» Nous étions jeunes et SAUVAGES « 

L’ex-enfant terrible du football batave a remis le premier exemplaire de sa bio à son pote Zlatan Ibrahimovic. Voici quelques passages succulents.

Les véhicules filent à toute allure sur le Boulevard Haussmann à Paris. Le portier du Radisson Blu Hôtel ôte son chapeau et effectue une courbette devant le client qui sort de l’établissement. C’est Andy van der Meijde, l’ancien footballeur de l’Ajax, de l’Inter et des Pays-Bas.

Il est arrivé il y a peu en Thalys, enveloppé dans un imperméable noir, lunettes de soleil sur le nez. Si Van der Meijde est à Paris, c’est pour offrir officiellement le premier exemplaire de sa biographie à Zlatan Ibrahimovic, un vieil ami de l’Ajax, avec lequel il aimait la guindaille. À l’époque, ils étaient tous deux adolescents, et déjà richissimes et déjà complètement déjantés. Ils adoraient sortir, du moins quand Ibrahimovic n’était pas occupé à faire la course avec Mido sur le ring A10.

Le Suédois était au volant de sa Mercedes SL 55 AMG, l’Egyptien à bord de sa BMW Z8 ou de sa Ferrari. Il s’agissait de faire le tour de la ville le plus vite possible. Les radars ne constituaient pas de problème : les amendes les faisaient rire. L’argent coulait à flots et ils se croyaient immortels.

 » Nous étions jeunes et sauvages « , confie Ibrahimovic plus tard, la voix empreinte d’une certaine nostalgie.  » Nous nous amusions tous les jours. Par la suite, ça a changé car le football est vraiment devenu notre métier. Mais à l’Ajax, le plaisir régnait encore. Je regrette beaucoup cette époque.  »

Pas de grâce : un ouvrage à la fois hilarant et triste

Le livre dans lequel Thijs Slegers décrit le triste destin d’Andy van der Meijde, footballeur déchu, s’appelle PasdeGrâce. L’ouvrage de 300 pages conte la vie du talentueux ailier droit. Il est riche en révélations croustillantes car Andy van der Meijde est en quelque sorte la version néerlandaise de l’Anglais TonyAdams. Ou de l’Irlandais GeorgeBest.

L’histoire est finalement très classique. Elle s’inscrit dans la tradition de tous ces enfants terribles du football, qu’ils se nomment GeorgeBest, PaulMerson, Garrincha ou Edmundo : des garçons pauvres issus de quartiers populaires, Arnhem-Malburgen dans ce cas, qui excellent ballon au pied.

Van der Meijde, né d’un père esclave du jeu, s’est retrouvé sous le feu de la rampe, face aux tentations. Il a profité de son argent et du reste, il a gaspillé une grande partie de sa carrière footballistique et a failli sombrer. Il s’est ressaisi à temps et a décidé de se confier.

Les détails qu’il narre sont particulièrement éloquents. Quel autre footballeur est uni à une femme dont l’obsession pour les animaux est telle que leur domaine italien ressemble à un zoo, avec onze chevaux, dix chiens, une prairie remplie de cerfs et de zèbres et même un chameau dans le garage ?

Quel autre footballeur se lie à une stripteaseuse de Liverpool, si jalouse et si susceptible qu’elle lui fait un oeil au beurre noir à trois reprises. Ou qu’elle lui envoie si violemment une prise de courant à la tête qu’il en garde une cicatrice ? Ou encore qu’au restaurant, de rage, elle balaie les plats de la table avant de renverser celle-ci sur lui et que, de retour à la maison, toujours remontée, elle balance huit vases sur autant de télévisions à écran plat ?

Et quel autre joueur trompe sa femme aussi fréquemment, sans le moindre scrupule, au point que celle-ci embauche un détective privé pour le suivre ?

La biographie est le récit hilarant d’un homme qui raconte ouvertement les secrets les mieux cachés des vestiaires néerlandais mais c’est aussi un ouvrage pénible et amer, par moments, car il évoque un talent gâché et le prix que Van der Meijde a finalement payé pour ses fautes.

L’homme a effectivement détruit son mariage et il ne voit plus ses deux aînés depuis des années. Sa carrière de football, elle, n’a jamais atteint son sommet, et le joueur est devenu accro aux guindailles et aux somnifères. Il a sniffé de la coke la nuit pour tenir le coup dans les discothèques et les bordels. Il s’est retrouvé également dans les bas-fonds de Manchester et de la mafia des combats de coqs, il a perdu aussi plus d’argent que n’en gagne un Néerlandais moyen durant toute sa vie. Andy raconte tout ça sans fard.

Galasek lui apprend à fumer et Mido à tromper sa femme

À l’Ajax, Tomas Galasek lui a appris à fumer, Mido à tromper sa femme, apprend-on dans le livre. Selon Van der Meijde, l’Égyptien a joué un  » rôle déterminant  » dans le déroulement de sa carrière. Il lui a appris que  » les footballeurs peuvent se permettre beaucoup de choses, voire tout.  » Cependant, Andy van der Meijde n’attribue la responsabilité finale de ses débordements qu’à une seule personne : lui-même.

