» Notre structure professionnelle est unique en Belgique « 

L’ex-international devenu manager sportif de Bruges explique comment, avec l’aide de toute une équipe, il a complètement restructuré le Club.

En cette première semaine de juillet, les joueurs du Club de Bruges ont pris leurs quartiers à l’école hôtelière de Coxyde pour leur stage estival. C’est le jour où la base militaire de la cité organisait son traditionnel show aérien que le nouveau manager sportif Sven Vermant nous y a accueilli. En espérant que, pour les blauwenzwart, cela vole un peu plus haut que la saison dernière.

Voilà six mois que vous avez pris vos nouvelles fonctions…

SvenVermant : Des mois très intenses, avec des journées bien remplies. Mais ce n’est pas pour me déplaire. Cela correspond à l’idée que je me faisais de cette fonction. Nous avons d’abord analysé la manière dont le Club était organisé et nous avons regardé ce qu’il était possible d’améliorer pour avoir la structure d’un club du top belge.  » Nous « , c’est le nouveau président Bart Verhaeghe, le nouveau directeur général Vincent Mannaert, mon collègue Henk Mariman et moi-même. Car nous sommes deux directeurs sportifs : Henk s’occupe davantage de l’organisation et moi de l’aspect sportif. Mais, dans certains domaines, les deux aspects s’entremêlent. Le scouting, par exemple. Une toute nouvelle cellule a été mise en place. Différents départements ont été créés : management, finances, commercial et relations publiques. Avec, pour chacun, un directeur. Cela se rapproche du fonctionnement d’une entreprise. Je crois que nous sommes le premier club en Belgique à travailler de la sorte.

Vous imaginiez-vous dans ce rôle, au terme de votre carrière de joueur ?

Je n’ai jamais établi de plan à long terme. Quand j’ai raccroché les crampons, j’ai d’abord suivi des cours d’entraîneur. J’ai obtenu mon diplôme UEFA A et j’ai intégré le staff technique des jeunes du Club de Bruges. J’ai d’abord effectué un stage chez les U14 et, assez rapidement, j’ai pris les Espoirs en charge. On m’a ensuite proposé le poste de manager sportif que j’ai accepté. Cela m’éloigne évidemment du terrain, mais il faut faire des choix.

L’expérience acquise durant cinq ans en Bundesliga avec Schalke 04 peut-elle vous être utile dans cette fonction ?

Certainement. L’Allemagne a toujours été réputée pour son organisation, ses structures et sa discipline. J’aime travailler au sein d’une bonne organisation, où les tâches sont bien réparties, je trouve que cela facilite les choses. Lorsque j’étais joueur à Schalke 04, aussi curieux que cela puisse paraître, j’étais déjà très proche de la direction. J’avais de très bonnes relations avec le manager Rüdi Assauer et son adjoint Andreas Müller. Leur mode de fonctionnement m’intéressait. Je pense avoir beaucoup appris à leur contact et cela me servira certainement aujourd’hui. Quelque part, sans le savoir, j’avais peut-être déjà découvert ma vocation dans la Ruhr. Je suis un homme ambitieux et j’aime aller de l’avant. Si j’ai accepté le poste de manager sportif à Bruges, c’est parce que j’étais convaincu qu’on allait travailler d’une manière très pro. Et c’est exactement ce qui me convient.

 » Plus de titre depuis 2005 : du changement était nécessaire « 

L’aspect sportif, et donc le recrutement, c’est votre domaine ?

Il n’y a pas que le recrutement. Nous avons, par exemple, mis en place un  » centre de performances personnelles  » au sein duquel chaque joueur sera évalué individuellement. Au-delà d’Adrie Koster, de son nouvel adjoint Rudi Verkempinck, de l’entraîneur des gardiens Dany Verlinden, du préparateur physique Joost Desender et du  » coach de performance  » Siebe Hanosset (qui collectionne toutes les données en matière de rythme cardiaque, alimentation, etc.), des entraîneurs individuels ont été engagés : Kenneth Brylle pour les attaquants, Stefan Van der Heyden pour les milieux de terrain, Philippe Clement pour les défenseurs. Tous d’anciens joueurs qui ont l’expérience du haut niveau. On travaille en collaboration avec Peter Hespel, de l’université de Louvain, qui conseille les joueurs en matière d’alimentation, d’hydratation, de préparation. Ils sont aussi conseillés pour leurs contacts avec la presse. Sur le plan sportif, nous avons analysé l’équipe dans les moindres détails. Une série de réunions ont eu lieu avec Adrie Koster. Nos conclusions correspondaient à celles de l’entraîneur. A partir de là, nous avons déterminé, ensemble, les positions qui devaient être renforcées.

Koster a donc participé, depuis le début, à la constitution de la nouvelle équipe alors que son avenir était incertain ?

