» Nous sommes en avance par rapport aux clubs « 

Entraîneur de toutes les sélections de jeunes, T2 chez les Diables, patron de l’EURO 2000, Directeur technique national : il est au sommet de l’Union belge depuis plus de 25 ans.

Un monument va s’en aller. L’Union belge sans Michel Sablon (64 ans), ce ne sera plus tout à fait la même chose. C’est la quille en juin 2012. Avec, dans la poche de son veston, un CV fédéral impressionnant (voir encadré). Depuis 2001, il est Directeur technique national. C’est Francky Dury qui le remplacera.

Pourquoi Dury ?

Michel Sablon : Dès le début, nous avons estimé que c’était un candidat très valable. Et nous l’avons très vite engagé parce que la Fédération craignait qu’il soit contacté par un club et nous file entre les doigts.

Jean-François de Sart était intéressé. Benoît Thans aussi…

Oui, Thans est venu pour discuter.

J’ai entendu qu’Hugo Broos était également sur le coup mais avait été jugé trop vieux ?

Je n’ai pas vu sa candidature. En tout cas, il n’a pas été invité.

Vous n’avez pas ressenti qu’à son arrivée, Dury était un homme un peu dégoûté ? Il a râlé sec de ne pas avoir été engagé par le Club Bruges ou Zulte Waregem. Vous n’avez pas perçu dans son discours que l’Union belge n’était finalement qu’une roue de secours ?

Il m’a semblé très enthousiaste. Dès qu’il a fait son choix, il s’est mis à bosser. De toute façon, avec le boulot qui l’attend, il n’aura pas beaucoup le temps de penser à une déception éventuelle par rapport à Bruges ou Zulte !

Il coache aussi les Espoirs.

Oui, mais pour cinq matches seulement. Dès qu’il me remplacera comme DTN, il n’aura plus le temps de le faire et il faudra chercher quelqu’un d’autre.

Vous ne vous dites jamais qu’un club pourrait venir chercher Dury à tout moment ?

Je ne pense pas qu’il y ait une clause de départ dans son contrat.

Il n’y avait pas de clause dans le contrat de Vercauteren à Genk…

(Il rigole). C’est étonnant ce qui s’est passé là-bas. Vercauteren qui quitte définitivement ses joueurs dans un hall d’aéroport en Israël… Il leur dit : -Je n’embarque pas avec vous, je pars de mon côté, bon voyage ! Pour l’image de notre football, ce n’est pas l’idéal. Je connais Frankie Vercauteren depuis les années 80, je l’ai côtoyé notamment à la Coupe du Monde au Mexique 86, où j’étais adjoint. Je l’ai retrouvé quand il a entraîné les Diables. Je suis surpris par sa décision de partir parce que je le considère comme un gars sérieux et correct.

 » Qu’est-ce que les Diables auraient pensé si Leekens n’était pas allé repérer des sites en Pologne et en Ukraine ? »

Il n’y a pas que Genk qui tourne à l’envers. Au Standard aussi, la situation est très compliquée. Un avis de l’Union belge sur ces histoires ?

J’ai discuté récemment avec Jean-François de Sart, il m’a avoué que José Riga et lui étaient un peu dans le pétrin. Un club doit refaire son noyau en deux semaines : compliqué !

Et les Diables Rouges ? L’affaire Eden Hazard et tout ça…

Pas de commentaire. Seul Georges Leekens peut parler de l’équipe nationale. Et il estime maintenant que tout a été dit sur Hazard. Pour lui, l’affaire est définitivement clôturée.

Vous étiez au tirage au sort des éliminatoires pour le Mondial 2014 : vous n’avez pas l’impression que, plus les années passent, moins la délégation belge est prise au sérieux dans des rendez-vous pareils ?

Si vous saviez ce que j’ai reçu comme commentaires au Brésil… Des gens de plusieurs fédérations, d’Europe mais aussi d’ailleurs, m’ont dit : -Hé bien dis, ton équipe nationale, elle remonte fameusement ! La Belgique a gagné 25 places au ranking FIFA, nous sommes à nouveau reconnus, appréciés. Au fil des campagnes éliminatoires, il nous manque de moins en moins de choses pour nous qualifier.

Leekens a prévu de préparer des vidéos avec des belles images du Brésil et de les distribuer aux Diables pour les booster, non ?

Il veut leur donner encore plus envie d’y aller en 2014.

Il est allé repérer des sites en Pologne et en Ukraine pour l’EURO 2012 : à quoi bon ?

Même si on n’a qu’1 % de chances de se qualifier, il faut être prêt. Si on va finalement à l’EURO sans avoir préparé son séjour, on est la risée de tout le monde. Et supposons que Leekens n’y soit pas allé, des Diables auraient peut-être dit : -Si même l’entraîneur n’y croit plus… Et vous avez vu le calendrier des Turcs ? La deuxième place n’est pas gagnée pour eux, hein !

