« Nous sommes un clan violent »

L’international danois doit devenir un joueur-clé de l’entrejeu du Club Bruges new-look. A condition de gérer ses colères… Visite chez lui, dans le petit port de Dragor, sur l’île d’Amager.

La dame à l’entrée du Dragor Museum ne connaît pas le footballeur mais le nom lui est familier.  » Les Zimlings ?, ils viennent originellement de là-bas « , dit-elle pointant le bras vers la mer à la gauche du pont visible au loin reliant le Danemark et la Suède.  » Il y a là une île, appelée Saltholm. Jadis c’était un pré salé pour le bétail, à présent c’est une réserve naturelle où vivent encore quelques gens. « 

Au Moyen Age, Dragor était un hameau de pêche où l’on cultivait principalement le hareng, qui était ensuite véhiculé dans toute l’Europe catholique asservie à la consommation de poisson le vendredi et les jours de jeûne. Durant la Seconde Guerre mondiale, Dragor était un point d’embarquement sur les bateaux de pêche pour les Juifs cherchant refuge en Suède. Aujourd’hui, avec ses vieilles petites ruelles et maisons basses, c’est l’une des plus charmantes cités du Danemark. Niki Zimling, né dans le hameau voisin de Tarnby, y a passé son enfance. Il est venu à vélo à l’interview fixée sur la terrasse du Café Blink. Son père Jan l’accompagne, mais il ne pourra rester jusqu’au bout : il doit jouer au foot !

Jan : Jeune, j’ai débuté au goal. Puis je suis devenu attaquant. A présent je suis redevenu gardien de but parce que je ne peux plus shooter : mes genoux m’ont lâché.

Niki : Il n’a plus de ménisques mais il joue toujours deux fois par semaine.

Jan : Il est normal que Niki et son frère soient fous de foot. Ils ont été élevés dedans. Niki a commencé à 4 ans dans un petit club local. Puis il a gravi les échelons. Depuis toujours il a fait preuve de volonté, d’obéissance et de sérieux. Quand, vers 14 ans, beaucoup de jeunes footballeurs cèdent devant les filles et la guindaille, il n’est pas tombé dans le piège. Sur le terrain, on observait la différence avec les autres. Niki a beaucoup appris à partir de ces détails qui ont permis son ascension.

Niki : Mon père m’a souvent dit : – Si tu veux devenir footballeur professionnel, il faut le faire à fond : écouter le coach, rejeter les mauvaises habitudes, être concentré et vivre comme un pro. J’avais 11 ans et je m’apprêtais à rejoindre les rangs de FC Copenhague. C’était le vrai départ de ma carrière de footballeur. Heureusement, tout s’est bien déroulé. J’ai ensuite rejoint les rangs de Brondby, le premier club du pays, qui possédait aussi le meilleur centre de formation. A 16 ans, j’ai toutefois été brutalement freiné : double fracture de la jambe droite et une année de perdue ! Mais ensuite tout a été très vite : Championnat d’Europe des U17, équipe fanion de Brondby et entrée au jeu en Champions League face au Barcelone de Ronaldinho. Que rêver de mieux à 17 ans ?

Jan : A 20 ans, il était capitaine d’Esbjerg et footballeur de l’année. Puis capitaine des U21. Il a pratiquement toujours été capitaine parce qu’il est ambitieux et s’est toujours donné à fond. À l’entraînement comme en match.

Qui était votre joueur préféré ?

Niki : Cela a toujours été Andrea Pirlo, pour moi le meilleur joueur du monde.

Vous êtes pourtant davantage du type Gennaro Gattuso ?

Niki : Peut-être un mélange des deux. Généralement on me compare plutôt à Thomas Gravesen (NDLR, médian défensif danois qui a évolué au Real Madrid durant la saison 2005-2006). J’ai longtemps joué comme l’élément le plus offensif des deux médians centraux. Dans ce rôle j’ai marqué jusqu’à 10 buts par saison à Esbjerg. Mais à l’Udinese, le coach estimait que j’étais plus utile comme défensif. Le coach fédéral le pensait aussi d’ailleurs. C’est pourquoi je suis devenu un meneur de jeu devant la défense.

Qu’attend précisément le Club Bruges de vous ?

Niki : Ils m’ont dit qu’ils voulaient un mix d’un 6 et d’un 8. Devant la défense, j’essaie d’être toujours accessible et je suis capable d’orienter le jeu vers l’avant et même de surgir quelques fois par match devant le goal.

 » Je compte jusqu’à 10 et j’évite les bêtises « 

Le père de Niki nous quitte et sa maman, Vivi, le remplace. A notre demande, elle raconte d’emblée une anecdote qui type bien le caractère particulier de Niki.

Vivi : A 8 ou 9 ans, il nous a obligé de rentrer à la maison d’un tournoi joué à 150 kilomètres d’ici, après un match seulement. Il avait perdu et ne décolérait pas. Une vraie furie.

Niki : Après une défaite, je suis détestable durant des heures. Je me sens très mal, frustré, déçu et fâché. J’estime que si une défaite ne vous affecte pas, il faut faire autre chose. Je reconnais que j’ai depuis longtemps abandonné le jeu de cartes ! Car si je perds, je suis capable de tout foutre en l’air tout au long de la journée. Après avoir cassé de rage une commande de playstation, je n’y joue plus non plus. Avec l’âge, je tente cependant de mieux me contrôler. Je ne casse plus les bouteilles ! Je respire profondément, je compte jusqu’à 10 et j’évite les bêtises.

