« Nous devons absolument décrocher un billet européen »

Le Standard s’élancera d’une modeste 6e place dans le bouquet final de la saison : quelles sont ses véritables potentialités ? Le bosseur de Sclessin tente de clarifier la situation.

Le stade a grondé quand Yoni Buyens a cédé sa place à Maor Buzaglo après une heure de mauvais jeu liégeois contre Lokeren, vainqueur facile chez les Rouches (0-2). Le public de Sclessin sait que cette tête blonde n’est pas un architecte mais le Standard a toujours apprécié les maçons, les charpentiers et les ferrailleurs de son équipe. Buyens assume ces travaux lourds sans jamais compter les gouttes de sueur qui font briller son front. Il fait partie d’une espèce de footballeur endémique en voie de disparition, celle des porteurs d’eau. Même s’il est d’une régularité suisse, l’ancien Malinois ne pourra jamais se contenter de vaincre car, même si c’est cruel, ce type de joueur passe sa carrière à convaincre. Il n’est pas le seul dans le cas des Liégeois qui plus d’une fois ont raté l’occasion de se rapprocher du Top 3 de la D1. La défaite contre Lokeren, 5e faux-pas de la saison devant leurs supporters (c’est énorme), rappelle celle encaissée contre Zulte Waregem (0-1) : les tuniques rouges ont terminé la phase classique du championnat comme ils l’ont commencée, par une défaite. Mais il en faut plus pour semer le doute dans le regard et les ambitions de Buyens.

Pour votre club, la donne de départ des PO1 n’est-elle finalement pas la même que la saison passée ?

Yoni Buyens : Non, absolument pas. La saison passée, la présence en PO1 constituait en quelque sorte le point final de notre saison ; cette fois, c’est le vrai début de la compétition que nous abordons dans d’autres conditions. Il y a un an, en PO1, nous avons été rattrapés par tout ce que nous avions vécu. La saison du Standard avait été particulièrement longue : aucun club belge, à part le Standard, n’était encore européen après l’hiver. Ajouté à une longue présence en Coupe de Belgique, cela a laissé des traces. Je songe aussi à ces blessures qui ont décapité notre attaque, à la jeunesse de notre effectif, à un manque évident de chance. C’était trop pour nous après une saison 2011-12 qui ne se limita pourtant pas à cela. Mais, bon, c’est le passé et, cette fois, notre façon d’aborder les PO 1 sera totalement différente : l’équipe n’a pas eu un agenda aussi garni que la saison passée et elle connaît parfaitement ses impératifs.

Cela signifie quoi comme ambition pour les PO1 ?

Nous devons absolument décrocher un billet européen. Cet effectif est parfaitement capable de se glisser dans le top 3. Oui, nous avons eu des creux cette saison mais je retiens notre retour après un début de championnat délicat. Le Standard a hélas raté deux ou trois fois l’occasion de terminer la phase classique dans le trio de tête. Il faudra gommer ce petit manque de constance mais je n’ai pas peur d’être ambitieux. Je me souviens de bons matches contre Anderlecht et Genk pour affirmer cela. Au stade Constant Vanden Stock, nous méritions de gagner. Je m’appuie sur ce match, sur ce que nous avons vécu à Genk. Anderlecht n’est pas invincible : à Bruxelles, on a mis le doigt sur ce qui pouvait clocher chez le grand favori dans la lutte pour le titre. J’espère terminer deuxième et Bruges sera notre principal adversaire dans la lutte pour cette place.

 » Plus qu’un numéro 6  »

C’est déjà votre deuxième saison au Standard : avez-vous changé comme joueur ?

Oui, ma production et ma position sur le terrain sont différentes. Comme joueur, j’ai mes partisans et mes opposants, on apprécie mon style ou pas. Personnellement, je suis satisfait de ma progression au Standard. Je songe au nombre de matches auxquels j’ai pris part en championnat la saison passée (38 sur 40) ou en Coupe d’Europe et à une qualité de jeu en hausse constante. Quand je suis arrivé à Sclessin, la saison passée, je me contentais de mon travail de récupérateur : prendre le ballon et le remettre aux organisateurs du jeu. C’était mon job à Malines où, lors de ma dernière saison là-bas, Marc Brys me postait devant la défense. J’organisais le tissu défensif et je ravitaillais Julien Gorius et David Destorme. J’étais un numéro 6 type alors que j’ai progressivement assumé plus de responsabilités au Standard. Mon transfert a été réglé en deux jours. Même si tout a été très vite, je n’ai pas hésité une seconde : c’était le bon choix.

