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 » Nous ne sommes pas les gendres idéaux « 

Neerpede n’a pas encore livré tous ses secrets : Jorn Vancamp et Wout Faes, loué cette saison à Heerenveen, sont les successeurs de Tielemans & Co.

« Nous n’allons plus investir dans des gamins de 14 ans qui arrivent en retard à l’entraînement ou ont des problèmes comportementaux à l’école. Le talent, c’est une chose. Mais s’ils ne sont pas assez forts mentalement, nous préférons encore donner leur numéro de téléphone à un autre club. Nous ne payerons plus que pour les jeunes qui affichent déjà une attitude pro. Des gars comme Youri Tielemans ou Leander Dendoncker.  »

Herman Van Holsbeeck a été très clair, début avril, lorsqu’il a établi le profil des jeunes qu’Anderlecht formerait désormais à Neerpede. Sa description correspondait parfaitement à Jorn Vancamp et Wout Faes, deux enfants de choeur qui jouent aussi très bien au football.

 » On nous considère comme de bons élèves ? « , demande Wout Faes, loué à Heerenveen depuis l’hiver dernier, en secouant la tête.  » Il n’y a pas de mal à faire preuve d’un peu de tempérament. Je ne dis pas qu’il faut déconner comme Anthony Vanden Borre, qui avait du génie mais qui s’est perdu, mais j’ai tout de même appris aux Pays-Bas qu’être le gendre idéal ne sert à rien non plus.

Je vais vous donner un exemple : à Anderlecht, il ne me serait jamais venu à l’idée de m’énerver contre René Weiler à l’entraînement tandis qu’à Heerenveen, j’engueule l’entraîneur, Jurgen Streppel, pratiquement chaque jour et il m’encourage à le faire. Les coaches hollandais attendent cela de leurs joueurs.  »

Vous voulez dire par là qu’il ne faut pas être un béni-oui-oui pour s’imposer au football ?

Jorn Vancamp : La base, c’est le respect, la politesse, serrer la main de tout le monde, même des gens qu’on ne connaît pas.

Wout Faes : Sur le terrain, je ne suis pas un gentleman. Je deviens quelqu’un d’autre et je n’hésite pas à aller loin verbalement pour déstabiliser l’adversaire. Si, avant le match, je vois que mon opposant direct est doué, je me montre deux fois plus dur au duel. Je deviens impitoyable. Un défenseur central doit imposer le respect. Envers ses adversaires mais aussi envers ses partenaires. Ceux-ci doivent voir qu’ils ont quelqu’un sur qui se reposer.

Vancamp : Il faut s’imposer sur le terrain et dans le vestiaire. Au début, je voulais surtout me montrer balle au pied mais petit à petit, j’ai commencer à parler. Je constate que les joueurs apprécient quand on leur dit les choses en face. Que ce soit Kara ou Wout, ça ne change rien : je donne toujours mon avis.

Dendoncker comme exemple

Romelu Lukaku, Youri Tielemans et Leander Dendoncker ont placé la barre très haut pour vous.

Vancamp : Romelu et Youri sont deux joueurs exceptionnels. Des gars comme ça, on n’en voit que tous les cinq ans. Je ne connais pas beaucoup de joueurs de 17 ans capables de s’imposer à Anderlecht et de faire directement la différence. Wout et moi devons davantage prendre exemple sur Leander Dendoncker, qui a percé à l’âge de 20 ans. Il s’est montré patient et a su saisir sa chance au bon moment.

Wout, cela fait un bout de temps qu’on vous considère comme le David Luiz belge. Comment vivez-vous cela ?

Faes : Au début, ça me faisait rire mais après un bout de temps, j’en ai eu marre. Nous avons le même look et un peu la même façon de jouer mais je suis Wout Faes, je n’ai pas l’intention de devenir un clone de David Luiz.

Vancamp : Rase-toi les cheveux, alors ! (il rit). Lorsque je jouais à Malines et que nous affrontions Anderlecht, nous ne parlions que de ce gars qui ressemblait à David Luiz. Mais je peux comprendre que Wout en ait marre. Et s’il avait été attaquant, à qui les gens l’auraient-ils comparé ? Moi, je dis que, dans dix ans, le prochain gamin aux cheveux bouclés qui sait taper dans un ballon sera considéré comme le nouveau Wout Faes.