Vivi : Son père et son frère sont tout aussi explosifs…

Niki : Nous sommes un clan violent. Ma s£ur a fait du kick boxing jusqu’à 22 ans. Elle a arrêté quand elle était enceinte et a repris la boxe ! Mon frère joue au foot avec B93 en 2e division. Il fait partie de l’équipe danoise des U19 et vient d’effectuer un test à Padoue. Je crois qu’ils vont l’embaucher.

Vivi : Quant à moi, je fais de la boxe combinée avec du fitness. J’ai commencé cela il y a deux ans, pour rester en forme. Avant je jouais au handball.

En mars dernier vous avez été suspendu durant quatre semaines pour un tackle appuyé sur Aleksander Radosavlevic dans un match perdu 1-5 contre ADO La Haye…

Niki : C’était la conséquence d’un mauvais arbitrage et d’un manque de combativité de la part de certains équipiers. J’étais tellement frustré que j’en ai perdu la tête ! C’était idiot. Cela n’arrivera plus. J’ai compris la leçon.

Peut-on déjà titrer  » Niki Zimling, le nouveau patron de Bruges  » ?

Niki : Oui. C’est pour cela qu’ils m’ont acquis. Evidemment, je dois encore honorer ma réputation. Mais je crois en moi et on verra bien comment je m’acquitterai de ma tâche. Le rôle auquel on me destine est déjà pour moi une reconnaissance de valeur.

Quel type de meneur êtes-vous ?

Niki : Je suis un fonceur ! Avec 11 joueurs qui vont au combat pour gagner, les chances de victoire augmentent. Ressentir ce sentiment collectif de winning spirit est très important pour le joueur. Je ne supporte pas les gens qui rigolent dans le bus après une défaite. Dans ce cas il faut s’interroger sur ce qui n’a pas marché, pas raconter des blagues. C’est aussi un manque de respect pour les équipiers qui ont tout donné. Un footballeur doit être conscient qu’il jouit de beaucoup de privilèges et ne pas oublier qu’il doit faire preuve de beaucoup de sérieux et de travail pour cela. Celui qui ne tire pas les leçons d’une défaite n’est pas un pro.

Vivi : Niki sait motiver les gens.

Niki : Je peux être très copain mais aussi très emmerdeur. Ça, je l’ai appris en Italie. Pour obtenir des résultats, on ne peut pas toujours être gentil sur le terrain. Il faut veiller à ce que tout le monde se donne à fond et poursuive le même but : la victoire. A mes yeux, un leader est celui qui connaît bien cette balance et qui évalue dans l’intérêt de l’équipe quand c’est le moment de se montrer autoritaire et emmerdeur. En Italie, seule la victoire compte. Aux Pays-Bas on s’attache davantage au développement de l’homme. Moi, je veux bien, mais à condition que cela serve à mieux vaincre.

Quel trait déterminant de ta personnalité te vient de ta mère ?

Niki : Sans doute que je crois comme elle à la force du destin. Tout est écrit ! Ce qui est prévu se déroulera un jour et il appartient alors à l’individu de maîtriser la situation. Dans la vie, il existe des forces positives et des forces négatives. L’art consiste à les faire évoluer en sa faveur. Dès lors je crois aussi en l’influence de certains rituels. Chez moi, cela va très loin : jusqu’à la manière de m’habiller et de lacer mes souliers. Je ne porterai jamais non plus un maillot numéro 13. Mais chacun pour soi dans ce domaine. Ma s£ur et mon frère s’en fichent royalement. Jannik porte le maillot frappé du numéro 13 sans appréhension. Pour moi, tout se produit en vertu d’une raison ; fatalité ou providence. C’est la destinée. Mais mieux vaut ne pas trop y penser. Sans quoi, on devient fou. Tenez, voyez ce tatouage sur mon bras gauche : Carpe diem (Vivre au jour le jour). J’essaie de faire confiance à la vie et de profiter au mieux de chaque moment qu’elle offre.

Pourquoi vous n’avez pas réussi en Italie ?

Niki : J’estime toujours que j’aurais pu tenir mon rang en Serie A, à condition d’avoir pu jouer une série de 3 ou 4 matches consécutifs. Mais les circonstances ne l’ont pas permis, essentiellement à cause d’un chassé-croisé incessant d’entraîneurs et de managers. J’ai aussi souffert physiquement : un nez cassé à la suite d’un coup de coude à l’entraînement, des fractures d’orteils et de doigts ! Mais, in fine, c’était une expérience instructive.

Après l’Udinese vous vous êtes refait une santé l’an dernier avec NEC Nimègue et l’équipe nationale danoise. Rêvez-vous à nouveau du top ?

Niki : Sans rêves, pas d’objectifs… Je sais qu’on ne m’attend pas au Real Madrid ou à Barcelone, mais je viserai toujours le plus haut niveau. A présent je dois rendre Bruges meilleur et en retour le club doit m’améliorer aussi. Après, on verra…

PAR CHRISTIAN VANDENABEELE

 » Celui qui ne prend pas une défaite au sérieux, n’est pas un pro.  »  » Généralement on me compare à Thomas Gravesen. « 

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