Dès la fin du tirage au Brésil, vous avez fait du lobbying pour que le calendrier des éliminatoires soit discuté à Bruxelles. C’est si important ?

C’est vrai que je me suis immédiatement précipité sur les représentants des autres fédérations de notre groupe. Je ne voulais surtout pas que quelqu’un prenne l’initiative en premier. J’ai vite trouvé un argument choc : avec deux pays des Iles et deux équipes de l’ex-Yougoslavie, c’était normal de faire le calendrier à Bruxelles, qui est située entre ces deux régions. C’est très important oui. Nous l’avons déjà fait deux fois chez nous et nous avons toujours eu plus ou moins le calendrier que nous souhaitions. Vous pouvez mettre un peu de pression sur les adversaires quand ça se passe dans votre pays. Evidemment, ça dépend aussi des gens que vous avez en face. L’Italie, les Pays-Bas et la France ne sont pas du tout flexibles dans ce genre de discussions. Les Allemands, eux, ils imposent carrément toutes leurs idées.

 » Terminer – enfin – Tubize et le rendre rentable « 

On fait le bilan de vos dix ans comme DTN ? Qu’est-qui vous rend le plus fier ?

Deux choses : la vision globale de l’Union belge sur le plan de la formation des jeunes et le centre national à Tubize.

La formation des jeunes a tellement évolué ?

Enormément, mais c’est un travail de fond dont on ne parle pas beaucoup. Et si les gens ne sont pas au courant de cette évolution, nous en sommes sans doute aussi responsables, parce qu’il n’y a peut-être pas assez de communication. Moi, je constate que la base s’est terriblement élargie. Et nos équipes de jeunes se qualifient régulièrement pour des phases finales, ce qui était exceptionnel dans le passé. Nos -17 et nos -19 sont autour de la dixième place européenne, par exemple. Il y a dix ans, ces équipes avaient peut-être cinq ou six joueurs qui étaient au niveau des Anglais ou des Espagnols. Aujourd’hui, il y en a une bonne douzaine. Cela prouve l’élargissement de la base. Et nos jeunes ne se contentent pas de faire des résultats, ils jouent aussi au foot. Des -15 jusqu’au top des catégories d’âge, c’est tout le monde en 4-3-3. Au moins, la Belgique forme ainsi des ailiers et des attaquants de pointe. La professionnalisation des équipes nationales a aussi été impressionnante. Il faut voir la richesse des staffs ! Après chaque match, tous les jeunes internationaux reçoivent un DVD personnalisé avec l’évaluation de leur coach. Il y a aussi des spécialistes en suivi mental, etc. Tout cela n’a plus rien à voir avec ce qui se faisait ici au début des années 2000, nous sommes passés dans un autre monde. Nous sommes en avance par rapport à ce qui se fait dans tous les clubs. Et la formation de nos entraîneurs est vantée par l’UEFA. Tous les trois ans, il y a un contrôle du contenu des cours. La dernière fois, nous nous en sommes sortis avec une grande distinction. Vous savez que nous avons 78 professeurs dans 32 centres et qu’il y a en permanence entre 1.000 et 1.500 personnes qui suivent nos cours ?

Le centre de Tubize vous rend fier mais il a quand même un gros goût d’inachevé, non ?

C’est sûr, mais on y travaille. Il y a déjà des terrains exceptionnels : aucun club belge n’a des pelouses pareilles. Des vestiaires de très haut niveau pour les jeunes et les pros. Un terrain indoor où plusieurs équipes de D1 sont allées s’entraîner l’hiver dernier. D’autres pelouses vont encore être aménagées.

Et le fameux hôtel à l’entrée du site ? Il n’est toujours pas terminé.

Une partie du bâtiment est en phase d’achèvement, et dans moins d’un mois, notre département technique de 18 personnes s’y installera. Pour ce qui est de l’hôtel en lui-même, c’est compliqué. Il devait être financé par un investisseur privé qui a fait faillite, et la justice s’intéresse à cette faillite qui n’est apparemment pas très régulière. Mais j’ai bon espoir que ça se débloque bientôt et que les travaux puissent reprendre. Nous voulons qu’une solution définitive soit trouvée avant la fin de l’année. Parce que sans hôtel, les Diables ne vont pas s’entraîner à Tubize.

Tubize vous aura coûté combien, finalement ?

D’abord, un petit rappel… Avant l’EURO 2000, tout le monde à la Fédération craignait qu’il y ait des pertes. J’ai encore les PV des réunions et on avait même peur de perdre beaucoup, beaucoup d’argent. Au bout du compte, nous avons encaissé plus de 10 millions d’euros, et les Hollandais ont eu la même chose. Nous avons consacré 5 millions à Tubize, la Région wallonne y a mis près de 4 millions, et la Province du Brabant wallon un peu plus d’un million.

