» NOUS SOMMES À LA HAUTEUR de nos ambitions « 

Après la pluie à Hanovre, le beau temps contre Louvain : comment le DT du Standard a-t-il vécu cette météo capricieuse et la qualification pour les PO1 ?

« Nous avons quitté l’Europa League en même temps que Manchester United et Manchester City  » : Jean-François de Sart (50 ans) ne cherche pas d’excuses. C’est un clin d’£il pour détendre l’atmosphère à un moment-clé de la saison 2011-12. La fessée de Hanovre et la belle réaction notée contre OH-Louvain ne résument évidemment pas toute la saison du Standard.

 » Il y a quelques mois, quand tout était à refaire, tout le monde aurait signé à deux mains pour signer une telle campagne européenne « , continue de Sart.  » Notre club est aussi arrivé en quarts de finale de la Coupe et a décroché sa place en PO1. A ma connaissance, personne n’a fait mieux chez nous en D1…  » Qu’ils soient décevants ou encourageants, ces résultats et les émotions qu’ils dégagent doivent être dépassés pour faire avancer les Rouches mais aussi tout le football belge.

En Allemagne, le Standard a connu une terrible panne sèche de leaders, de culture du succès, de stratégie tactique et de punch mental après une série de huit matches sans succès. Ce constat anormal est tout autant d’actualité pour les autres clubs belges, éliminés des scènes européennes avant les idoles de Sclessin… ou les Diables Rouges.  » Au-delà de nos analyses techniques, tout le football belge doit se poser les bonnes questions sous peine d’être largué. Que ce soit chez un habitué de la Bundesliga, ou au Wisla Cracovie avant cela, les Rouches ont à nouveau constaté que nos stades sont dépassés : ces outils sont insuffisants pour générer le progrès. « 

Le Standard a poussé un ouf de soulagement en se qualifiant pour les PO1 après la catastrophe de Hanovre : quels sont vos atouts par rapport à Anderlecht, au Club Bruges ou Gand ?

Jean-François de Sart : Une présence en PO1 était indispensable. Nous respectons notre plan de route. Le but, c’est l’Europe. Nos souhaitons y être présent la saison prochaine. Anderlecht est le favori des PO1. Le Sporting peut compter sur des joueurs comme Mbokani, Suarez et Jovanovic qui adorent les affiches. C’est un énorme atout. Gand n’a pas eu de programme européen et pourrait être plus frais. Quant à Bruges…

Qu’est-ce que le Club Bruges a de plus que le Standard ?

Rien. C’est un adversaire redoutable mais qui n’a rien de plus que le Standard.

Rien de plus ?

Non. Quand on a vécu une campagne européenne comme la nôtre, on veut remettre le couvert pour progresser.

 » A Hanovre, tout le monde a touché le fond « 

Ne nourrissez-vous pas des regrets en songeant à votre non-match européen à Hanovre ?

Oui, comme tout le monde. Les 20 premières minutes ont été catastrophiques à tous points de vue : technique, tactique, mental et engagement. Je ne discute pas la qualification de Hanovre. Mais, avec le recul, il est évident que sur l’ensemble des deux matches le Standard n’a pas su gérer les moments décisifs. A Sclessin, les Allemands ont bénéficié d’un penalty évitable et nous aurions pu marquer un ou deux buts de plus : personne n’aurait pu contester un succès de notre équipe. Au lieu de cela, ce fut 2-2. Au retour, après le 2-0 et un début de match cauchemardesque suite à nos erreurs, nous ratons quatre balles de 2-1 avec Kanu, Cyriac, Gakpé… Cela aurait pu changer la donne. Tout le monde a sombré, touché le fond et je me suis demandé si c’était la même équipe qui avait disputé le match aller.

S’agissait-il d’une crise de croissance d’un effectif trop peu expérimenté sur la scène internationale ?

Non, l’excuse de la jeunesse ne tient pas la route. Bolat, Van Damme, Kanu, Pocognoli ou Tchité ne sont pas vieux mais ils ont des planches. Nous en étions à notre 14e match européen de la saison. Avant le retour à Hanovre, le Standard n’avait perdu aucun match d’Europa League et il fallait remonter au 1-0 à Zurich, en phase éliminatoire de la Ligue des Champions, pour trouver trace de notre seule défaite européenne. Nous avions déjà rencontré trois fois Hanovre : 0-0 et 2-0 à Sclessin dans les poules de l’Europa League, 2-2 en match aller des huitièmes de finale.

Mais alors, comment comprendre ce qui s’est passé ?

