel faux-pas des Rouches, sous sa direction, ait finalement été très lourd de conséquences. Je songe, bien sûr, à l’élimination en quarts de finale de la Coupe de Belgique, au Tivoli contre La Louvière. Elle est d’autant plus navrante que compte tenu des éliminations de Bruges et d’Anderlecht, nous aurions eu un formidable coup à jouer dans la suite de l’épreuve. Mais le passé est le passé. Une lueurcommune : la génération ’82

L’absence de résultats probants n’a-t-elle pas été compensée, de part et d’autre par l’éclosion de quelques jeunes extrêmement prometteurs?

Michel Verschueren: A quelque chose malheur est bon, dit-on souvent. Et c’est vrai que le comportement des jeunes aura été, chez nous, un très grand motif de satisfaction. Certains disent que nous aurions été nettement plus inspirés en les jetant plus tôt dans la bataille mais je ne suis pas de cet avis. En 2000-2001, lorsque nous avions réalisé une campagne mémorable en Ligue des Champions, en prenant notamment la mesure, dans nos installations, de Manchester United, la Lazio Rome et le Real Madrid, l’équipe était pour ainsi dire toujours composée du même onze immuable. Certains garçons méritants, tels Olivier Doll ou Alexandre Ilic, avaient dû attendre très longtemps avant de pouvoir se faire une petite place au soleil. Si des valeurs sûres comme eux avaient déjà dû s’armer de patience, n’est-il pas logique que des garçons inexpérimentés rongent leur frein aussi, sur le banc de touche, avant d’être lancés dans le grand bain de la Première? L’essentiel, à ce niveau, est de persévérer et de saisir sa chance en temps opportun. A cet effet, l’examen s’est révélé tout à fait concluant pour chacun d’entre eux, qu’il s’agisse de Martin Kolar, ou de la génération ’82 composée de Goran Lovre, Olivier Deschacht ou encore de l’infortuné Junior. Et d’autres sont appelés à emboîter leur pas: Anatoli Guerk, Maarten Martens, Vincent Kompany, Dennis Calincov et j’en passe. En plus de 20 ans de présence au RSCA, je n’ai jamais connu une génération aussi prometteuse en tout cas.

Pierre François: Chez nous aussi, la fameuse génération ’82, à laquelle appartiennent Jonathan Walasiak, Moustapha Oussalah et Jinks Dimvula, entre autres, aura frappé les imaginations. Et ce n’est qu’un début. Personnellement, je suis d’ailleurs d’avis qu’il faut exploiter tant et plus cette veine. Pour avoir vu les jeunes à l’oeuvre à quantité de reprises, je n’hésite pas à dire que c’est dans le cadre de leurs compétitions que j’ai sans doute assisté aux matches les plus enthousiasmants du Standard cette saison. Je me souviens notamment d’une rencontre contre Strasbourg, au Bois-Saint-Jean où, devant un parterre de quarante personnes à peine, le blé en herbe des Rouches a donné à la fois une leçon de football et de combativité à son opposant alsacien. Et je me dis que c’est en façonnant précisément ces jeunots, dès leur plus jeune âge, qu’on parvient à inculquer cet esprit Standard qu’on ne retrouve malheureusement pas toujours chez ceux qu’on fait parfois venir chez nous contre force monnaie sonnante et trébuchante. Il y a là matière à réflexion. Et Michel Preud’homme partage exactement le même sentiment que moi. Modèles à suivre

D’un côté, vous louez à juste titre les jeunes. Mais, à Anderlecht, vous battez le rappel d’un ancien, Pär Zetterberg, alors qu’au Standard, vous lorgnez Tjörven De Brul. N’est-ce pas contradictoire?

Michel Verschueren: Pas du tout. Pour donner leur pleine mesure, les nouveaux se doivent d’être guidés par des éléments routinés. D’accord, certains retours n’ont pas eu l’effet escompté chez nous. Mais je mets ma main au feu que nous ne nous mordrons jamais les doigts d’avoir fait revenir Pär Zetterberg. Parce que celui-là, justement, il a, corollairement à ce que vient de dire Pierre François, l’esprit Anderlecht plus que n’importe quel autre. Et le même raisonnement vaut pour Yves Vanderhaeghe. C’est vrai, il a 33 ans et, vu son ardeur au travail, il est peut-être permis de s’interroger sur ses aptitudes à tenir la distance pendant trois années de plus. Mais au-delà de ses qualités footballistiques, qui en font un homme précieux, comme les Diables Rouges et leur entraîneur, Aimé Anthuenis, ont pu le mesurer récemment à Zagreb, le Flandrien est aussi et surtout un formidable modèle pour tout le monde. Je ne pense pas qu’il y ait à Anderlecht un plus grand admirateur de Junior que lui. Ce qui veut quand même tout dire quand on sait que les deux hommes seront probablement appelés à lutter pour la même place dans les mois et années à venir.