Faes : J’ai souvent demandé à mes parents et mes grands-parents pourquoi j’avais autant de cheveux. Personne ne peut me répondre. Ça vient peut-être du côté de mon père qui, jusqu’à l’âge de 6 ans, était bouclé également. Heureusement, ce n’est pas difficile à entretenir : je les coupe une fois par mois et je mets du gel.

J’ai vu des photos de vous quand vous aviez quinze ans : vous étiez déjà très imposant. Deviez-vous montrer votre carte d’identité partout pour prouver votre âge, comme Romelu Lukaku ?

Faes : Il arrivait parfois qu’avant le match, on demande au délégué quel âge j’avais. Quand on a une tête un peu exotique, on fait souvent plus que son âge mais je n’ai pas souffert autant que Romelu. Lui, il est noir et, malheureusement, ça joue dans la tête des gens. Alors qu’il est né en Belgique.

Vancamp : J’ai affronté quelques fois Wout en équipes d’âge. Croyez-moi : à 14 ans, il en imposait déjà, avec sa coiffure. Mais je n’avais pas peur de lui.

Penser à sa carrière

Vous avez joué près de cinq ans ensemble à Anderlecht et en équipe nationale. La séparation n’a pas été trop dure ?

Vancamp : Hey, nous ne sommes pas amoureux l’un de l’autre, hein (il grimace). Dire que Wout me manque, ce serait exagéré mais c’est vrai que ça fait bizarre de ne plus pouvoir discuter avant ou après l’entraînement. Nous étions toujours ensemble et, lors des stages ou des déplacements, nous partagions la même chambre. Ça crée des liens. Mais le départ de Wout nous a fait du bien à tous les deux. Je suis devenu plus indépendant.

Faes : Cette aventure va me rendre plus fort mentalement. Il n’est pas facile de changer d’environnement à 18 ans. La Frise, c’est spécial… Si vous dites que le frison n’est qu’un dialecte, on vous insulte.

Vancamp : J’ai également eu l’occasion de partir pour six mois ou pour un an mais je viens juste d’avoir 18 ans et je trouvais que j’étais trop jeune.

Faes : Chacun doit penser à sa carrière. Il est insensé de partir ou de rester par amitié. A Anderlecht, mes chances de jouer étaient très faibles. C’est pour cela que j’ai opté pour Heerenveen. Jusqu’ici, je pense avoir fait le bon choix car j’y suis régulièrement titulaire et j’y apprends chaque jour mon métier. Les premiers entraînements ont été durs, pourtant. Lors des exercices sur des petits espaces, j’éprouvais des difficultés à suivre. J’ai dû tripler ma vitesse d’exécution.

On suppose que le fait de ne pas avoir joué une seule minute depuis l’arrivée de Weiler a influencé votre décision de partir.

Faes : J’estime qu’à certains moments, j’aurais pu avoir ma chance. Quand on mène 3-0 au repos, on espère pouvoir jouer une demi-heure. Disons que c’est un signe de confiance. Mais cela ne s’est jamais produit et il faut l’accepter. A Heerenveen, tout est un peu plus facile pour moi : il y a moins de défenseurs centraux et, aux Pays-Bas, on fait plus rapidement confiance aux jeunes. Au terme de cette saison, je reviendrai à Anderlecht avec plus d’ambition, j’entamerai le championnat en me disant qu’il faudra tenir compte de moi. Quand on peut jouer en D1 hollandaise, on doit pouvoir tenir sa place en Belgique.

Vancamp : Wout joue beaucoup à l’instinct. Il trouve facilement des solutions, il est rapide, a une bonne frappe et est très calme. Trop calme, même, parfois. Pour moi, c’est le type de défenseur qui convient parfaitement à Anderlecht. La saison prochaine, il aura du temps de jeu.

Anderlecht, l’idéal

Qu’avez-vous pensé du match de Jorn contre Saint-Etienne, début décembre ?

Faes : (il souffle) Il s’est terriblement bien débrouillé face à Pogba et Lacroix, deux gars qui mesurent près de deux mètres. A un certain moment, ils étaient tous les trois au duel aérien. Je pense que 99 % des gars n’auraient pas sauté mais lui, il y est allé. Et il s’est retrouvé au tapis.