On s’est beaucoup concerté, oui. Et il a toujours été convenu qu’une évaluation ne serait faite qu’en fin de saison. Les délais ont été respectés.

En fin de saison, le coach néerlandais semblait pourtant sur le départ. Le nom de Francky Dury revenait même avec insistance…

Dans ce genre de situation, on ne peut jamais empêcher les spéculations. De notre côté, nous ne pouvions apporter une réponse claire à propos du coach qu’après avoir effectué les évaluations prévues. Donc, pas avant la fin de saison.

Dans la plupart des clubs, après une ou deux saisons décevantes, l’entraîneur paie les frais. Ici, il est resté en place et c’est l’équipe qui a été renouvelée.

Oui. Mais on a analysé si Koster pourrait fonctionner au sein de la nouvelle structure et s’il s’y retrouverait. C’était le cas, il était sur la même longueur d’ondes. Nous avons donc décidé de poursuivre la collaboration. Mais, d’un autre côté, il fallait du changement : Bruges n’a plus été champion depuis 2005 et n’a plus remporté la Coupe de Belgique depuis 2007. C’est long pour un club de ce calibre. Il fallait donc repartir sur de nouvelles bases. Des profils de joueurs recherchés ont été établis pour chaque position. Les qualités footballistiques ont été analysées, mais aussi les qualités mentales, un aspect de plus en plus important dans le football moderne.

Des exigences ont-elles été posées à Koster en matière de résultats ?

Nous n’exigeons pas nécessairement un trophée cette saison, mais il faudra en tout cas faire mieux que la saison dernière. Une troisième place est, donc, un minimum. Nous attendons de Koster qu’il tire le maximum du groupe mis à sa disposition. Mais on attend cela de tous les entraîneurs dans tous les clubs, je pense.

 » Des joueurs au profil brugeois, mais pas uniquement « 

La plupart des joueurs engagés semblent se rapprocher du profil correspondant aux anciennes valeurs du Club : engagement, solidarité, physique plutôt que technique… Björn Vleminckx, par exemple, correspond parfaitement à ce profil.

Il ne faut pas en faire une généralité. Vleminckx correspond, en effet, à ce type de joueur… même si je suis persuadé que ses qualités techniques en surprendront plus d’un. S’il n’avait pas de technique, il n’aurait pas inscrit autant de buts dans le championnat des Pays-Bas. Mais nous avons aussi engagé d’autres types de joueurs. Lior Rafaelov, un international israélien, est beaucoup plus frivole : il est capable de faire la décision sur une action individuelle. Victor Vazquez, qui vient de l’équipe B du Barça, possède aussi de grandes qualités techniques. Il a suivi toute la filière des équipes d’âge de La Masia, avec tout ce que cela suppose comme type d’enseignement. Il a réalisé une très bonne saison en D2, à l’image de son équipe, et a également effectué l’une ou l’autre apparition en équipe Première, dans les matches de Ligue des Champions où Pep Guardiola avait décidé de faire tourner son équipe. Il possède donc de solides références, mais je pourrais comprendre qu’il ait besoin d’une période d’adaptation car le football belge est tout de même très différent du football espagnol. Il n’empêche que ces joueurs, malgré leurs différences, correspondaient au profil de joueurs que nous recherchions. Il faut voir le recrutement dans sa globalité. Je pense que nous avons réalisé un bon mélange de qualités footballistiques et mentales. Avec des joueurs aux qualités différentes mais qui, tous, ont faim et une forte envie de progresser. En mettant ces qualités au service de l’équipe, ils devraient la rendre meilleure.

Les Scandinaves reviennent à la mode. Ils sont plusieurs à Bruges, comme à Anderlecht. Y a-t-il une raison à cela ?

Il y avait déjà eu une période scandinave en Belgique, autrefois. Puis, les footballeurs africains, voire sud-américains, sont arrivés en nombre. Je ne sais pas si c’est un simple phénomène de mode. Les clubs scandinaves connaissent des difficultés financières, pour l’instant, et cela incite les joueurs à aller voir ailleurs.

Le nom du Club de Bruges a-t-il conservé un certain prestige à l’étranger ?

J’en ai l’impression, oui. D’une part, il y a l’héritage du passé : le Club de Bruges est toujours un nom. Et d’autre part, les nouvelles structures mises en places semblent impressionner les joueurs contactés. Elles ont positivement influencé leur choix, au moment où ils ont dû prendre une décision. Ils ont eu le même sentiment que celui que j’ai eu lorsque j’ai opté pour Schalke 04, jadis : celui d’un club bien organisé où je pourrais me concentrer sur l’essentiel. C’est ce qui a, par exemple, orienté le choix de Vazquez qui a préféré Bruges à un club de milieu de tableau en Espagne. Et je pense que les premières semaines passées ici ont confirmé leurs impressions : tout est très professionnel.