Pierre François: Quel que soit le contexte au sein duquel elles évoluent, les promesses ont toujours besoin de repères et de guides. Ce n’est pas par hasard si, dans un même ordre d’idées que le retour de Pär Zetterberg au RSCA, le Standard avait lui aussi envisagé, à un moment donné, la possibilité d’un come-back de Marc Wilmots. Cette idée avait fait abondamment jaser, elle aussi. Pourtant, s’il est quelqu’un qui manque au plus haut niveau du football belge, c’est lui. Un joueur de cette trempe, c’est inestimable. Et je pars du principe qu’un club comme le nôtre doit pouvoir s’appuyer tant et plus sur semblables individus. C’est dans cet ordre d’idées que nous avons sondé récemment Eric Gerets, afin d’étudier les modalités d’un retour à Sclessin. Mais ce ne sera pas pour la saison à venir car il veut aller au bout de son contrat à Kaiserslautern. Quant à dire si Dominique D’Onofrio sera toujours coach du Standard au cours des mois à venir, je ne me prononcerai pas à ce sujet pour le moment. Je préfère m’attarder au concret, comme la reconduction du bail d’Ivica Dragutinovic, par exemple. Changement de conjoncture

Le Standard a fait rempiler son capitaine et figure emblématique de l’équipe. Au RSCA, on n’a pas procédé autrement en ce qui concerne Aruna Dindane, pourtant convoité par Manchester United. L’exemple de Bruges, qui a tenu à conserver ses meilleurs éléments, comme Gaétan Englebert et Timmy Simons, aurait-il donné à réfléchir tant au Standard qu’au RSCA, tous deux rentrés dans le rang après avoir vendu des éléments comme Vedran Runje, Daniel Van Buyten, Jan Koller, Tomasz Radzinski, et on en passe?

Michel Verschueren: La conjoncture a changé en l’espace de deux ans. En 2001, rien n’était trop beau ni trop cher pour les sociétaires des cinq championnats majeurs en Europe, l’Espagne, l’Italie, la France, l’Angleterre et l’Allemagne et nous avions pu profiter de cette situation. A présent, plus personne, n’a la folie des grandeurs. La tentation est donc nettement moins grande, pour un club belge, de monnayer le talent de l’un ou l’autre de ses représentants. Et c’est ce qui explique pourquoi Bruges a préféré conserver ses meilleurs joueurs. Je reste toutefois persuadé que si Schalke, ou un autre grand d’Europe, avait été prêt à délier généreusement les cordons de la bourse en vue d’acquérir Timmy Simons, la direction du Club n’aurait pas résisté. D’ailleurs, si le marché se rétablit dans les années futures, je prends le pari que jamais, dans ce cas, le Soulier d’Or n’ira au bout de son contrat chez les Bleu et Noir. Il suivra alors le même chemin que les Standardmen et Sportingmen qui ont été cités.

Pierre François: Dès l’instant où la vente d’un élément permet de réaliser une part importante du budget, il ne faut pas laisser passer l’aubaine. Pour nous, une opportunité s’est encore présentée ces derniers mois, dans ce registre, avec Ali Lukunku, et nous n’avons pas hésité. Mais c’est vrai que, dans l’absolu, il devrait être plus facile, compte tenu du contexte actuel, de garder ses meilleurs éléments. Anderlecht a anticipé les événements avec Aruna Dindane et nous n’avons pas fait autrement avec Ivica Dragutinovic. Notre intention, à présent, est de parvenir à un même accord concernant Almani Moreira. Preud’homme, digne successeur

Vous venez d’entrer en fonction cette saison, Pierre François. Vous, Michel Verschueren, délaisserez les vôtres en cours d’année. On peut imaginer que vos priorités ne seront pas les mêmes.

Pierre François: Ma préoccupation initiale, en arrivant au Standard, fut de veiller à un meilleur ancrage rouche au sein du club. J’étais d’avis qu’il fallait rendre le Standard aux Standardmen. A cet effet, nous avons repris nous-mêmes la gestion de la billetterie et du marketing, qui avait été cédée à des externes. Ce retour aux sources, concrétisé entre autres par la création de deux emplois à temps plein, occupés par des gens qui ont la fibre et l’esprit Standard, aura constitué un premier pas dans la bonne direction. Mon deuxième souci, auquel nous nous attelons pleinement à présent, consiste à repositionner avantageusement le club sur la scène nationale. Après 20 ans de disette, le Standard ne peut plus se contenter d’un simple rôle de figurant. L’année prochaine, j’aimerais pouvoir changer le palmarès du papier à en-tête du club qui n’a plus subi de modification depuis tout ce temps. Et qui dit grand club, dit aussi personnages importants en haut lieu. C’est la raison pour laquelle nous avons ardemment poussé la candidature de Michel Preud’homme à l’Exécutif de l’Union Belge.

Michel Verschueren: Le Standard a toujours pu tabler sur de grands dirigeants. Je songe à Roger Petit ou à Jean-Marie Defourny, entre autres. Michel Preud’homme devrait s’ériger en leur digne successeur. J’ai eu l’occasion de le côtoyer à plus d’une reprise, ces dernières années, dans le cadre du projet de l’ Atlantic League, où il représentait le Benfica Lisbonne. C’est quelqu’un qui a à la fois de l’entregent et de bonnes idées. Avec lui, le Standard est entre de bonnes mains. Pour ce qui est de mes propres chevaux de bataille, au cours des mois à venir, il va de soi que j’entends laisser le meilleur héritage possible à mon successeur. A commencer par la perspective de renouer avec la Ligue des Champions et de jouer à nouveau un rôle enviable en championnat. Il n’y a pas que le Standard à vouloir changer son papier à en-tête dans un an (il rit)

Bruno Govers et Pierre Bilic.

« Je veux laisser un bel héritage à mon successeur » (Michel Verschueren)

« C’est vrai, nous avons sondé Wilmots puis Gerets » (Pierre François)

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