Cette fois, le Standard a été statique, absent sur les détails qui font la différence à ce niveau. Or, cette concentration de chaque instant nous avait permis d’atteindre ce stade de l’Europa League. Il fallait que cette force mentale soit aussi vive pour réaliser un exploit en Allemagne. A ce stade de la compétition, il faut être capable de gérer les événements, de faire les bons choix sur le terrain. Laurent Ciman a été sorti rapidement et José Riga aurait pu en remplacer beaucoup d’autres, c’est significatif. Je cherche les explications dans une défaillance collective tout en sachant que Hanovre détient une équipe plus mûre que la nôtre et qui enchaîne plus de gros matches que nous grâce aux exigences de la Bundesliga.

L’équipe était-elle bien disposée à Hanovre avec Van Damme sur la gauche plutôt que dans l’axe ?

La compo était impeccable et c’est dans la même philosophie que nous avions abordé la première manche contre Hanovre. Ce qui s’est passé là-bas ne s’explique pas par un 4-4-2, un 4-3-3 ou un autre choix tactique. La défense si solide avant cela, a cédé tout de suite ; l’entrejeu n’a pas su faire baisser la pression et garder le ballon et, enfin, l’attaque a complété le naufrage.

Est-ce dû à une carence typiquement belge : le manque de culture du succès ?

Peut-être mais il ne faut pas tout jeter par la fenêtre. A Hanovre, Kanu a marqué deux fois contre son camp : il faut le faire ! Notre objectif n’était pas de gagner l’Europa League mais quand on a la chance d’être engagé dans ce genre d’épreuve, on fait tout pour aller le plus loin possible. En huitièmes de finale, il faut donner le maximum pour atteindre les quarts. La volonté a fait défaut et nous sortons par la petite porte après un excellent parcours avant ce point final. Quand on vit cela, il convient de garder l’église au milieu du village et ne pas réagir dans l’émotion. Il faut tout remettre dans le bon contexte. En début de saison, personne ne rêvait d’un tel parcours européen. Quoi qu’on dise, même si c’est parfois difficile, nous sommes à la hauteur de nos ambitions.

 » 14 matches européens, c’est un demi-championnat de Belgique « 

Mais vous ne valez pas encore un quart de finale européen ?

Si on se souvient de notre seizième de finale aller, je pense que oui.

On a parlé de fatigue…

Je ne retiens pas prioritairement la surcharge de travail que cela représente. J’en avais parlé pour souligner ce que cela représentait pour l’intégrité physique des joueurs. Personne ne peut tenir le coup avec un effectif restreint. Même s’il y a eu des départs, nous avons augmenté le nombre de joueurs de base. Quand on n’a que le championnat au programme, un effectif de 15 joueurs complété par des jeunes suffit. Nous avons dépassé ce cap avec des jeunes, c’est primordial pour nous, mais aussi avec Vainqueur, Gakpé, Gershon, etc. Non, je me dis d’abord que 14 matches européens, c’est un demi-championnat de Belgique en plus. Il y a la douleur de l’élimination mais cette nouvelle équipe a acquis un vécu qui sera utile en championnat, surtout dans les PO1. On peut tirer des leçons d’un non-match, mais c’est l’étude du bilan de l’ensemble de la saison qui dictera notre politique future, pas seulement Hanovre-Standard. Il ne faut pas oublier ou négliger les progrès et satisfactions de cet effectif.

Comment expliquer alors la pauvreté du jeu et des résultats après la trêve hivernale ?

Jusqu’à présent, le Standard a vécu sa meilleure période en novembre avec son 4-4-2. En gros : Bolat ; Ciman, Kanu, Felipe, Pocognoli ; Bia, Vainqueur, Van Damme, Seijas ; Cyriac, Tchité. Cela tournait bien avec l’apport des autres joueurs de l’effectif qui ont parfaitement dépanné. Mais que s’est-il ensuite passé ? Il y a eu les suspensions, c’est normal, mais surtout une cascade de blessures : Bia, Van Damme, Seijas, Tchité, etc. On connaît l’importance de Jelle dans notre équipe et notre façon de voir et de vivre le football. Quand il n’est pas là, tout est différent.

Tchité a eu des hauts et des bas…

C’est logique : Mémé a été blessé en début de saison puis six semaines en hiver et son retour a été émaillé de hauts et de bas. Van Damme aura aussi son creux. Dans notre philosophie au milieu du terrain, la créativité venait en grande partie de Bia et de Seijas car, en 4-4-2, les deux centraux proposent surtout un gros potentiel de travail. Leur absence nous a posé un problème même si Gakpé et d’autres rendent des services. Quand il y a une telle succession de matches, les retours de blessures sont plus rapides.