 » J’ai effectué les mauvais choix, je me suis laissé influencer « , confie-t-il à Paris.  » Donc, je suis responsable de mes malheurs. C’est pour ça que j’ai décidé de ne rien dissimuler. Tous les mercredis, Thijs et moi discutions deux à trois heures. À la fin, j’étais envahi par la tristesse car j’étais confronté à toutes les erreurs que j’avais commises.

Cela m’a terriblement affligé mais en même temps, ça a été une bonne thérapie. Quand je jouais, je ne pouvais me confier à personne, maintenant oui. Pouvoir tout déballer m’a soulagé. Ce livre constitue pour moi la fin d’un chapitre de ma vie. J’ai voulu tout raconter, mettre les jeunes talents d’aujourd’hui en garde. Maintenant, je veux poursuivre ma vie.  »

Trois heures et demie. Une voiture freine devant le Radisson. Zlatan Ibrahimovic en extirpe sa grande carcasse. Le menton du portier se retrouve presque au niveau du trottoir tant il se courbe : même au coeur de Paris, le Suédois est une super-star. Quelques heures plus tôt, il a délivré quatre assists lors du match de Ligue des Champions contre le Dinamo Zagreb (4-0). Il salue chaleureusement la délégation néerlandaise présente dans le lobby de l’hôtel. Le petit Thijs Slegers disparaît entre ses énormes bras puis c’est au tour d’Andy van der Meijde.

 » Toujours en vie « , s’enquiert Zlatan ?

Van der Meijde opine.

 » Combien de femmes as-tu maintenant, Andy ?  »

Les deux hommes éclatent de rire.

Ils n’arrêteront pas de rire de tout l’après-midi. Ils ne se sont plus vus depuis huit ans, date d’une rencontre furtive, au bord du terrain, à l’issue d’un match Inter-Juve. Ibrahimovic était sur le point de devenir un des meilleurs attaquants du monde tandis que l’existence de van der Meijde se craquelait. C’est comme si le temps s’était arrêté et qu’ils étaient tous deux redevenus des espoirs de l’Ajax.

 » J’avais encore des cheveux, la dernière fois que nous nous sommes vus « , remarque Van der Meijde.

 » Oui mais tu étais déjà très laid « , rétorque Ibrahimovic.

Ils sont pliés en quatre. Ils ne cessent de se pincer, de se taper sur l’épaule. Même quand ils prennent place, ils ne se lâchent plus, comme un jeune couple encore amoureux.

Deux mariages ratés et une multitude de coups d’un soir

 » Je me réjouissais de ces retrouvailles. Andy m’a manqué. Je ne conserve que de bons souvenirs des moments passés ensemble, comme de mon époque à l’Ajax. C’est le seul club où je me suis amusé. Après, les choses sont devenues trop sérieuses.  »

Il pince encore son pote à la cuisse.  » À mes débuts aux Pays-Bas, Andy a été un camarade précieux. J’étais jeune et seul, je me retrouvais pour la première fois dans une ville étrangère, où je ne connaissais personne, et je n’avais pas un sou : mon salaire n’a été versé qu’au bout de trois semaines. Se faire des amis est très important dans des conditions pareilles. Je m’entendais bien avec Mido et les autres étrangers. Les gens nous disaient différents. Grâce à Andy, je faisais quand même partie du groupe car il était un des nôtres. Il était fêlé, sauvage. Et ouvert aux nouveaux joueurs, pas comme les autres Ajacides, qui étaient arrogants.

Andy n’avait pas du tout l’air d’un Néerlandais. En tout cas, il n’était pas aussi guindé. Il était aussi un footballeur fantastique, un des meilleurs ailiers avec lesquels j’ai joué. Je regrette vraiment cette époque. L’Ajax regorgeait de jeunes talents.  »

Ibrahimovic aime à évoquer ses années à Amsterdam. D’ailleurs, pendant tout l’après-midi, il ressuscite les anecdotes les plus folles de l’époque. Ainsi demande-t-il à son ancien coéquipier :  » Comment va Sjakie, le responsable du matériel ?  »

 » Il est décédé « , répond Van der Meijde.

 » Oh… te souviens-tu qu’il se disputait sans arrêt avec Ferdi Vieklau ? Et qu’une fois, il a uriné dans ses chaussures ?  »

L’avant du Paris Saint-Germain est pris d’un fou-rire.  » Nous rigolions tout le temps à l’Ajax. Nous avons commis pas mal d’erreurs, ce qui est normal car c’est comme ça qu’on apprend. C’était permis à l’Ajax, plus par la suite. Milan et la Juventus achètent immédiatement un autre joueur quand vous commettez une erreur. C’est la différence.  »

Après quelques interviews TV, les footballeurs s’emparent d’un stylo et commencent à signer les cent premiers exemplaires du livre, en bavardant. Par exemple au sujet du divorce d’Andy.