Avec la pression en prime, non ?

Je changeais d’univers, je le savais. J’habite à Tongres où on me parle tous les jours du Standard. La vie d’un footballeur est forcément plus calme à Malines. Le Standard ne quitte jamais la une des médias : le moindre fait est agrandi, mis en évidence. Une semaine après avoir signé à Sclessin, je prenais part à un tour préliminaire de la Ligue des Champions contre Zurich. Puis, nous avons été loin en CE2. Cela me changeait par rapport à Malines qui vit deux ou trois top matches par saison.

C’est Jean-François de Sart qui désirait absolument vous engager ?

Oui, entre autres, car il me connaissait de l’équipe nationale Espoirs. En 2011-12, José Riga m’a d’abord uni à Mbaye Leye et à Pape Camara dans la ligne médiane où, on l’oublie trop vite, tout était à refaire après des départs comme ceux d’Axel Witsel et de Steven Defour. Quand William Vainqueur est arrivé, je me suis demandé pourquoi le Standard avait engagé un numéro 6, comme moi. Je me suis vite rendu compte que cela fonctionnait entre nous deux. Riga a opté pour le 4-4-2 à l’occasion de notre déplacement européen à Poltava, en Ukraine. Et, petit à petit, ma position sur le terrain a changé. J’ai traversé des moments creux comme ce fut le cas en novembre et en décembre 2012. Nous avons beaucoup travaillé durant le stage hivernal : position, couvertures, automatisme, pressing sur le porteur du ballon. Cet investissement a tout de suite payé dans mon rendement collectif avec William. Je me suis retrouvé de plus en plus en plus souvent dans le camp adverse.

 » Vainqueur est plus élégant que moi  »

Votre style est totalement différent par rapport à celui de Vainqueur…

En effet. William est plus élégant que moi. J’ai ma façon de courir et d’avaler les kilomètres. Je ne suis pas Vainqueur et il n’a pas mon style mais l’essentiel se situe dans notre complémentarité. Je chasse le ballon plus haut mais je décroche souvent pour l’aider devant la défense. Notre entente ne cesse de s’améliorer.

Le départ de José Riga vous avait-il surpris ?

Tout à fait, je ne m’y attendais pas. Le Standard a avancé avec lui et méritait mieux au regard de sa saison : on n’a retenu que les PO1 en oubliant tout le reste. Riga m’a accordé sa confiance. J’ai été déçu en apprenant la nouvelle de son départ. Riga m’a marqué comme Marc Brys, Peter Maes ou Herman Helleputte. Il est plus proche de Brys que de Maes. Après Paul Put, René Trost, Kjetil Rekdal et Hellepute au Lierse, j’ai connu Maes à Malines. En signant là-bas, je savais à quoi m’attendre. Maes est un tout bon coach qui a l’art de motiver ses joueurs, de les piquer, de les mettre en situation de défi, de dépassement de soi. Oui, il crie beaucoup. Cela peut perturber mais, paradoxalement, un joueur doit surtout s’inquiéter quand Maes ne hurle plus sur lui. C’est la preuve que Maes ne croit plus en ce gars-là. J’ai vécu cela de façon positive. Brys, plus porté sur le dialogue, comme Riga, et Maes m’ont beaucoup apporté. Je m’adapte à mes coaches : seul Rekdal ne m’a plus fait confiance après un retour de blessure.

Comment expliquez-vous l’échec de Ron Jans au Standard ?

On ne joue pas ici comme aux Pays-Bas où le jeu est plus ouvert. Les Hollandais prennent des risques offensifs alors que les équipes belges, très athlétiques, vivent plus dans leur camp, attendent l’erreur et la possibilité de placer des contres : c’est une autre culture de jeu et Jans ne l’a pas compris tout de suite, c’est dommage. Il a changé son fusil d’épaule : 4-3-3 au départ puis un losange dans la ligne médiane. Je savais que ce serait dur : cette occupation de terrain ne nous convenait pas du tout. J’ai été remplacé deux fois au repos en début de saison. Je n’ai rien dit, je ne suis pas du genre à demander des explications au coach, même quand je jouais sur la droite du losange alors que je préfère l’axe. Ma réponse, c’est le travail et l’entraînement : c’est ainsi que j’ai convaincu Jans. Le problème n’était pas d’ordre physique. Je me sentais en bonne condition. J’aurais évolué à n’importe quelle place et j’ai cru que le succès à Charleroi nous relancerait…

Le départ de Jans vous a-t-il étonné ?