Pour en revenir à la qualité du jeu…

Je m’excuse mais je ne suis pas d’accord. Le Standard a raté peu de matches. Il y a eu un recul en termes de résultats après le Nouvel An, c’est différent. Le Standard mérite cinq ou six points de plus au classement général car deux ou trois nuls auraient dû être des succès. Une erreur d’arbitrage (hors-jeu imaginaire de Tchité parti de son camp) nous prive du 2-0 et probablement de la victoire contre Anderlecht qui ne serait pas revenu.

Vous n’êtes pas d’accord avec la critique ?

Pas quand elle n’est pas justifiée. Nous avons souvent bien joué pour être où nous sommes. Le Standard ne doit rien à personne. Au Club Bruges, nous prenons toute la deuxième mi-temps à notre compte. Je ne dis que tout est rose et il y a eu des prestations quelconques après des rendez-vous européens. Mais le jeu dans son ensemble ne m’a pas déçu même si le Standard a encaissé trop de buts sur phases arrêtées. Là, il y a un souci. Bon, il y a eu les huit matches sans succès toutes compétitions confondues : on y a pensé mais cela ne nous a pas empêché de bien jouer contre Cracovie et Hanovre chez nous.

Vous cherchez-vous parfois entre le 4-4-2, 4-2-3-2 et le 4-3-3 ?

Franchement, c’est un faux débat. Le 4-4-2 nous va bien mais Riga a aussi varié ses stratégies, c’est très bien. De toute façon, c’est l’animation qui compte. Ce qui importe, c’est une équipe qui gagne, une attitude, un collectif, des signes de progrès, un projet partagé par tout le monde.

Michy Batshuayi est promis au plus bel avenir, non ?

Oui, mais la patience est de rigueur. Il doit grandir, apprendre à maîtriser les succès et les problèmes. Michy est bien au Standard et doit donner du temps au temps. A mon avis, Romelu Lukaku est parti trop vite à Chelsea. Sa formation n’était pas terminée. Il faut que les jeunes pensent à cela, même si le marché est pressant.

Berrier était un passeur de métier, un créateur d’espace…

Nous avons misé sur Bia, Seijas, les jeunes. C’est un choix qui ne met pas les qualités de ceux qui sont partis en doute. Les jeunes de notre Académie savent qu’il y a de la place pour eux chez les pros. On l’a dit et la réalité est là. Tout est fait pour faciliter leur passage dans l’effectif. Si ce n’était pas le cas, à quoi servirait une Académie telle que la nôtre.

A propos des jeunes, Michel Bruyninkx a quitté son poste de responsable technique du centre de formation : pourquoi ?

Il entend se consacrer à sa méthode d’entraînement et à sa société, Brain Centred Training. C’est une séparation à l’amiable. Il est remplacé par Christophe Dessy qui occupa ce poste de 2004 à 2006. C’est un spécialiste en la matière. A mon avis, on peut même parler de vocation.

Sa complicité avec Riga

Intervenez-vous parfois dans le groupe ?

Pas directement, c’est le travail et le domaine de José Riga. Bien entendu, nous nous voyons régulièrement pour dialoguer, échanger nos idées.

On a évoqué une forme d’éloignement entre vous…

C’est n’importe quoi. Quelqu’un a même écrit sur un compte Facebook que Riga avait déposé sa démission. On est impuissant face à un tel délire. Je le répète : c’est n’importe quoi cette recherche de sensationnel. Mon travail me passionne. Je suis là pour aider José. Nous sommes sur le même bateau avec l’intention de porter le même projet à bien. Le Standard a changé de fond en comble. Quelque chose s’est mis en place. Il y a eu gros travail de renouveau dans un désir de stabilité. En matière de transferts, j’ai déblayé le terrain, trouvé les profils qui nous intéressent. C’est un travail d’équipe considérable et Pierre François l’achève en préparant la signature des contrats. En été, on a tout repris à zéro. Ce n’est que lors de la prochaine période des transferts que nous pourrons développer totalement notre politique. Nous aurons les mains totalement libres.

Que voulez-vous dire ?

Quatre stars de la saison passée sont parties : Witsel, Mangala, Defour, Carcela. Mais on ne doit pas oublier non plus qu’il convenait de dégraisser plus en profondeur. En six mois, 25 joueurs sont partis. C’est énorme. Je n’aime pas le mot transition qui a été utilisé car le staff est nouveau. Nous avons hérité d’un effectif et des promesses faites à des joueurs. Autrement dit, nous n’avions pas la maîtrise totale des choses.

Et quels seront alors les grands axes de vos plans ?

On décidera en fin de saison, pas avant.

PAR PIERRE BILIC – PHOTOS : IMAGEGLOBE

 » Quelqu’un a écrit sur un compte Facebook que Riga avait déposé sa démission : c’est n’importe quoi ! »

 » Bruges n’a rien de plus que le Standard. « 

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