Vancamp : Ce soir-là, je suis allé me coucher avec de sérieux maux de tête. Aujourd’hui, je me dis que je ne me suis pas mal débrouillé dans ce match. J’ai raté beaucoup de passes et cela allait parfois trop vite pour moi mais j’ai appris des choses qu’on n’apprend pas à l’entraînement. Youri et Leander ont souffert aussi, au début, mais, aujourd’hui, ils jouent les doigts dans le nez. Il est vrai que ça fait un bout de temps que je ne suis plus repris mais je sens tout de même que Weiler me fait encore confiance. J’ai débuté contre Saint-Etienne, je suis monté au jeu face à Westerlo, j’ai accompagné l’équipe en stage… Et la saison prochaine, j’en voudrai davantage.

A-t-il été difficile de résister à l’appel des clubs étrangers ?

Faes : Quand j’avais 15 ans, Chelsea s’intéressait à moi. Le jour de mes 16 ans, ils m’ont envoyé un maillot dédicacé de David Luiz. C’était une offensive de charme pour que je signe chez eux mais mon entourage m’a aidé à faire exploser cette baudruche. Bien sûr, il n’est pas facile de dire non à Chelsea mais je ne voulais pas seulement être un numéro sur un casier. Ce club peut acheter n’importe quel joueur au monde. Que me serait-il arrivé si, un jour, on m’y avait dit qu’on ne croyait plus en moi, que je devais trouver un autre club qui me donne ma chance et puisse me payer ?

Vancamp : J’avais une quinzaine d’années également lorsque je suis parti en stage avec l’équipe première de Malines, alors entraînée par Frankie Vercauteren. Tout le monde pensait que, la saison suivante, j’intégrerais le noyau A mais Anderlecht est arrivé et, après avoir visité Neerpede, j’ai été conquis. Les supporters de Malines m’en ont voulu pendant un certain temps mais cela ne m’a pas trop tracassé (il hausse les épaules). Jusqu’ici, j’ai toujours fait les bons choix.

Faes : Pour un jeune, il n’y a pas de meilleur club qu’Anderlecht. Les supporters nous adorent. Ici, on prend le slogan In youth we trust très au sérieux.

Vancamp : La saison dernière, il y avait 7.000 personnes pour les quarts de finale de la Youth League à Denderleeuw. Ils croient en nous et ils n’ont pas tout à fait tort. Il faut que cela continue.

D’abord les A

Combien y a-t-il de chances de vous voir jouer ensemble à Anderlecht ?

Vancamp : C’est difficile à chiffrer. Peut-être que Wout sera titulaire la saison prochaine mais que je serai loué.

Faes : Cela dépend de plusieurs facteurs : la forme, la chance, les départs, les arrivées… J’espère en tout cas qu’un jour, nous serons tous les deux titulaires à Anderlecht.

Vancamp : Après le Mondial 2015 au Chili – le meilleur moment de ma carrière jusqu’ici – quelques clubs étrangers se sont présentés. Je n’y ai guère accordé d’importance parce que mon objectif, c’est d’être titulaire à Anderlecht. Je ne veux pas partir avant cela. Ou alors, il faudra qu’on me chasse.

Faes : Pareil pour moi. D’abord réussir à Anderlecht puis Chelsea pourra venir me chercher.

Wout Faes : Personnellement, je n’ai jamais été approché par un scout après un match mais je sais que ça arrive. J’ai entendu dire qu’Anderlecht ne prenait plus part au tournoi de Viareggio parce qu’il y avait trop de recruteurs. Les clubs craignent également de plus en plus de céder leurs joueurs à l’équipe nationale.

Vancamp : Je ne vais pas dire que nous avons une génération dorée en U19. Nous n’avons pas un Eden Hazard, un gars capable de dribbler cinq hommes puis de marquer. Nous nous imposons surtout grâce à un excellent collectif. Cet esprit d’équipe nous permet de battre des équipes qui ont de meilleures individualités que nous.

par Alain Eliasy – photos Belgaimage – Jasper Jacobs

 » Je ne veux pas quitter Anderlecht avant d’y être devenu titulaire. Ou alors, il faudra me chasser.  » – Jorn Vancamp

 » A Anderlecht, il ne me serait jamais venu à l’idée de m’énerver contre René Weiler. A Heerenveen, je m’engueule presque chaque jour avec l’entraîneur.  » – Wout Faes

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