Nabil Dirar a reçu une nouvelle chance, alors qu’il avait été renvoyé dans le noyau B la saison dernière…

Sa saison dernière a été tourmentée, mais on espère que tout est rentré dans l’ordre. De notre côté, nous avons constaté qu’en fin de championnat, il avait été l’un des éléments les plus en vue. Nous espérons simplement qu’il continuera sur cette lancée.

En parlant d’éléments en vue : Bruges en a perdu deux, avec Ivan Perisic et Ronald Vargas…

Effectivement. Nous en avons tenu compte dans l’établissement des profils recherchés. Et nous pensons que Vazquez et Rafaelov seront à la hauteur.

D’un point de vue brugeois : il était préférable de se séparer d’un élément mécontent comme Vargas qui aurait pu pourrir l’ambiance ?

Je ne sais pas s’il aurait pourri l’ambiance, mais il est effectivement préférable que les joueurs qui portent le maillot du Club soient heureux d’être là.

Que peut-on attendre d’un jeune joueur comme Thomas Meunier ?

Il vient de D3. Et l’écart entre Virton et Bruges est grand, pas seulement d’un point de vue géographique. Peut-être aura-t-il besoin d’une période d’adaptation, et nous sommes prêts à la lui accorder, mais peut-être s’érigera-t-il en bonne surprise. Si autant de clubs de D1 lui ont fait les yeux doux, c’est que nous n’étions pas les seuls à croire en lui. Nous avons d’ailleurs continué à suivre ses prestations après janvier, alors qu’il avait déjà signé, et les rapports furent toujours positifs. C’est à lui à saisir sa chance lorsqu’elle se présentera.

 » Les play-offs ont changé la manière d’appréhender une saison « 

L’incorporation des jeunes du Club constitue-t-elle aussi un objectif ? Colin Coosemans a été promu gardien n°1 et le médian Thibaut Van Acker devrait recevoir sa chance…

Ce ne sont que deux exemples. Sven Dhoest, qui n’a que 17 ans, sera gardien n°3 derrière Coosemans et Kujovic. Jimmy Dejonghe (un flanc gauche défensif ou offensif selon le cas), Jannes Van Steenkiste (défenseur), Fries Deschilder (médian), Nick Van Belle (attaquant) et Zinho Gano (attaquant) ont aussi rejoint le noyau A. Philippe Clement constitue le lien entre l’équipe Première et le noyau Espoirs, puisqu’il est l’entraîneur des défenseurs chez les pros et l’entraîneur en chef des seconds.

Où en est la formation, par rapport à l’Académie Robert Louis-Dreyfus qui est souvent citée en exemple ?

On y travaille. Et l’incorporation de tous ces jeunes dans le noyau A doit envoyer un signal à ceux qui militent encore en équipe d’âge, en leur faisant comprendre qu’à Bruges aussi, les portes de l’équipe Première peuvent s’ouvrir à ceux qui le méritent. D’un autre côté, les jeunes Flamands arrivent généralement à maturité plus tard que les jeunes Africains.

Comment voyez-vous le championnat qui s’annonce ? Bruges peut-il avoir une belle carte à jouer, lorsqu’on voit qu’Anderlecht se cherche encore, que Genk est perturbé par les rumeurs de transfert et que le Standard est en pleine res-tructuration après la reprise par Roland Duchâtelet ?

Je préfère regarder dans mon assiette. Je m’efforcerai donc de faire progresser le Club, sans trop me préoccuper de ce qu’il se passe ailleurs.

D’un autre côté : c’est peut-être la bonne année pour renouer avec la conquête du titre, puisque le champion sera directement qualifié pour les poules de C1…

Toutes les années sont bonnes. Tous les candidats au titre savent que cette saison-ci offrira un bonus très intéressant. Mais, en ce qui nous concerne, cela ne nous mettra ni plus ni moins de pression. Nous sommes réalistes : dix nouveaux joueurs ont été engagés, et dans ce cas-là, on ne peut jamais être certain que la sauce prendra directement. Par ailleurs, la saison sera longue. On a coutume d’affirmer que c’est en fin de championnat qu’a lieu la remise des prix. C’est encore plus vrai dans la formule actuelle.

Et donc veiller à ce que les joueurs atteignent leur pic de forme en avril et mai ?

D’une certaine manière, oui. Les 30 premiers matches ne constituent, en réalité, qu’un long round de qualification. Encore faut-il terminer parmi les six premiers. On ne peut donc pas trop négliger la phase classique non plus.

PAR DANIEL DEVOS – PHOTOS: REPORTERS/ GOUVERNEUR

 » Les nouveaux joueurs découvrent à Bruges ce que j’ai moi-même découvert à Schalke 04 : un club parfaitement structuré. « 

 » Koster doit faire mieux que l’an passé. Une troisième place est donc le minimum. « 

 » Bruges n’a plus été champion depuis 2005 et n’a plus remporté la Coupe de Belgique depuis 2007, c’est long… « 

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