Le centre est rentable ?

Actuellement, non. Nous ne faisons pas de grosses pertes mais nous restons en dessous du break-even. Le but est d’équilibrer les recettes et les dépenses. Tout sera déjà plus facile quand il ne faudra plus loger nos équipes nationales dans des hôtels à gauche et à droite. Et il y a d’autres pistes pour gagner de l’argent. Par exemple, nous sommes en discussion avec la fédération nationale de cyclisme pour qu’elle vienne s’installer à Tubize.

Dury dit que Tubize doit devenir le Milanello du football belge.

Il faut comparer ce qui est comparable. Le centre de l’AC Milan, je le connais très bien, je l’ai visité. C’est un vrai laboratoire, des gens de l’université de Venise y travaillent à temps plein, ils font des recherches scientifiques très poussées sur les efforts produits par des footballeurs. Notre but n’est pas d’aller aussi loin. Tubize ne sera jamais un laboratoire. Par contre, nous avons des projets très concrets pour l’aménagement d’un centre de revalidation qui serait ouvert à tous nos internationaux et aussi aux clubs. Nous avons déjà accueilli des universités (Liège, Louvain) dans notre espace indoor, des chercheurs qui ont fait des études très spécifiques. Mais notre prochain objectif, c’est d’avoir un centre d’excellence pour la rééducation des footballeurs.

 » Steven Martens va faire souffler un air frais sur l’Union belge « 

Qu’est-ce que Steven Martens peut apporter à l’Union belge à son poste de secrétaire général ?

Il a de l’expérience dans un département technique, il a eu un rôle très important à la fédération anglaise de tennis, il a une vue des choses qui n’est pas purement belgo-belge, et il a des idées qui sortent du cadre du football, une façon différente d’approcher certains problèmes.

Par exemple ?

Dans le dossier de l’aménagement du centre de Tubize, il nous a donné de bonnes idées. Nous étions hésitants sur la construction du centre de revalidation, il nous a dit : -Il faut le faire car sans ça, le centre ne pourra pas fonctionner correctement. Steven Martens avance aussi des pistes au niveau de la modification de certaines structures de la Fédération. Nous sommes habitués à une gestion centralisée, il préconise une importante délégation des pouvoirs aux différents départements, il pousse les gens à prendre des initiatives. Et il ne doute jamais. Il nous dit : -Mon idée, c’est ça. Si tu n’es pas d’accord, on peut en discuter, mais je suis persuadé de ce que je dis. Je suis sûr qu’il va faire souffler un air frais sur l’Union belge.

C’est un homme discret, son profil est tout le contraire de celui de son prédécesseur, Jean-Marie Philips ! C’était un choix volontaire de passer du noir au blanc ? La Fédération ne voulait plus travailler avec un poil à gratter ?

C’est vrai que les deux profils sont fort différents. Mais Jean-Marie Philips est un homme supérieurement intelligent !

François De Keersmaecker était candidat au Comité exécutif de l’UEFA mais il n’a pas été élu. Qu’est-ce qu’il aurait pu apporter au football belge là-bas ?

Avoir un membre au Comité exécutif de l’UEFA ou de la FIFA, c’est extrêmement important pour une fédération. Quand on est au Comité exécutif, on apprend les ficelles, on sait à quelles portes il faut aller frapper pour obtenir des subsides, on voit à qui on doit remettre ses dossiers, par exemple. Et on a directement les bonnes informations. L’influence, c’est la connaissance. Quand on est au courant des choses, on peut agir, ou choisir de ne pas agir. Ou prévoir. Si on ne sait rien, on rate ses coups. On peut essayer de rattraper les choses par la suite, mais on démarre avec du retard par rapport à ceux qui étaient bien informés.

Vous pensiez qu’il avait une bonne chance d’être élu ?

Il s’est porté candidat surtout pour montrer que la Belgique existait, pour faire valoir l’Union belge à l’UEFA. Pour être choisi, il faut bien se préparer. De Keersmaecker n’a pas fait le maximum pour pousser sa candidature. Mais il a quand même eu pas mal de voix. C’est ce qui me fait dire que s’il se représente à la prochaine élection, il pourrait fort bien passer. Maintenant, il faut rester conscient que nous avons déjà Michel D’Hooghe au Comité exécutif de la FIFA. Et il y a très peu de pays qui arrivent à avoir un élu aussi bien à l’UEFA qu’à la FIFA.

PAR PIERRE DANVOYE – PHOTOS: REPORTERS/ DE WILDE

 » L’affaire Vercauteren, ce n’est pas l’idéal pour l’image de notre football. « 

 » Jean-François de Sart m’a avoué que José Riga et lui étaient un peu dans le pétrin. « 

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