 » Qui a la garde des chiens « , demande Ibrahimovic ?

 » The first one « , répond Van der Meijde.

Ils commencent à parler des femmes qui ont partagé la vie d’Andy van der Meijde. Il y en a eu beaucoup. Il s’est marié deux fois et a eu maintes aventures d’une nuit. Il en parle aussi dans le livre. Le gaillard a du tempérament. Il l’apaisait selon le principe de Martini : any time, any place, anywhere. Même l’assistante du dentiste n’était pas en sécurité. Pas plus que certaines automobilistes à hauts talons, qui patientaient innocemment à un feu rouge.

De 700 euros à Twente à 50.000 par succès à l’Inter

Van der Meijde en parle sans la moindre gêne dans son bouquin. Les étreintes sur la banquette arrière de sa Porsche, le sexe anonyme avec des hôtesses, avec la voisine de Mido, une réceptionniste de l’Arena et les collègues de son amie stripteaseuse. Nulle n’y échappe car Van der Meijde n’épargne personne et surtout pas lui-même.

 » Andy a été franc et honnête « , estime Ibrahimovic.  » C’est important quand on écrit un livre pareil. Je pense qu’il a pris une bonne décision. On a toujours beaucoup parlé de lui mais il est le seul à savoir ce qui s’est vraiment passé, comment il se sentait et tout évoquer peut apporter un certain soulagement.

J’ai eu ce sentiment avec mon livre aussi. Les gens vont mieux le comprendre. Il est facile de juger un footballeur mais notre monde n’est pas facile. Évoluer au plus haut niveau requiert beaucoup d’un sportif. Les gens vont peut-être modifier leur opinion à l’égard d’Andy et mieux comprendre son attitude.  »

Au FC Twente, Andy van der Meijde gagnait l’équivalent de 700 euros par mois, une somme qu’il retirait immédiatement de la banque pour la dissimuler sous le linoléum de sa cuisine. Il en a utilisé une partie pour acheter un canapé chez IKEA, moins pour son confort que pour son prix abordable.

Quelques années plus tard, il vivait à Liverpool, la ville des sorties,  » une sorte d’Ibiza mais sans plage et avec de la pluie.  » En plus, il habitait en face d’un night-club qu’il n’a pas tardé à fréquenter. Armé de jumelles, il passait en revue les filles qui faisaient la file à l’entrée pour repérer ses proies.

Ensuite, ils s’est retrouvé en compagnie des multimillionnaires de l’Inter, tellement chouchoutés qu’à leur retour des matches en déplacement, leurs voitures les attendaient sur la piste d’atterrissage, juste à côté de l’avion, pour leur éviter de marcher un mètre. Le président récompensait ses stars de 50.000 euros par tête en cas de victoire importante.

Des bagnoles, des manoirs, mais pas heureux pour un sou

Lorsqu’il a effectué le bilan financier de sa carrière, il est arrivé à la conclusion qu’il avait dépensé l’équivalent de trois tonnes d’or en montres. Il a possédé un véritable parc automobile, en Angleterre : une Ferrari 430 Spider, une Porsche Turbo, une Porsche Cayenne, une Range Rover Sport, une BMW M6, une Mini Cooper, une Lamborghini Gallardo et une Aston Martin DB9.

Andy van der Meijde a gagné 12 millions d’euros en l’espace de douze ans, primes non comprises. Il a possédé d’énormes manoirs, parfois avec cuisinier et fille au pair, il a dépensé des milliers d’euros par jour pendant des années, par habitude. Il payait tout à ceux qui lui plaisaient et baignait dans le luxe, sans jamais être heureux.  » Je gagnais 45.000 euros par semaine mais j’avais mal à la tête tous les jours « , confie-t-il à propos de sa période à Everton.

Tout a changé. Il a encore assez d’argent pour vivre mais le temps des dépenses exorbitantes est révolu. Il s’est posé dans la vie. Il mène une existence heureuse avec son amie Melisa, qui attend ce qui sera son cinquième enfant, et il suit les cours d’entraîneur.

Lors des matches à domicile de l’Ajax, on peut l’apercevoir dans le coin 410 de l’Arena, où il entonne tous les chants ajacides en compagnie des supporters les plus fanatiques. Là, anonyme dans la foule, il applaudit ses successeurs, ces hommes qui foulent la pelouse où il a effectué ses grands débuts.

 » Je mène une vie radicalement différente. Je suis beaucoup plus heureux. Ma seule frustration est de ne pas voir mes enfants. Leur mère le leur interdit. C’est aussi pour cela que j’ai décidé de tirer un trait sur une certaine période de ma vie en publiant ce livre. Car le jour où mes enfants sonneront à ma porte, je veux qu’ils rencontrent un père qui a remis sa vie sur les bons rails.  »

PAR THIJS SLEGERS

 » Liverpool, c’était comme Ibiza. Mais sans plage et avec de la pluie.  » Andy van der Meijde

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