Non : le Standard était 12e et un retournement de situation ne se dessinait pas à l’horizon. Notre classement était lamentable. Tout le monde appréciait Jans mais la direction n’avait pas d’autre solution que sa mise à l’écart. Il a beaucoup été question du point presse des joueurs après ce départ. Au Standard, tout prend une autre dimension. Les joueurs n’ont pas contesté la décision de la direction : ils ont assumé le poids de leurs responsabilités.

En quoi Mircea Rednic a-t-il tout changé ?

Il y a tout de suite eu le retour au 4-4-2 avec un succès à Genk pour prouver que c’était la bonne décision tactique. Dans un premier temps, Jelle Van Damme s’est installé sur la gauche de la ligne médiane. Il y a presque deux ans que les choses sont claires pour moi : la meilleure place de Jelle se situe au back gauche. Mais Sébastien Pocognoli y était indiscutable. Poco le serait dans tous les clubs du top belge et il s’est installé dans son nouveau club, en Allemagne. Son départ a offert un champ d’action qui convient parfaitement à notre capitaine. C’est difficile de se passer de lui. Quant à Rednic, c’est un compétiteur : il a choisi une voie et il faut le suivre. Son message est bien passé dans l’effectif et le redressement a suivi : maintenant, une confirmation s’impose durant les PO1. Rednic est ferme. Je ne dis pas que c’est indispensable au Standard mais c’est utile quand on a un vestiaire aussi jeune que le nôtre. A 25 ans, je suis un des aînés.

 » Michy et Imoh sont formidables  »

Vous saviez donc que Rednic redresserait la barque ?

Oui, il connaît le football belge, ce qui n’était pas le cas de Jans. Rednic l’a prouvé via le travail défensif. Le Standard encaissait trop de buts, tout le travail défensif é été revu. Et cela commence par les deux attaquants de pointe (au lieu d’un chez Jans) qui mettent la pression sur la défense adverse. C’est plus facile pour William et pour moi. Le 4-4-2 a fait du bien dans toutes les lignes.

En janvier, Rednic a obtenu ses renforts : était-ce utile alors que tout tournait à un haut régime ?

Le coach est ambitieux et veut aller plus loin. Il est dans l’exigence et notre effectif a ses potentialités et ses limites. La saison est longue et il faut tenir compte des absences pour blessures et suspensions. Nous l’avons constaté la saison passée. Le but est de bonifier le groupe : je ne crains pas la concurrence qui oblige tout le monde à travailler encore plus.

Est-ce que Cristea pourrait inciter Rednic à changer ses plans au coeur de la ligne médiane ?

Non, je ne crois pas.

Sûr ?

L’occupation nous convient, je ne vois pas ce qui doit changer. Cristea a eu besoin d’un peu de temps pour trouver ses marques mais c’est vraiment un très bon technicien qui découvre notre D1. Il nous rendra forcément des services durant les PO1. Cette présence est indispensable, celle des autres renforts aussi. Devant, par exemple, Michy et Imoh sont formidables et un grand avenir les attend mais ils sont jeunes. Ils ne peuvent pas tout faire à deux durant toute une saison. Les nouveaux Japonais ont du talent et sont très rapides : à mon avis, ils seront parfaitement adaptés la saison prochaine.

Et Cristea comme numéro 10, ça vous dit quoi ?

Il faudrait abandonner le 4-4-2 actuel. Cristea a toutes les qualités nécessaires mais je ne sais pas si le Standard a besoin d’un 10 traditionnel. Imaginons que ce soit le cas avec le seul Vainqueur derrière lui, cela poserait des problèmes. Le duo que je forme avec Vainqueur a fait ses preuves. Cristea a de toute façon déjà montré son coup de patte. Tout le monde devra être sur le pont et il faut des alternatives. Je peux me blesser, William aussi. Le sort du Standard dans les PO1 ne peut absolument pas dépendre d’un ou deux joueurs : il faut beaucoup de cartouches..

Vous attendiez-vous à être aussi apprécié au Standard ?

Je savais que mon travail pouvait convenir à ce club. C’est aussi pour cela que j’ai accepté. Mais pour nous tous, quand on a un exemple comme Jelle Van Damme, il est facile de voir ce que le public de Sclessin adore par-dessus tout : le travail, y croire jusqu’au bout.

PAR PIERRE BILIC-PHOTO : – PHOTOS: IMAGEGLOBE/ KETELS

 » Bruges sera notre principal adversaire dans la lutte pour la deuxième place.  »

 » Tout le monde appréciait Jans mais la direction n’avait pas d’autre solution que sa mise à l’écart.  »

 » Je ne crains pas la concurrence.  »

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